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« Il faut stopper l’étalement urbain » (Manuelle Gautrand)…pour faire des tours encore plus hautes?

« Il faut stopper l’étalement urbain » (Manuelle Gautrand)…pour faire des tours encore plus hautes?

La vision caractéristique d’une  architecte qui prône la surconcentration urbaine en élevant encore la hauteur des bâtiments et en construisant des tours …. Avec un peu de lien social. Comme si la supercontration urbaine constituait le seul projet urbanistique et la seule vision de l’aménagement du territoire. Certes on peut comprendre que l’étalement urbain pose des problèmes mais villes moyennes et petites, territoires ruraux sont loin d’être saturées et peuvent accueillir des populations tassées dans des villes de plus en plus inhumaines. Extrait de l’interview dans la Tribune :

 

MANUELLE GAUTRAND - Les villes doivent tout d’abord appréhender leur pouvoir : se rendre compte qu’elles attirent, de plus en plus, et qu’elles ne vont cesser de grandir. Certaines métropoles sont souvent, déjà aujourd’hui, plus fortes et plus puissantes que des États.

En France, les projections statistiques expriment que le territoire de la France métropolitaine doit se préparer à accueillir 11,5 millions d’habitants nouveaux d’ici à 2050, dans ses grandes villes et ses métropoles, dont environ 3 millions supplémentaires en région parisienne. Les villes doivent en premier lieu apprendre à accueillir, et à le faire bien, en apportant la dignité et le confort nécessaires aux personnes qui arrivent.

Ce flux vers les grandes villes est-il à l’origine de nouvelles contraintes pour la ville ?

Cette « nouvelle donne » est génératrice de nouvelles contraintes, certes, mais également de grandes opportunités, pour penser et construire un cadre de vie plus humain, adapté à nos nouveaux besoins.

Pour cela, les villes doivent apprendre à être réactives et agiles. Elles doivent être plus inclusives, plus généreuses. Elles doivent mettre l’humain, l’usager, son confort et son bien-être, au coeur de leur développement, et les architectes peuvent, à travers leurs projets, favoriser cette évolution.

Une « ville plus humaine » signifie une ville aménagée et construite de manière à ce que ses habitants soient proches des services essentiels, le plus proche possible des lieux de travail, dans un cadre de vie agréable et accueillant. Cela signifie également une ville qui intègre les initiatives individuelles et collectives, qui rende le dialogue entre gouvernance territoriale, opérateurs privés et suggestions citoyennes plus facile et constructif, car je sais qu’il peut être très constructif.

Comment imaginez-vous les villes de demain ? Horizontales et tentaculaires ou comme les représente le film Blade Runner, verticales et massives ?

Une métropole doit forcément être « polycentrique » : un seul coeur ne peut satisfaire, avec le même degré de qualité, tous les habitants. Mettre en valeur et développer plusieurs polarités est une nécessité presque vitale. Ces polarités doivent s’articuler et se répondre entre elles. Chacune doit cultiver sa spécificité et sa différence, ses symboles et ses monuments, et en même temps son lien unique avec les autres. Une ville est un fantastique espace de flux qu’il faut ordonnancer. Il est essentiel de stopper l’étalement urbain et de revenir en quelque sorte sur l’existant, le magnifier, le retravailler, le déconstruire si besoin ou le faire évoluer. Une ville plus compacte est ainsi une ville qui rationalise son utilisation de l’espace et qui organise différemment les programmes qu’elle abrite : non seulement à l’horizontale, mais également à la verticale. Il s’agit d’un grand avantage pour les habitants, car elle favorise la proximité et la mixité, programmatiques comme humaines. Elle permet ainsi de penser davantage par « polarités » qui cumulent plusieurs espaces et fonctions.

Avez-vous quelques exemples qui proposent des schémas à suivre ?

Le projet que nous menons actuellement à Stockholm illustre parfaitement cette idée de renouvellement et presque de « construction de la ville sur la ville ». Nous travaillons pour les investisseurs Areim/SEB sur la restructuration d’un très beau bâtiment historique et classé situé en plein centre de la ville, projet dont la livraison est prévue en 2021. Nous le faisons « la main dans la main » avec la ville de Stockholm et les élus, qui participent à nos travaux et nous encouragent à redonner vie à ce « navire urbain » magnifique mais devenu partiellement obsolète. Redonner vie à cet ensemble monofonctionnel de bureaux implique de travailler sur le fond : modifier les usages, intégrer de nouveaux programmes, rendre son rapport à la ville plus ouvert et moins monumental, fluidifier les relations de ce patrimoine avec le quartier. C’est un travail urbain, programmatique et très sensible.

Outre cette restructuration, le projet prévoit une surélévation de plusieurs niveaux qui vient se poser délicatement sur les toitures, et qui s’articule pour se glisser, comme une pièce de puzzle manquante, dans la magnifique silhouette de la vieille ville. Car, à l’inverse de la plupart des bâtiments du centre-ville, le bâtiment existant des années 1970, un fleuron de l’architecture brutaliste suédoise, ne possède qu’une toiture plate : en réalité, cette longue volumétrie plissée que nous créons vient finalement compléter le bâtiment existant et lui ajoute la toiture qui lui manquait.

Comment votre démarche créative a-t-elle fait germer ce projet ?

J’ai été impressionnée par la silhouette de Stockholm, faite d’une sculpture de toitures souvent ornementées dans une magnifique palette de couleurs. Ce grand paysage m’a inspirée et j’ai souhaité créer une surélévation qui réinterprète en quelque sorte cette silhouette suédoise si exceptionnelle. Le pliage de toiture est aussi l’opportunité de glisser entre existant et surélévation un magnifique espace de respiration, constitué d’un jardin en belvédère donnant sur le paysage alentour. En partie dédié aux bureaux, il est également destiné à un restaurant et à des programmes publics : ce jardin donne un accès aux Suédois qui peuvent désormais admirer leur ville. Il devient un lieu destination et un point de repère dans la ville.

Ainsi de la même manière que le projet s’accapare le haut du bâtiment pour le réveiller et lui adjoindre cette extension remarquable, le projet s’attèle à restaurer des liaisons généreuses en partie basse avec les espaces publics et le quartier : le jardin est ouvert, le pavillon investi d’un restaurant, le sous-sol transformé en espace commercial relié par un patio vers le jardin en surplomb.




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