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Front républicain : une solution de court terme

Front républicain : une solution de court terme

 

Faire barrage au RN lors des seconds tours n’est qu’une solution de court terme et ne doit pas occulter la progression soutenue de l’extrême droite, souligne le chercheur dans une tribune au « Monde ». Le front républicain n’a de sens que si les forces politiques qui en bénéficient s’attellent à lutter contre les causes structurelles d’un vote qui n’a depuis longtemps rien d’accidentel.
Le front républicain a indubitablement montré, lors du second tour de ces élections législatives, une vigueur que peu soupçonnaient encore. Côté partis, la pratique massive des désistements – assurée aux trois cinquièmes par la gauche et aux deux cinquièmes par le centre – a abouti à faire tomber le nombre de triangulaires de 306 à 89, contribuant à limiter considérablement le nombre de députés Rassemblement national (RN) élus : dans les onze triangulaires maintenues où le RN arrivait en tête lors du premier tour, une seule circonscription a échappé au parti de Jordan Bardella. Côté électeurs, le report massif en faveur du candidat opposé au prétendant RN a fonctionné : selon Ipsos, 70 % des électeurs du Nouveau Front populaire (NFP) ont voté pour le candidat Ensemble ou Les Républicains (LR) quand il était en duel contre le RN, tandis que 54 % des électeurs Ensemble orphelins ont voté pour le candidat du NFP (hors LFI) contre 15 % pour le RN (respectivement 46 % et 19 % quand le candidat était LFI).

La force du front républicain étonne d’autant plus que nombre d’acteurs politiques s’étaient évertués à l’éroder – à commencer par le Rassemblement national lui-même –, voire à tenter de le renverser en présentant La France insoumise [LFI] comme l’ennemi principal. Lors de la très courte campagne précédant le premier tour, le camp présidentiel a ainsi réservé autant de piques à la gauche qu’à l’extrême droite. A cet égard, le choix de la plupart des électeurs du centre et même de certains électeurs de droite démontre la persistance d’une mémoire politique à laquelle bien peu de leurs candidats favoris ont su rendre hommage. Energique bien que polarisante à gauche, sélective et parfois opportuniste au centre, généralement absente à droite, la rhétorique du front républicain résonne encore dans une part considérable de l’électorat qui a dû voter pour un candidat dont elle désapprouvait le projet au nom d’un intérêt supérieur.
Pour autant, le « barrage » n’est qu’une solution de court terme et ne doit pas occulter la progression soutenue de l’extrême droite dans les urnes. Avec 143 députés (alliés ciottistes compris) et 10,6 millions de voix obtenues au premier tour, le RN bat de nouveau son record – et de loin. Le parti se normalise dans de nombreux voisinages, est en voie de notabilisation dans des territoires où il devient hégémonique, comme le Bassin méditerranéen, la Picardie ou la Lorraine, et dispose désormais de solides relais de propagande médiatique pour mettre ses thèmes, polémiques et idées au cœur du débat public.

Le camp présidentiel sauvé par le Front républicain

Le  camp présidentiel sauvé par le   Front républicain

 

 

Finalement en examinant les chiffres de près on peut observer que le front républicain a largement profité au camp présidentiel. Certes l’ancienne majorité a perdu des députés mais beaucoup moins que prévu : seulement une centaine. De quoi entretenir un peu plus la confusion concernant les oppositions entre la gauche et la majorité macronistes. Les macronistes et leurs alliés avec environ 160 députés se classent ainsi devant le Rassemblement national qui écope de la troisième place avec 143 députés, donnant du même coup tort aux sondages qui annonçaient le parti nationaliste gagnant.
Ces résultats trouvent leur origine dans les désistements massifs pour constituer un «front républicain». Dans les faits, le «barrage» au Rassemblement national a bénéficié majoritairement au camp présidentiel. Des dizaines de candidats issus de différents partis politiques ont effectivement annoncé leur retrait dans 223 circonscriptions, parmi les quelque 300 triangulaires initialement prévues au second tour.

Législatives– LFI pourrait perdre la majorité au sein du front populaire

Législatives– LFI  pourrait perdre la majorité au sein  du front populaire

 

Théoriquement sur le papier  LFI a le plus de chance de gagner au deuxième tour des législatives dans le cadre du nouveau front populaire. Reste que LFI constitue  pour beaucoup d’électeurs une sorte d’épouvantail. En outre, nombre d’électeurs ne pourront jamais voter LFI. De sorte qu’au total LFI pourrait perdre la majorité au sein du front populaire.

Dans le détail, entre 58 à 72 sièges reviendraient à LFI (contre 75 en 2022) au soir du 7 juillet. Entre 33 à 43 sièges deviendraient socialistes (contre 31 en 2022) et de 28 à 38 sièges pour EELV (23 en 2022). Et enfin 6 à 12 pour le Parti communiste (ils étaient 22 dans le groupe gauche démocrate et républicaine) qui sort affaibli après ce premier tour à l’image de la défaite dès le premier tour de son secrétaire national Fabien Roussel. Cependant parmi les dissidents, une majorité de bien placés est issue de La France insoumise.

Politique- LFI pourrait perdre la majorité au sein du front populaire

Politique- LFI  pourrait perdre la majorité au sein  du front populaire

 

Théoriquement sur le papier  LFI a le plus de chance de gagner au deuxième tour des législatives dans le cadre du nouveau front populaire. Reste que LFI constitue  pour beaucoup d’électeurs une sorte d’épouvantail. En outre, nombre d’électeurs ne pourront jamais voter LFI. De sorte qu’au total LFI pourrait perdre la majorité au sein du front populaire.

Dans le détail, entre 58 à 72 sièges reviendraient à LFI (contre 75 en 2022) au soir du 7 juillet. Entre 33 à 43 sièges deviendraient socialistes (contre 31 en 2022) et de 28 à 38 sièges pour EELV (23 en 2022). Et enfin 6 à 12 pour le Parti communiste (ils étaient 22 dans le groupe gauche démocrate et républicaine) qui sort affaibli après ce premier tour à l’image de la défaite dès le premier tour de son secrétaire national Fabien Roussel. Cependant parmi les dissidents, une majorité de bien placés est issue de La France insoumise.

LFI pourrait perdre la majorité au sein du front populaire

LFI  pourrait perdre la majorité au sein  du front populaire

 

Théoriquement sur le papier  LFI a le plus de chance de gagner au deuxième tour des législatives dans le cadre du nouveau front populaire. Reste que LFI constitue  pour beaucoup d’électeurs une sorte d’épouvantail. En outre, nombre d’électeurs ne pourront jamais voter LFI. De sorte qu’au total LFI pourrait perdre la majorité au sein du front populaire.

Dans le détail, entre 58 à 72 sièges reviendraient à LFI (contre 75 en 2022) au soir du 7 juillet. Entre 33 à 43 sièges deviendraient socialistes (contre 31 en 2022) et de 28 à 38 sièges pour EELV (23 en 2022). Et enfin 6 à 12 pour le Parti communiste (ils étaient 22 dans le groupe gauche démocrate et républicaine) qui sort affaibli après ce premier tour à l’image de la défaite dès le premier tour de son secrétaire national Fabien Roussel. Cependant parmi les dissidents, une majorité de bien placés est issue de La France insoumise.

 

« Une sympathie critique pour le Nouveau Front Populaire »

« Une ne sympathie critique pour le Nouveau Front Populaire » ( E. Morin)

 Edgar Morin, intellectuel transdisciplinaire et théoricien de la « pensée complexe », situe la crise politique française dans une crise mondiale de la démocratie. Il aura 103 ans le lendemain du second tour des législatives. ( dans la Tribune)

Edgar Morin, intellectuel transdisciplinaire et théoricien de la « pensée complexe », aura 103 ans le 8 juillet, lendemain du second tour. Il situe la crise politique française dans une crise mondiale de la démocratie.

Vous avez passé votre vie à réfléchir à la méthode ; or la méthode, comme l’étymologie l’indique (en grec, odos « chemin » et meta, « vers »), signifie « le bon chemin ». Quel est le bon chemin aujourd’hui pour la France ?

EDGAR MORIN - J’ai explicité ce chemin dans mon livre La Voie. Il s’agit d’abord d’une grande refondation politique à partir d’une pensée du monde, de l’homme, de l’histoire comme le fut celle de Marx et qu’il faut renouveler. Une telle pensée devrait déboucher sur une réforme économique limitant la toute-puissance du profit, sur une réforme sociale réduisant les inégalités, écologique réduisant dégradations et pollutions urbaines et rurales, et qui concerne tous les secteurs : éducation, santé, alimentation, conditions de vie, urbanisme. Je trouve certains éléments de réforme dans le programme du Nouveau Front populaire, mais il manque une grande pensée directrice.

 

 Qu’est-ce à dire ?

Comme il s’est constitué à partir de l’émiettement de la gauche, le Nouveau Front populaire subit des querelles de personnes et d’idées. Il y a des aspects positifs dans son programme, comme la lutte contre les inégalités et contre l’hégémonie du profit. Sans compter son écologisme affirmé. Mais il lui manque une pensée fondatrice et la formulation claire et cohérente d’un nouveau chemin ; toutefois il porte en lui un minimum réformateur et il devrait demeurer le bastion des valeurs issues au XIXe siècle de l’anarchisme (liberté des individus), du communisme (fraternité) et du socialisme (société meilleure).

On sent votre sympathie à l’endroit de ce Nouveau Front populaire…

J’ai pour lui, c’est vrai, une sympathie critique qui m’incite à le soutenir dans la conjoncture actuelle.

La conjoncture nationale ou internationale?

Il faut contextualiser la crise française qui, tout en ayant ses caractères propres, se situe au sein d’une crise mondiale de la démocratie. Celle-ci concerne diversement tous les continents, y compris les Etats-Unis, et elle est européenne avec la dictature de Poutine, l’autoritarisme – religieux d’Erdogan, le régime néo-autoritaire d’Orbán en Hongrie, la réhabilitation du fascisme par Giorgia Meloni en Italie, la menace directe d’une victoire du RN en France, sans parler des différents mouvements dits populistes et néo-autoritaires dans plusieurs pays d’Europe. Cette crise mondiale est due à la fois à l’hégémonie planétaire du profit, qui a aggravé les inégalités, et à la dégradation des partis de plus en plus vides de pensée : toute politique doit se fonder sur une conception du monde, de la vie, de l’homme, de l’histoire comme le fut le marxisme aujourd’hui périmé en grande partie, comme le fut la pensée de Tocqueville pour les partis du centre et de droite. La crise mondiale est aussi très gravement une crise écologique, qui non seulement détruit en partie la biosphère mais affecte et pollue les civilisations et les sociétés. Elle est également la crise de la mondialisation qui, au lieu de donner la conscience d’un destin commun à toutes nations, a produit non pas solidarité mais divisions et conflits. Elle est une crise de la paix relative qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, avec la guerre d’Ukraine qui continue son escalade et risque de se généraliser, la guerre d’Israel contre le Hamas et la colonisation de la Cisjordanie, les provocations nord-coréennes envers la Corée du Sud, la volonté chinoise de mainmise sur Taïwan, les guerres africaines et, dans tous ces conflits, l’intervention active des superpuissances impériales que sont la Russie et les États-Unis. L’Union européenne peut-elle se borner à ravitailler, du reste médio-crement, en armes et crédits l’Ukraine? Ne devrait-elle pas essayer de promouvoir la négociation qui respecterait indépendance et souveraineté de l’Ukraine tout en respectant le caractère russe des provinces séparatistes et de la Crimée? Et, si l’on considère l’avenir du monde, celui-ci va probablement vers des désastres économiques, écologiques et des guerres. La France est aujourd’hui au cœur du cyclone planétaire. L’essence de la France est l’intégration et non la souche. Et la faute du RN est ontologique.

Vous n’avez pas encore évoqué le Rassemblement national…

Son ressort est l’illusion que l’identité française est fondée sur une souche spécifique qui distingue les vrais français des métèques naturalisés et immigrés. Or la France s’est constituée au cours des siècles dans et par l’intégration d’ethnies étrangères les unes aux autres : Bretons, Flamands, Alsaciens, Provençaux, etc. Elle a proclamé son unité par le grand rassemblement des provinces du 14 juillet 1790. Les émigrations qui commencent dès la fin du XIXe siècle d’Italiens et d’Espagnols continuent en fait le processus d’intégration qui fait la France. Certes il y eut des rejets comme à Marseille, où les Italiens furent stigmatisés, traités de « sales macaronis ». Mais l’intégration s’opère à la seconde génération et s’accomplit dans les mariages mixtes. Les immigrations ont continué avec les Juifs russes et polonais fuyant l’antisémitisme, les Russes blancs, les ouvriers polonais dans les mines du nord, les ouvriers kabyles. C’est après la Seconde Guerre mondiale que l’émigration n’est plus seulement européenne comme celle des Portugais, mais nord-africaine, subsaharienne, asiatique… Et pourtant, en dépit de l’échec d’intégration d’une fraction de la population d’origine immigrée, et surtout dans les rangs de la jeunesse, l’intégration se poursuit tant bien que mal. Beaucoup d’enfants d’origine immigrée sont aujourd’hui les enfants de la République. Beaucoup ont bien réussi leur insertion. Certains sont arrivés au sommet de l’État, d’autres dirigent de grandes entreprises ou sont des médecins, des scientifiques de renommée internationale, des avocats, des professeurs d’école et d’université ou encore de grands champions sportifs. L’essence de la France est donc l’intégration et non la souche. Et la faute du RN est ontologique.

Jugez-vous l’évolution du RN factice ?

Le langage du RN a considérablement évolué depuis le Front national. Tout en gardant ses fondements anti-immigrationnistes et de préférence nationale, ce langage est devenu républicain, laïque, démocratique, philojudaïque. Ce renversement stupéfiant s’accompagne d’une dénonciation du prétendu antisémitisme de La France insoumise voire du Nouveau Front populaire. Il est à craindre que les pires illusions soient les instruments de l’installation en France du néo-autoritarisme qui risque de s’aggraver en néo-totalitarisme selon l’exemple de la Chine où l’électronique permet le contrôle des individus via les téléphones, les mails et la reconnaissance faciale. Le Nouveau Front populaire pourrait constituer la résistance acharnée des libertés au néo-autoritarisme qui prendrait le pouvoir.

Vous avez été un grand résistant ; aujourd’hui, ce serait quoi, résister ?

La résistance fut avant-hier contre un ennemi qui occupait notre sol, hier contre la conjonction de deux barbaries, celle venue du fond des âges et celle du profit déchaîné et du calcul déshydratant la pensée. Aujourd’hui, la résistance devrait s’affirmer contre le néo-autoritarisme et le néo-totalitarisme. La résistance est d’abord celle de l’esprit : lucidité vigilante, refus des illusions et des hystéries collectives, haine contre la haine et mépris contre le mépris. Elle est de l’affirmation contre vents et marées des valeurs de la République et de la valeur suprême : la liberté.

Vers un nouveau front républicain ?

Vers un nouveau front républicain ?

Formellement il n’y a pas encore de nouveau front républicain déclarer par les différentes formations opposées au rassemblement national. Macron reste toujours dans le flou mais chez Attal et à gauche, on annonce déjà le désistement pour faire front au rassemblement national.

Marine Tondelier appelle à la « construction d’un nouveau front républicain » au second tour. La cheffe des Ecologistes interpelle ainsi directement le camp d’Emmanuel Macron.

« Il serait incompréhensible que certains continuent à ne pas faire la différence entre la gauche et l’extrême droite », affirme-t-elle, appelant les responsables politiques centristes au « désistement si vous êtes troisièmes dans les triangulaires, et si vous n’êtes pas qualifiés au second tour, appel à voter pour un candidat qui défende les valeurs républicaines ».

Gabriel Attal déclare que « pas une voix ne doit aller au Rassemblement national » au second tour des élections législatives. « La leçon de ce soir, c’est que l’extrême droite est aux portes du pouvoir » et « donc notre objectif est clair: empêcher le Rassemblement national d’avoir une majorité absolue au second tour », assure-t-il, en dénonçant le « projet funeste » du parti lepéniste.

Il appelle au « désistement de nos candidats dont le maintien en troisième position aurait fait élire un député Rassemblement national face à un autre candidat qui défend comme nous les valeurs de la République ».

Renaud Muselier reconnaît que les consignes de vote sont désormais une logique dépassée, mais l’ancien ministre, ennemi juré de Ciotti à Nice,  appelle à faire barrage massivement au parti de JordanBardella en appelant à voter pour les candidats de la majorité présidentielle et des Républicains LR dans les circonscriptions où ils ont une chance de l’emporter.

« Au second tour, ce sera le RN ou nous »« Dans toutes les autres configurations, duel ou triangulaire, pas une seule voix pour les extrêmes, à commencer par le Rassemblement national », ajoute-t-il.

Invitée sur le plateau de TF1 pour commenter les résultats du premier tour des élections législatives, Carole Delga, socialiste,  ne cache pas ses intentions. La présidente socialiste de la région Occitanie demande aux électeurs de faire barrage au RN.

« Nous devons voter pour le candidat ou la candidate capable de battre le Rassemblement National (au second tour) », appelle Carole Delga. (…). « Je lance un appel aux candidats LR, aux candidats de la majorité, arrivés en troisième position, de se retirer », déclare-t-elle.

Législatives :Le Nouveau Front populaire compte 32 élus au premier tour, 39 pour le RN

Législatives :Le Nouveau Front populaire compte 32 élus au premier tour, 39 pour le RN

Le Nouveau Front populaire compte 32 candidats élus députés dimanche soir, dès le premier tour des élections législatives, contre 39 pour le Rassemblement national, selon les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur compilés par l’AFP.

Dans le détail, les Insoumis comptent 20 députés, les socialistes cinq, les Ecologistes cinq également, et les communistes deux.

Picketty pour le programme du nouveau Front populaire

Picketty pour  le programme du nouveau Front populaire

 

À la veille du premier tour des législatives, Thomas Piketty fustige le déni fiscal de la majorité présidentielle (Renaissance) et celui du bloc de droite (LR, RN, Reconquête). Frappé par la percée du RN dans les communes les plus riches, il explique dans La Tribune  le choix de Jordan Bardella d’avoir une approche plus libérale, proche de Ciotti et Marion Maréchal. Spécialiste mondial des inégalités, l’économiste anticipe la fin du bloc du centre porté par le chef de l’Etat Emmanuel Macron. En pleine recomposition, la vie politique française pourrait retrouver une bipolarisation plus saine pour la démocratie, à ses yeux.

Thomas Piketty est professeur à l’école d’Economie de Paris.

L’extrême droite est aux portes du pouvoir en France. En tant qu’économiste, comment expliquez vous cette percée spectaculaire d’un parti nationaliste et xénophobe au pays des droits de l’homme ?

THOMAS PIKETTY – Si on ferme les portes du débat économique et social et que l’on explique que l’Etat peut seulement contrôler ses frontières et l’identité des individus, on se retrouve 20 ans plus tard avec des débats sur les garde-frontières. C’est un échec collectif. Il y a la responsabilité très forte de ceux qui ont promu l’idée qu’on ne pouvait pas taxer les plus riches. Mais la gauche n’a pas réussi à mener cette bataille intellectuelle et politique. Au delà des querelles d’égo, je pense que l’union des gauches peut amener une majorité de députés à l’Assemblée nationale. Cela va dépendre aussi de l’électorat du bloc central entre les deux tours. Rien n’est joué.

La campagne électorale a plus porté sur les sujets d’identité et moins sur l’économie ou la fiscalité.

Oui, je suis d’accord. Il y a une responsabilité d’Emmanuel Macron qui s’est mis à dénoncer « la gauche immigrationniste ». C’est un vocabulaire associé au Front National (FN) et au Rassemblement national (RN). Faire cela à 10 jours d’un scrutin où le RN est aux portes du pouvoir est un naufrage intellectuel et politique.

Le thème des inégalités a été peu débattu par les candidats lors de la campagne des élections européennes et celle des législatives en France. Pourquoi ce sujet pourtant majeur n’est-il pas plus évoqué ?

Le discours dominant porté par le bloc au pouvoir a contribué à laisser penser qu’il n’y avait aucune alternative sur la politique économique. Le message a été tellement propagé qu’une grande partie de l’électorat est résignée et désabusée. Ce discours porte le repli identitaire du bloc national et du RN. Si ce discours explique que l’on ne peut pas faire payer les plus riches, la seule solution qu’il reste est de s’en prendre aux plus pauvres et aux immigrés. Le débat politique tourne beaucoup autour de cette opposition. Cette bataille politique et intellectuelle est loin de se terminer. En réalité, il y a un besoin d’investissement dans la santé, la formation, la recherche, les infrastructures. Ces besoins demandent une mobilisation importante des ressources publiques. Cela doit passer par une mise à contribution des plus riches. On peut prétendre le contraire en s’endettant pour financer ces investissements. Mais à la fin, cela fait de l’inflation. Il y a un bloc qui prétend récupérer plein de ressources en s’en prenant à l’aide médicale d’Etat mais ce n’est pas là qu’il y a des dizaines de milliards d’euros. On reviendra à la question inévitable des inégalités.

 

Nouveau Front populaire : «Cette fois, je ne peux pas» ( Arditti

 Nouveau Front populaire : «Cette fois, je ne peux pas» ( Arditti)

Le monde artistique n’a pas de légitimité particulière pour exprimer auprès de l’opinion ses choix politiques. Cependant Pierre Arditi  est représentatif d’une partie de ces artistes qui ont toujours été proches de la gauche. Et cette fois il indique que trop, c’est trop et qu’il ne pourra pas voter pour ce  » nouveau Front populaire ». 

Figure de la gauche intellectuelle et artistique, Pierre Arditi prend ses distances avec le Nouveau Front populaire. Dans un texte envoyé à la Tribune dimanche , le comédien explique «vivre un cauchemar au ralenti» : «celui de l’anatomie d’une chute vers le chaos.» Si l’acteur de la Vérité de Florian Zeller ou L’un reste l’autre part de Claude Berri s’en prend au Rassemblement national – «Laisser le RN prendre Matignon, c’est accepter au nom d’une pseudo-souveraineté d’abandonner notre indépendance» – il est davantage virulent contre l’alliance de gauche formée pour ces législatives.

«Le Nouveau Front populaire s’est formé avec des cœurs sincères, remplis d’espérance. Ces cœurs sincères sont ma famille, j’ai passé ma vie à les soutenir, à voter comme eux et avec eux. Cette fois-ci, je ne le peux pas, regrette Pierre Arditi. Si certains d’entre eux sont des sociaux-démocrates sincères, je le sais, cette alliance contre-nature est désespérante.» Il fustige leur rapport à la démocratie, à l’antisémitisme, à la République, mais aussi des propos de certains candidats «parfois inqualifiables, tolérant l’intolérable.»

«La question n’est pas Macron ou non. La question est le chaos ou le sursaut, pas une question de personnes mais une question de survie», conclut l’acteur de 79 ans qui sera de retour sur les planches en janvier 2025 dans Le Prix de Cyrille Gely, au théâtre Hébertot.

RN et Nouveau Front Populaire : des programmes économiques proches (Astérès)

RN et Nouveau Front Populaire : des  programmes économiques  proches (Astérès)

Alors que deux visions de la société s’opposent, sur le plan économique, les deux partis attendus en finale du premier tour des législatives selon plusieurs sondages, partagent des recettes communes, affirme le cabinet d’études Astérès dont rend compte « La Tribune »

Les programmes sont  « en réalité fortement similaires », avance le cabinet d’études Astérès. « La principale différence concerne l’immigration », constate-t-il.

Pour le reste, en se basant sur les propositions de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022, des ressemblances apparaissent. « Toutes deux défendent l’idée d’une économie française repliée sur elle-même, sur une stimulation de l’économie par la dépense publique, et par un bouclage budgétaire illusoire », écrit Astérès dimanche 16 juin. Le cabinet, d’orientation libérale et pro business, souligne : « ils défendent l’idée que l’économie française serait plus prospère si elle se protégeait de la  concurrence internationale par des barrières douanières. »

En commun également, une méfiance accrue envers les décisions prises au niveau européen. Les traités européens et  les règles européennes sont, d’une manière générale, remis en causes par le RN comme par le NFP, note-t-il encore.

Notons que les deux programmes sont assez nourris de promesses sociales mais c’est vrai également pour le programme récemment présenté par Gabriel Attal. Des promesses sociales certes souvent  légitimes mais dont le financement est loin d’être assuré.

Energie et «Nouveau Front populaire»: Le nucléaire sous le tapis !

Energie et «Nouveau Front populaire»: Le nucléaire sous le tapis !

 

Comme nombre de questions économiques, le nouveau Front populaire  compte tenu de ses contradictions sur le nucléaire a mis la question sous le tapis. Pas un mot sur ce domaine stratégique comme sur beaucoup d’autres aspects économiques. 

 

Divisés sur la question, les partis de gauche ont consensuellement occulté le sujet de l’atome pour éviter toute fission.  Le programme du nouveau Front populaire évoque seulement une vague  «loi énergie climat» chargée de «jeter les bases de la planification écologique» est promise, tout comme la fusion entre l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN).

Seulement, les ambitions vertes du «Nouveau Front populaire» sont grandes: arriver à la neutralité carbone en 2050. L’union projette ainsi de « faire de la France le leader européen des énergies… ! Comment ? La question n’est pas développée !

Faut-il rappeler que le nucléaire fournit de l’ordre de 70 % de l’électricité.

 

«Nouveau Front populaire»: Le nucléaire sous le tapis !

 «Nouveau Front populaire»: Le nucléaire sous le tapis !

 
 

Comme nombre de questions économiques, le nouveau Front populaire  compte tenu de ses contradictions sur le nucléaire a mis la question sous le tapis. Pas un mot sur ce domaine stratégique comme sur beaucoup d’autres aspects économiques. 

 

Divisés sur la question, les partis de gauche ont consensuellement occulté le sujet de l’atome pour éviter toute fission.  Le programme du nouveau Front populaire évoque seulement une vague  «loi énergie climat» chargée de «jeter les bases de la planification écologique» est promise, tout comme la fusion entre l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN).

Seulement, les ambitions vertes du «Nouveau Front populaire» sont grandes: arriver à la neutralité carbone en 2050. L’union projette ainsi de « faire de la France le leader européen des énergies… ! Comment ? La question n’est pas développée !

Faut-il rappeler que le nucléaire fournit de l’ordre de 70 % de l’électricité.

 

Législatives : Jérôme Guedj (PS) refuse l’étiquette du «Nouveau front populaire»

Législatives : Jérôme Guedj (PS) refuse l’étiquette du «Nouveau front populaire»

Au lendemain de l’accord trouvé entre les principales formations de gauche en vue des législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet, le député PS a annoncé vendredi soir se présenter sous les couleurs socialistes… mais sans l’étiquette de la coalition «Nouveau front populaire» dans sa sixième circonscription de l’Essonne.

Dans un communiqué, le socialiste, qui entend plus que jamais «battre l’extrême-droite», refuse, «en dehors de la beauté des mots», de «s’associer à l’investiture de LFI liée à cet accord». Et ce, «en raison des divergences profondes avec la direction de cette formation relatives à la brutalisation du débat public.»

« Rassemblement » contre « Front » : une sémantique symbolique

« Rassemblement » contre « Front » : une sémantique symbolique

À l’issue des élections européennes, qui ont vues la nette victoire du Rassemblement national, et la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République, les partis de gauche ont acté la mise en place d’un « front populaire » pour les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Aujourd’hui, il semble y avoir une inversion des termes qui orientent l’interprétation de l’offre politique : à travers la manière dont ils se désignent, le RN pourrait être vu comme un parti de propositions alors que les formations qui avaient constituées la Nupes seraient perçues comme un ensemble d’opposition. préciser cela, interrogeons-nous sur ce que nous apprend cette dénomination de « front populaire » dans le contexte de ces élections ? En quoi diffère-t-il du « front républicain » que l’on a pu connaître en 2022 particulièrement actif dans les années 1990 à 2010. Dans le discours politique, le terme « république » a un usage ritualisé qui donne au concept une valeur «  quasi religieuse  ».

 

par 

Professeur des universités en sciences du langage, AGORA/IDHN, CY Cergy Paris Université dans The Conversation

On remarquera aussi qu’à l’inverse de ce mouvement relatif aux fronts (républicain puis populaire), le Front national a préalablement choisi de changer de nom, pour devenir un Rassemblement.

Certes, les raisons de ce changement sont en partie historiques (en lien avec l’héritage de Jean-Marie Le Pen), mais il s’agit aussi d’une stratégie d’ouverture, en plus de celle de dédiabolisation.

Finalement, avec ce renversement des dénominations, ne serait-on pas face à un enjeu plus important : du FN au RN, on passe du FN contestataire au RN rassembleur. En effet, tant qu’il se nommait « Front », le FN véhiculait une image d’opposition, et de positionnement face à quelque chose de préalable : en devenant le « Rassemblement », il cherche à prendre une dimension pro-active, qui ne se définit pas au regard d’un tiers.

Si le Front populaire fait évidemment référence au Front populaire de 1936, il ancre contextuellement l’orientation à gauche, et vise à fédérer les partis concernés (PS, PCF, EELV et LFI).

En fédérant ainsi, il ne rassemble plus toutes les forces dites « républicaines », alors que le Rassemblement national apparaît comme fédérateur des « patriotes », terme largement revenu dans les éléments de langage du RN lors de la soirée électorale.

 

Selon le Trésor de la langue française informatisée (TLFI), un front, dans le contexte politique, est une « Coalition de partis politiques en vue d’une action commune », en particulier la « coalition des partis de gauche au pouvoir en France, en 1936 ». Cette coalition crée aussi une représentation des forces en présence, comme le communiqué de presse publié le 10 juin en atteste :

« Nous appelons à la constitution d’un nouveau front populaire rassemblant dans une forme inédite toutes les forces de gauche humanistes, syndicales, associatives et citoyennes. Nous souhaitons porter un programme de ruptures sociales et écologiques pour construire une alternative à Emmanuel Macron et combattre le projet raciste de l’extrême droite. »

Si ce front populaire est qualifié de « nouveau » c’est peut-être qu’au lieu d’un adversaire, il vise à en repousser deux (Emmanuel Macron et l’extrême droite). Le « front » peut aussi faire référence à une « ligne de démarcation », une barrière – qui rejoint aussi le « barrage » invoqué face à la montée de l’extrême droite.

Le rassemblement, dans le cadre du « Rassemblement national », mobilise de son côté « l’action de rassembler ou de se rassembler », ou l’« action de mettre ensemble ». Ici, « rassemblement » est suivi d’un adjectif désignant ce qui est rassemblé : dans son étymologie, en 1426 le rassemblement est l’action de « rassembler des choses dispersées ».

Les deux stratégies s’opposent donc, et créent aussi une sorte de renversement historique, puisque traditionnellement le Front national était vu comme un parti protestataire et d’opposition, et qu’il apparaît maintenant comme le parti qui rassemble, et vis-à-vis duquel les autres partis protestent et s’opposent.

Si comme nous l’avons mentionné le Front populaire active une mémoire discursive du fait de la dimension historique de l’expression, renvoyant au premier Front populaire de 1936 mené par Maurice Thorez, Léon Blum, la charge linguistique due au contexte actuel ajoute aussi une dimension plus « littérale » de l’expression.

Faisons un très rapide détour grammatical sur le fonctionnement des adjectifs, en particulier leurs fonctions de qualification et de catégorisation.

Si j’analyse l’adjectif « vert » dans « voiture verte » et classe verte », je peux dire que vert est qualifiant pour voiture, mais qu’il est catégorisant pour classe. Des tests linguistiques attestent des propriétés différentes de ces deux types d’adjectifs. Ainsi la nominalisation « le vert de la voiture » est possible, mais pas « le vert de la classe » ; de même on peut dire « la voiture qui est verte » mais pas « la classe qui est verte.

Dans notre contexte politique, nous observons différents usages de l’adjectif « populaire », dont l’usage qualifiant ou catégorisant varie notamment en fonction de l’ajout de « nouveau ». Par exemple lorsque le PS diffuse ce message

Par contre, on voit apparaître un autre usage par François Ruffin. L’expression « Une bannière : front populaire ! » s’ancre davantage dans l’usage qualificatif de populaire pour illustrer le fait que l’opposition est celle du peuple, et qu’elle s’ancre dans un programme de gauche.

Certes, on pourra objecter que ce sont des broutilles qui n’intéressent que des linguistes… Pourtant, cette distinction, se trouvent deux visions : d’un côté la réactivation d’un symbole du passé, une icône, qui est vue comme un argument d’autorité, et de l’autre un message de la gauche pour le peuple et les électeurs de gauche, qui qualifie la coalition de populaire.

Avec l’expression « Faire front populaire », qui fonctionne presque comme un mot-valise, en groupant « Faire front » et « Front populaire », et en mettant en valeur l’adjectif « populaire » dans l’action à entreprendre. Ce titre fonctionne aussi comme un défigement des expressions « faire front » et « front populaire ». Elle procède à ce que l’on peut appeler une « remotivation » de la signification des termes, dans la mesure où « faire » et « populaire » s’interprètent pleinement : l’action, et le peuple, deviennent constitutifs du front. Aussi, nous n’avons pas seulement le terme collectif, « coalition », mais l’idée que la lutte ou l’opposition est intrinsèque à ce regroupement.

Cette dualité de sens est nouvelle en pareilles circonstances, puisque lors de précédentes élections, l’invocation d’un « Front républicain » n’avait pas la charge mémorielle du « Front populaire ». Par ailleurs, l’adjectif républicain est utilisé de manière performative, pour donner de l’efficacité à l’expression sans que son sens littéral ne soit activé.

Aujourd’hui, « populaire » a certes les attraits du peuple, mais l’adjectif est aussi ambigu, pouvant avoir des connotations péjoratives (voir les expressions « quartier populaire », « musique populaire » etc.). Il y a donc des enjeux linguistiques et communicationnels très forts dans les stratégies de dénomination des protagonistes du débat.

En face, le RN, d’un point de vue terminologique, a fait le choix du terme « rassemblement », qui ne présuppose pas l’opposition, et a précisé la nature de la mise en commun des éléments avec le qualificatif « national » : il tente d’afficher une unité même si ses entités sont différentes, alors que le front populaire vise à créer une démarcation entre plusieurs ensembles.

Les prochains jours nous dirons comment la charge sémantique des mots et expressions utilisées pour se désigner, et désigner ses adversaires, impactera le débat : fédérer et rassembler, lutter et s’opposer, agir ou réagir, un grand nombre de termes, liés aux champs lexicaux du front et du rassemblement, pourront être mobilisés.

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