« L’Engagement », les regrets du frondeur Arnaud Montebourg
Les regrets du frondeur Arnaud Montebourg analysés par le Monde à travers le livre récent de l’intéressé intitulé l’engagement qui évoque les renoncements successifs et le récit de déceptions de gauche. (Analyse de la journaliste Sylvia Zappi)
Livre.
Arnaud Montebourg est de retour et veut s’engager en politique. C’est d’ailleurs le titre du livre qu’il vient de publier, L’Engagement. L’ancien ministre de l’économie et du redressement productif y défend son bilan mais démolit consciencieusement celui de François Hollande. Dans ce récit personnel des deux années qu’il passa au gouvernement (2012-2014), l’entrepreneur peint le tableau sombre d’une mandature pour laquelle la gauche avait tant promis et au cours de laquelle elle a abandonné ses électeurs. Le ton est parfois un peu grandiloquent, mais la démonstration lucide sur le pouvoir et ses faux-semblants se lit avec plaisir.
Dans cette mise à plat des renoncements successifs qu’il veut dénoncer, l’auteur met toute la passion que lui inspire la politique. Montebourg décrit ses premiers pas de jeune député, la manière dont il a forgé sa doctrine souverainiste de gauche, et décortique par le menu un appareil d’Etat qu’il découvre sclérosant. Le défenseur du « made in France » ne cache ni l’enthousiasme des débuts ni les affres qu’il dit avoir ensuite traversées quand il se prend en pleine figure le virage « libéral » voulu par François Hollande.
Florange, premier accroc au contrat
Le récit commence par l’évocation du fameux meeting du Bourget, le 22 janvier 2012, où le candidat PS avait su trouver, dans un discours devenu talisman, les accents exaltés pour emballer son auditoire, et ce jusqu’aux plus sceptiques des socialistes. Arnaud Montebourg avoue avoir cru aux envolées du futur président faisant de la finance son « véritable adversaire ». Il détaille, à travers les dossiers de sauvetage industriels auxquels il a été confronté, la réorientation par touches vers des mesures à l’orthogonale des promesses de la campagne présidentielle.
Le livre devient ainsi le recueil minutieux des désillusions qui font écho à celles que vécurent les électeurs de gauche. D’abord, la fermeture de Florange. On se rappelle d’un François Hollande, durant la campagne présidentielle, juché sur le toit d’une camionnette et promettant de garder les hauts-fourneaux lorrains. Quelques semaines après la victoire, c’est la douche froide : le gouvernement laisse le PDG Lakshmi Mittal fermer les aciéries en 2013. C’est le premier gros accroc au contrat : « L’étendue de la défaite est immense : sentimentale, affective, morale, intellectuelle, culturelle et idéologique. Cette sensation de solitude désertique ne me quitta pas », résume Montebourg. Le ton est presque intime quand il livre son désarroi.