Affaire Tapie-Lagarde : » La frêle limite entre justice et politique » (Jean-Claude Marin, Procureur)
Christine Lagarde Reconnue coupable de négligence mais dispensée de peine, un verdict qui constitue évidemment un déni de justice. Pas étonnant, la conclusion était connue d’avance puisque l’affaire a été confiée à la très complaisante cour de justice de la république. Une cour spécialement créée pour juger les politiques. Une institution qui par ailleurs a rarement condamné les politiques en cause. Bref une justice d’exception et dont le verdict concernant Christine Lagarde constitue bien sûr un véritable scandale. La cour de justice de la république s’est une nouvelle fois discréditée en même temps qu’elle porte une grave atteinte à tout le système judiciaire. Et nourrit aussi le populisme. Un système à deux vitesses. Composé essentiellement de politiques, la cour n’a pas voulu prendre de sanctions à l’égard de Christine Lagarde sans doute par peur qu’un jour la justice s’intéresse à d’autres erreurs de gestion voire à des malversations de ministres. La CJR compte douze parlementaires élus, en leur sein et en nombre égal, par l’Assemblée nationale et le Sénat. À l’heure actuelle, sept d’entre eux sont issus du Parti socialiste, quatre de LR et un de l’UDI. La Cour comprend également trois magistrats professionnels du siège de la Cour de cassation, dont l’un préside la CJR. Le sulfureux procureur général Jean-Claude Marin avait donné le ton au cours de ce procès puisqu’il avait transformé son réquisitoire en plaidoirie en faveur de Christine Lagarde. Il avait en effet considéré que la décision de l’ancienne ministre des finances ne relevait pas d’une négligence punissable pénalement mais d’un choix politique et que le choix politique était exonéré de sanctions. La cour ne l’a pas totalement suivi, elle a quand même reconnu la responsabilité de Christine Lagarde cette négligence ayant contribué à accorder 400 millions à Bernard Tapie dont 40 millions de préjudice moral, un record du monde pour le préjudice moral ! Le procureur n’était pas complètement neutre dans cette affaire puisqu’il s’était d’abord opposé à ce procès. Ancien proche de Balladur, puis de Chirac enfin de Sarkozy, ce procureur a su mener sa barque dans la hiérarchie judiciaire. Mettre en cause Christine Lagarde s’était indirectement mettre en cause également l’Élysée et Sarkozy puisque pas moins de 17 réunions se sont tenues à l’Élysée sur le sujet dont certaines en présence de Bernard Tapie ! C’est sans doute en tenant compte de ce contexte politique que judiciaire que la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a été reconnue coupable lundi de négligences ayant mené à un détournement de fonds publics dans l’affaire Tapie, mais elle a été dispensée de peine en raison notamment de sa « réputation internationale ». L’ex-ministre des Finances de Nicolas Sarkozy, qui a validé en 2007 le principe d’un arbitrage pour solder le litige opposant Bernard Tapie au Crédit Lyonnais sur la revente d’Adidas, était accusée d’avoir pris une décision « malvenue » allant à l’encontre « de l’avis répété » de l’Agence des participations de l’Etat (APE). Il lui était aussi reproché d’avoir renoncé de manière « précipitée » à contester une sentence au « montant exorbitant ». La Cour de justice a estimé que le délit qui lui était reproché n’était pas constitué pour la décision d’entrer en arbitrage. « La décision de la ministre de ne pas exercer un recours en annulation a rendu in fine inéluctable l’appropriation frauduleuse par les époux Tapie de la somme de 45 millions d’euros (somme allouée au titre du préjudice moral-NDLR) », a déclaré la présidente de la Cour de justice de la République (CJR), Martine Ract Madoux. « Cette faute n’est pas la seule cause des détournements mais elle en est l’une des causes déterminantes », a-t-elle ajouté. Ce point précis avait particulièrement mis en difficulté la patronne du FMI pendant le procès, la présidente estimant que le montant du seul préjudice moral aurait dû lui faire l’effet d’un « coup de poing dans l’estomac ». Christine Lagarde a toutefois été dispensée de peine. « Il doit être tenu compte du contexte de crise financière mondiale dans lequel se trouvait Madame Lagarde » au moment des faits, a dit la présidente, en expliquant que sa condamnation ne serait pas inscrite à son casier judiciaire. Cerise sur le gâteau la cour de justice de la république n’a pas voulu mettre en danger la responsabilité de Christine Lagarde à la tête du fonds monétaire international. Un fonds monétaire international bien utile à la France pour éviter que cette institution ne se montre trop sévère à l’égard de la politique financière laxiste des gouvernements successifs. « Sa personnalité et sa réputation nationale et internationale doivent également être prises en compte. » A déclaré la cour. Finalement non sans vergogne le procureur Jean-Claude Marin résume bien l’enjeu de toute cette affaire : La question qui vous est posée est à « la frêle limite entre le politique et le judiciaire », avait-il estimé à l’audience.