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Economie: Les freins à l’innovation

Economie: Les freins à l’innovation 

Crainte du changement et résistance au progrès d’un côté, impasse d’une croyance irraisonnée dans son pouvoir à tout résoudre de l’autre conditionnent un grand nombre de ces freins. Mais la méconnaissance de ce qu’est concrètement l’innovation et la capacité d’absorption de son développement ultrarapide pourraient bien être les plus importants. Cette séquence de deux chroniques sera centrée sur les nombreux freins – internes et externes – que rencontre l’innovation dans sa progression : freins psychologiques, idéologiques, matériels, écologiques, etc. Par Alain Conrard, CEO de Prodware Group (*) dans « La Tribune »

Dans un texte intitulé « Pour mieux rouler », Boris Vian estimait avec son ironie habituelle qu’il y avait un paradoxe, voire un scandale, à juger une automobile à la qualité de ses freins puisqu’elle est en principe faite pour avancer. Et ceci constituait aux yeux de l’auteur de L’écume des jours une « monstrueuse aberration » : « on juge un véhicule notamment à ce qu’il a de bons freins alors qu’un véhicule est notoirement conçu pour se déplacer le plus rapidement possible et non pour s’arrêter. ». Le même jugement pourrait être porté sur les freins qui ralentissent ou limitent l’innovation, elle que pourtant rien ne semble pouvoir arrêter, ralentir ou freiner.

Et pourtant, cette chronique, et celle du mois prochain, seront consacrées à ce thème… Pourquoi s’intéresser aux freins (aspect négatif) alors que c’est le mouvement et la progression (aspect positif) qui, seuls, devraient importer ? Précisément parce que considérer les freins permet de dépasser les blocages ou les chicanes qui se dressent sur le chemin de l’innovation. Observer les motifs de blocage, et surtout de non-adhésion à l’innovation, donne surtout l’occasion d’en penser une approche plus juste, plus humaine, plus responsable. En un mot : plus rentable.

Le frein de la méconnaissance

Il existe plusieurs types de freins au déploiement de l’innovation pour une entreprise : les freins externes (psychologiques ou politiques) et les freins internes (organisationnels ou opérationnels/matériels). J’y reviendrai un peu plus en détail le mois prochain. Mais l’un des freins importants – qui, en cascade, peut en engendrer d’autres – repose sur une ignorance, ou, tout au moins, sur une méconnaissance ou une mauvaise conception de ce qu’est l’innovation.

 Dans l’esprit de nombreuses personnes et de nombreux chefs d’entreprise, l’innovation est cantonnée à de très grandes nouveautés mises au premier plan, en grande partie par le pouvoir du marketing. Pourtant, l’innovation ne se résume pas à ses formes les plus spectaculaires, comme l’IA, par exemple. Dans de nombreux domaines, de petites innovations viennent au quotidien aider les industries, les fournisseurs de services ou les exploitations. Et c’est une très bonne chose. On peut avancer par petites touches parce que cela s’accorde avec les capacités de certains, et parce que parfois cela peut aussi suffire au regard de l’ambition que l’on a. L’innovation n’est pas faite seulement de la progression spectaculaire par sauts technologiques gigantesques (ce qu’elle est par ailleurs, bien sûr), mais participe directement, par petites touches, à l’amélioration générale de la société, notamment de la qualité de vie, quel que soit le secteur. Après tout, il n’y a pas que ChatGPT dans la vie.

Considérer l’innovation de cette manière permet de la rendre psychologiquement abordable aujourd’hui aux yeux d’un plus grand nombre de chefs d’entreprises et de dirigeants, y compris ceux qui avaient commencé à innover avant le raz-de-marée de la digitalisation généralisée. La désinhibition qui s’ensuit permet de desserrer de nombreux freins. En effet, pour beaucoup d’entre eux, le concept reste synonyme d’innovation de rupture. Ceci est dû à une erreur de perception de ce qu’est réellement l’innovation. Il y a encore comme un barrage mental qui en bloque l’accès, et qui fait qu’on l’imagine essentiellement d’abord comme une pratique qui chamboule tout et renverse la table en permanence (ce qu’elle est loin d’être en totalité), et ensuite comme le privilège de quelques rares ou grandes entreprises.

Pour lever une part des freins, il serait donc utile (et plus réaliste) décorréler le concept d’innovation de l’idée de disruption à laquelle il est presque toujours spontanément associé. Parallèlement à la performance de rupture, il faut donc également valoriser une conception plus modeste où les critères ne sont pas d’être très rapide et très élitiste. La disruption caractérise seulement une partie de l’innovation. Pour une simple raison : les disruptions radicales sont extrêmement rares, et beaucoup d’innovations sont infiniment plus modestes. Ce qui ne les empêche pas d’améliorer jour après jour le travail et la prise de décisions. En réalité, l’innovation accompagne la vie et tous ses mouvements, y compris les plus quotidiens.

Pour un chef d’entreprise, la pratique peut reposer sur des éléments assez simples qui vont rendre son entreprise plus performante ou permettre, par exemple, des créations d’emplois. Beaucoup d’entreprises seraient grandement améliorées en comprenant cette dimension « modeste » d’un « un peu mieux » que peut leur apporter l’innovation.

Les dirigeants d’entreprise sont aujourd’hui contraints d’allouer beaucoup de ressources physiques, donc d’argent et de temps, à la régulation (compliance, cadre législatif trop strict, etc.). De leur côté, les services juridiques ou RH sont confrontés à une multitude d’obligations légales de plus en plus difficiles à gérer, voire à rendre compatibles les unes avec les autres (ce que, de façon étonnante, elles ne sont pas forcément). La dimension extrêmement contraignante de cette multitude d’obligations légales est susceptible de freiner les initiatives et de ralentir la marche de l’innovation. De nombreuses possibilités d’innovation s’en trouvent obérées. Ceci, on va le voir, est particulièrement vrai en Europe, très friande de régulations de tous ordres.

Une trop forte régulation peut nuire à l’innovation. Et c’est une grande partie de ce qui différencie l’Europe des États-Unis ou de l’Asie. Bruno Le Maire constatait récemment qu’on était aujourd’hui dans une Europe trop régulée susceptible de freiner les capacités d’innovation par rapport aux acteurs américains et asiatiques.

Quand tout le monde ne joue pas avec les mêmes règles, le match est biaisé : là où l’Amérique innove, la vieille Europe régule. Dans une interview récente consacrée à l’IA, Reid Hoffman, le cofondateur de LinkedIn, évoque cette situation avec humour en faisant l’analogie avec un match de coupe du monde de football. Les équipes en compétition sont les États-Unis et la Chine, et l’Europe est en position d’arbitre. Pour Hoffman, cela pose deux problèmes majeurs pour l’Europe : 1/ celle-ci ne peut pas gagner : par définition l’arbitre ne peut ni gagner ni perdre, il est tout simplement hors du jeu. 2/ personne n’aime les arbitres. Pourtant, Hoffman incite l’Europe à s’engager plus radicalement dans ce match pour l’IA en faisant profiter ce champ de l’approche culturelle qui la caractérise : « le monde et l’Europe seraient mieux lotis si l’Europe innovait aussi. ». Cet ensemble de contraintes légales ne concerne d’ailleurs pas que l’innovation. Il touche de nombreuses zones, et si la régulation a de nombreux aspects positifs, elle peut également faire fuir les investisseurs, dissuadés par les complexités administratives et légales.

Mais, dans tous les cas, une tension entre régulation et innovation est malgré tout inévitable. En termes logiques, la compliance est d’une certaine manière structurée par un mouvement contraire à celui qui anime l’innovation. En effet, elle vise à faire respecter l’état des choses, et à poser des cadres pour que l’état des choses soit conforme aux normes en vigueur. Or, par définition, l’innovation ne respecte pas l’état des choses et s’affranchit des cadres établis, pour générer des états de réalité inédits. Cette tension est évidemment plus ou moins forte en fonction de la place donnée à la régulation, une place qui, dans certains pays, reste purement symbolique.

Du point de vue des entreprises, au-delà des freins psychologiques, des barrages moraux ou des difficultés à comprendre ce qu’est l’innovation, et de mesurer ses impacts, il y a aussi les capacités à pouvoir matériellement gérer les projets d’innovation. Il s’agit d’un frein objectif. Au moment où elles en auraient besoin, leur modèle économique ne leur permet pas toujours de le faire, et/ou parce qu’il y a une part d’incertitude quant au retour sur investissement en termes de montant mais aussi en termes de durée. Ceci fait que, sur un plan purement économique, l’entreprise n’est pas capable de l’appréhender même si les dirigeants en ont pleine conscience.

Cela oblige parfois à reconfigurer l’ambition des projets. Mais ce réalisme n’est pas nécessairement un renoncement. Il conduit à en faire peut-être moins que ce que l’on aimerait, mais d’en extraire le maximum de bénéfices du point de vue de la qualité du travail et d’avoir ainsi le meilleur retour sur investissement.

Et puis bien évidemment, au-delà de la capacité matérielle – et même si le désir est présent dans l’entreprise -, la capacité humaine entre aussi en ligne de compte. En effet, même si la direction arrive à gommer les freins moraux ou psychologiques, encore faut-il pouvoir compter sur les femmes et les hommes capables de porter cette transformation. Donc, c’est aussi un frein purement opérationnel matériel.

L’échec peut constituer un autre frein. Qu’elles soient adoptées ou créées par des entreprises, certaines innovations ne rencontrent pas le marché et se révèlent des échecs. Ceci conduit les entreprises à une prudence excessive qui, par la suite, les freinent pour innover. Après un échec, elles n’osent plus. Là où ailleurs il serait une leçon permettant de progresser et de se relancer, l’échec est alors source d’inhibition. Il arrive aussi que l’échec pèse lourd dans le bilan, et fait que l’entreprise n’a plus les ressources pour innover de nouveau. Fragilisé par ce manque de réussite, son modèle économique ne lui permet plus une nouvelle vague d’innovation ou de financer une prochaine étape. Il faut réinvestir beaucoup pour recréer quelque chose et ce n’est pas tout le monde qui en a l’envie, les moyens ou les capacités intellectuelles, ni même le temps. Car le business model de certaines entreprises n’est pas assez rentable pour leur donner ce « temps long » que nécessite un projet d’innovation.

Par ailleurs, de nombreux chefs d’entreprise sont aujourd’hui en limite de leur modèle actuel parce qu’ils n’ont pas une autre activité qui leur permet de suivre le rythme imposé par le marché. Toutes les entreprises ne disposent pas en effet de gammes « classiques » (comme Microsoft avec Word ou Excel, par exemple ou Total Énergies qui revendique de pouvoir financer l’énergie verte parce qu’il dispose de l’énergie fossile) qui leur permettent de financer à perte pendant un temps des innovations en devenir.

Le rythme de développement est encore accéléré par les nouveaux entrants. Ces derniers ne sont pas ralentis par les pesanteurs anciennes ou un historique de l’entreprise. Souvent on ne les voit pas venir, on ne les connait pas, on ne connait pas leurs logiques, leurs approches, leurs concepts. Ils n’apparaissent pas dans le champ de vision des compétiteurs (competitive landscape). Ce qui explique que les compétiteurs de demain ne sont pas ceux d’aujourd’hui et certainement pas ceux d’hier. Surgis de nulle part, donc créant la surprise, ces nouveaux entrants déboulent avec de nouvelles méthodes ou des propositions qui leur donnent une capacité multipliée.

S’il faut les distinguer des résistances à l’innovation, l’existence de freins sous-entend logiquement qu’il y a dans l’innovation quelque chose qui devrait être ralenti pour ne pas faire « d’excès de vitesse » (sans quoi il n’y aurait pas de freins). La résistance exprime une défiance face au progrès, au changement, et peut-être parfois à l’idéologie qui sous-tend l’innovation. Les freins sont d’une autre nature. Soit l’on pense que ce n’est pas pour soi, soit l’on estime que ça va trop vite.

Il y a ainsi dans la perception de l’innovation l’existence d’un présupposé : l’idée d’une accélération qui serait naturelle. Cette accélération semble aller de soi. Or, elle ne va pas de soi, elle doit être, comme je l’ai défendu à plusieurs reprises dans ces chroniques, réfléchie, pensée, encadrée ; elle doit être rendue intelligente plutôt que mécanique, envisagée avec nuance et délicatesse plutôt que bestiale et sans recul sur ses diverses conséquences. Ce n’est qu’ainsi qu’elle peut se révéler réellement profitable pour le plus grand nombre.

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(*) Alain Conrard, auteur de l’ouvrage « Osons ! Un autre regard sur l’innovation », un essai publié aux éditions Cent Mille Milliards, en septembre 2020, CEO de Prodware Group et le Président de la Commission Digitale et Innovation du Mouvement des ETI (METI)​.

 

 

UE : pédale douce sur les freins aux importations agricoles d’Ukraine

UE : pédale douce  sur les freins aux importations agricoles d’Ukraine

La Commission européenne a proposé en janvier de prolonger les exemptions de droits de douane sur les produits agricoles ukrainiens jusqu’en juin 2025. Elle a toutefois complété cette mesure par un mécanisme d’urgence permettant de rétablir des tarifs sur la volaille, les oeufs et le sucre si les importations de ces catégories de produits dépassaient les moyennes observées en 2022 et 2023.

L’avoine, le maïs et le miel ont depuis été ajoutés à cette liste et le calcul de la moyenne a été élargi pour prendre aussi en compte le deuxième semestre 2021, soit une période durant laquelle des droits de douane étaient encore appliqués.

Il s’agit de trouver un fragile équilibre entre le soutien économique nécessaire à l’Ukraine et l’intérêt du secteur agricole européen

 

(Rédigé par Philip Blenkinsop, version française Bertrand Boucey, édité par Nicolas Delame)

Croissance : gros de freins en Europe

 

 

Croissance : gros de freins en Europe

À nouveau l’Europe revoit fortement à la baisse sa croissance. Une croissance presque divisée par deux prévus initialement à 4 % et dont l’objectif est pour l’instant fixé à 2,7 % seulement.

En cause notamment une flambée d’inflation atteint 6,8 %, soit à peu près le double de ce qui était prévu.

La guerre en Ukraine a donné un sérieux coup de frein à l’économie européenne notamment allemande. La croissance allemande ne devrait progresser que de 1,6% en 2022 contre 3,6% prévus en début d’année. Il faut dire que l’économie outre-Rhin est fortement dépendante de l’énergie russe pour faire tourner son industrie.

Résultat, l’Allemagne, première économie de la zone euro, devrait cesser d’être le moteur économique de l’Europe cette année compte tenu de l’accumulation de ses déboires depuis le début de la pandémie. Certains observateurs n’hésitent pas désormais à parler « d’homme malade » de l’Europe.

Les moteurs de l’économie française se tassent également. Après un fort rebond de l’ordre de 7% en 2021, la croissance du PIB devrait se tasser à 3% en 2022 et 1,8% en 2023. En février dernier, Bruxelles tablait sur une croissance de 3,6% cette année et 2,1% en 2023. En France, la plupart des instituts de prévision ont aussi dégradé leurs chiffres de croissance. Au premier trimestre, l’économie tricolore a fait du surplace avant de se redresser légèrement au cours du second trimestre (0,2%) selon les conjoncturistes de la Banque de France et ceux de l’Insee. La consommation, traditionnel point fort de l’Hexagone, a freiné depuis le début de l’année sous l’effet de l’envolée des prix et la chute de confiance des ménages et des entreprises. La facture risque d’être très lourde avec une inflation de cinq à 6 % en France et des revenus qui en moyenne ne manqueront pas de deux à 3 % la perte de pouvoir d’achat atteindra elle aussi deux à 3 %. Une purge qui se ressentira notamment sur la consommation des ménages et sur la croissance

 

La guerre en Ukraine n’a fait qu’amplifier l’envol de l’inflation. Entre la flambée des prix du gaz et du pétrole, l’envolée des matières premières agricoles et la pénurie de certains matériaux, l’inflation calculée par la Commission européenne pourrait grimper à 6,8% en 2022 avant de retomber à 3,2% l’année prochaine. Avant la guerre, la Commission européenne misait sur une inflation à 3,9% en 2022 dans l’UE à 27 (3,5% en zone euro) avant de retomber à 1,7% en 2023. A tous ces déboires s’ajoute la politique zéro covid menée en Chine qui contribue à faire chauffer les prix sur le fret maritime et aérien ou encore le prix de certains composants électroniques.Pour certains pays le risque de stagflation n’est pas écarté et certains pays pour seront les principales victimes de la flambée notamment des produits alimentaires. Surtout avec la sécheresse qui caractérise actuellement le climat mondial

 

Les freins de la recherche en France

Les freins de la recherche en France

  • Agnès Ricroch est enseignante-chercheure à AgroParisTech et à l’université Paris-Sud, professeur adjoint à la Pennsylvania State University (États-Unis), dénonce les freins à la recherche en France Agnès Ricroch est aussi membre du comité d’éthique de l’Ordre national des Vétérinaires, secrétaire de la section Sciences de la vie de l’Académie d’agriculture de France.(Interview dans l’Opinion)
  • La France se définit encore elle-même comme la patrie des Lumières. Pourtant, vous alertez sur le fait que des pans de sa recherche sont privés de liberté…
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  • Cela dépend des domaines. La France abrite des secteurs de recherche dynamiques, en pointe, innovants. C’est le cas pour la santé – la recherche contre le cancer ou les maladies génétiques, avec des expériences poussées en thérapie génique, en édition du génome –, les énergies renouvelables, la neutralité carbone, la chimie verte… Cela colle avec l’air du temps, répond aux grands enjeux sociétaux, notamment climatiques, internationaux et s’inscrit dans les priorités européennes. Sur ces sujets, il n’y a pas de pénurie d’argent, on peut mobiliser des chercheurs. Un bon exemple : l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, à Paris, qui fait un travail remarquable et interdisciplinaire agrégeant aussi des sciences sociales sur les maladies neurodégénératives. Cependant, il existe des domaines devenus des tabous. Des repoussoirs politiques. C’est le cas de la recherche sur le clonage, ou sur les OGM, ma spécialité. La recherche française est en situation de blocage quasi-complet. Sa créativité est entravée, bridée, alors qu’elle a prouvé, par le passé, qu’elle pouvait être extrêmement fertile. Dans les laboratoires français, avant que les OGM ne soient ostracisés, on mettait au point des maïs avec une meilleure utilisation de l’azote dans le but de moins polluer les nappes phréatiques par les nitrates et de réduire les gaz à effet de serre ! Ils ont été vandalisés. La liberté de chercher a quasi disparu dans ce domaine, elle s’oriente sur d’autres outils.
  • Que s’est-il passé ?
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  • Ces sujets ont été happés par la politique. On a calqué sur la recherche une grille de lecture grossière gauche/droite qui se traduit par anticapitalisme/libéralisme. Les biotechnologies végétales et particulièrement les OGM, associés une grande entreprise multinationale, n’ont eu aucune chance dans ce contexte. Les sujets entiers des OGM, du clonage, par exemple, sont devenus des boucs émissaires, associés à un agrobusiness insupportable. Tout a été emporté. Plus question de parler de brevets. Cela revenait, dans cette interprétation, à privatiser le vivant. Et qu’importe si ce n’est pas le vivant en lui-même mais des constructions à partir de matière vivante qui auraient pu être brevetées, et pour une dure limitée. Tant pis, aussi, si l’argent des brevets pouvait servir à financer une recherche fondamentale de long terme, non finalisée, tâtonnante, de l’innovation, des projets qui pouvaient répondre à des préoccupations futures, en allégeant le poids que cela représente pour des Etats. Tant pis, enfin, si cela a fait quasiment disparaître de la scène internationale des pans de la recherche française créatifs, brillants, et que les sociétés privées françaises en sont réduites à payer des royalties par exemple à des universités américaines pour avancer. Nous n’avons pas seulement perdu la latitude financière qu’auraient pu nous donner ces brevets pour continuer à progresser. Nous avons perdu la liberté de chercher. C’est un drame pour moi, qui suis une œcuménique de la recherche, qui crois aux fécondations croisées entre les disciplines. Je refuse de me laisser enfermer dans une lecture politique de nos travaux menés avec mes collègues, surtout si cela veut dire que des courants politiques veulent les censurer
  • Comment se traduit cette perte de liberté ?
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  • De multiples façons. Aujourd’hui, en France, il n’est plus possible de faire de la recherche sur les OGM autrement qu’au niveau fondamental, sur une paillasse de laboratoire. Il y a une interdiction politique implicite. Des départements français interdisent l’expérimentation sur leur sol. Nous, chercheurs, savons que ce n’est même pas la peine de constituer des dossiers pour obtenir des autorisations. Cela va plus loin : même lorsque tout est fait dans les règles, avec les accords des autorités, y compris du ministère concerné, les travaux de recherche sont saccagés en toute impunité ou presque. C’est arrivé à l’Inra de Colmar, sur des vignes résistantes à une maladie en 2010. Les destructions sont fréquentes, malheureusement devenues banales. Nous déplorons aussi des intrusions dans nos laboratoires, le harcèlement par des ONG. Un ostracisme. Les jeunes sociétés de biotechnologies, lorsqu’elles veulent participer à des concours, à des levées de fonds, doivent expliquer qu’elles ne font pas d’OGM, sous peine d’être écartées par principe.
  • Des chercheurs français ne trouvent plus de places dans les laboratoires où ils font l’objet de pressions pour qu’ils en soient écartés. De la même façon, l’expression dans les médias est devenue très compliquée. Là encore, des chercheurs sont dissuadés par leur hiérarchie de s’exprimer. Ce qui se passe est préoccupant. Certains de mes collègues et moi-même avons vu les conclusions de nos recherches sur l’innocuité des OGM dans l’alimentation des animaux détournées, transformées dans une presse soi-disant de référence pour les faire coller à des agendas politiques. Nous n’avons pas pu obtenir de correction dans la version papier du journal. Il y a une parole, une vérité scientifique qui n’a pas le droit de s’exprimer, qui est remplacée par des fake news. Une liberté d’expression bafouée. C’est un phénomène français, car la presse scientifique de haut niveau, américaine, australienne, britannique, accueille notre parole.
  • La France a cessé de considérer les biotechnologies comme des outils, dont on peut produire des connaissances, trouver des solutions ou des parties de solutions à des problèmes cruciaux tels que la pollution par des plastiques ou l’émission des gaz à effet de serre, avec d’autres outils issus d’autres disciplines, de réfléchir à la complexité du monde vivant de façon holistique
  • Pour vous, ce qui est encore plus grave, c’est l’impossibilité pure et simple de la réflexion philosophique sur ces sujets…
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  • C’est un paradoxe. Nous, scientifiques, sommes tous sensibles à l’idée des dérives de la science. Mais pour discuter des dérives, encore faut-il pouvoir mener une réflexion sur les utilisations ! Or, ce n’est pas possible sereinement. La France a cessé de considérer les biotechnologies comme des outils, dont on peut produire des connaissances, trouver des solutions ou des parties de solutions à des problèmes cruciaux tels que la pollution par des plastiques ou l’émission des gaz à effet de serre, avec d’autres outils issus d’autres disciplines, de réfléchir à la complexité du monde vivant de façon holistique. Nous sommes passés à côté de choses fantastiques comme les plantes qui produisent de la lipase gastrique contre la mucoviscidose ou qui résistent au stress hydrique. Tout cela été rangé caricaturalement dans la catégorie de l’agriculture intensive, alors que cela peut aussi être des réponses dans le cadre de l’agriculture biologique. Toutes les nouvelles questions sur l’édition du génome avec de nouvelles technologies sans ajout de matériel génétique extérieur risquent d’être confisquées ou éteintes par cette interdiction de réflexion.
  • Quelle est votre appréciation du principe de précaution, inscrit dans la Constitution ?
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  • Il a été dévoyé. Il a entraîné une escalade. Des pouvoirs publics, sur la foi du principe de précaution, n’admettent plus le moindre risque, aussi infime soit-il. Ils n’admettent même plus que le risque zéro n’existe pas. Ils n’admettent pas qu’il faille évaluer la science sous l’angle du bénéfice et du risque et non pas seulement du risque. Ils sont en permanence en train de doubler les ceintures de bretelles, et ils ne les desserrent pas. Cela a eu de terribles effets : cela a engendré une méfiance insondable chez des citoyens. Une méfiance qui est traitée par une surenchère de précautions. Cette quête sans fin de réassurance n’a pas rassuré la population : elle lui a juste fait croire qu’il faut avoir peur tout le temps de tout. Il est vrai que des décisions regrettables comme celles qui ont entouré les scandales de l’amiante ou du sang contaminé les ont éprouvés. Mais ils ne savent plus vers qui se tourner pour avoir confiance, certains rejetant des progrès aussi éclatants que les vaccins. L’acte de se faire vacciner est, ne l’oublions pas, altruiste. Selon le même schéma que le rejet de l’agrochimie, sur fond d’anticapitalisme, on assiste à une détestation de la pharmacie, de ses effets secondaires fantasmés. Le paradoxe est encore là : pour se détourner d’un monde qui est accusé de faire de l’argent sur des produits dangereux, des citoyens apeurés sont prêts à se tourner vers des gourous tout aussi intéressés par l’argent et qui proposent à la vente sur Internet des poudres de perlimpinpin que personne n’évalue scientifiquement !
  • Vous appelez à un sursaut !
  • J’ai le sentiment que les réseaux sociaux affectent notre liberté de réflexion collective. En France, cette boucle qui s’auto-entretient n’est pas compensée par les grands médias, comme c’est par exemple le cas en Grande-Bretagne. La BBC fait figure de vigie très efficace conte la prolifération des fausses informations, parle librement des nouvelles technologies de réécriture du génome ou de recherches sur l’embryon humain par exemple, les soumet au débat. On part du principe, chez nos voisins britanniques, qu’il ne doit pas y avoir de tabous scientifiques dans le choix public. Que la science doit être présente pour ouvrir le monde, un monde des possibles, pas pour le refermer. Je n’aime pas l’application détournée du principe de précaution, mais je voudrais le brandir ici : prenons bien garde à ce que la France n’éteigne ses lumières et retombe dans l’obscurantisme.

Chômage : les freins à l’emploi

Chômage : les freins à l’emploi

 

Les freins à l’emploi sont nombreux : absence de visibilité fiscale, dégradation des marges, coût social du travail, conjoncture déprimée mais aussi formalités administratives trop complexes notamment « la peur du 50ème salarié ». Car à partir de là, les obligations légales se multiplient. Par exemple: jusqu’à 49 salariés, l’entreprise doit procéder à l’élection de deux délégués du personnel. Changement de monde à partir de 50 salariés: elle doit alors procéder à l’élection d’un comité d’entreprise, avec trois représentants et leurs suppléants. A cela s’ajoute l’élection d’un CHSCT, un organe chargé des questions d’hygiène et de sécurité, qui doit se réunir tous les trimestres. Autre exemple: jusqu’à 49 salariés, la direction doit informer les délégués du bilan annuel des heures supplémentaires. A partir de 50, elle doit en plus engager une négociation annuelle sur les salaires, mettre en place un accord sur l’égalité hommes-femmes, la prévoyance, la mutuelle santé ou encore les seniors. Si les patrons de PME ne sont pas contre ces négociations, ils redoutent leur coût, et le temps qu’il faut y consacrer. Du coup, ils sont nombreux à faire le dos rond pour rester à 49 salariés.  « Quand une entreprise dépasse le seuil de 50 salariés, elle ramasse une série de 30 obligations complémentaires à assumer », a affirmé Jérôme Dedeyan, président de Debory Eres au micro de BFM Business. « Certaines de ces obligations sont excellentes, comme le fait de mettre en place une représentation du personnel. Mais d’autres sont exclusivement administratives et extrêmement lourdes. » « Par exemple, le paiement 10 jours à l’avance des cotisations Ursaf, ou un nombre incroyable d’obligations déclaratives supplémentaires », a-t-il précisé. « Ces obligations gagneraient à être repoussées, par exemple, au seuil de la PME européenne, à savoir 250 salariés. Car lorsque l’on dépasse le seuil de 50 salariés, il faut quasiment se payer un DRH à mi-temps, et assumer un coût supplémentaire à cause de ces obligations. » Même son de cloche chez Yann Trichard, patron de PME et délégué national du Cercle des jeunes dirigeants (CJD): « il est vrai que ce seuil est vraiment problématique, car il n’est pas du tout évident pour les entreprises de 50 personnes d’être structurées, surtout en période de crise, pour pouvoir passer ce seuil ».

 




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