Une administration américaine francophile ? (Moscovici)
Pierre Moscovici, président de la Cour des Comptes estime que la future administration américaine de Biden donne sera beaucoup plus francophile. Une appréciation peut être à relativiser dans la mesure où les Américains sous tous les présidents ont surtout privilégié leurs propres intérêts.
Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici a connu Antony Blinken, le prochain secrétaire d’Etat américain, à l’époque où ce dernier était directeur senior aux affaires européennes (1999-2001) du président Clinton. Lui-même était alors ministre des Affaires européennes (1997-2002) dans le gouvernement Jospin. Les deux hommes ont gardé le contact depuis .
Que peut-on attendre d’Antony Blinken comme secrétaire d’Etat de Joe Biden ?
Il appartient à l’aile centriste du Parti démocrate. C’est un solide théoricien des relations internationales dont il a une grande expérience concrète, entre sa participation aux administrations Clinton et Obama et son travail auprès de Joe Biden quand celui-ci était vice-président. Il a une conception de l’Amérique qui doit être leader, mais par l’exemple, à l’opposé de l’« America first » de Donald Trump. Il est très attaché au cadre multilatéral – Nations Unies, G7 ou G20 –et il connaît intimement l’Union européenne pour avoir été chargé du dossier au département d’Etat par le passé. Lui-même a une éducation en partie française. C’est un parfait francophone et un vrai francophile. Beau-fils de Samuel Pisar (1929-2015), ancien collaborateur de John Kennedy puis avocat d’affaires, il est le demi-frère de l’avocate franco-américaine Leah Pisar. Sa nomination est une bonne nouvelle pour le multilatéralisme, une bonne nouvelle pour l’Europe et une bonne nouvelle pour la France !
John Kerry, ex-secrétaire d’Etat (2013-2017) de Barack Obama, était aussi francophone mais il ne s’en vantait pas…
Un secrétaire d’Etat américain défend toujours les intérêts américains. Mais au moins, avec Antony Blinken, nous allons avoir un interlocuteur connaissant parfaitement les arcanes et les leaders politiques européens, comme peu de ses prédécesseurs. Il est de plus de commerce agréable et simple. Il est très proche de Biden, comme en témoigne sa nomination alors qu’il n’était pas le favori pour le poste au départ – on parlait plutôt de lui comme conseiller à la sécurité nationale. Joe Biden est par ailleurs passionné par les questions internationales, connaît aussi d’une manière exhaustive l’Union européenne : tout cela est très positif.
Il va y avoir un changement de ton mais qu’en sera-t-il sur le fond ?
Je pense que le changement de fond sera extrêmement substantiel et ne suis pas de ceux qui pensent que Joe Biden suivra à quelques nuances près les traces de Donald Trump. Il y aura des constantes, l’isolationnisme ou le tropisme asiatique américains ne sont pas quelque chose de nouveau. Mais si les Etats-Unis reprennent leur place dans l’Organisation mondiale de la santé et dans l’Accord de Paris sur le climat, s’ils renouent avec une approche coopérative au G7 et au G20, si l’on retrouve une relation plus confiante au sein de l’Otan, s’il y a un intérêt marqué pour l’Union européenne… ce seront des changements considérables ! On ne va certes pas revenir aux grandes heures du partenariat euro- atlantique, de l’après-guerre, mais on pourrait avoir l’administration américaine la plus francophile, la plus tournée vers l’Europe et le multilatéralisme depuis Bill Clinton, il y a vingt ans.
Pensez-vous que l’administration Biden privilégiera l’Allemagne et Angela Merkel comme sous Obama ?
D’abord, ce n’est pas vrai : la France est un partenaire obligé en tant que membre du G7 mais aussi membre permanent du conseil de sécurité et puissance nucléaire, ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne. Et puis rien n’est écrit. C’est pourquoi il ne faut pas faire la fine bouche côté français. Les changements qui se passent aux Etats-Unis sont très importants. Sans renoncer à nos propres conceptions, sans s’aligner en quoi que ce soit, nous devons plutôt miser sur ces changements et donner encore plus de raisons aux Américains de s’intéresser à l’Europe et en particulier à la France, en ayant une attitude positive et ouverte aux débats. J’ai la conviction que cela vaut la peine d’investir fortement sur cette nouvelle administration. Il y a là peut-être un potentiel plus important qu’avec l’administration Obama.
« Télétravail : instaurer au droit à la déconnexion
Thibaut Champey, Directeur général de Dropbox France, observe, dans une tribune au « Monde », que l’organisation du travail à distance doit explicitement inclure la possibilité de se déconnecter, d’ailleurs inscrite dans la loi.
Tribune
A l’heure où, comme le déclarait récemment notre ministre du travail, « le télétravail n’est pas une option », la déconnexion, elle, est-elle une option ? L’article L 1222-11 du code du travail stipule bien qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés.
Le protocole du 29 octobre sur le télétravail prévoit que celui-ci soit obligatoire à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer leurs tâches à distance. Il précise l’utilisation de l’audio conférence ou l’interdiction des moments de convivialité, mais rien sur le droit à la déconnexion. Alors qu’il est bel et bien inscrit dans la loi travail (dite aussi « loi El Khomri ») du 8 août 2016.
Dans certains pays et certaines entreprises, le télétravail est perçu par les employeurs comme une excuse pour travailler moins, notamment en raison de l’absence de supervision, selon une étude du cabinet Okta. Cependant, des travaux de recherche contredisent cette vision négative et démontrent que les salariés en télétravail consacrent 48,5 minutes de plus par jour à leur profession (« You’re Right ! You Are Working Longer and Attending More Meetings », Raffaella Sadun, Jeffrey Polzer et al., Harvard Business School, 14 septembre 2020).
Toujours selon l’étude Okta, bien que les salariés apprécient de plus en plus le télétravail, ils sont en revanche nombreux à souligner qu’il leur est plus difficile de déconnecter… La déconnexion n’a rien à voir avec les congés annuels, mais bien avec le contrat signé entre l’entreprise et le salarié : il s’agit, dit la loi, d’« assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale » des employés. Mais rien, dans le code du travail, ne précise de mesure concrète pour assurer l’effectivité de ce droit, alors que l’impact positif sur la productivité de l’entreprise est indéniable et qu’il permet également une protection psychologique des salariés.
Au regard des dispositifs mis en place actuellement autour de l’aménagement du télétravail, refuser de mettre en place le droit à la déconnexion serait une faute pour l’entreprise. Or on a l’impression que peu de personnes perçoivent l’utilité de la déconnexion, surtout en cette période de plein télétravail. Ne serait-il pas logique de pouvoir utiliser son ordinateur à des fins privées pendant le confinement et aux heures non travaillées, sans être perturbé par des e-mails professionnels ?