Logement :toujours les mêmes erreurs (François de Rugy)
L’ancien ministre François de Rugy critique l’inaction de l’exécutif devant la crise du logement. Il propose la création d’un statut attractif pour les investisseurs individuels.
Le débat politico-médiatique est prompt à s’enflammer sur le prix du paquet de farine ou celui de l’essence. Sur le logement, on vit depuis un an une crise d’une rare violence dans une quasi-indifférence. La hausse des taux d’emprunt empêche beaucoup de salariés d’acheter un logement, neuf ou ancien. Dans une réaction en chaîne, cela impacte le marché de la location, où très peu de logements se libèrent. Cela a même des conséquences sur les hébergements d’urgence, qui sont saturés ! Tout le secteur se grippe.
Comme le nombre de logements en construction et le nombre de permis de construire – nos futurs logements neufs – sont en chute libre, la situation ne peut que s’aggraver dans les mois et les années qui viennent. Sans oublier que, dans le même temps, la population française augmente : la pression sera exponentielle ! Pour avoir été adjoint au maire d’une grande ville, puis député et ministre pendant plus de vingt ans, j’ai vu d’autres crises. Je constate malheureusement que le gouvernement prend le risque de répéter aujourd’hui les mêmes erreurs, entraînant les mêmes dégâts.
À commencer par la passivité. Certains responsables politiques attendent peut-être qu’une forte baisse des prix compense la hausse des taux et relance « mécaniquement » le marché immobilier. L’expérience a pourtant montré que cela ne se produisait pas. Par ailleurs, comme chaque fois que Bercy cherche à faire des économies, il propose d’en faire sur les dépenses en faveur du logement : c’est ainsi que l’on a resserré les critères du prêt à taux zéro ou que l’on supprime tout avantage fiscal pour l’investissement locatif. Il suffit d’un peu de mémoire pour savoir que cela a pour effet d’aggraver la crise en rendant encore plus difficile l’achat d’une maison ou d’un appartement pour les Français.
Il est temps de prendre la pleine mesure du problème du logement en France : en moyenne, sur les dix dernières années – des années fastes ! -, on a construit 340 000 logements par an, quand il en faudrait 500 000 pour répondre aux besoins des Français. Premier constat : investir pour louer est la plupart du temps moins rentable et plus complexe que placer son argent dans un livret d’épargne, une assurance-vie ou la Bourse. Surtaxer les résidences secondaires ou les logements loués en Airbnb ne créera pas de logements supplémentaires disponibles à la location pour les résidents permanents. Ce qu’il faut, c’est rendre la location longue durée plus motivante. C’est pourquoi la création d’un statut attractif pour l’investisseur immobilier individuel ou d’un nouveau dispositif fiscal incitatif est indispensable.
Un autre levier est de supprimer la taxe cachée qui pèse sur les acheteurs d’appartements neufs : en effet, c’est peu connu mais, en obligeant les promoteurs à vendre aux organismes HLM en dessous du coût de construction 25 à 35 % des logements qu’ils construisent, cela revient à faire peser un surcoût important sur les acheteurs privés.
On pourrait donner un droit aux Français de construire 25 % de plus que ce que prévoient aujourd’hui les plans locaux d’urbanisme
Le nœud du problème se situe surtout dans l’accès au foncier et la capacité à construire. Comme le dit l’adage, ce qui est rare est cher. Or les terrains disponibles pour construire sont de plus en rares. Et on y construit moins que ce que les documents d’urbanisme prévoient. Or, pour loger, il faut construire. Où construire ? Comment construire ? À quel rythme ? Sur tous ces sujets, depuis les lois de décentralisation, ce sont les élus locaux qui décident. Et malheureusement, ils sont élus et réélus en autorisant de moins en moins de constructions. Il est fini, le temps des maires bâtisseurs.
Personne n’accepterait qu’on enlève aux maires le pouvoir de délivrer des permis. Il serait en revanche légitime que le Parlement se saisisse du problème et ouvre par la loi de nouvelles capacités à construire, comme cela avait été voté sous Nicolas Sarkozy et rapidement abrogé sous François Hollande. On pourrait donner un droit aux Français de construire 25 % de plus que ce que prévoient aujourd’hui les plans locaux d’urbanisme, avec effet immédiat. Cela ne coûterait rien à l’État et aux collectivités locales. Au contraire, cela créerait des ressources fiscales immédiates et durables. Et ce serait une réponse concrète au « zéro artificialisation nette ».
Au lieu de céder certains de ses terrains gratuitement aux communes, l’État devrait aussi reprendre la main sur ce foncier en accélérant la construction de logements au maximum de ce qu’indiquent les règles d’urbanisme local et en appliquant ce bonus de 25 %. Le logement est un enjeu social, économique et écologique ; libérons-le de ses carcans !