Archive pour le Tag 'France'

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Politique France :On ne gouverne pas un pays par décrets

Politique France  :On ne gouverne pas un pays par décrets

Faute de majorité, le dernier gouvernement avait laissé entendre qu’il pourrait agir par décret notamment en suspendant les textes d’application des lois. En clair, utiliserait le décret pour supprimer la loi alors qu’évidemment la loi prime sur le décret dont l’objet est seulement de préciser les modalités de mise en oeuvre des textes votés au Parlement. Certes on objectera que certaines lois ont peu ou pas du tout été appliqués mais il s’agit là de cas marginaux. Actuellement ce qui est en cause c’est la loi sur les minima sociaux, la loi sur les retraites, la loi sur l’indemnisation du chômage.

À travers le NFP, la gauche pense avoir trouvé la martingale pour s’affranchir de l’obligation d’une majorité suffisante à l’assemblée nationale. Ainsi Mélenchon a-t-il annoncé sitôt les scores connus des législatives que le nouveau gouvernement procéderait par décrets. Autant dire qu’il s’agit d’une mise en congé du Parlement. Jusque-là le conseil d’État où le conseil constitutionnel n’ont pas réagi alors qu’il s’agit évidemment d’une sérieuse menace sur les principes démocratiques du pays. C’est  de cette manière que fonctionnent  la plupart des pays à régime autoritaire : le Parlement est une fiction et le pouvoir central décide de tout.

En outre sur le plan démocratique, il n’appartient pas aux seuls pouvoirs politiques de se substituer totalement et en permanence aux acteurs sociaux pour discuter des grandes orientations. Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, Macron s’est complètement assis sur cette nécessité d’impliquer les corps intermédiaires; Or Il est essentiel d’abord  qu’ils comprennent les enjeux ensuite pour qu’ils participent à l’élaboration des orientations y compris quand la décision finale revient éventuellement aux pouvoirs politiques.

On ne gouverne pas un pays en promettant un décret qui va augmenter les salaires de 100 €. C’est évidemment irresponsable autant qu’anti démocratique. Il y a un vrai problème de rémunération du travail dans le pays mais qui ne peut être examiné que de manière très fine par les acteurs sociaux et par filière sinon par exemple on risque encore d’écraser les grilles salariales des couches moyennes qualifiées.

On ne gouverne pas un pays en se substituant aux corps intermédiaires. La France n’est pas Cuba, ni la Russie, ni le Venezuela, encore moins la Chine. Accessoirement avant de décider de la gestion du pays par décret, il serait utile de revoir la problématique économique et financière du pays car le chiffrage par le nouveau Front populaire de ces propositions relève de la pure fantaisie.

France: Procédure européenne pour déficit excessif

France: Procédure européenne pour déficit excessif

Sept Etats membres, dont la France, , l’Italie la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte Vont faire l’objet de sanctions de la part de Bruxelles au motif du dérapage budgétaire et de la dette.

Ces pays  devront prendre des mesures correctrices pour respecter à l’avenir ces règles budgétaires, sous peine de sanctions financières. Ces règles ont été mises en sommeil après 2020 à cause de la crise économique liée au Covid puis à la guerre en Ukraine. Elles ont été réformées et réactivées cette année. Les déficits les plus élevés de l’UE ont été enregistrés l’an dernier en Italie (7,4% du PIB), en Hongrie (6,7%), en Roumanie (6,6%), en France (5,5%) et en Pologne (5,1%).

La France, dont la dette atteint 110% du PIB, a été la plupart du temps en procédure de déficit excessif depuis la création de l’euro au tournant des années 2000. Elle en était toutefois sortie en 2017. Il y a deux semaines, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie du gouvernement français démissionnaire, avait indiqué que la France doit économiser 25 milliards d’euros en 2024 pour redresser ses finances publiques. Quelque 15 milliards d’économies ont déjà été «exécutés» mais il reste à trouver 10 autres milliards en réduisant les dépenses des ministères et des collectivités locales ainsi que par l’effet d’une taxation des rentes plus efficace sur les énergéticiens, selon M. Le Maire.

En terme de déficit public, Paris promet de revenir dans les clous en quatre ans. Bruno Le Maire a fixé l’objectif de 5,1% de déficit en 2024 (après 5,5% en 2023), alors que Bruxelles table sur 5,3% cette année et 5% en 2025. 

 

Foot France-Colombie : de justesse !

Foot France-Colombie : de justesse !

Une première mi-temps éblouissante par l’équipe de France féminine face à la Colombie. Malheureusement une seconde mi-temps cauchemardesque. Il était temps que le match se termine et la France l’emporte 3 à 2.

Elles avaient pourtant tout fait ! Dans une première mi-temps dominée de A à Z, les Bleues de Hervé Renard semblaient intouchables. Portées par un doublé de Marie-Antoinette Katoto et un but de Kenza Dali, les Françaises étaient au-dessus techniquement comme dans l’intensité. On pensait alors que c’était le début d’une soirée faste et d’un récital. En fait, la deuxième mi-temps fut cauchemardesque et    la maladresse des Sud-Américaines dans le dernier geste va heureusement sauver des Françaises qui pourront s’estimer heureuses. Il faudra tenir le niveau autrement pour affronter d’autres équipes par exemple comme la superbe équipe espagnole.

L’évolution structurelle du climat en France

L’évolution structurelle du climat en France

Laurent Strohmenger
Hydrologue, Leibniz Institute of Freshwater Ecology and Inland Fisheries

Corre Lola
Climatologue, Météo France

Fabienne Rousset
Ingénieure en hydro-climatologie, Météo France

Guillaume Thirel
Chercheur en hydrologie, Inrae

Lila Collet
Ingénieur chercheur chez EDF

Vazken Andréassian
Hydrologue, directeur de l’unité de recherche HYCAR, ingénieur général des ponts, eaux & forêts, Inrae

 

Vagues de chaleur, sécheresses ou au contraire inondations et tensions sur l’eau, mise en difficulté de la biodiversité, voire propagation de maladies… Nombreux sont les impacts attendus du changement climatiques.

Ces impacts se manifestent non seulement par une augmentation de la fréquence et de l’ampleur des événements extrêmes, mais aussi par un déplacement progressif des valeurs moyennes des variables climatiques. La répartition des types de climat en France métropolitaine (montagnard sur les reliefs, méditerranéen sur le Sud-Est et tempéré sur le reste du territoire) pourrait être profondément modifiée.

C’est ce que nous avons montré dans une étude récente, où nous avons illustré l’évolution des types de climats régionaux du pays en fonction des trajectoires climatiques – autrement dit, selon l’ampleur de nos efforts pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans un scénario sans réduction de celles-ci, une grande partie du territoire pourrait passer sous un climat de type méditerranéen. Un changement rapide qui interroge les capacités des écosystèmes à s’y adapter.

 

par Laurent Strohmenger
Hydrologue, Leibniz Institute of Freshwater Ecology and Inland Fisheries

Corre Lola
Climatologue, Météo France

Fabienne Rousset
Ingénieure en hydro-climatologie, Météo France

Guillaume Thirel
Chercheur en hydrologie, Inrae

Lila Collet
Ingénieur chercheur chez EDF

Vazken Andréassian
Hydrologue, directeur de l’unité de recherche HYCAR, ingénieur général des ponts, eaux & forêts, Inrae

dans The Conversation 

 
Pour rendre ces changements plus faciles à appréhender, nous les avons représentés sous forme de cartes. Pour cela, nous avons utilisé la classification de Köppen-Geiger, système de classification climatique très largement utilisé dans le monde, qui reflète les valeurs saisonnières moyennes de pluie et de température des différentes zones géographiques sur une période de 30 ans.

Dans le système de Köppen-Geiger, un type de climat est décrit par trois niveaux d’information :

d’abord la principale caractéristique du climat, notée sous forme d’une lettre majuscule (A pour tropical, B pour aride, C pour tempéré, D pour continental et enfin E pour polaire)

le régime de pluie (été ou hiver sec, ou pas de saison sèche), noté sous forme d’une deuxième lettre,

et enfin le régime de température (été froid, doux, ou chaud), noté sous forme d’une troisième lettre.

Ainsi, si vous habitez en Bretagne, le type de climat dont vous êtes familier sera noté Cfb pour Tempéré (C), sans saison sèche (f), avec des étés doux (b). Appliquée aux données historiques (entre 1976 et 2005) du pays, cette classification permet d’identifier plusieurs types de climats en France.
Répartition des types de climat en France sur la période 1976-2005. L. Strohmenger et al, Fourni par l’auteur
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Le climat de la majeure partie du territoire (93 %), selon ces données historiques, est de type tempéré (premier niveau C), avec plusieurs subdivisions possibles, notamment :

tempéré sans saison sèche et été doux (Cfb) pour 85 % du territoire,

tempéré avec été sec et chaud (Csa) localisé sur le pourtour méditerranéen,

tempéré sans saison sèche et été chaud (Csb) observé dans une partie des Alpes du Sud et en Corse.

La zone froide (D), qui se répartit en deux sous-catégories, couvre 6 % du territoire en moyenne montagne. Enfin, la zone polaire (notée ET et qui représente moins d’1 % de la superficie du territoire) couvre la haute montagne.

Cette classification peut également s’appliquer aux projections décrivant le climat futur. Ces données, produites en cohérence avec les préconisations du GIEC grâce à un large ensemble de modèles climatiques, ont été mises à jour récemment dans le cadre du projet Explore2. Elles sont par ailleurs librement et gratuitement disponibles sur le portail DRIAS-les futurs du climat.

Sans baisse des émissions, une recomposition du climat d’ici 2100
Les types de climat que l’on rencontrera en France à la fin du siècle varient nettement en fonction de la trajectoire climatique. Dans le scénario où l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre se poursuit au rythme actuel (RCP 8.5), c’est une recomposition majeure des types de climat en France qui est à attendre d’ici la fin du siècle, affectant 86 % de la surface du territoire.
Types de climat en France selon les différentes périodes et les différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre (RCP). Le type de climat affiché est celui le plus fréquemment calculé par les différents modèles utilisés pour les projections. L. Strohmenger et al, Fourni par l’auteur
Parmi les principaux changements attendus, selon ce scénario :

Sur la façade ouest du pays, on observera une expansion massive du climat de type méditerranéen, caractérisé par des étés plus secs et plus chauds.

Le grand quart nord-est du pays évoluera vers des étés plus chauds, sans modification majeure du régime de pluie en été.

Enfin, dans les régions de moyenne et haute montagne les climats froids vont évoluer vers des climats tempérés, et les types de climat polaires vers des climats froids à haute altitude.

Il reste possible d’empêcher cette évolution. Dans un scénario ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (RCP 2.6), les changements sont plus limités. Ils ne concerneront alors plus qu’environ 20 % du territoire, principalement les zones montagneuses, avec une élévation de l’altitude où l’on rencontre les types de climat froid et polaire. Dans ce scénario, le Sud-Ouest et la vallée du Rhône verront aussi leur climat évoluer vers des étés plus chauds.

Si l’on s’intéresse à la vitesse de ces changements, on constate que la part du territoire que représente chaque type de climat suit une trajectoire assez similaire jusqu’en 2035 dans tous les scénarios. En revanche, les trajectoires divergent très nettement à partir de 2035 jusqu’à la fin du siècle.
Il est important de souligner que ces résultats sont estimés à partir d’un ensemble de projections basées sur plusieurs modèles de climat par scénario d’émission en GES. Ici, nous avons retenu le type de climat qui apparaissait le plus souvent parmi ces ensembles de projections, même si les futures évolutions de précipitation et de température peuvent varier d’une projection à l’autre. Cela illustre bien l’incertitude associée à la simulation du climat.

Par ailleurs, il est important de préciser que la classification de Köppen-Geiger se base uniquement sur les données de température et de précipitation, ignorant d’autres paramètres comme la vitesse et la direction du vent, le rayonnement, l’humidité de l’air… De quoi rendre délicates les comparaisons directes, pour un même type de climat, pour des périodes et des lieux différents. Autrement dit, un type de climat Csa (été sec et chaud) à Marseille en 1980 ne sera pas en tout point identique au même type de climat à Nantes en 2080.

Une dernière précision importante : cette étude s’intéresse au climat, qui reflète un état moyen sur une longue période. Les types de climat présentés ont ainsi été calculés sur des périodes de 30 ans. Ces projections ne prennent donc pas en compte l’évolution future des événements météorologiques extrêmes, ponctuels et localisés.
La rapidité de ces changements, en l’espace d’un siècle, pose de nombreuses questions sur les capacités de nos sociétés et des écosystèmes à s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques. En effet, nous avons estimé la vitesse d’expansion du climat sec et chaud du sud vers le nord à 7 km/an. Pour ce qui est de la vitesse d’expansion en altitude, nous l’avons évaluée à 5 m/an. On peut dès lors s’attendre à des répercussions directes sur la santé des forêts et de la végétation naturelle, en raison de rythmes d’adaptation et de migration et des espèces plus longs.

L’évolution du couvert végétal, couplée au changement de régime de température et de précipitations, altérera très certainement le cycle de l’eau, favorisant par exemple des événements de crue et de sécheresses plus intenses, avec des conséquences sur tous les secteurs socio-économiques qui dépendent des ressources en eau.

Seule une réduction significative de nos émissions de GES (scénario RCP 2.6) permettrait de limiter ces impacts et de ralentir les dynamiques du changement climatique à des vitesses plus compatibles avec les capacités d’adaptation des écosystèmes et de nos sociétés.

Bolloré, le nationaliste quitte la France !

Bolloré, le nationaliste quitte la France !

 

Bolloré patron de Videndi et de Canal notamment grand soutien du souverainisme et de l’extrême droite vient de décider de délocaliser la cotation de ces entreprises à Londres pour Canal+, à Amsterdam pour Havas. Ne resterait à Paris que des activités plus accessoires comme l’édition. Le souverainiste nationaliste n’est pas à une contradiction près même chose quand il tirait surtout ses bénéfices  en Afrique.
La décision de Vivendi de faire coter ses filiales Canal + à Londres et Havas à Amsterdam remet en lumière les réflexions de TotalEnergies sur une éventuelle double cotation à Paris et New York. Et ce, à peine un mois après l’adoption d’une loi sur l’attractivité de la place de Paris. Reste à savoir si la décision de Vivendi relève davantage d’une logique patrimoniale et boursière que stratégique Des perspectives de fiscalité sur les grandes fortunes  en France?.

Le projet de scission du groupe Vivendi, attendu par les marchés et promis par l’actionnaire de contrôle Vincent Bolloré, devrait se traduire par la cotation de ses principaux actifs à Londres (Canal +) et à Amsterdam (Havas). Rappelons que Vivendi avait déjà choisi les Pays-Bas pour faire coter sa filiale Universal Music Group (UMG) lors d’une précédente scission en 2021.

La décision de Vivendi de faire coter ses filiales Canal + à Londres et Havas à Amsterdam remet en lumière les réflexions de TotalEnergies sur une éventuelle double cotation à Paris et New York. Et ce, à peine un mois après l’adoption d’une loi sur l’attractivité de la place de Paris. Reste à savoir si la décision de Vivendi relève davantage d’une logique patrimoniale et boursière que stratégique.

France: Pourquoi pas de modèle économique consensuel ?

France:  Pourquoi pas de modèle économique consensuel ? 

 

Le consultant Patrick d’Humières constate, dans une tribune au « Monde », qu’aucun parti politique ne soutient les principes d’une économie efficace et « responsable », alliant principes de bonne gouvernance et juste répartition de la valeur.

 

Nos partis politiques ne sont pas les meilleurs économistes du pays… Depuis deux siècles, chacun s’accroche à une vision idéologique des équilibres macroéconomiques qui n’a guère varié : les libéraux professent l’efficacité des marchés libres depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, la répartition de la valeur devant rester leur affaire, et l’Etat n’aurait pas à s’en occuper ; les socioredistributifs, auxquels les échecs de l’Etat-providence n’ont rien appris jusqu’à ce jour, affichent depuis la grande crise des années 1930 un keynésianisme ; quant aux étatistes, qui ont eu leur heure de gloire à travers le redressement gaulliste, ils n’avouent pas qu’ils sont enfermés dans le protectionnisme et l’affaiblissement des droits contractuels des parties.

La crise démocratique actuelle a relancé cette triple offre régressive et dépassée, qui s’émancipe des savoirs d’efficacité économique existants et fait fi des schémas adoptés par la plupart de nos partenaires développés. En plus du fait qu’elle représente un coût social et démocratique très élevé.

Mais pourquoi donc la France n’est-elle pas parvenue à se doter au fil de ses soubresauts politiques d’un modèle économique consensuel qui aurait permis de sanctuariser les grandes règles du jeu économique applicables aux entreprises ? L’explication la plus connue est la complicité inavouée entre un pilotage étatique qui ne se lasse pas de faire gonfler la sphère de l’aide publique et les grands groupes qui savent négocier leur liberté et leur fiscalité, sans que la réflexion sur l’intérêt général soit très approfondie.

C’est ce mécanisme que révèle, par exemple, le récent rapport du Sénat sur la façon dont Total assume plus ou moins les intérêts collectifs français : les sénateurs en ont conclu qu’une action publique spécifique devrait permettre à l’Etat de faire mieux respecter les intérêts énergétiques français par la multinationale.

Les trois modèles historiques ont leurs thuriféraires intéressés dans chaque camp. Ils occultent la montée des aspirations de la plupart des Français pour une économie responsable, alliant des principes de bonne gouvernance à une juste répartition de la valeur, en passant par des constantes de fiscalité et de contribution locale et sociale visant un « juste profit ».

Dette: La note financière de la France dégradée ?

Dette: La note financière de la France dégradée ?

Deux raisons militent en faveur d’une dégradation de la nature financière de la France. D’une part le pays ne tient pas ses engagements en matière de réduction de dépenses et donc de déficit budgétaire. Mécaniquement la dette ne fait qu’augmenter faute de de ressources suffisantes la France doit emprunter et emprunter toujours davantage. En plus à des taux moins intéressants que précédemment.
Le deuxième facteur explicatif est celui de l’instabilité politique qui pourrait engendrer une instabilité économique. De quoi jouer sur le niveau de la croissance, l’emploi, le pouvoir d’achat et les ressources fiscales. Le moral des entreprises comme celui des ménages nettement en baisse rend compte à cet égard des inquiétudes pour la fin de l’année 2024 voire au-delà.Après deux dégradations en un an, la première par Fitch en avril 2023 et la deuxième par Standard & Poor’s (S&P) le 31 mai 2024, le risque d’un troisième abaissement de la note française à l’automne a considérablement augmenté depuis le résultat des élections législatives et le flou sur les choix de politique économique qui en découle.

Endettement France : vers la fuite en avant

Endettement France : vers la fuite en avant

Pour l’instant les médias, se focalisent sur la composition d’un nouveau gouvernement. Ce n’est évidemment pas l’enjeu principal. La question centrale est de savoir comment la France va échapper à la crise financière écartelée entre la promesse de la gauche de dépenser 50 à 100 milliards supplémentaires et la nécessité d’économiser de l’ordre de 21 milliards pour rentrer dans les clous européens et commencer à gérer sérieusement la dette. La question des financements, des déficits et de la dette n’est pas au cœur de la problématique des programmes. Elle reviendra pourtant au centre des préoccupations dès la rentrée avec le vote des budgets.

 

Le Fonds monétaire international (FMI) , après les critiques de la Cour des Comptes, presse ainsi la France, ce mardi, de mettre en ordre ses finances publiques.« Il est important de rassurer les marchés mais aussi de recréer des marges de manœuvre. Il ne s’agit pas simplement de faire plaisir aux investisseurs, mais de permettre de baisser la prime de risque et pouvoir engager des dépenses sur des nouveaux chantiers, que ce soit la défense ou le climat », a déclaré à l’AFP, le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas.

Pour rappel, la prime de risque représente un surcoût intégré au taux d’emprunt de la France afin de financer sa dette, qui prend en compte le risque que les investisseurs estiment prendre en pariant sur des obligations à terme (OAT) françaises.

Le chef économiste du Fonds s’exprimait ce mardi à l’occasion de la présentation de la dernière actualisation de son rapport annuel sur l’économie mondiale (WEO), dans lequel il anticipe une croissance de 0,9% en 2024 pour la France, mieux que les 0,7% anticipé en avril dernier.

« Sans ajustement sérieux » de la trajectoire budgétaire, « il va être difficile d’atteindre les objectifs d’un retour du déficit à 3% du PIB pour 2027 », a ajouté Pierre-Olivier Gourinchas, rappelant que la France a été placée mi-juin en procédure de déficit excessif par la Commission européenne.« Le situation actuelle augmente l’incertitude économique, qui peut dériver du processus politique mais également d’une incertitude importante quant à la trajectoire budgétaire qui sera mise en place », a-t-il insisté.

Sur le plan politique, le problème c’est que la gauche a bien prévu un plan de dépenses supplémentaires mais a oublié d’en chiffrer le montant et les modalités. Les institutions financières et les agences de notation rappelleront à l’ordre la France d’ici la fin de l’année rendront alors encore plus illusoire les promesses électorales.

« Il est nécessaire de réduire cette incertitude et d’avoir un accord qui soit le plus large possible pour prendre en compte cette situation budgétaire. Il faut que l’on soit capable de disposer de marges pour faire face aux chocs futurs car elles sont aujourd’hui très faibles », a-t-il précisé.

Dans son rapport sur la situation des finances publiques présenté lundi 15 juillet, la Cour des comptes s’inquiète elle aussi de la gestion des comptes publics par le gouvernement. Les magistrats financiers s’interrogent notamment sur la trajectoire budgétaire de l’exécutif, détaillée en avril à la Commission européenne dans le programme de stabilité (« PSTAB »). Celle-ci repose sur « des hausses importantes » des prélèvements obligatoires supplémentaires, à savoir « quelque 21 milliards d’euros » en cumul pour les années 2025 et 2026, a expliqué son premier président, Pierre Moscovici, devant la presse.

Précisément, selon le rapport, la trajectoire « intègre des mesures de hausses d’impôts d’ampleur, à hauteur de 15 milliards d’euros en 2025 et de 6,2 milliards d’euros en 2026, soit 21,2 milliards à cet horizon ». Le problème c’est que ces recettes supplémentaires ne sont nullement documentées sauf pour 4 milliards ; conclusion il manque 17 milliards

« Pour le reste (17 milliards, ndlr), on n’a aucun élément », relève Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes. « Ce n’est pas du tout documenté. Il n’y a absolument pas d’éléments précis pour dire à quoi ce serait dû », poursuit-elle.

Outre ce manque de réalisme, la juridiction financière administrative pointe l’épée de Damoclès qui repose au-dessus des comptes publics. « Les scénarios alternatifs testés par la Cour des comptes montrent que tout écart par rapport aux prévisions de croissance, de dépenses ou de recettes suffirait à faire dérailler la trajectoire et à manquer les cibles de déficit et de dette pour 2027 », prévient-elle.

France : la crise financière qui s’annonce

France : la crise financière qui s’annonce

 

Pour l’instant les médias, se focalisent sur la composition d’un nouveau gouvernement. Ce n’est évidemment pas l’enjeu principal. La question centrale est de savoir comment la France va échapper à la crise financière écartelée entre la promesse de la gauche de dépenser 50 à 100 milliards supplémentaires et la nécessité d’économiser de l’ordre de 21 milliards pour rentrer dans les clous européens et commencer à gérer sérieusement la dette. La question des financements, des déficits et de la dette n’est pas au cœur de la problématique des programmes. Elle reviendra pourtant au centre des préoccupations dès la rentrée avec le vote des budgets. Le  Fonds monétaire international (FMI) , après les critiques de la Cour des Comptes, presse ainsi la France, ce mardi, de mettre en ordre ses finances publiques.« Il est important de rassurer les marchés mais aussi de recréer des marges de manœuvre. Il ne s’agit pas simplement de faire plaisir aux investisseurs, mais de permettre de baisser la prime de risque et pouvoir engager des dépenses sur des nouveaux chantiers, que ce soit la défense ou le climat », a déclaré à l’AFP, le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas.

Pour rappel, la prime de risque représente un surcoût intégré au taux d’emprunt de la France afin de financer sa dette, qui prend en compte le risque que les investisseurs estiment prendre en pariant sur des obligations à terme (OAT) françaises.

Le chef économiste du Fonds s’exprimait ce mardi à l’occasion de la présentation de la dernière actualisation de son rapport annuel sur l’économie mondiale (WEO), dans lequel il anticipe une croissance de 0,9% en 2024 pour la France, mieux que les 0,7% anticipé en avril dernier.

« Sans ajustement sérieux » de la trajectoire budgétaire, « il va être difficile d’atteindre les objectifs d’un retour du déficit à 3% du PIB pour 2027 », a ajouté Pierre-Olivier Gourinchas, rappelant que la France a été placée mi-juin en procédure de déficit excessif par la Commission européenne.« Le situation actuelle augmente l’incertitude économique, qui peut dériver du processus politique mais également d’une incertitude importante quant à la trajectoire budgétaire qui sera mise en place », a-t-il insisté.

Sur le plan politique, le problème c’est que la gauche a bien prévu un plan de dépenses supplémentaires mais a oublié d’en chiffrer le montant et les modalités. Les institutions financières et les agences de notation rappelleront à l’ordre la France d’ici la fin de l’année rendront alors encore plus illusoire les promesses électorales.

« Il est nécessaire de réduire cette incertitude et d’avoir un accord qui soit le plus large possible pour prendre en compte cette situation budgétaire. Il faut que l’on soit capable de disposer de marges pour faire face aux chocs futurs car elles sont aujourd’hui très faibles », a-t-il précisé.

Dans son rapport sur la situation des finances publiques présenté lundi 15 juillet, la Cour des comptes s’inquiète elle aussi de la gestion des comptes publics par le gouvernement. Les magistrats financiers s’interrogent notamment sur la trajectoire budgétaire de l’exécutif, détaillée en avril à la Commission européenne dans le programme de stabilité (« PSTAB »). Celle-ci repose sur « des hausses importantes » des prélèvements obligatoires supplémentairesà savoir « quelque 21 milliards d’euros » en cumul pour les années 2025 et 2026, a expliqué son premier président, Pierre Moscovici, devant la presse.

Précisément, selon le rapport, la trajectoire « intègre des mesures de hausses d’impôts d’ampleur, à hauteur de 15 milliards d’euros en 2025 et de 6,2 milliards d’euros en 2026, soit 21,2 milliards à cet horizon ». Le problème c’est que ces recettes supplémentaires ne sont nullement documentées sauf pour 4 milliards ; conclusion il manque 17 milliards

« Pour le reste (17 milliards, ndlr), on n’a aucun élément », relève Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes. « Ce n’est pas du tout documenté. Il n’y a absolument pas d’éléments précis pour dire à quoi ce serait dû », poursuit-elle.

Outre ce manque de réalisme, la juridiction financière administrative pointe l’épée de Damoclès qui repose au-dessus des comptes publics. « Les scénarios alternatifs testés par la Cour des comptes montrent que tout écart par rapport aux prévisions de croissance, de dépenses ou de recettes suffirait à faire dérailler la trajectoire et à manquer les cibles de déficit et de dette pour 2027 », prévient-elle.

 

France : l’urgence d’un choc de productivité

France : l’urgence d’un choc de productivité

 

Vous avez peut-être vu passer ces messages sur les réseaux sociaux, où des Européens de retour d’un séjour à New York notaient que tout y était cher. Trop cher. À tel point que certains d’entre eux estimaient avoir eu l’impression d’être pauvres le temps de leur séjour outre-Atlantique. Symétriquement, le touriste nord-américain qui va venir à Paris pour les Jeux olympiques et paralympiques disposera d’un pouvoir d’achat élevé. Ce phénomène d’appauvrissement relatif a pris une telle ampleur que plusieurs médias, tels que Le Figaro, Le Monde ou BFM, l’ont récemment relayé.

 

par Julien Pillot
Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande École dans The Conversation 
Bien évidemment, lorsqu’il est question de comparer un différentiel de pouvoir d’achat, le premier réflexe est de confronter l’évolution de l’indice général des prix, celle des salaires (qui est le prix du travail), et celle du taux de change.

Première observation : si l’inflation a connu des trajectoires assez similaires de part et d’autre de l’Atlantique depuis 2005, le rythme a été plus soutenu aux États-Unis qu’en France ou dans l’eurozone, avec respectivement des écarts de 13,1 points et de 7 points.

Seconde observation : les salaires, exprimés en parité de pouvoir d’achat, ont augmenté près de deux fois plus vite aux États-Unis (+20,77 %) qu’en France (+10,81 %) sur la même période. Autrement dit, le gain en pouvoir d’achat domestique a été près de deux fois plus important pour les salariés américains que pour leurs homologues français sur une période équivalente.

L’observation de l’évolution des taux de change achève de dresser un tableau peu flatteur de la situation des pays de l’eurozone relativement aux États-Unis : depuis 2008 – une date charnière car elle correspond au plus haut de l’euro par rapport au dollar mais aussi à l’éclatement de la crise des subprimes et à ses conséquences financières et politiques – le dollar s’est apprécié de plus de 35 % par rapport à l’euro ! Concrètement, ce décrochage relatif de l’euro a été particulièrement préjudiciable à des pays qui, comme la France, importent davantage de biens de consommation qu’ils n’en exportent. Et bien évidemment, les touristes américains en Europe s’en trouvent avantagés…

Résumons-nous : un écart de pouvoir d’achat s’est creusé entre les deux rives de l’Atlantique, en raison de l’affaiblissement relatif de la monnaie unique vis-à-vis du billet vert, et de salaires réels ayant progressé plus vite aux États-Unis que dans les pays de la zone euro. D’aucuns pourraient y voir la résultante d’un décrochage des économies européennes par rapport à celle de l’Oncle Sam. Qu’en est-il vraiment ? Et le cas échéant, quelles en seraient les principales causes ?

Pour bien apprécier l’éventuel décrochage des économies de la zone euro relativement aux États-Unis, il s’agit dans un premier temps de s’intéresser à l’évolution du PIB. Le décrochage est net depuis 2011. On peut y voir les effets de politiques contrastées, avec côté états-unien des politiques monétaires de relance dites “non conventionnelles”, auxquelles ont, répondu des politiques similaires en zone Euro, mais décalées dans le temps et surtout doublées d’une austérité budgétaire qui a limité le potentiel de croissance. Mais cela ne saurait tout expliquer. Encore moins le point d’écart de croissance que l’on retrouve chaque année depuis 2019 (EUA : +1,9 % par an ; Euro zone : +0,8 % par an), qui est précisément celui que l’on retrouve lorsque l’on observe les évolutions du PIB depuis 1995 (EUA : +2,4 % par an ; Euro zone : +1,4 % par an).

Il serait alors extrêmement tentant d’attribuer cet écart structurel de croissance à une démographie américaine qui serait plus dynamique que son pendant européen. Car après tout, une démographie dynamique joue positivement sur l’offre (en tant que facteur de production) et la demande (à travers la consommation intérieure). Une première lecture donnerait raison à cette intuition, puisque la démographie américaine s’est accrue en moyenne de 0,83 % par an depuis 1995 quand, dans le même temps, celles de la France et de l’UE ne progressaient respectivement que de 0,5 % et de 0,19 %.

Le constat est encore plus terrible lorsque l’on observe les dynamiques à l’œuvre sur la population en âge de travailler : sur la période, les États-Unis enregistrent une progression annuelle moyenne de 0,8 %, quand la France est à 0,28 % et l’UE est à l’arrêt (-0,01 %). Si vous vous interrogiez sur les raisons qui président au débat qui a émaillé les élections européennes à propos du vieillissement démographique de l’Europe et de la nécessité à faire appel à une main-d’œuvre immigrée, vous avez là une bonne partie de la réponse.

Reste que si ce différentiel démographique explique une part de l’écart de croissance entre les États-Unis et l’Europe, il est également des plus trompeurs. Car il ne sert à rien d’avoir une démographie dynamique si l’appareil productif ne suit pas, sans quoi ce serait surtout le nombre de chômeurs qui augmenterait. Il est donc nécessaire de superposer cet écart démographique avec le nombre de créations d’emplois sur la même période, pour s’assurer de la capacité de l’économie à absorber la population en âge de travailler.

 

Or, en matière de taux d’activité et d’emploi, la zone euro fait bien mieux que les États-Unis depuis 2005, y compris depuis la crise du Covid. Tant et si bien que l’eurozone a quasiment compensé son déficit démographique par la mobilisation de sa population en âge de travailler, grâce à une dynamique de création d’emplois plus soutenue. Nous pourrions y voir l’illustration de l’efficacité des politiques menées en Europe en faveur de libéralisation de l’économie et de la baisse des coûts du travail, notamment pour sa composante la moins qualifiée et ou la plus ubérisée.

Alerte rouge sur la productivité (et le numérique)
Si la démographie ne parvient que très imparfaitement à expliquer l’écart de croissance entre les États-Unis et la zone euro, c’est du côté de la productivité du travail qu’il convient de se tourner. Et le moins que l’on peut dire, c’est qu’un véritable fossé s’est creusé de part et d’autre de l’Atlantique, ainsi que le soulignent fort justement Maria Guadalupe, Xavier Jaravel, Thomas Philippon et David Sraer dans une note du Conseil d’Analyse économique datée de 2022. Les auteurs y révèlent que la France a concédé 7 points de productivité relativement aux États-Unis entre 2003 et 2019, ce qui correspond peu ou prou à l’écart de PIB par habitant entre les deux pays sur la même période. Un résultat qui tend à accréditer notre analyse précédente qui visait à modérer les effets issus notamment de la démographie ou du dynamisme du marché du travail. Or, comme le soulignent les auteurs, ce décrochage de productivité « représente un manque à gagner de 140 milliards d’euros de PIB pour la France en 2019, soit environ 65 milliards de recettes fiscales annuelles ».

Plus inquiétant encore, l’écart de productivité entre la zone euro et les États-Unis apparaît encore plus béant lorsque l’on s’intéresse plus spécifiquement – quoi de plus logique dans des pays fortement tertiarisés – aux services marchands.

Ce déficit de productivité dans les services marchands illustre parfaitement les difficultés de notre Vieux Continent à réellement embrasser les opportunités qu’offre le numérique au XXIe siècle. Là où l’Europe semble encore perpétuer son logiciel historique de création de petits jobs de service à faible valeur ajoutée en soutien de son industrie, les États-Unis se sont non seulement érigés en producteurs parmi les plus compétitifs de technologies et de services numériques, mais ils en sont aussi de meilleurs utilisateurs : leurs entreprises sont déjà en phase avancée d’intégration, d’automatisation et d’optimisation. Résultat implacable : quand le Covid-19 mettait à mal la productivité des services marchands européens (-6,7 points entre 2019 et 2020), les entreprises de services américaines étaient déjà matures pour basculer en distanciel (+5,8 points).

Bien évidemment, la chute de productivité ne saurait expliquer à elle seule le décrochage de la zone euro relativement aux États-Unis. Elle en est à la fois la cause, mais aussi la conséquence de l’effet conjugué de plusieurs atouts structurels dont bénéficie l’Oncle Sam : un marché domestique plus intégré présentant des effets d’échelle supérieurs, la force du dollar et la puissance des politiques expansionnistes, telles que l’IRA, une industrie du capital-risque particulièrement dynamique qui a soutenu (et continue de soutenir) le déploiement rapide des technologies numériques (notamment l’IA), le leadership technologique et la rente économique et informationnelle qui en découle, la capacité à former ou à attirer des talents à forte valeur ajoutée, sans oublier un prix de l’énergie des plus compétitifs, notamment depuis que les États-Unis exploitent massivement le pétrole de schiste (et qu’a contrario l’Europe subit de plein fouet une inflation énergétique consécutive à la guerre en Ukraine). Sur ce dernier point, Thomas Philippot évoquait dernièrement « un avantage compétitif sur l’Europe évalué à 923 milliards d’euros par an ».

Ce décalage de croissance, et l’appauvrissement relatif de la population de l’eurozone au regard des citoyens américains, auraient dû être des thèmes au cœur de la campagne des élections européennes et des élections législatives consécutives à la dissolution. Car, au-delà de la question de la prospérité économique ou celle de la soutenabilité de notre système de protection sociale, ce qui est en jeu n’est rien d’autre que la vassalisation de la zone euro par les États-Unis, sur les plans diplomatique, militaire, économique et numérique.

Alors que ces deux échéances électorales rapprochées nous ont noyés sous une cacophonie des propositions sociales et sociétales, nous attendons encore la formation politique qui aurait proposé un programme orienté vers la productivité, la compétitivité, l’innovation, la réindustrialisation, l’autonomie stratégique, la décarbonation de l’économie, l’excellence éducative et le progrès. Sur ces questions pourtant essentielles pour permettre à l’Europe et à la France de rester dans l’Histoire dans un XXIe siècle de tous les dangers, le silence assourdissant du politique nous apparaît au mieux comme une impardonnable omission, au pire comme une démission coupable.

Finances publiques France: La fuite en avant

 

Pour l’instant les médias, se focalisent sur la composition d’un nouveau gouvernement. Ce n’est évidemment pas l’enjeu principal. La question centrale est de savoir comment la France va échapper à la crise financière écartelée entre la promesse de la gauche de dépenser 50 à 100 milliards supplémentaires et la nécessité d’économiser de l’ordre de 21 milliards pour rentrer dans les clous européens et commencer à gérer sérieusement la dette. La question des financements, des déficits et de la dette n’est pas au cœur de la problématique des programmes. Elle reviendra pourtant au centre des préoccupations dès la rentrée avec le vote des budgets. Le  Fonds monétaire international (FMI) , après les critiques de la Cour des Comptes, presse ainsi la France, ce mardi, de mettre en ordre ses finances publiques.« Il est important de rassurer les marchés mais aussi de recréer des marges de manœuvre. Il ne s’agit pas simplement de faire plaisir aux investisseurs, mais de permettre de baisser la prime de risque et pouvoir engager des dépenses sur des nouveaux chantiers, que ce soit la défense ou le climat », a déclaré à l’AFP, le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas.

Pour rappel, la prime de risque représente un surcoût intégré au taux d’emprunt de la France afin de financer sa dette, qui prend en compte le risque que les investisseurs estiment prendre en pariant sur des obligations à terme (OAT) françaises.

Le chef économiste du Fonds s’exprimait ce mardi à l’occasion de la présentation de la dernière actualisation de son rapport annuel sur l’économie mondiale (WEO), dans lequel il anticipe une croissance de 0,9% en 2024 pour la France, mieux que les 0,7% anticipé en avril dernier.

« Sans ajustement sérieux » de la trajectoire budgétaire, « il va être difficile d’atteindre les objectifs d’un retour du déficit à 3% du PIB pour 2027 », a ajouté Pierre-Olivier Gourinchas, rappelant que la France a été placée mi-juin en procédure de déficit excessif par la Commission européenne.« Le situation actuelle augmente l’incertitude économique, qui peut dériver du processus politique mais également d’une incertitude importante quant à la trajectoire budgétaire qui sera mise en place », a-t-il insisté.

Sur le plan politique, le problème c’est que la gauche a bien prévu un plan de dépenses supplémentaires mais a oublié d’en chiffrer le montant et les modalités. Les institutions financières et les agences de notation rappelleront à l’ordre la France d’ici la fin de l’année rendront alors encore plus illusoire les promesses électorales.

« Il est nécessaire de réduire cette incertitude et d’avoir un accord qui soit le plus large possible pour prendre en compte cette situation budgétaire. Il faut que l’on soit capable de disposer de marges pour faire face aux chocs futurs car elles sont aujourd’hui très faibles », a-t-il précisé.

Dans son rapport sur la situation des finances publiques présenté lundi 15 juillet, la Cour des comptes s’inquiète elle aussi de la gestion des comptes publics par le gouvernement. Les magistrats financiers s’interrogent notamment sur la trajectoire budgétaire de l’exécutif, détaillée en avril à la Commission européenne dans le programme de stabilité (« PSTAB »). Celle-ci repose sur « des hausses importantes » des prélèvements obligatoires supplémentairesà savoir « quelque 21 milliards d’euros » en cumul pour les années 2025 et 2026, a expliqué son premier président, Pierre Moscovici, devant la presse.

Précisément, selon le rapport, la trajectoire « intègre des mesures de hausses d’impôts d’ampleur, à hauteur de 15 milliards d’euros en 2025 et de 6,2 milliards d’euros en 2026, soit 21,2 milliards à cet horizon ». Le problème c’est que ces recettes supplémentaires ne sont nullement documentées sauf pour 4 milliards ; conclusion il manque 17 milliards

« Pour le reste (17 milliards, ndlr), on n’a aucun élément », relève Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes. « Ce n’est pas du tout documenté. Il n’y a absolument pas d’éléments précis pour dire à quoi ce serait dû », poursuit-elle.

Outre ce manque de réalisme, la juridiction financière administrative pointe l’épée de Damoclès qui repose au-dessus des comptes publics. « Les scénarios alternatifs testés par la Cour des comptes montrent que tout écart par rapport aux prévisions de croissance, de dépenses ou de recettes suffirait à faire dérailler la trajectoire et à manquer les cibles de déficit et de dette pour 2027 », prévient-elle.

 

Economie France : l’urgence d’un choc de productivité

Economie France : l’urgence d’un choc de productivité

 

Vous avez peut-être vu passer ces messages sur les réseaux sociaux, où des Européens de retour d’un séjour à New York notaient que tout y était cher. Trop cher. À tel point que certains d’entre eux estimaient avoir eu l’impression d’être pauvres le temps de leur séjour outre-Atlantique. Symétriquement, le touriste nord-américain qui va venir à Paris pour les Jeux olympiques et paralympiques disposera d’un pouvoir d’achat élevé. Ce phénomène d’appauvrissement relatif a pris une telle ampleur que plusieurs médias, tels que Le Figaro, Le Monde ou BFM, l’ont récemment relayé.

 

par Julien Pillot
Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande École dans The Conversation 
Bien évidemment, lorsqu’il est question de comparer un différentiel de pouvoir d’achat, le premier réflexe est de confronter l’évolution de l’indice général des prix, celle des salaires (qui est le prix du travail), et celle du taux de change.

Première observation : si l’inflation a connu des trajectoires assez similaires de part et d’autre de l’Atlantique depuis 2005, le rythme a été plus soutenu aux États-Unis qu’en France ou dans l’eurozone, avec respectivement des écarts de 13,1 points et de 7 points.

Seconde observation : les salaires, exprimés en parité de pouvoir d’achat, ont augmenté près de deux fois plus vite aux États-Unis (+20,77 %) qu’en France (+10,81 %) sur la même période. Autrement dit, le gain en pouvoir d’achat domestique a été près de deux fois plus important pour les salariés américains que pour leurs homologues français sur une période équivalente.

L’observation de l’évolution des taux de change achève de dresser un tableau peu flatteur de la situation des pays de l’eurozone relativement aux États-Unis : depuis 2008 – une date charnière car elle correspond au plus haut de l’euro par rapport au dollar mais aussi à l’éclatement de la crise des subprimes et à ses conséquences financières et politiques – le dollar s’est apprécié de plus de 35 % par rapport à l’euro ! Concrètement, ce décrochage relatif de l’euro a été particulièrement préjudiciable à des pays qui, comme la France, importent davantage de biens de consommation qu’ils n’en exportent. Et bien évidemment, les touristes américains en Europe s’en trouvent avantagés…

Résumons-nous : un écart de pouvoir d’achat s’est creusé entre les deux rives de l’Atlantique, en raison de l’affaiblissement relatif de la monnaie unique vis-à-vis du billet vert, et de salaires réels ayant progressé plus vite aux États-Unis que dans les pays de la zone euro. D’aucuns pourraient y voir la résultante d’un décrochage des économies européennes par rapport à celle de l’Oncle Sam. Qu’en est-il vraiment ? Et le cas échéant, quelles en seraient les principales causes ?

Pour bien apprécier l’éventuel décrochage des économies de la zone euro relativement aux États-Unis, il s’agit dans un premier temps de s’intéresser à l’évolution du PIB. Le décrochage est net depuis 2011. On peut y voir les effets de politiques contrastées, avec côté états-unien des politiques monétaires de relance dites “non conventionnelles”, auxquelles ont, répondu des politiques similaires en zone Euro, mais décalées dans le temps et surtout doublées d’une austérité budgétaire qui a limité le potentiel de croissance. Mais cela ne saurait tout expliquer. Encore moins le point d’écart de croissance que l’on retrouve chaque année depuis 2019 (EUA : +1,9 % par an ; Euro zone : +0,8 % par an), qui est précisément celui que l’on retrouve lorsque l’on observe les évolutions du PIB depuis 1995 (EUA : +2,4 % par an ; Euro zone : +1,4 % par an).

Il serait alors extrêmement tentant d’attribuer cet écart structurel de croissance à une démographie américaine qui serait plus dynamique que son pendant européen. Car après tout, une démographie dynamique joue positivement sur l’offre (en tant que facteur de production) et la demande (à travers la consommation intérieure). Une première lecture donnerait raison à cette intuition, puisque la démographie américaine s’est accrue en moyenne de 0,83 % par an depuis 1995 quand, dans le même temps, celles de la France et de l’UE ne progressaient respectivement que de 0,5 % et de 0,19 %.

Le constat est encore plus terrible lorsque l’on observe les dynamiques à l’œuvre sur la population en âge de travailler : sur la période, les États-Unis enregistrent une progression annuelle moyenne de 0,8 %, quand la France est à 0,28 % et l’UE est à l’arrêt (-0,01 %). Si vous vous interrogiez sur les raisons qui président au débat qui a émaillé les élections européennes à propos du vieillissement démographique de l’Europe et de la nécessité à faire appel à une main-d’œuvre immigrée, vous avez là une bonne partie de la réponse.

Reste que si ce différentiel démographique explique une part de l’écart de croissance entre les États-Unis et l’Europe, il est également des plus trompeurs. Car il ne sert à rien d’avoir une démographie dynamique si l’appareil productif ne suit pas, sans quoi ce serait surtout le nombre de chômeurs qui augmenterait. Il est donc nécessaire de superposer cet écart démographique avec le nombre de créations d’emplois sur la même période, pour s’assurer de la capacité de l’économie à absorber la population en âge de travailler.

 

Or, en matière de taux d’activité et d’emploi, la zone euro fait bien mieux que les États-Unis depuis 2005, y compris depuis la crise du Covid. Tant et si bien que l’eurozone a quasiment compensé son déficit démographique par la mobilisation de sa population en âge de travailler, grâce à une dynamique de création d’emplois plus soutenue. Nous pourrions y voir l’illustration de l’efficacité des politiques menées en Europe en faveur de libéralisation de l’économie et de la baisse des coûts du travail, notamment pour sa composante la moins qualifiée et ou la plus ubérisée.

Alerte rouge sur la productivité (et le numérique)
Si la démographie ne parvient que très imparfaitement à expliquer l’écart de croissance entre les États-Unis et la zone euro, c’est du côté de la productivité du travail qu’il convient de se tourner. Et le moins que l’on peut dire, c’est qu’un véritable fossé s’est creusé de part et d’autre de l’Atlantique, ainsi que le soulignent fort justement Maria Guadalupe, Xavier Jaravel, Thomas Philippon et David Sraer dans une note du Conseil d’Analyse économique datée de 2022. Les auteurs y révèlent que la France a concédé 7 points de productivité relativement aux États-Unis entre 2003 et 2019, ce qui correspond peu ou prou à l’écart de PIB par habitant entre les deux pays sur la même période. Un résultat qui tend à accréditer notre analyse précédente qui visait à modérer les effets issus notamment de la démographie ou du dynamisme du marché du travail. Or, comme le soulignent les auteurs, ce décrochage de productivité « représente un manque à gagner de 140 milliards d’euros de PIB pour la France en 2019, soit environ 65 milliards de recettes fiscales annuelles ».

Plus inquiétant encore, l’écart de productivité entre la zone euro et les États-Unis apparaît encore plus béant lorsque l’on s’intéresse plus spécifiquement – quoi de plus logique dans des pays fortement tertiarisés – aux services marchands.

Ce déficit de productivité dans les services marchands illustre parfaitement les difficultés de notre Vieux Continent à réellement embrasser les opportunités qu’offre le numérique au XXIe siècle. Là où l’Europe semble encore perpétuer son logiciel historique de création de petits jobs de service à faible valeur ajoutée en soutien de son industrie, les États-Unis se sont non seulement érigés en producteurs parmi les plus compétitifs de technologies et de services numériques, mais ils en sont aussi de meilleurs utilisateurs : leurs entreprises sont déjà en phase avancée d’intégration, d’automatisation et d’optimisation. Résultat implacable : quand le Covid-19 mettait à mal la productivité des services marchands européens (-6,7 points entre 2019 et 2020), les entreprises de services américaines étaient déjà matures pour basculer en distanciel (+5,8 points).

Bien évidemment, la chute de productivité ne saurait expliquer à elle seule le décrochage de la zone euro relativement aux États-Unis. Elle en est à la fois la cause, mais aussi la conséquence de l’effet conjugué de plusieurs atouts structurels dont bénéficie l’Oncle Sam : un marché domestique plus intégré présentant des effets d’échelle supérieurs, la force du dollar et la puissance des politiques expansionnistes, telles que l’IRA, une industrie du capital-risque particulièrement dynamique qui a soutenu (et continue de soutenir) le déploiement rapide des technologies numériques (notamment l’IA), le leadership technologique et la rente économique et informationnelle qui en découle, la capacité à former ou à attirer des talents à forte valeur ajoutée, sans oublier un prix de l’énergie des plus compétitifs, notamment depuis que les États-Unis exploitent massivement le pétrole de schiste (et qu’a contrario l’Europe subit de plein fouet une inflation énergétique consécutive à la guerre en Ukraine). Sur ce dernier point, Thomas Philippot évoquait dernièrement « un avantage compétitif sur l’Europe évalué à 923 milliards d’euros par an ».

Ce décalage de croissance, et l’appauvrissement relatif de la population de l’eurozone au regard des citoyens américains, auraient dû être des thèmes au cœur de la campagne des élections européennes et des élections législatives consécutives à la dissolution. Car, au-delà de la question de la prospérité économique ou celle de la soutenabilité de notre système de protection sociale, ce qui est en jeu n’est rien d’autre que la vassalisation de la zone euro par les États-Unis, sur les plans diplomatique, militaire, économique et numérique.

Alors que ces deux échéances électorales rapprochées nous ont noyés sous une cacophonie des propositions sociales et sociétales, nous attendons encore la formation politique qui aurait proposé un programme orienté vers la productivité, la compétitivité, l’innovation, la réindustrialisation, l’autonomie stratégique, la décarbonation de l’économie, l’excellence éducative et le progrès. Sur ces questions pourtant essentielles pour permettre à l’Europe et à la France de rester dans l’Histoire dans un XXIe siècle de tous les dangers, le silence assourdissant du politique nous apparaît au mieux comme une impardonnable omission, au pire comme une démission coupable.

Economie: La France aux crochets de l’Allemagne ?

Economie: La France  aux crochets de l’Allemagne ?
La France fait-elle les poches de l’Allemagne depuis 20 ans ? A travers cette nouvelle chronique, le groupe Mars rappelle que l’Allemagne est le grand vainqueur de l’introduction de l’euro avec 1893 milliards supplémentaires pour le PIB, sur la période 1999-2017. Par le groupe de réflexions  Mars*

 

Un article qui mérite d’être lu mais aussi contesté par son caractère un peu trop partisan teinté de nationalisme. Le groupe Mars paraît plus compétent pour analyser la politique de défense. En la circonstance, il fait l’impasse sur le fait que sans l’Euro, la France aurait connu sans doute plusieurs dévaluations et une perte de pouvoir d’achat d’au moins 20 %. Une dévaluation toujours payée davantage par les moins favorisés via l’inflation. Notons que Mars évite soigneusement de parler du boulet des fonctionnaires qui plombent le budget de l’État. En France on compte 50 % de fonctionnaires en plus qu’en Allemagne ! Et l’Allemagne ne peut  être responsable de cette situation NDLR

« Il n’y a pas besoin d’être professeur d’économie pour comprendre qui fait les poches à qui quand on enregistre avec un partenaire un solde commercial structurellement déficitaire… depuis plus de vingt ans » (Le groupe Mars).

A l’heure où cette chronique sera publiée, les urnes auront rendu leur verdict. Quoi qu’il en soit, n’ayant pas vocation à commenter l’actualité, le groupe Mars souhaite inscrire ses analyses dans le temps long et traiter le fond des sujets plutôt que « l’écume des jours ». Tout juste constatera-t-il qu’il ne sert à rien de nier certaines évidences. Si aujourd’hui un ancien groupuscule d’extrême-droite est à la porte du pouvoir, la faute est entièrement celle de ses adversaires politiques, qui lui ont abandonné leur électorat en oubliant deux grands marqueurs historiques de la gauche : le progrès social et la nation.

Ce ne sont pas les gens qui « votent mal », c’est l’offre politique qui se révèle inadaptée aux attentes des électeurs. Donnez-leur la sécurité et l’espoir d’un progrès pour eux-mêmes et leurs enfants dans le cadre naturel de la nation française (le seul patrimoine de ceux qui n’ont rien, disait en substance Jaurès), et ils cesseront de jouer avec le feu en donnant leur suffrage à des partis infréquentables.

La France fait-elle « les poches de l’Allemagne »
Cela commence par dire la vérité aux électeurs, notamment sur la cause de la diminution de leur pouvoir d’achat. Et pourtant, lors de la campagne électorale que nous avons vécue, certains commentateurs de l’actualité politique sur les plateaux de télévision, souvent journalistes de profession, n’ont pas hésité à proférer les plus grossières contre-vérités pour tenter de justifier un discours de plus en plus inaudible. Ainsi, en guise de commentaire d’une déclaration controversée du chancelier allemand interprétée comme une tentative d’intrusion dans la campagne électorale française, certains affirment de manière péremptoire et sans aucune explication que « cela fait vingt ans que la France fait les poches de l’Allemagne ».
Il s’agit d’un mensonge grossier que quelques chiffres officiels suffisent à dénoncer. D’abord, interrogeons-nous sur ce qu’a voulu dire le commentateur. L’expression triviale « faire les poches » signifie dans un registre plus élevé « commettre une indélicatesse », autrement dit dérober. Comment la France pourrait-elle voler l’Allemagne, dans un système européen régi par le droit ? Mystère.

Faut-il rappeler que c’est bien l’inverse que notre pays a subi sous l’emprise de la violence allemande au XXe siècle, et que l’Allemagne n’a jamais « payé » à la hauteur de ses prédations ? Dans un souci d’apaisement, les Anglo-américains ont contraint les Français à renoncer aux réparations prévues dans le traité de Versailles de 1919. Et l’Allemagne détruite, occupée puis reconstituée à partir de 1949 a réglé sa dette morale « pour solde de tout compte » à hauteur de montants forfaitaires sans commune mesure avec l’ampleur des pillages commis dans toute l’Europe par les troupes d’occupation du IIIe Reich.

Alors, est-ce que le commentateur a voulu dire que l’Allemagne finançait volontairement la France ? Bigre, ce serait un vrai scoop ! Examinons la question plus précisément. Est-ce que le contribuable allemand finance quoi que ce soit en France par ses impôts ? Dans un cadre bilatéral, cela peut arriver de manière tout à fait marginale à l’occasion du cofinancement de projets scientifiques par exemple, et le plus souvent à titre de réciprocité.

Dans le cadre européen, il est vrai que l’Allemagne est le principal contributeur aux dépenses de l’UE et que la France reçoit de l’UE deux milliards de plus que l’Allemagne chaque année. Mais la France est aussi le deuxième contributeur net aux finances de l’UE, à hauteur d’un peu moins de dix milliards d’euros ces dernières années, quand les Allemands paient deux fois plus. Autrement dit, il est vrai que la France « gagne » deux milliards de plus que l’Allemagne chaque année dans ses relations financières avec l’UE et qu’elle « cotise » moins, mais la France reste malgré tout très déficitaire dans ses relations financières avec l’UE. Ce solde négatif a d’ailleurs quasiment doublé depuis 2017, en partie à cause du départ de cet autre financeur net qu’était le Royaume-Uni, mais pas seulement. Le Brexit a pour cause première en effet le sentiment (basé sur des faits réels) de cotiser à perte pour l’UE sans contrepartie financière ni commerciale.

Qu’en est-il en France et en Allemagne ? En contrepartie d’un solde annuel négatif d’environ vingt milliards par an, l’Allemagne bénéficie à plein des avantages du marché unique, par trois canaux principaux : un solde commercial très excédentaire dans l’UE (dont près de 9 milliards rien qu’avec la France), le développement d’un réseau de sous-traitance à bas coût (dont l’intégration de l’Ukraine va encore améliorer le rendement) et la possibilité d’imposer les normes de ses propres industriels (voire d’obtenir des dérogations quand les normes ne lui conviennent pas comme pour la fin des moteurs thermiques).

De son côté, en contrepartie d’un solde négatif de près de dix milliards, la France ne bénéficie pas des mêmes avantages du marché unique, à commencer par un solde commercial déficitaire dans l’UE de plus de cinquante milliards d’euros en moyenne sur les deux dernières années. Pour le reste, si la France est moins habile que l’Allemagne, ce n’est pas la faute des Allemands…
Mais il n’y a pas besoin d’être professeur d’économie pour comprendre qui « fait les poches » à qui quand on enregistre avec un partenaire un solde commercial structurellement déficitaire… depuis plus de vingt ans. La monnaie unique n’est d’ailleurs pas pour rien dans ce résultat, voulu, la faute à la négociation, avant d’entrer dans l’euro, d’une parité conçue pour favoriser une Allemagne alors affaiblie par la nécessité d’intégrer les Länder de l’Est.

L’euro a été construit sur le mark allemand comme une monnaie forte, ce qui ne fonctionne pas avec la spécialisation d’une grande partie de l’économie française qui est, de ce fait, trop chère en coûts pour une valeur ajoutée insuffisante et une trop faible différenciation des offres concurrentes. Hormis l’aéronautique et la défense, l’industrie française a donc été très pénalisée par l’acceptation des critères allemands de l’euro, qui servaient leurs intérêts. Ainsi la part de l’industrie dans l’économie française a été divisée par deux depuis l’adoption de l’euro.

A l’inverse, quoi qu’en disent les Allemands, la présence de la France a évité que le cours de l’euro ne soit plus élevé encore, car cela aurait dû être le cas si sa valorisation avait été fondée uniquement sur l’économie allemande. Ainsi, paradoxalement, la France a subventionné la compétitivité prix de l’économie allemande.
Selon une étude publiée en 2019 du très sérieux think tank allemand CEP, Centre de Politique Européenne, d’inspiration libérale, c’est bien l’Allemagne qui est le grand vainqueur de l’introduction de l’euro, avec 1893 milliards d’euros supplémentaires pour le PIB, sur la période 1999-2017, soit un gain de 23.116 euros par habitant. Les Néerlandais ont gagné presque autant (21.003 euros). D’après Matthias Kullas, l’économiste du CEP, l’Allemagne s’est appuyée sur la stabilité de l’euro, dans la continuité du Deutsche Mark, pour exporter ses produits de haute valeur ajoutée.

« Si l’Espagne et la Belgique n’ont pas trop vu baisser leur PIB par habitant (- 5031 et – 6370 euros), les Portugais ont plus fortement souffert de la monnaie unique (-40 604 euros par personne). Et les deux pays les plus négativement affectés sont la France et l’Italie, qui ont perdu respectivement 3591 et 4325 milliards d’euros sur 20 ans, soit 55 996 euros par Français et 73 605 euros par Italien. Le bilan global semble donc, à l’échelle de l’économie européenne, plutôt négatif », commente Le Figaro au printemps 2019.

En ce qui concerne les deux principaux perdants, le CEP mentionne l’importance d’un outil de politique économique que l’adoption de l’euro a rendu impossible : la dévaluation. Le Figaro poursuit : « Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la France et l’Italie avaient en effet eu plusieurs fois recours à la dévaluation du franc et de la lire, pour soutenir leur compétitivité. Une pratique aux avantages et revers nombreux, utilisée pour la dernière fois en France en 1986, justement pour rééquilibrer la valeur du franc par rapport au mark allemand, et défendre les entreprises exportatrices. Depuis l’usage de la monnaie unique, les gouvernements des deux pays n’ont plus la possibilité de dévaluer, et selon le CEP, n’ont pas engagé les réformes qui leur auraient permis de rendre l’économique plus efficace, et de bénéficier de l’euro. »

En conclusion de son scoop, le journaliste du Figaro veut rassurer son lectorat : « Au lieu de conseiller à la France de reprendre le contrôle de sa monnaie, et donc de précipiter la fin de la monnaie unique, le think tank souligne plutôt l’importance d’engager des améliorations structurelles sur l’économie et l’État : « des réformes structurelles sont nécessaires maintenant ». Jusqu’à donner un avis très personnel sur la politique économique française : « pour profiter de l’euro, la France doit suivre avec rigueur la voie de la réforme du président Macron », conclut l’étude. »
L’ironie de cette conclusion prend tout son éclat cinq ans plus tard. On peut le déplorer, mais la démocratie française a ceci de regrettable que la volonté des citoyens est censée prévaloir sur l’opinion des experts et des politiciens allemands qui s’expriment pour le bien de notre pays.
Notons que la méthode retenue par le think tank allemand consistait à imaginer une évolution du PIB pour chaque pays, dans l’hypothèse où l’euro n’aurait pas existé. Les projections ont été réalisées en récréant virtuellement des trajectoires économiques à l’aide d’algorithmes, eux-mêmes basés sur les données de pays hors zone euro. La courbe de PIB de la France entre 1999 et 2017 se présente ainsi, en bleu avec l’euro, et en orange, une projection sans l’euro. La surface entre les deux courbes représente exactement la perte de pouvoir d’achat des Français, qu’il faudrait corréler avec le gain pour les Allemands. Alors, depuis 20 ans, qui a fait les poches à qui ?

Ajoutons pour mémoire que les mécanismes européens semblent fonctionner à sens unique : verboten für Dich, sehr gut für mich (interdit pour toi, très bon pour moi). C’est typiquement le cas des aides d’État, dont l’Allemagne a le quasi-monopole en Europe (à hauteur de 1,5% de son PIB), sans doute en toute légalité. De même, le trop fameux Semestre européen, qui est aux « pays du Club Med » ce que le Père Fouettard était aux enfants dissipés, permet aux Allemands de signifier aux Français, via l’UE, que leurs ambitions militaires sont déraisonnables car ils n’ont plus les moyens de les financer.

Enfin, alors que l’industrie allemande gagnait à l’Est de l’UE, avec les élargissements successifs, à la fois des parts de marché et une sous-traitance à bas coûts, le tout financé par les fonds européens auxquels la France (et l’Italie) cotisait à perte, la France ne cessait de se désindustrialiser et de s’appauvrir. La carte (Eurostat) des perspectives de croissance en Europe ci-dessous est à superposer avec le vote en faveur du RN.

On observera incidemment que l’Allemagne gagne sur tous les tableaux : le vote extrémiste tend à marginaliser non seulement les eurodéputés français, mais aussi la position de la France dans l’ensemble des institutions européennes. D’où une influence de la France dans l’UE en déclin, et pour tout dire, quasiment nulle aujourd’hui.
Reste la question des taux d’intérêt. Le fait de rembourser ses créanciers en euros permet il est vrai à la France d’emprunter à un taux moins élevé que si elle devait le faire en francs. Mais cela ne signifie pas pour autant que les Allemands financent cet avantage en aucune façon. Au contraire, les marchés financiers discriminent toujours les emprunteurs en fonction de la qualité de leur signature et le taux auquel le Trésor français emprunte reste supérieur à celui pratiqué vis-à-vis de l’Allemagne. En fait, la monnaie unique n’a pas grand-chose à voir avec cette pratique : ce que le créancier observe, ce n’est pas l’apparence de la monnaie, mais la capacité de remboursement en termes réels, c’est-à-dire à la fois effective et dans une monnaie aussi peu dévalorisée que possible. Mais qu’il se rassure, le contribuable allemand n’est en rien concerné par le remboursement des emprunts français.

C’est bien pourquoi l’Allemagne refuse toujours de développer les capacités d’emprunt de l’UE en tant qu’institution. Cela a encore été le cas lors du dernier Conseil du 26 juin à propos des « Euro-Bonds » pour la défense. Car alors le risque existerait que d’autres « fassent les poches » du contribuable allemand en lui demandant de rembourser des dettes consenties pour financer les dépenses des autres. Mais ce n’est pas le cas actuellement, sauf pour le plan de relance post-Covid, très encadré par les règles budgétaires européennes. S’il existe en France une tentation de « faire les poches » de l’Allemagne, c’est par ce biais. Et le plus grand promoteur de cette fuite en avant n’est autre que le Président français. Mais si Mme Von Der Leyen a été nommée à la présidence de la Commission européenne en dépit de son triste bilan à la tête de la Bundeswehr, et reconduite en dépit de son triste bilan à la tête de la Commission, c’est précisément pour éviter cela.

Signalons incidemment dans le domaine de la défense l’instrument étrange qu’était la « facilité européenne pour la paix » (FEP), financé par des contributions volontaires des États participants assises sur leur richesse nationale. Si certains pays comme la Pologne ont profité des largesses de la FEP, non encadrée par les règles financières de l’UE, pour « faire les poches » des autres, la France, en tant que deuxième contributeur, était plutôt, avec l’Allemagne et l’Italie, du côté des victimes de l’indélicatesse, à hauteur de près de deux milliards d’euros. Un solde négatif qui s’ajoute donc à la contribution nette de la France à l’UE.

En un mot, que le Chancelier se rassure : ses meilleurs alliés en matière d’orthodoxie budgétaires sont en France les partis souverainistes. L’Allemagne aurait en effet beaucoup à perdre à financer les autres États au sein d’une Europe fédérale. Elle aurait alors effectivement l’impression de se faire « faire les poches ». Alors, pourquoi s’inquiète-t-il ?
Ce n’est pas faire preuve de germanophobie que constater que la France n’a pas en l’Allemagne un partenaire fiable et compréhensif. Au contraire, indépendamment de la froideur des relations entre Scholtz et Macron, force est de constater que l’Allemagne pèse de tout son poids en Europe pour aller contre les intérêts français, qu’il s’agisse par exemple d’inscrire le nucléaire dans la liste des énergies décarbonnées, d’investir dans le New Space ou de tenir ses engagements dans les projets de défense conjoints.

La raison est peut-être à trouver dans la boutade selon laquelle les Français respectent les Allemands mais ne les aiment pas, quand les Allemands aiment bien les Français mais ne les respectent pas.

Plus prosaïquement, l’Allemagne de la chancelière Merkel (et de son successeur) a trop profité de l’affaiblissement de la France en Europe depuis vingt ans pour souhaiter rééquilibrer la relation franco-allemande. C’est pourtant une nécessité absolue pour quiconque croit à un projet européen de long terme. Sans quoi le décrochage de la France risque d’emporter dans sa chute toute la construction européenne.

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(1) Tous les chiffres sont issus des données officielles les plus à jour publiées par les administrations de Bercy : https://www.budget.gouv.fr/documentation/file-download/22029 et https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2024/02/07/rapport-2024-sur-le-commerce-exterieur-de-la-france

(2) Cf. parmi nos précédentes chroniques : De quoi la France bénéficie-t-elle en « juste retour » de sa générosité envers l’Union européenne ? et La France, seul pays à s’enfoncer dans un déficit commercial abyssal avec ses partenaires de l’UE

(3) Selon une étude allemande, l’euro aurait particulièrement nui aux Français (lefigaro.fr) ; l’étude en allemand «20 ans d’euro: perdants et gagnants, une enquête empirique» se trouve sous le lien : cepStudy

(4) https://www.latribune.fr/opinions/quelle-strategie-pour-renforcer-l-influence-de-la-france-dans-l-ue-940527.html

(5) Cf. l’une de nos précédentes chroniques : Comment les Français financent l’effort de guerre polonais et l’industrie de défense extra-européenne

(6) Cf. https://www.latribune.fr/opinions/elections-allemandes-que-restera-t-il-des-cinq-programmes-d-armement-emblematiques-de-2017-892845.html et https://www.latribune.fr/opinions/l-avenir-de-la-defense-de-la-france-a-tout-a-perdre-dans-le-scaf-2-2-936113.html

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* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

La France toujours en tête de la pression fiscale

La France toujours en tête de la pression fiscale

C’est évidemment le paradoxe du pays à savoir un endettement record dont la charge deviendra bientôt le premier budget avec près de 100 milliards à rembourser par an d’ici quelques années et dans le même temps une pression fiscale la plus importante en Europe. En plus des services dont la qualité n’est pas toujours à la hauteur des enjeux , loin s’en faut.
Bref la démonstration du grand gaspillage de cet Etat que personne ne contrôle plus. Cette année, comme l’an dernier, la France est championne de la pression fiscale et sociale, selon une étude de l’Institut économique Molinari (IEM). D’après les calculs de ces experts, les Français ne commenceront à travailler pour eux-mêmes qu’à partir de ce mercredi 17 juillet, « libérés » du poids des prélèvements obligatoires.

En clair, un salarié moyen (célibataire sans enfants, qui touche le salaire moyen) doit travailler jusqu’à cette date pour s’acquitter de l’ensemble des cotisations salariales et patronales, impôts et TVA nécessaires pour financer la dépense publique. « Cette date marque symboliquement le jour où le salarié est libre de faire ce qu’il veut de son argent », analyse le directeur général de l’Institut Molinari, Nicolas Marques.

 

Le jour de libération fiscale des Français…

 

La France vit-elle aux crochets de l’Allemagne ?

La France vit-elle aux crochets de l’Allemagne ?
La France fait-elle les poches de l’Allemagne depuis 20 ans ? A travers cette nouvelle chronique, le groupe Mars rappelle que l’Allemagne est le grand vainqueur de l’introduction de l’euro avec 1893 milliards supplémentaires pour le PIB, sur la période 1999-2017. Par le groupe de réflexions  Mars*

 

Un article qui mérite d’être lu mais aussi contesté par son caractère un peu trop partisan teinté de nationalisme. Le groupe Mars paraît plus compétent pour analyser la politique de défense. En la circonstance, il fait l’impasse sur le fait que sans l’Euro, la France aurait connu sans doute plusieurs dévaluations et une perte de pouvoir d’achat d’au moins 20 %. Une dévaluation toujours payée davantage par les moins favorisés via l’inflation. NDLR

« Il n’y a pas besoin d’être professeur d’économie pour comprendre qui fait les poches à qui quand on enregistre avec un partenaire un solde commercial structurellement déficitaire… depuis plus de vingt ans » (Le groupe Mars).

A l’heure où cette chronique sera publiée, les urnes auront rendu leur verdict. Quoi qu’il en soit, n’ayant pas vocation à commenter l’actualité, le groupe Mars souhaite inscrire ses analyses dans le temps long et traiter le fond des sujets plutôt que « l’écume des jours ». Tout juste constatera-t-il qu’il ne sert à rien de nier certaines évidences. Si aujourd’hui un ancien groupuscule d’extrême-droite est à la porte du pouvoir, la faute est entièrement celle de ses adversaires politiques, qui lui ont abandonné leur électorat en oubliant deux grands marqueurs historiques de la gauche : le progrès social et la nation.

Ce ne sont pas les gens qui « votent mal », c’est l’offre politique qui se révèle inadaptée aux attentes des électeurs. Donnez-leur la sécurité et l’espoir d’un progrès pour eux-mêmes et leurs enfants dans le cadre naturel de la nation française (le seul patrimoine de ceux qui n’ont rien, disait en substance Jaurès), et ils cesseront de jouer avec le feu en donnant leur suffrage à des partis infréquentables.

La France fait-elle « les poches de l’Allemagne »
Cela commence par dire la vérité aux électeurs, notamment sur la cause de la diminution de leur pouvoir d’achat. Et pourtant, lors de la campagne électorale que nous avons vécue, certains commentateurs de l’actualité politique sur les plateaux de télévision, souvent journalistes de profession, n’ont pas hésité à proférer les plus grossières contre-vérités pour tenter de justifier un discours de plus en plus inaudible. Ainsi, en guise de commentaire d’une déclaration controversée du chancelier allemand interprétée comme une tentative d’intrusion dans la campagne électorale française, certains affirment de manière péremptoire et sans aucune explication que « cela fait vingt ans que la France fait les poches de l’Allemagne ».
Il s’agit d’un mensonge grossier que quelques chiffres officiels suffisent à dénoncer. D’abord, interrogeons-nous sur ce qu’a voulu dire le commentateur. L’expression triviale « faire les poches » signifie dans un registre plus élevé « commettre une indélicatesse », autrement dit dérober. Comment la France pourrait-elle voler l’Allemagne, dans un système européen régi par le droit ? Mystère.

Faut-il rappeler que c’est bien l’inverse que notre pays a subi sous l’emprise de la violence allemande au XXe siècle, et que l’Allemagne n’a jamais « payé » à la hauteur de ses prédations ? Dans un souci d’apaisement, les Anglo-américains ont contraint les Français à renoncer aux réparations prévues dans le traité de Versailles de 1919. Et l’Allemagne détruite, occupée puis reconstituée à partir de 1949 a réglé sa dette morale « pour solde de tout compte » à hauteur de montants forfaitaires sans commune mesure avec l’ampleur des pillages commis dans toute l’Europe par les troupes d’occupation du IIIe Reich.

Alors, est-ce que le commentateur a voulu dire que l’Allemagne finançait volontairement la France ? Bigre, ce serait un vrai scoop ! Examinons la question plus précisément. Est-ce que le contribuable allemand finance quoi que ce soit en France par ses impôts ? Dans un cadre bilatéral, cela peut arriver de manière tout à fait marginale à l’occasion du cofinancement de projets scientifiques par exemple, et le plus souvent à titre de réciprocité.

Dans le cadre européen, il est vrai que l’Allemagne est le principal contributeur aux dépenses de l’UE et que la France reçoit de l’UE deux milliards de plus que l’Allemagne chaque année. Mais la France est aussi le deuxième contributeur net aux finances de l’UE, à hauteur d’un peu moins de dix milliards d’euros ces dernières années, quand les Allemands paient deux fois plus. Autrement dit, il est vrai que la France « gagne » deux milliards de plus que l’Allemagne chaque année dans ses relations financières avec l’UE et qu’elle « cotise » moins, mais la France reste malgré tout très déficitaire dans ses relations financières avec l’UE. Ce solde négatif a d’ailleurs quasiment doublé depuis 2017, en partie à cause du départ de cet autre financeur net qu’était le Royaume-Uni, mais pas seulement. Le Brexit a pour cause première en effet le sentiment (basé sur des faits réels) de cotiser à perte pour l’UE sans contrepartie financière ni commerciale.

Qu’en est-il en France et en Allemagne ? En contrepartie d’un solde annuel négatif d’environ vingt milliards par an, l’Allemagne bénéficie à plein des avantages du marché unique, par trois canaux principaux : un solde commercial très excédentaire dans l’UE (dont près de 9 milliards rien qu’avec la France), le développement d’un réseau de sous-traitance à bas coût (dont l’intégration de l’Ukraine va encore améliorer le rendement) et la possibilité d’imposer les normes de ses propres industriels (voire d’obtenir des dérogations quand les normes ne lui conviennent pas comme pour la fin des moteurs thermiques).

De son côté, en contrepartie d’un solde négatif de près de dix milliards, la France ne bénéficie pas des mêmes avantages du marché unique, à commencer par un solde commercial déficitaire dans l’UE de plus de cinquante milliards d’euros en moyenne sur les deux dernières années. Pour le reste, si la France est moins habile que l’Allemagne, ce n’est pas la faute des Allemands…
Mais il n’y a pas besoin d’être professeur d’économie pour comprendre qui « fait les poches » à qui quand on enregistre avec un partenaire un solde commercial structurellement déficitaire… depuis plus de vingt ans. La monnaie unique n’est d’ailleurs pas pour rien dans ce résultat, voulu, la faute à la négociation, avant d’entrer dans l’euro, d’une parité conçue pour favoriser une Allemagne alors affaiblie par la nécessité d’intégrer les Länder de l’Est.

L’euro a été construit sur le mark allemand comme une monnaie forte, ce qui ne fonctionne pas avec la spécialisation d’une grande partie de l’économie française qui est, de ce fait, trop chère en coûts pour une valeur ajoutée insuffisante et une trop faible différenciation des offres concurrentes. Hormis l’aéronautique et la défense, l’industrie française a donc été très pénalisée par l’acceptation des critères allemands de l’euro, qui servaient leurs intérêts. Ainsi la part de l’industrie dans l’économie française a été divisée par deux depuis l’adoption de l’euro.

A l’inverse, quoi qu’en disent les Allemands, la présence de la France a évité que le cours de l’euro ne soit plus élevé encore, car cela aurait dû être le cas si sa valorisation avait été fondée uniquement sur l’économie allemande. Ainsi, paradoxalement, la France a subventionné la compétitivité prix de l’économie allemande.
Selon une étude publiée en 2019 du très sérieux think tank allemand CEP, Centre de Politique Européenne, d’inspiration libérale, c’est bien l’Allemagne qui est le grand vainqueur de l’introduction de l’euro, avec 1893 milliards d’euros supplémentaires pour le PIB, sur la période 1999-2017, soit un gain de 23.116 euros par habitant. Les Néerlandais ont gagné presque autant (21.003 euros). D’après Matthias Kullas, l’économiste du CEP, l’Allemagne s’est appuyée sur la stabilité de l’euro, dans la continuité du Deutsche Mark, pour exporter ses produits de haute valeur ajoutée.

« Si l’Espagne et la Belgique n’ont pas trop vu baisser leur PIB par habitant (- 5031 et – 6370 euros), les Portugais ont plus fortement souffert de la monnaie unique (-40 604 euros par personne). Et les deux pays les plus négativement affectés sont la France et l’Italie, qui ont perdu respectivement 3591 et 4325 milliards d’euros sur 20 ans, soit 55 996 euros par Français et 73 605 euros par Italien. Le bilan global semble donc, à l’échelle de l’économie européenne, plutôt négatif », commente Le Figaro au printemps 2019.

En ce qui concerne les deux principaux perdants, le CEP mentionne l’importance d’un outil de politique économique que l’adoption de l’euro a rendu impossible : la dévaluation. Le Figaro poursuit : « Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la France et l’Italie avaient en effet eu plusieurs fois recours à la dévaluation du franc et de la lire, pour soutenir leur compétitivité. Une pratique aux avantages et revers nombreux, utilisée pour la dernière fois en France en 1986, justement pour rééquilibrer la valeur du franc par rapport au mark allemand, et défendre les entreprises exportatrices. Depuis l’usage de la monnaie unique, les gouvernements des deux pays n’ont plus la possibilité de dévaluer, et selon le CEP, n’ont pas engagé les réformes qui leur auraient permis de rendre l’économique plus efficace, et de bénéficier de l’euro. »

En conclusion de son scoop, le journaliste du Figaro veut rassurer son lectorat : « Au lieu de conseiller à la France de reprendre le contrôle de sa monnaie, et donc de précipiter la fin de la monnaie unique, le think tank souligne plutôt l’importance d’engager des améliorations structurelles sur l’économie et l’État : « des réformes structurelles sont nécessaires maintenant ». Jusqu’à donner un avis très personnel sur la politique économique française : « pour profiter de l’euro, la France doit suivre avec rigueur la voie de la réforme du président Macron », conclut l’étude. »
L’ironie de cette conclusion prend tout son éclat cinq ans plus tard. On peut le déplorer, mais la démocratie française a ceci de regrettable que la volonté des citoyens est censée prévaloir sur l’opinion des experts et des politiciens allemands qui s’expriment pour le bien de notre pays.
Notons que la méthode retenue par le think tank allemand consistait à imaginer une évolution du PIB pour chaque pays, dans l’hypothèse où l’euro n’aurait pas existé. Les projections ont été réalisées en récréant virtuellement des trajectoires économiques à l’aide d’algorithmes, eux-mêmes basés sur les données de pays hors zone euro. La courbe de PIB de la France entre 1999 et 2017 se présente ainsi, en bleu avec l’euro, et en orange, une projection sans l’euro. La surface entre les deux courbes représente exactement la perte de pouvoir d’achat des Français, qu’il faudrait corréler avec le gain pour les Allemands. Alors, depuis 20 ans, qui a fait les poches à qui ?

Ajoutons pour mémoire que les mécanismes européens semblent fonctionner à sens unique : verboten für Dich, sehr gut für mich (interdit pour toi, très bon pour moi). C’est typiquement le cas des aides d’État, dont l’Allemagne a le quasi-monopole en Europe (à hauteur de 1,5% de son PIB), sans doute en toute légalité. De même, le trop fameux Semestre européen, qui est aux « pays du Club Med » ce que le Père Fouettard était aux enfants dissipés, permet aux Allemands de signifier aux Français, via l’UE, que leurs ambitions militaires sont déraisonnables car ils n’ont plus les moyens de les financer.

Enfin, alors que l’industrie allemande gagnait à l’Est de l’UE, avec les élargissements successifs, à la fois des parts de marché et une sous-traitance à bas coûts, le tout financé par les fonds européens auxquels la France (et l’Italie) cotisait à perte, la France ne cessait de se désindustrialiser et de s’appauvrir. La carte (Eurostat) des perspectives de croissance en Europe ci-dessous est à superposer avec le vote en faveur du RN.

On observera incidemment que l’Allemagne gagne sur tous les tableaux : le vote extrémiste tend à marginaliser non seulement les eurodéputés français, mais aussi la position de la France dans l’ensemble des institutions européennes. D’où une influence de la France dans l’UE en déclin, et pour tout dire, quasiment nulle aujourd’hui.
Reste la question des taux d’intérêt. Le fait de rembourser ses créanciers en euros permet il est vrai à la France d’emprunter à un taux moins élevé que si elle devait le faire en francs. Mais cela ne signifie pas pour autant que les Allemands financent cet avantage en aucune façon. Au contraire, les marchés financiers discriminent toujours les emprunteurs en fonction de la qualité de leur signature et le taux auquel le Trésor français emprunte reste supérieur à celui pratiqué vis-à-vis de l’Allemagne. En fait, la monnaie unique n’a pas grand-chose à voir avec cette pratique : ce que le créancier observe, ce n’est pas l’apparence de la monnaie, mais la capacité de remboursement en termes réels, c’est-à-dire à la fois effective et dans une monnaie aussi peu dévalorisée que possible. Mais qu’il se rassure, le contribuable allemand n’est en rien concerné par le remboursement des emprunts français.

C’est bien pourquoi l’Allemagne refuse toujours de développer les capacités d’emprunt de l’UE en tant qu’institution. Cela a encore été le cas lors du dernier Conseil du 26 juin à propos des « Euro-Bonds » pour la défense. Car alors le risque existerait que d’autres « fassent les poches » du contribuable allemand en lui demandant de rembourser des dettes consenties pour financer les dépenses des autres. Mais ce n’est pas le cas actuellement, sauf pour le plan de relance post-Covid, très encadré par les règles budgétaires européennes. S’il existe en France une tentation de « faire les poches » de l’Allemagne, c’est par ce biais. Et le plus grand promoteur de cette fuite en avant n’est autre que le Président français. Mais si Mme Von Der Leyen a été nommée à la présidence de la Commission européenne en dépit de son triste bilan à la tête de la Bundeswehr, et reconduite en dépit de son triste bilan à la tête de la Commission, c’est précisément pour éviter cela.

Signalons incidemment dans le domaine de la défense l’instrument étrange qu’était la « facilité européenne pour la paix » (FEP), financé par des contributions volontaires des États participants assises sur leur richesse nationale. Si certains pays comme la Pologne ont profité des largesses de la FEP, non encadrée par les règles financières de l’UE, pour « faire les poches » des autres, la France, en tant que deuxième contributeur, était plutôt, avec l’Allemagne et l’Italie, du côté des victimes de l’indélicatesse, à hauteur de près de deux milliards d’euros. Un solde négatif qui s’ajoute donc à la contribution nette de la France à l’UE.

En un mot, que le Chancelier se rassure : ses meilleurs alliés en matière d’orthodoxie budgétaires sont en France les partis souverainistes. L’Allemagne aurait en effet beaucoup à perdre à financer les autres États au sein d’une Europe fédérale. Elle aurait alors effectivement l’impression de se faire « faire les poches ». Alors, pourquoi s’inquiète-t-il ?
Ce n’est pas faire preuve de germanophobie que constater que la France n’a pas en l’Allemagne un partenaire fiable et compréhensif. Au contraire, indépendamment de la froideur des relations entre Scholtz et Macron, force est de constater que l’Allemagne pèse de tout son poids en Europe pour aller contre les intérêts français, qu’il s’agisse par exemple d’inscrire le nucléaire dans la liste des énergies décarbonnées, d’investir dans le New Space ou de tenir ses engagements dans les projets de défense conjoints.

La raison est peut-être à trouver dans la boutade selon laquelle les Français respectent les Allemands mais ne les aiment pas, quand les Allemands aiment bien les Français mais ne les respectent pas.

Plus prosaïquement, l’Allemagne de la chancelière Merkel (et de son successeur) a trop profité de l’affaiblissement de la France en Europe depuis vingt ans pour souhaiter rééquilibrer la relation franco-allemande. C’est pourtant une nécessité absolue pour quiconque croit à un projet européen de long terme. Sans quoi le décrochage de la France risque d’emporter dans sa chute toute la construction européenne.

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(1) Tous les chiffres sont issus des données officielles les plus à jour publiées par les administrations de Bercy : https://www.budget.gouv.fr/documentation/file-download/22029 et https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2024/02/07/rapport-2024-sur-le-commerce-exterieur-de-la-france

(2) Cf. parmi nos précédentes chroniques : De quoi la France bénéficie-t-elle en « juste retour » de sa générosité envers l’Union européenne ? et La France, seul pays à s’enfoncer dans un déficit commercial abyssal avec ses partenaires de l’UE

(3) Selon une étude allemande, l’euro aurait particulièrement nui aux Français (lefigaro.fr) ; l’étude en allemand «20 ans d’euro: perdants et gagnants, une enquête empirique» se trouve sous le lien : cepStudy

(4) https://www.latribune.fr/opinions/quelle-strategie-pour-renforcer-l-influence-de-la-france-dans-l-ue-940527.html

(5) Cf. l’une de nos précédentes chroniques : Comment les Français financent l’effort de guerre polonais et l’industrie de défense extra-européenne

(6) Cf. https://www.latribune.fr/opinions/elections-allemandes-que-restera-t-il-des-cinq-programmes-d-armement-emblematiques-de-2017-892845.html et https://www.latribune.fr/opinions/l-avenir-de-la-defense-de-la-france-a-tout-a-perdre-dans-le-scaf-2-2-936113.html

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* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

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