« Les Chemins de la philosophie » succès sur France Culture (chronique du monde)
Depuis qu’Adèle Van Reeth a pris la tête des « Chemins de la philosophie », la quotidienne de France Culture cartonne : selon la dernière vague Médiamétrie (novembre-décembre 2020), l’émission a rassemblé 378 000 auditeurs en moyenne, soit 95 000 de plus sur un an. Mieux : entre septembre 2019 et juin 2020, l’émission a cumulé 3,1 millions d’écoutes à la demande par mois en moyenne, ce qui en fait le programme le plus « podcasté » de France Culture.
Tout en assumant la dimension aride de la discipline et en refusant d’en faire un pseudo-remède à nos maux d’auditeurs confinés, Adèle Van Reeth a pris le parti de mettre de la vie dans la philosophie. Et d’alterner séries consacrées à des penseurs (Bachelard, Jankélévitch, Barthes), séries thématisées ou transversales et séries construites autour de la littérature, la peinture, la musique ou encore, un de ses pêchés mignons, le cinéma. « La philo est une manière de réfléchir sur les choses, assure-t-elle. Or, un livre, comme un film ou une chanson peuvent donner à réfléchir. Cela permet de faire circuler la pensée, de la décloisonner. Je n’ai pas de conception verticale des choses. Ce n’est pas que tout se vaut, mais tout est intéressant. »
A cette approche s’ajoute le souci de rendre l’émission accessible au plus grand nombre. Pour ce faire, Adèle Van Reeth table sur un ton propre à rendre sa soif de connaissances communicative. Elle sait également dégainer au bon moment l’archive, le son, la chanson qui viendront illustrer ou approfondir le propos de son invité. Bien que très cadrée, elle tient à ce que l’émission reste vivante, « au sens organique du terme » – à même, donc, d’accueillir son lot de possibles surprises.
Série sur Claude Chabrol
C’est d’ailleurs ainsi qu’est née sa série sur Claude Chabrol, la dernière mise en ligne. « Je suis très attentive à l’humeur générale, et je trouvais que c’était bien de le faire en ce moment. Pas forcément pour le côté débonnaire de Chabrol, en ce mois de janvier déprimant, mais parce qu’il ausculte au plus près l’être humain. » Chez le cinéaste aux cinquante-sept longs-métrages, mort en 2010, celle qui semble préférer le scepticisme au dogmatisme aime la suspension du jugement. Elle y consacre le premier épisode en compagnie de la critique Hélène Frappat : « Une question traverse toute l’œuvre de Chabrol, et qui en fait pour moi le Fritz Lang français : non pas “qui a tué ?” mais “qui est celui qui a tué ?” » – la question de savoir « a-t-on vraiment tué ? » est abordée dans l’épisode 4…
Dans l’épisode 3, c’est l’« indispensable » (comme le disait Chabrol) Isabelle Huppert qui évoque leur longue collaboration – en tout, sept films, de Violette Nozière (1978) à L’Ivresse du pouvoir (2006). La comédienne évoque leur confiance l’un dans l’autre, « terreau essentiel pour que les choses les plus extraordinaires, les plus inattendues adviennent ». Elle raconte aussi le Chabrol politique et féministe, celui qui disait : « Il ne faut pas avoir peur de ces femmes assassines. Elles ne sont assassines que lorsqu’on les empêche d’être libres » (voir aussi l’épisode 2, consacré à La Cérémonie, de 1995). Le même qui, dans un article publié en octobre 1959 dans les Cahiers du cinéma, écrivait : « Il n’y a pas de grand ou de petit sujet, parce que plus le sujet est petit, plus on peut le traiter avec grandeur. »
« Les Chemins de la philosophie », présenté par Adèle Van Reeth. Du lundi au vendredi à 10 heures. Série « Claude Chabrol dissèque le réel » (4 × 60 min), à la demande sur France Culture et sur l’application Radio France.