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Les menaces sur l’économie française

Les menaces sur l’économie française

 Un papier de France Info souligne les risques importants de détérioration de la situation économique de la France.( extraits)
L’enquête de la Banque de France, menée auprès de 8 500 entrepreneurs du 26 juin au 3 juillet, en pleines élections législatives, fait ressortir les craintes des chefs d’entreprise qui constatent que leurs clients temporisent et préfèrent pour l’instant « épargner plutôt que consommer ». Au lendemain du second tour, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a également regretté l’absence de majorité claire dans l’hémicycle, « qui n’est pas de nature à rassurer les entrepreneurs ».

Depuis l’annonce de la dissolution, « on est entré dans une période de glaciation », juge pour sa part le patron du Medef, Patrick Martin, auprès des Echos. L’indicateur d’incertitude, qui reste néanmoins en dessous des seuils franchis durant la crise sanitaire, « progresse dans tous les secteurs, et particulièrement dans les services (notamment le travail temporaire, l’hébergement-restauration, le transport, la publicité) où il était initialement le plus bas », pointe l’enquête de la Banque de France.

Les chefs d’entreprise mentionnent par ailleurs auprès de la Banque de France « un gel des recrutements, faute de visibilité sur les évolutions possibles des coûts salariaux ». Une tendance confirmée par le directeur délégué de la plateforme de recrutement Hellowork, qui fait état auprès de L’Express d’un recul du volume d’offres d’emploi de 5,5% en juin 2024 par rapport à juin 2023, principalement parmi les contrats en CDD et dans une moindre mesure les missions d’intérim.

« Chez les petites et moyennes entreprises particulièrement, on observe des décisions d’attendre avant d’embaucher, le temps de voir quels seront les programmes économiques appliqués », confirme l’experte Anne-Sophie Alsif auprès de franceinfo. Certaines mesures, comme la hausse du smic à 1 600 euros défendue par le Nouveau Front populaire, « génèrent de l’appréhension », étaye la cheffe économiste au cabinet d’audit BDO France.

D’après l’Insee, l’économie française devrait croître de 1,1% en 2024 contre 0,9% en 2023, et bénéficier de l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques. L’évolution de la situation politique constitue cependant « un aléa important du scénario », nuance l’institut, qui publiera fin juillet sa première estimation de la croissance au deuxième trimestre.
Du côté des marchés financiers, « il y a eu un petit effet sur les taux d’intérêt souverains, c’est-à-dire les taux auxquels la France s’endette », dans les jours qui ont suivi la dissolution, « mais ça s’est calmé », ajoute Sylvain Bersinger. L’expert estime que les créanciers de la France redoutaient la perspective d’une majorité nette pour le Rassemblement national ou l’union de la gauche. A l’inverse, « la pagaille politique, qui éloigne la perspective de mesures radicales, est presque de nature à rassurer les marchés. On a aussi vu un petit effet sur le CAC 40 qui a un peu baissé, complète l’économiste, mais c’est aussi en train de se normaliser. »
L’examen du projet de loi de finances à partir de la rentrée s’annonce crucial, alors que la Commission européenne a placé la France en procédure de déficit excessif, en juin dernier. Après un dérapage du déficit à 5,5% l’année dernière (au lieu des 4,9% anticipés), le gouvernement sortant s’était engagé à assainir les finances publiques pour ramener le déficit à 5,1% en 2024, puis progressivement sous la cible de 3% en 2027.

Or, ces « objectifs peu réalistes » reposent sur des hypothèses de croissance « trop optimistes » et supposent des économies « sans précédent », tout comme « des hausses importantes des prélèvements obligatoires qui ne sont pas précisées », a alerté lundi la Cour des comptes. « Quel que soit le prochain gouvernement, il devra s’emparer de cette situation des finances publiques, il devra réduire notre endettement », a de son côté averti sur France Inter le premier président de l’institution, Pierre Moscovici. « Sans ajustement sérieux » de la trajectoire budgétaire, « il va être difficile d’atteindre les objectifs d’un retour du déficit à 3% du PIB pour 2027″, a renchéri mardi le chef économiste du Fonds monétaire international, Pierre-Olivier Gourinchas.

Un examen qui sera particulièrement scruté par les agences de notation. « L’approche des finances publiques et des réformes économiques et budgétaires par le nouveau gouvernement sera déterminante pour le crédit de la France », a d’ores et déjà prévenu l’agence Standard & Poor’s, qui avait dégradé, en mai dernier, la note française concernant l’évolution la dette publique, passant de « AA » à « AA- ».

L’adoption d’un budget pourrait s’avérer difficile dans une Assemblée fragmentée. De son côté, l’agence de notation Moody’s s’attend à ce qu’un budget soit voté, mais relève un « risque élevé qu’il contienne des mesures de dépenses supplémentaires, aggravant les défis budgétaires ». L’entreprise de gestion des risques, qui a attribué la note « Aa2″ au pays fin avril avec une perspective stable, pourrait abaisser sa perspective à « négative » en fonction de l’impact des tractations politiques sur la trajectoire budgétaire ou de croissance.

Les dangers de l’économie française

Les dangers de l’économie française

 

Un papier de France Info souligne les risques importants de détérioration de la situation économique de la France.( extraits)

 

L’enquête de la Banque de France, menée auprès de 8 500 entrepreneurs du 26 juin au 3 juillet, en pleines élections législatives, fait ressortir les craintes des chefs d’entreprise qui constatent que leurs clients temporisent et préfèrent pour l’instant  »épargner plutôt que consommer ». Au lendemain du second tour, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a également regretté l’absence de majorité claire dans l’hémicycle,  »qui n’est pas de nature à rassurer les entrepreneurs ».

Depuis l’annonce de la dissolution,  »on est entré dans une période de glaciation », juge pour sa part le patron du Medef, Patrick Martin, auprès des Echos. L’indicateur d’incertitude, qui reste néanmoins en dessous des seuils franchis durant la crise sanitaire,  »progresse dans tous les secteurs, et particulièrement dans les services (notamment le travail temporaire, l’hébergement-restauration, le transport, la publicité) où il était initialement le plus bas », pointe l’enquête de la Banque de France. 

Les chefs d’entreprise mentionnent par ailleurs auprès de la Banque de France  »un gel des recrutements, faute de visibilité sur les évolutions possibles des coûts salariaux ». Une tendance confirmée par le directeur délégué de la plateforme de recrutement Hellowork, qui fait état auprès de L’Express d’un recul du volume d’offres d’emploi de 5,5% en juin 2024 par rapport à juin 2023, principalement parmi les contrats en CDD et dans une moindre mesure les missions d’intérim.

« Chez les petites et moyennes entreprises particulièrement, on observe des décisions d’attendre avant d’embaucher, le temps de voir quels seront les programmes économiques appliqués », confirme l’experte Anne-Sophie Alsif auprès de franceinfo. Certaines mesures, comme la hausse du smic à 1 600 euros défendue par le Nouveau Front populaire,  »génèrent de l’appréhension », étaye la cheffe économiste au cabinet d’audit BDO France. 

 D’après l’Insee, l’économie française devrait croître de 1,1% en 2024 contre 0,9% en 2023, et bénéficier de l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques. L’évolution de la situation politique constitue cependant  »un aléa important du scénario », nuance l’institut, qui publiera fin juillet sa première estimation de la croissance au deuxième trimestre.

Du côté des marchés financiers,  »il y a eu un petit effet sur les taux d’intérêt souverains, c’est-à-dire les taux auxquels la France s’endette », dans les jours qui ont suivi la dissolution,  »mais ça s’est calmé », ajoute Sylvain Bersinger. L’expert estime que les créanciers de la France redoutaient la perspective d’une majorité nette pour le Rassemblement national ou l’union de la gauche. A l’inverse,  »la pagaille politique, qui éloigne la perspective de mesures radicales, est presque de nature à rassurer les marchés. On a aussi vu un petit effet sur le CAC 40 qui a un peu baissé, complète l’économiste, mais c’est aussi en train de se normaliser. » 

L’examen du projet de loi de finances à partir de la rentrée s’annonce crucial, alors que la Commission européenne a placé la France en procédure de déficit excessif, en juin dernier. Après un dérapage du déficit à 5,5% l’année dernière (au lieu des 4,9% anticipés), le gouvernement sortant s’était engagé à assainir les finances publiques pour ramener le déficit à 5,1% en 2024, puis progressivement sous la cible de 3% en 2027.

Or, ces  »objectifs peu réalistes » reposent sur des hypothèses de croissance  »trop optimistes » et supposent des économies  »sans précédent », tout comme  »des hausses importantes des prélèvements obligatoires qui ne sont pas précisées », a alerté lundi la Cour des comptes.  »Quel que soit le prochain gouvernement, il devra s’emparer de cette situation des finances publiques, il devra réduire notre endettement », a de son côté averti sur France Inter le premier président de l’institution, Pierre Moscovici.  »Sans ajustement sérieux » de la trajectoire budgétaire,  »il va être difficile d’atteindre les objectifs d’un retour du déficit à 3% du PIB pour 2027″, a renchéri mardi le chef économiste du Fonds monétaire international, Pierre-Olivier Gourinchas. 

Un examen qui sera particulièrement scruté par les agences de notation.  »L’approche des finances publiques et des réformes économiques et budgétaires par le nouveau gouvernement sera déterminante pour le crédit de la France », a d’ores et déjà prévenu l’agence Standard & Poor’s, qui avait dégradé, en mai dernier, la note française concernant l’évolution la dette publique, passant de « AA » à « AA- ».

L’adoption d’un budget pourrait s’avérer difficile dans une Assemblée fragmentée. De son côté, l’agence de notation Moody’s s’attend à ce qu’un budget soit voté, mais relève un  »risque élevé qu’il contienne des mesures de dépenses supplémentaires, aggravant les défis budgétaires ». L’entreprise de gestion des risques, qui a attribué la note « Aa2″ au pays fin avril avec une perspective stable, pourrait abaisser sa perspective à  »négative » en fonction de l’impact des tractations politiques sur la trajectoire budgétaire ou de croissance.

Politique-« L’économie de guerre » : une comédie française

Politique-« L’économie de guerre » : une comédie française

 Face au conformisme de bon aloi du monde politico-médiatique qui prospère sur l’économie de guerre, le groupe de réflexions Mars estime que les gesticulations de l’exécutif ne sont que de la poudre de perlimpinpin. Car au niveau national, un déficit budgétaire est plus important que prévu avec un retour des coupes budgétaires en Europe dès 2025 à cause du nouveau pacte de stabilité auquel la France a dûment adhéré. Par le groupe de réflexions Mars.

« L’économie de guerre, c’est trois choses : des crédits, de l’argent et des fonds. L’économie de guerre, c’est la reconversion de la population active et la mobilisation de la population jusqu’alors inactive pour produire du matériel de guerre, c’est-à-dire des engins motorisés, des armes et des munitions » (Le groupe Mars).

Faut-il prendre pour argent comptant les chiffres et les affirmations d’un dossier de presse, quand, du point de vue de la réflexion stratégique, on tangente le zéro kelvin ? Il n’y a plus guère (plus guerre ?) que dans les tribunes de libres opinions que s’expriment, parfois, quand elles ne sont pas convenues, des idées, sinon nouvelles, du moins un peu stimulantes. Nous en retiendrons deux parues récemment dans la grande presse, sous la plume de deux commentateurs autorisés : Le diplomate Gérard Araud et le journaliste spécialisé des questions de défense Jean-Dominique Merchet.

Le premier parvient à élever le niveau de la réflexion stratégique en rappelant l’évidence que la France n’est pas en première ligne contre la Russie. Le second se hasarde à proposer des idées nouvelles sur le partage nucléaire. Ce faisant, les deux prennent le risque de heurter certaines convictions établies et de déplaire au petit monde politico-médiatique qui prospère sur un conformisme de bon aloi.

Car, évidemment, ces idées entrent avec difficulté dans le « plan com » (pour comédie) de l’exécutif sur « l’économie de guerre », dont on rappelle que le slogan a été lancé pour la première fois au salon Eurosatory en juin 2022, il y a près de deux ans, avec l’efficacité que l’on sait. Nul doute que le prochain salon donnera une nouvelle fois l’occasion à nos médias préférés d’emboucher les trompettes de Jéricho qui donneront l’illusion de faire trembler les murs du Kremlin. Mais tout cela n’est qu’illusion et poudre aux yeux, comme le titre justement l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchainé. N’y a-t-il donc plus que le palmipède du mercredi dans le paysage médiatique français pour apporter un peu d’esprit critique à l’offensive médiatique du gouvernement sur « l’économie de guerre » ?

Entendons-nous bien. Il y a tout lieu d’applaudir la pièce de théâtre « Eurenco de Bergerac », et même de se tenir les côtes à lire sous certaines plumes renommées la confusion entre corps d’obus et affût de canon, charge militaire et poudre propulsive. Tout cela est plaisant. Nous nous montrerons à nouveau bon public quand tombera (pour Eurosatory ?) l’annonce officielle du retour en France de la production de munitions de petit calibre : la presse confidentielle a déjà vendu la mèche, si l’on ose dire. Ces annonces, qui ne se concrétiseront pas avant l’an prochain, sont de toute façon de bonnes nouvelles. Ne boudons pas notre plaisir. Mais ces mesures de bon sens, qui ne font que revenir sur des errements antérieurs, n’ont rien à voir avec l’économie de guerre.

Alors, à l’occasion de la publication du décret d’application d’une mesure législative de la LPM sur les réquisitions, on accroît l’intensité dramatique de la pièce avec une nouvelle formule magique : « pouvoir de police » ! On n’oublie simplement de dire que, si réquisition rime avec expropriation, il convient de ne pas les confondre, alors même que, dans les deux cas, il existe une contrepartie sonnante et trébuchante. Et surtout, à quoi servent ces « pouvoirs de police » quand il n’y a plus rien à réquisitionner ? Car pour qu’il reste des stocks intermédiaires ou de produits finis, il eût fallu que ces stocks fussent financés par l’État client. Mais cela fait belles lurettes que le « management par la performance » a vidé les stocks*. D’où la difficulté à aider l’Ukraine. Autrement dit, on amuse la galerie avec de la poudre de perlimpinpin quand il suffirait de décider d’augmenter les crédits destinés à la constitution de stocks.

Et voilà, le mot interdit est lâché : des crédits ! Bon sang, mais c’est bien sûr ! L’économie de guerre, c’est trois choses : des crédits, de l’argent et des fonds. L’économie de guerre, c’est la reconversion de la population active et la mobilisation de la population jusqu’alors inactive pour produire du matériel de guerre, c’est-à-dire des engins motorisés, des armes et des munitions. Et le débouché de toute cette production est assuré par les achats du gouvernement. Et quand on dit « achat », cela demande des fonds et des crédits, donc beaucoup d’argent public. Est-ce que la réduction envisagée de la durée du chômage indemnisé entre dans cette politique ? Il est permis d’en douter.

Au contraire, qu’observe-t-on « en même temps » ? Au niveau national, un déficit budgétaire plus important que prévu et « le retour des coupes budgétaires en Europe » (1) dès 2025 à cause du nouveau pacte de stabilité auquel notre pays a dûment adhéré. Les masques tombent, on ne rigole plus.

A force de « faire la guerre » au moindre microbe et à n’importe quoi, de « réarmer » tout et son contraire, nul ne prête plus attention au mauvais plaisantin qui joue à crier « au loup ». La fête du « quoi qu’il en coûte » est finie, il faut passer à la caisse. Telle est la réalité budgétaire qui attend nos armées. Alors, pour continuer à faire semblant, on joue à « l’économie de guerre ». Mais personne n’y croit.

Sous couvert de « revue des dépenses », l’inspection générale des finances est déjà en train de passer au peigne fin chaque ligne de la LPM, dans le but de réaliser ce que le jargon des consultants appelle des « quick wins », des « victoires rapides », c’est-à-dire des économies budgétaires de court terme. Comment ? Mais c’est très simple, la technique est éprouvée depuis la grande époque des « dividendes de la paix » : bourrage et décalage sont les deux mamelles de la régulation budgétaire.

D’un côté, pour montrer que je ne touche pas aux dimensions de la « valise » LPM (promis, juré), je « bourre » l’édredon avec tout un tas de (très coûteuses) mesures qui n’étaient pas prévues : trois milliards par ci promis aux Ukrainiens, deux milliards par là pour le SNU, etc. Et si l’OTAN décide effectivement d’un nouveau fonds de cent milliards pour aider l’Ukraine, qui paiera d’après vous ? De l’autre, je m’engage aussi tardivement que possible auprès de mes fournisseurs : c’est la fameuse « bosse » que le bousier pousse devant lui depuis trente ans. Tout le contraire de « l’économie de guerre », qui impliquerait de tout accélérer. Et, pour ne pas faire de jaloux, on rabote tout ce qui dépasse, à commencer par la trésorerie « dormante ».

Pas grave, entend-on, la LPM garantit à nos armée un financement historiquement haut. C’est vrai. Alors, où est le problème ? En fait, il n’y en aurait pas si l’espace médiatique n’était pas saturé par l’appel à la guerre pour protéger l’empire du bien des forces du mal qui le menace. De deux choses, l’une : soit il faut se préparer à la guerre pour rester en paix, et alors l’effort budgétaire est dramatiquement insuffisant, surtout dans l’hypothèse d’un retrait américain ; soit l’effort est suffisant par rapport à la réalité des menaces (ce que semble indiquer la LPM qui décale de cinq ans, donc à 2035, le modèle d’armée 2030 défini en 2017), mais alors, pourquoi hurler au loup ?

Au fond, comme le groupe MARS l’écrivait il y a un an (2) , le problème de cette LPM n’est pas le niveau des crédits promis, c’est l’absence de réelle réflexion stratégique permettant de répondre à la question : des armées, pour quoi faire ? C’est pourquoi les rappels de bon sens de Gérard Araud et les idées « disruptives » de Jean-Dominique Merchet interviennent à point nommé.

La France n’est pas en première ligne face à la Russie et le chef d’état-major de l’armée de terre vient de rappeler qu’elle était capable de projeter une division en appui de ses alliés (une brigade logistique est d’ailleurs créée à cet effet). Point. En effet, l’horizon stratégique de notre pays ne se limite pas aux rives du Boug et au marais du Pripiat : la France a des intérêts à défendre sur tous les continents et tous les océans, ou presque. Et ce n’est faire injure à personne que de penser que la « FR DIV » otanienne, quelle que soient les qualités de ses quelque 20.000 soldats et de ses équipements, n’emporterait pas la décision face aux centaines de milliers d’hommes que l’armée russe est capable de mettre en ligne.

Alors, si la formule « gagner la guerre avant la guerre » est autre chose de plus sérieux qu’un slogan, c’est ailleurs qu’il faut investir. La France est en effet le seul « État doté » parmi les 27 États membres de l’Union européenne. C’est à la fois notre spécificité stratégique au sein de l’UE et notre « avantage comparatif » au sein de l’OTAN. C’est en outre, depuis exactement 60 ans, le moyen le plus économique d’assurer notre défense et de garantir la paix à l’horizon de tous nos intérêts vitaux, sans mobiliser (loin s’en faut !) toute l’économie au service de l’effort de défense.

C’est là que l’idée de Jean-Dominique Merchet est intéressante, même si tout est discutable dans sa proposition de « partage nucléaire » de la dissuasion française sur le modèle de la « double clé » de la bombe américaine B61-12. A l’évidence, si la France a un rôle à jouer dans la défense d’une Europe privée de la protection américaine, c’est dans la redéfinition de nos intérêts vitaux à l’échelle européenne, et non dans un effort conventionnel qui restera toujours insuffisant même si « l’épaulement stratégique » impose de redimensionner convenablement notre corps de bataille afin de garantir un continuum entre dissuasion conventionnelle et dissuasion atomique. Mais ce continuum est déjà assuré par nos alliés, Polonais en tête.

Ouvert à la notion de dissuasion élargie, le groupe MARS considère néanmoins que le « sceptre nucléaire » ne se partage pas. La dissuasion repose sur la crédibilité technique des têtes nucléaires, opérationnelle des unités de mise en œuvre et politique de sa chaîne de commandement qui remonte in fine jusqu’au chef des armées. Cela ne se partage pas. On peut toujours imaginer des gadgets : un renfort de sous-mariniers alliés pour armer nos SNLE, des pilotes, mécaniciens et artificiers alliés dans nos escadrons nucléaires, voire (soyons fous !) des pilotes « Top gun » alliés sur notre porte-avions. Mais à la fin des fins, celui qui donne l’ordre ultime, c’est le président français.

L’idée de Jean-Dominique Merchet est intéressante et généreuse, mais, en ralliant le « groupe des plans nucléaires » de l’OTAN, elle supposerait d’abandonner notre doctrine de « l’ultime avertissement » pour endosser celle de la guerre nucléaire limitée que servent (en ont-ils seulement conscience ?) nos alliés certes britanniques, mais aussi allemands, belges, néerlandais, italiens et turcs. Il n’existerait pas de consensus politique en France pour un tel changement de doctrine.

 

Alors, comment élargir le parapluie nucléaire français ? La toute première mesure consisterait, si l’on est sérieux et qu’on ne se contente pas de confondre « signalement stratégique » et gesticulation théâtrale, à conforter la crédibilité de la dissuasion française en investissant tous azimuts dans toutes ses composantes (et leur environnement) afin d’augmenter le nombre et la performance de nos armes atomiques et de nos vecteurs. Investir dans la stratégie des moyens, c’est se donner, dans le temps long, les moyens de sa stratégie.

Une fois garantie la capacité de frappe en second, c’est-à-dire l’assurance de faire payer à l’adversaire le prix fort de son agression, les alliés viendront d’eux-mêmes se placer sous le parapluie français. A nos conditions. C’est certes plus modeste et beaucoup moins visible que la tonitruante « économie de guerre », mais c’est aussi beaucoup plus efficace pour faire face aux temps difficiles qui attendent une Europe désarmée, menacée et sur le point d’être abandonnée par son protecteur historique.

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1 Cf. Alternative économique n°444, mars 2024

 

* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

« L’économie de guerre » : une comédie française

« L’économie de guerre » : une comédie française

 Face au conformisme de bon aloi du monde politico-médiatique qui prospère sur l’économie de guerre, le groupe de réflexions Mars estime que les gesticulations de l’exécutif ne sont que de la poudre de perlimpinpin. Car au niveau national, un déficit budgétaire est plus important que prévu avec un retour des coupes budgétaires en Europe dès 2025 à cause du nouveau pacte de stabilité auquel la France a dûment adhéré. Par le groupe de réflexions Mars.

« L’économie de guerre, c’est trois choses : des crédits, de l’argent et des fonds. L’économie de guerre, c’est la reconversion de la population active et la mobilisation de la population jusqu’alors inactive pour produire du matériel de guerre, c’est-à-dire des engins motorisés, des armes et des munitions » (Le groupe Mars). 

Faut-il prendre pour argent comptant les chiffres et les affirmations d’un dossier de presse, quand, du point de vue de la réflexion stratégique, on tangente le zéro kelvin ? Il n’y a plus guère (plus guerre ?) que dans les tribunes de libres opinions que s’expriment, parfois, quand elles ne sont pas convenues, des idées, sinon nouvelles, du moins un peu stimulantes. Nous en retiendrons deux parues récemment dans la grande presse, sous la plume de deux commentateurs autorisés : Le diplomate Gérard Araud et le journaliste spécialisé des questions de défense Jean-Dominique Merchet.

Le premier parvient à élever le niveau de la réflexion stratégique en rappelant l’évidence que la France n’est pas en première ligne contre la Russie. Le second se hasarde à proposer des idées nouvelles sur le partage nucléaire. Ce faisant, les deux prennent le risque de heurter certaines convictions établies et de déplaire au petit monde politico-médiatique qui prospère sur un conformisme de bon aloi.

Car, évidemment, ces idées entrent avec difficulté dans le « plan com » (pour comédie) de l’exécutif sur « l’économie de guerre », dont on rappelle que le slogan a été lancé pour la première fois au salon Eurosatory en juin 2022, il y a près de deux ans, avec l’efficacité que l’on sait. Nul doute que le prochain salon donnera une nouvelle fois l’occasion à nos médias préférés d’emboucher les trompettes de Jéricho qui donneront l’illusion de faire trembler les murs du Kremlin. Mais tout cela n’est qu’illusion et poudre aux yeux, comme le titre justement l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchainé. N’y a-t-il donc plus que le palmipède du mercredi dans le paysage médiatique français pour apporter un peu d’esprit critique à l’offensive médiatique du gouvernement sur « l’économie de guerre » ?

Entendons-nous bien. Il y a tout lieu d’applaudir la pièce de théâtre « Eurenco de Bergerac », et même de se tenir les côtes à lire sous certaines plumes renommées la confusion entre corps d’obus et affût de canon, charge militaire et poudre propulsive. Tout cela est plaisant. Nous nous montrerons à nouveau bon public quand tombera (pour Eurosatory ?) l’annonce officielle du retour en France de la production de munitions de petit calibre : la presse confidentielle a déjà vendu la mèche, si l’on ose dire. Ces annonces, qui ne se concrétiseront pas avant l’an prochain, sont de toute façon de bonnes nouvelles. Ne boudons pas notre plaisir. Mais ces mesures de bon sens, qui ne font que revenir sur des errements antérieurs, n’ont rien à voir avec l’économie de guerre.

Alors, à l’occasion de la publication du décret d’application d’une mesure législative de la LPM sur les réquisitions, on accroît l’intensité dramatique de la pièce avec une nouvelle formule magique : « pouvoir de police » ! On n’oublie simplement de dire que, si réquisition rime avec expropriation, il convient de ne pas les confondre, alors même que, dans les deux cas, il existe une contrepartie sonnante et trébuchante. Et surtout, à quoi servent ces « pouvoirs de police » quand il n’y a plus rien à réquisitionner ? Car pour qu’il reste des stocks intermédiaires ou de produits finis, il eût fallu que ces stocks fussent financés par l’État client. Mais cela fait belles lurettes que le « management par la performance » a vidé les stocks*. D’où la difficulté à aider l’Ukraine. Autrement dit, on amuse la galerie avec de la poudre de perlimpinpin quand il suffirait de décider d’augmenter les crédits destinés à la constitution de stocks.

Et voilà, le mot interdit est lâché : des crédits ! Bon sang, mais c’est bien sûr ! L’économie de guerre, c’est trois choses : des crédits, de l’argent et des fonds. L’économie de guerre, c’est la reconversion de la population active et la mobilisation de la population jusqu’alors inactive pour produire du matériel de guerre, c’est-à-dire des engins motorisés, des armes et des munitions. Et le débouché de toute cette production est assuré par les achats du gouvernement. Et quand on dit « achat », cela demande des fonds et des crédits, donc beaucoup d’argent public. Est-ce que la réduction envisagée de la durée du chômage indemnisé entre dans cette politique ? Il est permis d’en douter.

Au contraire, qu’observe-t-on « en même temps » ? Au niveau national, un déficit budgétaire plus important que prévu et « le retour des coupes budgétaires en Europe » (1) dès 2025 à cause du nouveau pacte de stabilité auquel notre pays a dûment adhéré. Les masques tombent, on ne rigole plus.

A force de « faire la guerre » au moindre microbe et à n’importe quoi, de « réarmer » tout et son contraire, nul ne prête plus attention au mauvais plaisantin qui joue à crier « au loup ». La fête du « quoi qu’il en coûte » est finie, il faut passer à la caisse. Telle est la réalité budgétaire qui attend nos armées. Alors, pour continuer à faire semblant, on joue à « l’économie de guerre ». Mais personne n’y croit.

Sous couvert de « revue des dépenses », l’inspection générale des finances est déjà en train de passer au peigne fin chaque ligne de la LPM, dans le but de réaliser ce que le jargon des consultants appelle des « quick wins », des « victoires rapides », c’est-à-dire des économies budgétaires de court terme. Comment ? Mais c’est très simple, la technique est éprouvée depuis la grande époque des « dividendes de la paix » : bourrage et décalage sont les deux mamelles de la régulation budgétaire.

D’un côté, pour montrer que je ne touche pas aux dimensions de la « valise » LPM (promis, juré), je « bourre » l’édredon avec tout un tas de (très coûteuses) mesures qui n’étaient pas prévues : trois milliards par ci promis aux Ukrainiens, deux milliards par là pour le SNU, etc. Et si l’OTAN décide effectivement d’un nouveau fonds de cent milliards pour aider l’Ukraine, qui paiera d’après vous ? De l’autre, je m’engage aussi tardivement que possible auprès de mes fournisseurs : c’est la fameuse « bosse » que le bousier pousse devant lui depuis trente ans. Tout le contraire de « l’économie de guerre », qui impliquerait de tout accélérer. Et, pour ne pas faire de jaloux, on rabote tout ce qui dépasse, à commencer par la trésorerie « dormante ».

Pas grave, entend-on, la LPM garantit à nos armée un financement historiquement haut. C’est vrai. Alors, où est le problème ? En fait, il n’y en aurait pas si l’espace médiatique n’était pas saturé par l’appel à la guerre pour protéger l’empire du bien des forces du mal qui le menace. De deux choses, l’une : soit il faut se préparer à la guerre pour rester en paix, et alors l’effort budgétaire est dramatiquement insuffisant, surtout dans l’hypothèse d’un retrait américain ; soit l’effort est suffisant par rapport à la réalité des menaces (ce que semble indiquer la LPM qui décale de cinq ans, donc à 2035, le modèle d’armée 2030 défini en 2017), mais alors, pourquoi hurler au loup ?

Au fond, comme le groupe MARS l’écrivait il y a un an (2) , le problème de cette LPM n’est pas le niveau des crédits promis, c’est l’absence de réelle réflexion stratégique permettant de répondre à la question : des armées, pour quoi faire ? C’est pourquoi les rappels de bon sens de Gérard Araud et les idées « disruptives » de Jean-Dominique Merchet interviennent à point nommé.

La France n’est pas en première ligne face à la Russie et le chef d’état-major de l’armée de terre vient de rappeler qu’elle était capable de projeter une division en appui de ses alliés (une brigade logistique est d’ailleurs créée à cet effet). Point. En effet, l’horizon stratégique de notre pays ne se limite pas aux rives du Boug et au marais du Pripiat : la France a des intérêts à défendre sur tous les continents et tous les océans, ou presque. Et ce n’est faire injure à personne que de penser que la « FR DIV » otanienne, quelle que soient les qualités de ses quelque 20.000 soldats et de ses équipements, n’emporterait pas la décision face aux centaines de milliers d’hommes que l’armée russe est capable de mettre en ligne.

Alors, si la formule « gagner la guerre avant la guerre » est autre chose de plus sérieux qu’un slogan, c’est ailleurs qu’il faut investir. La France est en effet le seul « État doté » parmi les 27 États membres de l’Union européenne. C’est à la fois notre spécificité stratégique au sein de l’UE et notre « avantage comparatif » au sein de l’OTAN. C’est en outre, depuis exactement 60 ans, le moyen le plus économique d’assurer notre défense et de garantir la paix à l’horizon de tous nos intérêts vitaux, sans mobiliser (loin s’en faut !) toute l’économie au service de l’effort de défense.

C’est là que l’idée de Jean-Dominique Merchet est intéressante, même si tout est discutable dans sa proposition de « partage nucléaire » de la dissuasion française sur le modèle de la « double clé » de la bombe américaine B61-12. A l’évidence, si la France a un rôle à jouer dans la défense d’une Europe privée de la protection américaine, c’est dans la redéfinition de nos intérêts vitaux à l’échelle européenne, et non dans un effort conventionnel qui restera toujours insuffisant même si « l’épaulement stratégique » impose de redimensionner convenablement notre corps de bataille afin de garantir un continuum entre dissuasion conventionnelle et dissuasion atomique. Mais ce continuum est déjà assuré par nos alliés, Polonais en tête.

Ouvert à la notion de dissuasion élargie, le groupe MARS considère néanmoins que le « sceptre nucléaire » ne se partage pas. La dissuasion repose sur la crédibilité technique des têtes nucléaires, opérationnelle des unités de mise en œuvre et politique de sa chaîne de commandement qui remonte in fine jusqu’au chef des armées. Cela ne se partage pas. On peut toujours imaginer des gadgets : un renfort de sous-mariniers alliés pour armer nos SNLE, des pilotes, mécaniciens et artificiers alliés dans nos escadrons nucléaires, voire (soyons fous !) des pilotes « Top gun » alliés sur notre porte-avions. Mais à la fin des fins, celui qui donne l’ordre ultime, c’est le président français.

L’idée de Jean-Dominique Merchet est intéressante et généreuse, mais, en ralliant le « groupe des plans nucléaires » de l’OTAN, elle supposerait d’abandonner notre doctrine de « l’ultime avertissement » pour endosser celle de la guerre nucléaire limitée que servent (en ont-ils seulement conscience ?) nos alliés certes britanniques, mais aussi allemands, belges, néerlandais, italiens et turcs. Il n’existerait pas de consensus politique en France pour un tel changement de doctrine.

 

Alors, comment élargir le parapluie nucléaire français ? La toute première mesure consisterait, si l’on est sérieux et qu’on ne se contente pas de confondre « signalement stratégique » et gesticulation théâtrale, à conforter la crédibilité de la dissuasion française en investissant tous azimuts dans toutes ses composantes (et leur environnement) afin d’augmenter le nombre et la performance de nos armes atomiques et de nos vecteurs. Investir dans la stratégie des moyens, c’est se donner, dans le temps long, les moyens de sa stratégie.

Une fois garantie la capacité de frappe en second, c’est-à-dire l’assurance de faire payer à l’adversaire le prix fort de son agression, les alliés viendront d’eux-mêmes se placer sous le parapluie français. A nos conditions. C’est certes plus modeste et beaucoup moins visible que la tonitruante « économie de guerre », mais c’est aussi beaucoup plus efficace pour faire face aux temps difficiles qui attendent une Europe désarmée, menacée et sur le point d’être abandonnée par son protecteur historique.

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1 Cf. Alternative économique n°444, mars 2024

 

* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

France : des résultats scolaires qui expliquent une partie de la crise française

France :  des résultats scolaires qui expliquent une partie de la crise française

 

Les résultats solaires de la France sont particulièrement mauvais, avec une tendance à la baisse encore plus marquée.

Ils expliquent une partie des crises du pays La France se classe à la 23e place du classement, alors qu’elle est 7e puissance mondiale. Les résultats sont surtout en régression en maths pour les élèves de 15 ans.  »En mathématiques, la forte baisse observée en France entre 2018 et 2022 est la plus importante observée depuis la première étude PISA  » en 2000, avec une baisse de » 21 points, contre une baisse de 15 points pour la moyenne », note l’OCDE.

. Malheureusement, les nouvelles ne sont pas bonnes pour la France. Elle termine à la 23e place de ce classement et chute lourdement en mathématiques. À l’échelle mondiale, les résultats du classement démontrent une baisse significative et généralisée post-crise du covid-19.

Pour rappel cette étude à consulter dans son intégralité sur le site de l’OCDE, évalue les élèves sur plusieurs épreuves. La première est un test de compréhension de l’écrit, suivi ensuite du test de culture mathématique, de celui de culture scientifique et enfin d’un exercice de pensée créative. Cette année, 85 pays faisaient partie de l’aventure avec pas moins de 8 000 élèves tirés au sort. En France, 355 établissements étaient concernés.

La France ne fait pas figure de bonne élève. Elle se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, avec 474 points en mathématiques, en dessous de la moyenne, à 480 points ; 474 points en compréhension de l’écrit alors que la moyenne se situe à 482 points ; 487 points en culture scientifique points alors que la moyenne est à 491 points.

Il faut retenir du classement Pisa 2023 (appelé 2022 car l’étude rend compte des résultats de l’an dernier en réalité) ceci : les résultats globaux sont en baisse, notamment du fait de la pandémie de Covid-19. Seulement trois pays parviennent à faire mieux qu’en 2019 : Singapour, le Japon, la Corée du Sud. Tous les autres ont de plus mauvais résultats.

 

Économie française : Productivité en baisse

Économie française : Productivité en baisse

Dans de récents travaux, les économistes de la Banque de France ont calculé que le niveau de productivité en France avait chuté lourdement (-8,5%) depuis 2019.

La France a eu du mal à digérer les 35 heures et cela pèse encore sur la productivité. Deuxième facteur important celui du Covid  qui a encore davantage modifié le rapport au travail.

A l’échelle du pays, entre 2019 et mi-2023, la valeur ajoutée – la richesse produite – a augmenté de 2 %, mais les effectifs salariés, eux, ont progressé de 6,5 %. Depuis la crise sanitaire, les entreprises ont en effet massivement recruté : selon les derniers chiffres publiés, mercredi 29 novembre, par l’Insee, l’économie française comptait à cette date près de 1,2 million d’emplois salariés de plus que fin 2019.

Ce  phénomène est loin d’épargner l’industrie, un secteur bien plus crucial pour assurer des gains de productivité dans l’économie tricolore. Rien que dans le secteur industriel, la productivité a plongé de 7,3% entre fin 2019 et 2023. « Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces moindres gains de productivité : le rapport au travail depuis la pandémie, les difficultés de recrutement. Face à ces difficultés, les entreprises ont embauché des salariés moins qualifiés et moins formés. Toutefois, on sent un début de normalisation, du moins on l’espère. Si la France ne réalise pas de gains de productivité, elle ne pourra pas être dans la compétition industrielle européenne », prévient l’expert Olivier Lluansi, chargé par le gouvernement d’un rapport prospectif très attendu sur l’industrie en 2035.

La productivité horaire du #travail a baissé en #France depuis 2019, contrairement à presque tous les autres pays de l’union européenne.

Le boom de l’apprentissage n’en explique qu’une partie.

Dette : la drogue française

Dette : la drogue française

 

« La France est l’un des pays de la zone euro les plus endettés. Le “quoi qu’il en coûte” est devenu un réflexe, pour ne pas dire une drogue »
par  Françoise Fressoz ; Editorialiste au « Monde »

La fin de l’aisance budgétaire coïncide avec l’intensification des manœuvres politiques en vue de la présidentielle de 2027. Pour Emmanuel Macron, le chant du cygne a déjà commencé, estime, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ». Près de sept années de politique économique conduite sous le signe du « redressement » et de la « reconquête de la souveraineté » ne seront pas venues à bout de l’addiction française à la dette. La charge sonnée mardi 12 mars par le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui fut aussi ministre de l’économie de François Hollande entre 2012 et 2014, suit de quelques semaines la publication d’un décret annulant en urgence 10 milliards d’euros de crédits budgétaires. Le couperet est tombé moins de deux mois après l’adoption au Parlement du projet de budget 2024.

Ce n’est pas encore l’affolement, mais la situation est « sérieuse », « préoccupante », pour reprendre les termes du magistrat de la Rue Cambon, qui n’a pas boudé les médias pour sonner l’olifant : en cinq ans, la dette publique a fait un bond de 800 milliards d’euros pour atteindre 3 210 milliards d’euros, soit plus de 110 % de la richesse nationale. Le remboursement des intérêts, qui représentait dans le budget de l’Etat une dépense annuelle de 20 milliards d’euros, est monté à 54 milliards d’euros en 2023 et pourrait s’élever à 87 milliards d’euros dans trois ans. Il est temps d’arrêter les frais si la France veut garder le contrôle de ses dépenses et ne pas perdre la face dans ses négociations européennes : elle compte aujourd’hui parmi les pays les plus endettés de la zone euro et parmi ceux qui ont été les moins prompts à réduire leurs déficits.

De très bonnes raisons expliquent l’emballement qui s’est produit depuis 2017 et le climat d’insouciance qui a accompagné le mouvement : jusqu’au retournement de la politique monétaire en 2022, l’argent ne coûtait presque rien alors que les besoins de financement étaient énormes. Police, justice, armée, éducation nationale, santé, d’un coup, le délabrement des services publics, laissés dans un état de sous-investissement préoccupant au cours des décennies précédentes, a sauté aux yeux, devenant un facteur aggravant de la crise démocratique. Il fallait impérativement les renflouer.
L’épidémie de Covid-19 a quant à elle fait de l’Etat le sauveur de l’économie française, tandis que la transition écologique et le réarmement industriel ont nécessité de gros besoins. Cependant, plus qu’ailleurs, le « quoi qu’il en coûte », qui s’est fondu dans le moule de l’Etat protecteur, est devenu un réflexe, pour ne pas dire une drogue, assumé comme tel sur tous les bancs politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

Envol de l’endettement : la drogue française

Envol de l’endettement : la drogue française

 

« La France est l’un des pays de la zone euro les plus endettés. Le “quoi qu’il en coûte” est devenu un réflexe, pour ne pas dire une drogue »
par  Françoise Fressoz ; Editorialiste au « Monde »

La fin de l’aisance budgétaire coïncide avec l’intensification des manœuvres politiques en vue de la présidentielle de 2027. Pour Emmanuel Macron, le chant du cygne a déjà commencé, estime, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ». Près de sept années de politique économique conduite sous le signe du « redressement » et de la « reconquête de la souveraineté » ne seront pas venues à bout de l’addiction française à la dette. La charge sonnée mardi 12 mars par le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui fut aussi ministre de l’économie de François Hollande entre 2012 et 2014, suit de quelques semaines la publication d’un décret annulant en urgence 10 milliards d’euros de crédits budgétaires. Le couperet est tombé moins de deux mois après l’adoption au Parlement du projet de budget 2024.

Ce n’est pas encore l’affolement, mais la situation est « sérieuse », « préoccupante », pour reprendre les termes du magistrat de la Rue Cambon, qui n’a pas boudé les médias pour sonner l’olifant : en cinq ans, la dette publique a fait un bond de 800 milliards d’euros pour atteindre 3 210 milliards d’euros, soit plus de 110 % de la richesse nationale. Le remboursement des intérêts, qui représentait dans le budget de l’Etat une dépense annuelle de 20 milliards d’euros, est monté à 54 milliards d’euros en 2023 et pourrait s’élever à 87 milliards d’euros dans trois ans. Il est temps d’arrêter les frais si la France veut garder le contrôle de ses dépenses et ne pas perdre la face dans ses négociations européennes : elle compte aujourd’hui parmi les pays les plus endettés de la zone euro et parmi ceux qui ont été les moins prompts à réduire leurs déficits.

De très bonnes raisons expliquent l’emballement qui s’est produit depuis 2017 et le climat d’insouciance qui a accompagné le mouvement : jusqu’au retournement de la politique monétaire en 2022, l’argent ne coûtait presque rien alors que les besoins de financement étaient énormes. Police, justice, armée, éducation nationale, santé, d’un coup, le délabrement des services publics, laissés dans un état de sous-investissement préoccupant au cours des décennies précédentes, a sauté aux yeux, devenant un facteur aggravant de la crise démocratique. Il fallait impérativement les renflouer.
L’épidémie de Covid-19 a quant à elle fait de l’Etat le sauveur de l’économie française, tandis que la transition écologique et le réarmement industriel ont nécessité de gros besoins. Cependant, plus qu’ailleurs, le « quoi qu’il en coûte », qui s’est fondu dans le moule de l’Etat protecteur, est devenu un réflexe, pour ne pas dire une drogue, assumé comme tel sur tous les bancs politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

Guerre et Russie: L’armée française ne tiendrait pas longtemps

Guerre et Russie: L’armée française ne tiendrait pas longtemps

La guerre en Ukraine démontre chaque jour que l’accès aux munitions et missiles représente la condition essentielle pour tenir face à un adversaire dans un conflit de haute intensité. Sans cela, la bravoure des soldats pourrait s’avérer vaine au bout de quelques semaines, voire de quelques jours… Par le groupe de réflexions Mars *.

La guerre ne se gagne pas avec des mots et des postures, aussi brillantes soient-elles. Elle se gagne avec les matériels et les munitions dont disposent nos soldats. Entre les objectifs du discours sur l’économie de guerre et la réalité des engagements budgétaires, il faut être clair : le compte n’y est pas – et de très loin ! Pourtant, cette situation n’est pas nouvelle. Déjà lorsque les troupes françaises ont été déployées en Afghanistan il y a plus d’une décennie, nos soldats tiraient le diable par la queue faute de stocks adéquats.

La situation vécue aujourd’hui par les armées ukrainiennes devrait pourtant produire un sursaut. Faut-il rappeler que l’artillerie ukrainienne consomme chaque jour un nombre d’obus correspondant à ce que notre industrie peut fabriquer en un mois ? Depuis trois décennies, les armées ont vu leurs stocks de munitions et de missiles se réduire sans cesse pour ne conserver qu’un niveau minimal et aboutir à une « armée bonzaï ». Cela ne peut pas fonctionner : dès que nos soldats sont engagés en opération, l’absence de munitions met rapidement en danger nos soldats qui n’ont plus les moyens nécessaires pour conduire leurs missions, voire pour se protéger des forces adverses.

Le constat de stocks échantillonnaires dépasse les frontières de l’Hexagone. Le général Richard Barrons, ancien chef d’État-major britannique, déclarait en février 2023 qu’après des années de réduction des livraisons, « pour certains types d’armes clés, l’armée serait à court de munitions après une après-midi chargée ». Il estimait que le Royaume-Uni disposait de stocks permettant uniquement de soutenir un engagement de haute intensité pendant une semaine environ.

Le principe de stricte suffisante fonctionne bien dans la dissuasion nucléaire mais il est trompeur, voire criminel pour les munitions et les missiles. La dissuasion fonctionne sur le principe de non-emploi, c’est-à-dire que l’existence de ces armes doit empêcher en soi une action de l’ennemi. Pour les munitions et les missiles, il est nécessaire d’engager ces armes face à l’adversaire pour le contraindre à revoir ses plans et lui imposer notre volonté. C’est pourquoi, dans les armes conventionnelles, la quantité est une qualité en soi.

Il est difficile de connaître l’état des stocks de munitions, car il s’agit d’une donnée classifiée, et donc de jauger la pertinence des stocks actuels. Toutefois, il est très probable que la France et ses principaux alliés soient dans une situation semblable à celle du Royaume-Uni compte tenu des commandes très réduites qui ont été passées au cours des dernières années. Une situation des plus préoccupantes…

Entre les objectifs du discours sur l’économie de guerre et la réalité des engagements budgétaires, il y a un grand écart évident. Imposer un changement de tempo à l’industrie, qui a fonctionné à rythme ralenti pendant des années, était nécessaire mais ce changement de cadence et de volume ne peut être efficace qu’en accroissant aussi la taille des stocks à pourvoir.

Il ne faut pas confondre la logique de flux et la logique de stocks. Certes, l’industrie a réussi à accroître ses cadences de production de manière somme toute rapide en quelques mois, mais cet effort peut être vain si les armées ne révisent pas les stocks dont elles doivent disposer. Du point de vue militaire, le stock vient avant le flux, car il permet d’encaisser le choc de la bataille. Et le flux est nécessaire pour maintenir le niveau des stocks de manière à préserver une capacité d’engagement permettant de contenir l’adversaire et, si possible, de le repousser.

Afin d’être capables de répondre à une menace majeure (la pierre d’angle de toute défense efficace et crédible), deux objectifs sont prioritaires : accroître les stocks de munitions et augmenter la capacité de production.Ces deux dimensions sont liées. Les commandes justifient un accroissement des capacités de production en augmentant les moyens de fabrication et en accroissant les achats intermédiaires. Une capacité de production plus importante permet de régénérer rapidement les stocks en cas de consommation accélérée ou inattendue.

Le changement de tempo doit concerner l’État tout autant que l’industrie. It takes two to tango… Jean-Dominique Merchet soulignait le 22 février 2024 sur France Info que passer en économie de guerre, « cela veut dire des commandes. L’industriel ne va pas produire s’il n’a pas de commandes ». Ceci est en particulier vrai pour les PME et ETI qui n’ont pas une trésorerie aussi importante que les grands groupes qui, eux, dépendent des livraisons de leurs partenaires industriels pour être en mesure de répondre aux besoins des armées.

Rheinmetall va produire 700.000 obus en 2024 tous pays confondus, alors que la France peut en produire seulement 3.000 par mois (ce qui représente déjà un triplement de la production par rapport à 2022). Il n’y a pas là de miracle. En 2023, le groupe allemand a conclu un accord-cadre avec la Bundeswehr d’une valeur globale de 1,2 milliard d’euros d’ici à 2029. Ceci explique que Rheinmetall puisse investir 300 millions d’euros pour agrandir sa capacité de production à Unterlüß.

 Le Royaume-Uni a passé des commandes de munitions à BAE Systems pour 430 millions de livres sterling en 2023, qui font partie d’un accord-cadre de 2,4 milliards sur 15 ans appelé Next Generation Munitions Solution. Pour Charles Woodburn, PDG de BAE Systems, ce partenariat stratégique de long terme avec le ministère britannique de la Défense « permettra d’augmenter considérablement la production et de maintenir une capacité souveraine vitale pour fournir des munitions de pointe » (obus de 155 mm et 30 mm et cartouches de 5,56 mm).

Même des pays plus petits s’engagent dans ces contrats pluriannuels. Ainsi, la Belgique négocie actuellement un contrat d’une valeur de 1,7 milliard d’euros avec FN Herstal, qui permettra d’ouvrir de nouvelles lignes de production.

La constance est un élément important pour disposer des capacités industrielles adéquates. Le ministère des Armées examine en ce moment la réimplantation en France d’une capacité de production de munitions de petits calibres. Rappelons qu’un projet similaire piloté par Thales, NobelSport et Manurhin avait été envisagé sous Jean-Yves Le Drian en 2017. Si Florence Parly et Bercy n’avaient pas arrêté ce projet considéré non viable économiquement, la France serait aujourd’hui autonome en la matière. Pourtant, ces activités ont toujours été rentables en Allemagne, Scandinavie, Suisse, Italie, République tchèque… qui n’ont pas pour autant des besoins nationaux si différents de ceux de la France.

La constance est d’autant plus importante qu’accroître la production de munitions et de missiles prend du temps, plus encore s’il s’agit de développer de nouveaux moyens industriels. Grâce à son contrat-cadre au Royaume-Uni, BAE Systems va multiplier par huit sa capacité de production d’obus de 155 mm. Pour Woodburn, l’une des leçons du conflit en Ukraine est que, même si les entreprises peuvent accroître l’utilisation de l’outil industriel existant, « il y a des limites à ce que vous pouvez faire (…) Vous pouvez quasiment doubler votre débit en ajoutant des équipes et en exploitant votre capacité jusqu’à saturation, mais vous ne pouvez pas faire plus que doubler le volume de livraisons ».

Pour doubler ce volume, ajoute-t-il, cela prend du temps : il faut anticiper un délai de l’ordre de deux ans. Il s’agit ici d’une deuxième dimension essentielle : matériels, munitions et missiles sont des équipements complexes, requérant des multiples étapes de fabrication qui impliquent de nombreuses entreprises. Il n’est donc pas possible de commander à la dernière minute. L’enjeu porte notamment sur l’approvisionnement en matières premières et en produits élaborés de base comme les explosifs.

Cela veut dire que si l’État commande aujourd’hui, la filière industrielle ne sera pas capable de livrer le matériel correspondant avant plusieurs mois, voire plusieurs années. Même aux États-Unis, en dépit d’une industrie gigantesque comparée à celle de la France, les livraisons nécessitent des délais incompressibles en dépit de capacités industrielles prêtes à l’emploi. Pour produire un missile Patriot, il faut entre 35 et 40 mois.

Des commandes pluriannuelles (et non de vagues promesses qui n’engagent que ceux qui y croient) sont essentielles pour justifier des investissements massifs, longs à mettre en œuvre et nécessitant plusieurs années de production pour être amortis.Faute de commandes, serait-il raisonnable pour une entreprise d’accroître ses investissements et de produire par anticipation « juste au cas où » ?

Les stocks de munitions et de missiles ont bien entendu un coût. Au Royaume-Uni, le général Barrons estimait en 2023 dans une tribune publiée par le Sun que « reconstruire l’armée afin qu’elle puisse faire face à une attaque surprise russe coûterait 3 milliards de livres sterling en plus des dépenses déjà programmées chaque année pendant la décennie à venir ».

Un chiffre équivalent serait certainement nécessaire pour la France au-delà de ce que la LPM 2024-2030 prévoit déjà : 16 milliards d’euros (2,3 milliards par an). Ce montant peut sembler important, mais il faut garder en tête qu’un obus de 155 mm coûte 4.000 euros pièce, un obus intelligent type Bonus 30.000 euros, un missile Mistral 300.000 euros et un missile Aster 2 millions d’euros. Compte tenu des niveaux de consommation en situation de guerre, les budgets actuels sont nettement insuffisants et ne couvrent que les besoins déjà identifiés avant 2022.

Cette approche par la dépense est d’ailleurs la raison qui a conduit les décideurs publics, quelle que soit leur couleur politique, à réduire progressivement les stocks. Cependant, tout coût doit être mis en parallèle avec les bénéfices attendus. Ils constituent une assurance pour la sécurité internationale de la France à deux niveaux.

D’une part, les armées doivent être en mesure d’assurer dans la durée une réponse militaire à une menace. Sans de tels stocks, une armée n’est qu’un tigre de papier dont la réalité apparaît rapidement après le choc de l’affrontement. Que peuvent faire les troupes les mieux aguerries sans les moyens de leurs actions ? La constitution de stocks à bon niveau est une nécessité pour garantir de pouvoir tenir face à l’adversaire, comme le montrent une fois encore les difficultés que rencontrent les troupes ukrainiennes ces dernières semaines.

D’autre part, les stocks de munitions et de missiles participent de la protection de la France en crédibilisant notre capacité à faire face à une agression. En effet, l’épaisseur des moyens a, en soi, un effet dissuasif car l’adversaire doit en tenir compte lorsqu’il estime ses chances de victoire. Qui s’y frotte s’y pique… À l’inverse, l’absence de stocks peut donner à l’adversaire le sentiment qu’il pourrait rapidement nous faire plier.

De ce fait, les stocks sont certes une dépense mais ils contribuent en même temps à la posture de défense en crédibilisant nos armées dans leur capacité à agir et à tenir. Ils représentent un investissement qui entre pleinement dans l’équation de notre sécurité internationale et doivent être considérés au-delà d’une évaluation purement budgétaire. Une conclusion s’impose : nous ne sommes pas prêts à faire face à un contexte de guerre majeure face à un pays doté de moyens militaires conséquents. En conséquence, la France doit accroître les stocks de munitions pour garantir sa sécurité.

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* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

L’armée française ne tiendrait pas longtemps

L’armée française ne tiendrait pas longtemps

La guerre en Ukraine démontre chaque jour que l’accès aux munitions et missiles représente la condition essentielle pour tenir face à un adversaire dans un conflit de haute intensité. Sans cela, la bravoure des soldats pourrait s’avérer vaine au bout de quelques semaines, voire de quelques jours… Par le groupe de réflexions Mars *.

La guerre ne se gagne pas avec des mots et des postures, aussi brillantes soient-elles. Elle se gagne avec les matériels et les munitions dont disposent nos soldats. Entre les objectifs du discours sur l’économie de guerre et la réalité des engagements budgétaires, il faut être clair : le compte n’y est pas – et de très loin ! Pourtant, cette situation n’est pas nouvelle. Déjà lorsque les troupes françaises ont été déployées en Afghanistan il y a plus d’une décennie, nos soldats tiraient le diable par la queue faute de stocks adéquats.

La situation vécue aujourd’hui par les armées ukrainiennes devrait pourtant produire un sursaut. Faut-il rappeler que l’artillerie ukrainienne consomme chaque jour un nombre d’obus correspondant à ce que notre industrie peut fabriquer en un mois ? Depuis trois décennies, les armées ont vu leurs stocks de munitions et de missiles se réduire sans cesse pour ne conserver qu’un niveau minimal et aboutir à une « armée bonzaï ». Cela ne peut pas fonctionner : dès que nos soldats sont engagés en opération, l’absence de munitions met rapidement en danger nos soldats qui n’ont plus les moyens nécessaires pour conduire leurs missions, voire pour se protéger des forces adverses.

Le constat de stocks échantillonnaires dépasse les frontières de l’Hexagone. Le général Richard Barrons, ancien chef d’État-major britannique, déclarait en février 2023 qu’après des années de réduction des livraisons, « pour certains types d’armes clés, l’armée serait à court de munitions après une après-midi chargée ». Il estimait que le Royaume-Uni disposait de stocks permettant uniquement de soutenir un engagement de haute intensité pendant une semaine environ.

Le principe de stricte suffisante fonctionne bien dans la dissuasion nucléaire mais il est trompeur, voire criminel pour les munitions et les missiles. La dissuasion fonctionne sur le principe de non-emploi, c’est-à-dire que l’existence de ces armes doit empêcher en soi une action de l’ennemi. Pour les munitions et les missiles, il est nécessaire d’engager ces armes face à l’adversaire pour le contraindre à revoir ses plans et lui imposer notre volonté. C’est pourquoi, dans les armes conventionnelles, la quantité est une qualité en soi.

Il est difficile de connaître l’état des stocks de munitions, car il s’agit d’une donnée classifiée, et donc de jauger la pertinence des stocks actuels. Toutefois, il est très probable que la France et ses principaux alliés soient dans une situation semblable à celle du Royaume-Uni compte tenu des commandes très réduites qui ont été passées au cours des dernières années. Une situation des plus préoccupantes…

Entre les objectifs du discours sur l’économie de guerre et la réalité des engagements budgétaires, il y a un grand écart évident. Imposer un changement de tempo à l’industrie, qui a fonctionné à rythme ralenti pendant des années, était nécessaire mais ce changement de cadence et de volume ne peut être efficace qu’en accroissant aussi la taille des stocks à pourvoir.

Il ne faut pas confondre la logique de flux et la logique de stocks. Certes, l’industrie a réussi à accroître ses cadences de production de manière somme toute rapide en quelques mois, mais cet effort peut être vain si les armées ne révisent pas les stocks dont elles doivent disposer. Du point de vue militaire, le stock vient avant le flux, car il permet d’encaisser le choc de la bataille. Et le flux est nécessaire pour maintenir le niveau des stocks de manière à préserver une capacité d’engagement permettant de contenir l’adversaire et, si possible, de le repousser.

Afin d’être capables de répondre à une menace majeure (la pierre d’angle de toute défense efficace et crédible), deux objectifs sont prioritaires : accroître les stocks de munitions et augmenter la capacité de production.Ces deux dimensions sont liées. Les commandes justifient un accroissement des capacités de production en augmentant les moyens de fabrication et en accroissant les achats intermédiaires. Une capacité de production plus importante permet de régénérer rapidement les stocks en cas de consommation accélérée ou inattendue.

Le changement de tempo doit concerner l’État tout autant que l’industrie. It takes two to tango… Jean-Dominique Merchet soulignait le 22 février 2024 sur France Info que passer en économie de guerre, « cela veut dire des commandes. L’industriel ne va pas produire s’il n’a pas de commandes ». Ceci est en particulier vrai pour les PME et ETI qui n’ont pas une trésorerie aussi importante que les grands groupes qui, eux, dépendent des livraisons de leurs partenaires industriels pour être en mesure de répondre aux besoins des armées.

Rheinmetall va produire 700.000 obus en 2024 tous pays confondus, alors que la France peut en produire seulement 3.000 par mois (ce qui représente déjà un triplement de la production par rapport à 2022). Il n’y a pas là de miracle. En 2023, le groupe allemand a conclu un accord-cadre avec la Bundeswehr d’une valeur globale de 1,2 milliard d’euros d’ici à 2029. Ceci explique que Rheinmetall puisse investir 300 millions d’euros pour agrandir sa capacité de production à Unterlüß.

 Le Royaume-Uni a passé des commandes de munitions à BAE Systems pour 430 millions de livres sterling en 2023, qui font partie d’un accord-cadre de 2,4 milliards sur 15 ans appelé Next Generation Munitions Solution. Pour Charles Woodburn, PDG de BAE Systems, ce partenariat stratégique de long terme avec le ministère britannique de la Défense « permettra d’augmenter considérablement la production et de maintenir une capacité souveraine vitale pour fournir des munitions de pointe » (obus de 155 mm et 30 mm et cartouches de 5,56 mm).

Même des pays plus petits s’engagent dans ces contrats pluriannuels. Ainsi, la Belgique négocie actuellement un contrat d’une valeur de 1,7 milliard d’euros avec FN Herstal, qui permettra d’ouvrir de nouvelles lignes de production.

La constance est un élément important pour disposer des capacités industrielles adéquates. Le ministère des Armées examine en ce moment la réimplantation en France d’une capacité de production de munitions de petits calibres. Rappelons qu’un projet similaire piloté par Thales, NobelSport et Manurhin avait été envisagé sous Jean-Yves Le Drian en 2017. Si Florence Parly et Bercy n’avaient pas arrêté ce projet considéré non viable économiquement, la France serait aujourd’hui autonome en la matière. Pourtant, ces activités ont toujours été rentables en Allemagne, Scandinavie, Suisse, Italie, République tchèque… qui n’ont pas pour autant des besoins nationaux si différents de ceux de la France.

La constance est d’autant plus importante qu’accroître la production de munitions et de missiles prend du temps, plus encore s’il s’agit de développer de nouveaux moyens industriels. Grâce à son contrat-cadre au Royaume-Uni, BAE Systems va multiplier par huit sa capacité de production d’obus de 155 mm. Pour Woodburn, l’une des leçons du conflit en Ukraine est que, même si les entreprises peuvent accroître l’utilisation de l’outil industriel existant, « il y a des limites à ce que vous pouvez faire (…) Vous pouvez quasiment doubler votre débit en ajoutant des équipes et en exploitant votre capacité jusqu’à saturation, mais vous ne pouvez pas faire plus que doubler le volume de livraisons ».

Pour doubler ce volume, ajoute-t-il, cela prend du temps : il faut anticiper un délai de l’ordre de deux ans. Il s’agit ici d’une deuxième dimension essentielle : matériels, munitions et missiles sont des équipements complexes, requérant des multiples étapes de fabrication qui impliquent de nombreuses entreprises. Il n’est donc pas possible de commander à la dernière minute. L’enjeu porte notamment sur l’approvisionnement en matières premières et en produits élaborés de base comme les explosifs.

Cela veut dire que si l’État commande aujourd’hui, la filière industrielle ne sera pas capable de livrer le matériel correspondant avant plusieurs mois, voire plusieurs années. Même aux États-Unis, en dépit d’une industrie gigantesque comparée à celle de la France, les livraisons nécessitent des délais incompressibles en dépit de capacités industrielles prêtes à l’emploi. Pour produire un missile Patriot, il faut entre 35 et 40 mois.

Des commandes pluriannuelles (et non de vagues promesses qui n’engagent que ceux qui y croient) sont essentielles pour justifier des investissements massifs, longs à mettre en œuvre et nécessitant plusieurs années de production pour être amortis.Faute de commandes, serait-il raisonnable pour une entreprise d’accroître ses investissements et de produire par anticipation « juste au cas où » ?

Les stocks de munitions et de missiles ont bien entendu un coût. Au Royaume-Uni, le général Barrons estimait en 2023 dans une tribune publiée par le Sun que « reconstruire l’armée afin qu’elle puisse faire face à une attaque surprise russe coûterait 3 milliards de livres sterling en plus des dépenses déjà programmées chaque année pendant la décennie à venir ».

Un chiffre équivalent serait certainement nécessaire pour la France au-delà de ce que la LPM 2024-2030 prévoit déjà : 16 milliards d’euros (2,3 milliards par an). Ce montant peut sembler important, mais il faut garder en tête qu’un obus de 155 mm coûte 4.000 euros pièce, un obus intelligent type Bonus 30.000 euros, un missile Mistral 300.000 euros et un missile Aster 2 millions d’euros. Compte tenu des niveaux de consommation en situation de guerre, les budgets actuels sont nettement insuffisants et ne couvrent que les besoins déjà identifiés avant 2022.

Cette approche par la dépense est d’ailleurs la raison qui a conduit les décideurs publics, quelle que soit leur couleur politique, à réduire progressivement les stocks. Cependant, tout coût doit être mis en parallèle avec les bénéfices attendus. Ils constituent une assurance pour la sécurité internationale de la France à deux niveaux.

D’une part, les armées doivent être en mesure d’assurer dans la durée une réponse militaire à une menace. Sans de tels stocks, une armée n’est qu’un tigre de papier dont la réalité apparaît rapidement après le choc de l’affrontement. Que peuvent faire les troupes les mieux aguerries sans les moyens de leurs actions ? La constitution de stocks à bon niveau est une nécessité pour garantir de pouvoir tenir face à l’adversaire, comme le montrent une fois encore les difficultés que rencontrent les troupes ukrainiennes ces dernières semaines.

D’autre part, les stocks de munitions et de missiles participent de la protection de la France en crédibilisant notre capacité à faire face à une agression. En effet, l’épaisseur des moyens a, en soi, un effet dissuasif car l’adversaire doit en tenir compte lorsqu’il estime ses chances de victoire. Qui s’y frotte s’y pique… À l’inverse, l’absence de stocks peut donner à l’adversaire le sentiment qu’il pourrait rapidement nous faire plier.

De ce fait, les stocks sont certes une dépense mais ils contribuent en même temps à la posture de défense en crédibilisant nos armées dans leur capacité à agir et à tenir. Ils représentent un investissement qui entre pleinement dans l’équation de notre sécurité internationale et doivent être considérés au-delà d’une évaluation purement budgétaire. Une conclusion s’impose : nous ne sommes pas prêts à faire face à un contexte de guerre majeure face à un pays doté de moyens militaires conséquents. En conséquence, la France doit accroître les stocks de munitions pour garantir sa sécurité.

                             —————————————————————–

* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.

Endettement : la drogue française

Endettement : la drogue française

 

« La France est l’un des pays de la zone euro les plus endettés. Le “quoi qu’il en coûte” est devenu un réflexe, pour ne pas dire une drogue »
par  Françoise Fressoz ; Editorialiste au « Monde »

La fin de l’aisance budgétaire coïncide avec l’intensification des manœuvres politiques en vue de la présidentielle de 2027. Pour Emmanuel Macron, le chant du cygne a déjà commencé, estime, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ». Près de sept années de politique économique conduite sous le signe du « redressement » et de la « reconquête de la souveraineté » ne seront pas venues à bout de l’addiction française à la dette. La charge sonnée mardi 12 mars par le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui fut aussi ministre de l’économie de François Hollande entre 2012 et 2014, suit de quelques semaines la publication d’un décret annulant en urgence 10 milliards d’euros de crédits budgétaires. Le couperet est tombé moins de deux mois après l’adoption au Parlement du projet de budget 2024.

Ce n’est pas encore l’affolement, mais la situation est « sérieuse », « préoccupante », pour reprendre les termes du magistrat de la Rue Cambon, qui n’a pas boudé les médias pour sonner l’olifant : en cinq ans, la dette publique a fait un bond de 800 milliards d’euros pour atteindre 3 210 milliards d’euros, soit plus de 110 % de la richesse nationale. Le remboursement des intérêts, qui représentait dans le budget de l’Etat une dépense annuelle de 20 milliards d’euros, est monté à 54 milliards d’euros en 2023 et pourrait s’élever à 87 milliards d’euros dans trois ans. Il est temps d’arrêter les frais si la France veut garder le contrôle de ses dépenses et ne pas perdre la face dans ses négociations européennes : elle compte aujourd’hui parmi les pays les plus endettés de la zone euro et parmi ceux qui ont été les moins prompts à réduire leurs déficits.

De très bonnes raisons expliquent l’emballement qui s’est produit depuis 2017 et le climat d’insouciance qui a accompagné le mouvement : jusqu’au retournement de la politique monétaire en 2022, l’argent ne coûtait presque rien alors que les besoins de financement étaient énormes. Police, justice, armée, éducation nationale, santé, d’un coup, le délabrement des services publics, laissés dans un état de sous-investissement préoccupant au cours des décennies précédentes, a sauté aux yeux, devenant un facteur aggravant de la crise démocratique. Il fallait impérativement les renflouer.
L’épidémie de Covid-19 a quant à elle fait de l’Etat le sauveur de l’économie française, tandis que la transition écologique et le réarmement industriel ont nécessité de gros besoins. Cependant, plus qu’ailleurs, le « quoi qu’il en coûte », qui s’est fondu dans le moule de l’Etat protecteur, est devenu un réflexe, pour ne pas dire une drogue, assumé comme tel sur tous les bancs politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

Endettement public : la drogue française

Endettement public : la drogue française

 

« La France est l’un des pays de la zone euro les plus endettés. Le “quoi qu’il en coûte” est devenu un réflexe, pour ne pas dire une drogue »
par  Françoise Fressoz ; Editorialiste au « Monde »

La fin de l’aisance budgétaire coïncide avec l’intensification des manœuvres politiques en vue de la présidentielle de 2027. Pour Emmanuel Macron, le chant du cygne a déjà commencé, estime, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ». Près de sept années de politique économique conduite sous le signe du « redressement » et de la « reconquête de la souveraineté » ne seront pas venues à bout de l’addiction française à la dette. La charge sonnée mardi 12 mars par le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui fut aussi ministre de l’économie de François Hollande entre 2012 et 2014, suit de quelques semaines la publication d’un décret annulant en urgence 10 milliards d’euros de crédits budgétaires. Le couperet est tombé moins de deux mois après l’adoption au Parlement du projet de budget 2024.

Ce n’est pas encore l’affolement, mais la situation est « sérieuse », « préoccupante », pour reprendre les termes du magistrat de la Rue Cambon, qui n’a pas boudé les médias pour sonner l’olifant : en cinq ans, la dette publique a fait un bond de 800 milliards d’euros pour atteindre 3 210 milliards d’euros, soit plus de 110 % de la richesse nationale. Le remboursement des intérêts, qui représentait dans le budget de l’Etat une dépense annuelle de 20 milliards d’euros, est monté à 54 milliards d’euros en 2023 et pourrait s’élever à 87 milliards d’euros dans trois ans. Il est temps d’arrêter les frais si la France veut garder le contrôle de ses dépenses et ne pas perdre la face dans ses négociations européennes : elle compte aujourd’hui parmi les pays les plus endettés de la zone euro et parmi ceux qui ont été les moins prompts à réduire leurs déficits.

De très bonnes raisons expliquent l’emballement qui s’est produit depuis 2017 et le climat d’insouciance qui a accompagné le mouvement : jusqu’au retournement de la politique monétaire en 2022, l’argent ne coûtait presque rien alors que les besoins de financement étaient énormes. Police, justice, armée, éducation nationale, santé, d’un coup, le délabrement des services publics, laissés dans un état de sous-investissement préoccupant au cours des décennies précédentes, a sauté aux yeux, devenant un facteur aggravant de la crise démocratique. Il fallait impérativement les renflouer.
L’épidémie de Covid-19 a quant à elle fait de l’Etat le sauveur de l’économie française, tandis que la transition écologique et le réarmement industriel ont nécessité de gros besoins. Cependant, plus qu’ailleurs, le « quoi qu’il en coûte », qui s’est fondu dans le moule de l’Etat protecteur, est devenu un réflexe, pour ne pas dire une drogue, assumé comme tel sur tous les bancs politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

La justice française peut sanctionner Leclerc et les autres

La justice française peut  sanctionner Leclerc et les autres

Le ministère de l’Économie souhaite obtenir leur condamnation de Leclerc à une amende civile de 117,3 millions d’euros, un montant alors sans précédent dans la grande distribution. leclerc est accusé  de « pratiques restrictives de concurrence à l’égard de 15 fournisseurs disposant de filiales en France », comme l’a rappellé la cour d’appel dans son communiqué. Bercy leur reproche de « s’être entendues pour imposer aux fournisseurs qui approvisionnent les magasins en France de négocier avec la centrale d’achat Eurelec en Belgique et de conclure des contrats faisant application de la loi belge », un contournement de la loi française qui a pour but d’obtenir « de fortes déflations de prix ».Un jugement qui pourrait faire jurisprudence concernant les centrales d’achat des autres distributeurs.

Reste que les deux entités belges de Leclerc , Eurelec et Scabel, contestaient la compétence des juridictions françaises. Le tribunal de commerce de Paris avait déjà rejeté en avril 2021 cette demande, mais les sociétés assignées avaient fait appel de ce jugement. La cour d’appel avait alors décidé de surseoir à statuer et saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question d’interprétation du droit européen. Celle-ci avait infligé un revers aux services du ministère de l’Économie, estimant les juridictions françaises incompétentes au sujet de cette centrale de droit belge

À l’inverse, dans sa décision, la cour d’appel « a confirmé que l’action du ministre (de l’Économie et des Finances), telle que mise en œuvre au cas présent, ne relève pas du champ d’application du règlement » européen contesté. « Dès lors », l’une des sociétés assignées et l’association étant basées en France et relevant du ressort du tribunal de commerce de Paris, « la procédure se poursuit » devant ce dernier, conclut le communiqué.

Outre Eurelec, il existe comme centrale d’achat Eureca pour Carrefour, basée à Madrid ou Everest, mis en place aux Pays-Bas par l’allemand Edeka et le néerlandais Picnic, que Système U a rejoint plus récemment. Certaines centrales européennes ne sont pas des centrales d’achat mais de services, qui facturent des prestations aux fournisseurs agro-industriels. La nature de ces prestations est d’ailleurs souvent floue.

Défendre l’industrie française contre la bureaucratie

Défendre l’industrie française contre la bureaucratie

Dans une lettre ouverte adressée au ministre de la Transition écologique et publiée par le JDD, des chefs d’entreprise,  appellent à défendre l’industrie française face aux nombreuses menaces qui la fragilise.

Monsieur le Ministre,

Nous avons attentivement noté vos nombreuses déclarations, et le monde patronal dans son ensemble est très déconcerté par vos positions. Vous semblez considérer que les normes européennes doivent être « complétées » par des normes françaises, alors que vous avez dû constater récemment que la sur-transposition de ces normes tuait lentement notre agriculture nationale. Eh bien, il en est de même pour nos entreprises de production et de services. Notre industrie, surtout les petites et moyennes entreprises, est en grande difficulté et n’a nul besoin qu’on leur assène le coup de grâce.

Sur le plan administratif, l’exemple de la CSRD est convaincant. Même nos plus grands fleurons tremblent devant la charge considérable de travail administratif supplémentaire qui en découle. Outre les déclarations, contrôles et remontées des mesures environnementales mises en place par chaque entreprise, ces dernières doivent en plus produire un rapport qui doit être certifié par un cabinet indépendant. Cela conduira une nouvelle fois à la création de nouvelles professions intermédiaires pour répondre aux embûches administratives : de nouvelles charges, et donc une nouvelle perte de compétitivité. En êtes-vous conscient ? Sachant que la CPME, organisme représentatif des PME, avec lequel nous échangeons régulièrement, vous alerte depuis des mois et ne recueille que la plus parfaite indifférence.

Concernant notre industrie, votre philosophie semble être de contraindre nos entreprises à ne plus céder à la demande des consommateurs et à produire des biens « vertueux » de votre point de vue. Mais les clients sont rois et iront chercher et trouver chez nos voisins ce qu’ils désirent ; vous augmenterez ainsi une balance commerciale déjà fortement déficitaire. Ce sont des secteurs entiers qui risquent de disparaître et des territoires largement touchés comme la « Plastics Vallée » autour d’Oyonnax et/ou les Pays de la Loire, deuxième région française en la matière de la plasturgie…

De nombreux secteurs vitaux pour la France n’ont pas grâce à vos yeux, et cela contredit ce que souhaitent, semble-t-il, le Premier ministre et le président de la République : croissance, énergie entrepreneuriale, simplification ! C’est le contraire que vous proposez, est-ce coordonné, ou involontaire ?

Quelques exemples :

• Le plastique est indispensable pour conserver le secteur de la santé, de l’agroalimentaire. Ses propriétés uniques pour l’hygiène le rendent incontournable. Nous ne pouvons pas dépendre de l’étranger pour cela, l’exemple des masques doit nous servir de leçon, et surtout notre plastique est recyclable et en avance sur les autres pays. Encore faut-il que le gouvernement, donc vous-même, s’applique à mettre en place les conditions de recyclage ? Avec le ciment, l’acier et l’urée, le plastique est un des piliers du monde actuel, il n’y a nullement besoin de faire disparaître l’industrie française, c’est une activité qui va doubler, voire tripler dans le monde dans les années à venir.

• Le secteur agricole. Notre souveraineté alimentaire fut la force de la France depuis des siècles. Pour la première fois dans l’histoire du pays, nous sommes importateurs nets hormis pour les vins et les alcools. On a vu la révolte de ces acteurs économiques courageux et désespérés.

• Aucune solution concernant le BTP, de l’emploi jusqu’aux dispositifs de financement pour acheter un appartement.

Maintenant, nous devons importer de la « fast-fashion », aux antipodes de ce que vous souhaitez promouvoir !

• Le textile faisait la fierté de la France, il était en plein redressement grâce à la qualité et au progrès de l’automatisation. Nos grands créateurs, appuyés par des entreprises reconnues, faisaient rayonner l’image de notre pays et de notre savoir-faire. Maintenant, nous devons importer de la « fast-fashion », aux antipodes de ce que vous souhaitez promouvoir ! Pire, vous avez tenté de dissuader les acheteurs avec une campagne publicitaire que les entrepreneurs de tous secteurs ont trouvée honteuse : déconsommer ? C’est fermer des entreprises… cette dernière campagne de « publicité » prônant la déconsommation, habilement déroulée avant les fêtes et la période des soldes, fut d’une redoutable efficacité : les enseignes ferment les petits commerces aussi.

• Sur le même principe, nos élevages bovins sont poussés hors de nos territoires en Europe dans le meilleur des cas, afin de réduire notre production de gaz à effet de serre. Le nuage de Tchernobyl s’était déjà arrêté à nos frontières, nul doute que ce sera le cas du méthane également ! Avec l’exil des coupables vaches françaises, c’est tout le secteur industriel du cuir qui va en pâtir, on importera du cuir pour fabriquer notre maroquinerie dans le secteur du luxe qui fait notre réputation… Arrêtons le massacre !

Ce ne sont que des exemples, mais dans tous les secteurs d’activités, les injonctions contradictoires et les punitions, amplement diffusées, ne correspondent en rien à la réalité du travail accompli et désespèrent ceux qui travaillent. Toutes les entreprises font des efforts incontestables pour satisfaire les principes de défense de l’environnement et pour répondre en la matière à l’attente des consommateurs conscients des enjeux et qui nous font progresser. Il nous faut aussi renforcer nos fonds propres, satisfaire nos clients en termes de qualité et de compétitivité, notre survie est notre préoccupation première comme cela devrait être celle de votre gouvernement, et donc la vôtre ?

Rien n’est acquis, et la disparition de secteurs entiers dans un passé récent, comme celle des principes actifs dans la pharmacie, a eu comme cause principale la fabrication de normes propres à notre pays et la création d’une pénurie inquiétante. Toute l’industrie française a été frappée et beaucoup n’ont dû leur survie qu’à des déménagements de tout ou partie de leur production.

Monsieur le ministre, nous ne comprenons pas votre politique hostile à nos entreprises, surtout à un moment crucial de l’endettement français et du déficit du commerce extérieur. Ne dégoûtez pas nos concitoyens de l’écologie à laquelle nous sommes très attentifs.

Afrique: Le flou de la politique française

Afrique: Le flou de la politique française

Pour le député Bruno Fuchs, auteur avec Michèle Talbot d’un rapport parlementaire sur l’état des relations franco-africaines, Paris doit sortir d’une vision missionnaire et moralisatrice dépassée. ( dans « Le Monde »)

Comment ne pas être emporté par ce qui ressemble à une lame de fond contestatrice ? C’est l’objet du rapport des députés Bruno Fuchs (MoDem) et Michèle Tabarot (Les Républicains, LR) sur l’état des relations franco-africaines.

Alors que Paris a dû encaisser le départ forcé de ses soldats du Mali, du Burkina Faso et enfin du Niger, que le discours hostile à sa politique africaine bénéficie d’un écho toujours plus large dans les opinions et que de nouveaux concurrents viennent contester des positions que les décideurs français pensaient établies, les deux élus préconisent plus de clarté et de cohérence dans les actes et les discours vis-à-vis du continent.

Vous plaidez pour une « juste distance » dans les relations entre la France et les pays africains. Qu’entendez-vous par là ?

Bruno Fuchs Il faut sortir d’une vision missionnaire et moralisatrice qui nous met à dos les Africains. Cette approche, ancrée dans la culture française, n’a jamais fonctionné. Nous défendons un modèle de société fondé sur la démocratie, le respect de l’Etat de droit et l’attachement aux libertés publiques, mais nous ne sommes pas moralisateurs vis-à-vis du Qatar, de l’Arabie saoudite et de la Chine. Pourquoi le serions-nous avec la RDC, la Guinée équatoriale ou la Côte d’Ivoire ? Nous devons être cohérents dans notre approche du monde et tenir nos positions.

Quand on va à l’encontre de nos valeurs comme on l’a fait au Tchad [où après la mort d’Idriss Déby, Emmanuel Macron a soutenu la solution d’une transition dirigée par le fis du défunt], il faut être transparent et expliquer que le principe de sécurité dans la région prime sur le reste. La question se pose aussi avec l’Egypte : préfère-t-on avoir au pouvoir un maréchal Sissi, qui n’est pas un démocrate reconnu, ou les Frères musulmans ?

Il faut également régler ce paradoxe qui consiste à défendre une vision multipolaire du monde tout en privilégiant, en Afrique, un mode d’action unilatérale.

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