Société- « Français, réveillez-vous et résistez face à la haine »
Nous assistons au retour d’un antisémitisme décomplexé, en Allemagne, en Grande Bretagne et en France, dont chacun s’accommode depuis des années dans l’indifférence la plus totale. Or, il faut se battre pour défendre les juifs car cela revient à se battre pour nous-mêmes. Par Manuel Valls, ancien Premier ministre dans La Tribune
Le 27 octobre 2023, 20 jours après le drame de l’attaque terroriste perpétrée par l’organisation islamiste et djihadiste Hamas du 7 octobre dans le sud d’Israël, l’IFOP a publié un rapport sur les conséquences de ces actes effrayants sur la population française. S’il traduit une forme de consensus quant à la qualification de terroriste des abominations commises par le Hamas, je suis interpellé par ce que ce rapport révèle entre les lignes : l’indifférence. Une majorité de Français n’éprouveraient ni sympathie ni antipathie à l’égard d’Israël ou de l’Autorité palestinienne. Ce désintérêt me désole, mais il ne m’inquiète pas autant que le chiffre suivant : 35% des Français ne se positionneraient pas non plus sur leurs considérations vis-à-vis du Hamas. C’est un silence de trop qui, cette fois, nous rend coupables pour tous les autres, car il s’inscrit dans une longue tradition française de l’indifférence à ce qui semble de trop loin nous concerner : le sort des juifs français ou d’ailleurs, la question de l’antisémitisme, la question de « l’autre imperceptiblement autre », éternellement autre…
Le 7 octobre 2023, plus de 3.000 terroristes du Hamas font intrusion sur le territoire israélien par les airs, par la mer, par la terre. Cette attaque, visiblement prévue de longue date, surprend les Israéliens en pleine fête de la nouvelle année. Les vies de plus de 1.400 personnes ont été arrachées dans la violence la plus innommable. Des familles entières ont été tuées. Des corps calcinés ont été retrouvés ; ceux d’une mère et son fils attachés ensemble, brûlés vifs. Des femmes ont été violées puis tuées, tuées puis violées. Des têtes ont été trouvées sans corps ; des corps de bébés trouvés sans tête. Ce sont les chefs politiques du Hamas, vivant des jours heureux au Qatar et en Turquie, qui l’ont commandité ; ce sont les terroristes du Hamas et certains civils palestiniens qui s’en sont rendus coupables. Ni sympathie ni antipathie ?
La réponse israélienne est attendue de tous, commentée partout avant même qu’elle n’arrive. Un massacre est annoncé, un hôpital de Gaza City est en ruine. L’actualité s’emballe, l’ONU parle de centaines de morts, les médias véhiculent le bilan indiqué par le « ministère de la Santé palestinienne » qui n’est autre que le Hamas. Le ballon dégonfle aussitôt : une roquette du djihad islamiste destinée à Israël a atterri sur le parking d’un hôpital. Une dizaine de morts est à déplorer. Une tentative supplémentaire de manipulation est avortée, en se servant de la mort de civils palestiniens, pris la main dans le sac. Ni sympathie, ni antipathie ?
C’est au cri de « Allah Akbar » que les manifestants appellent à la paix dans les rues de Paris
En réaction à la recrudescence des tensions entre Israël et ses voisins, le monde s’enflamme. Des milliers de manifestants se réunissent dans le monde et en Europe, promettant de manifester pour le sort des Palestiniens de Gaza et répandant à dessein ou non la propagande de l’organisation terroriste. C’est au cri de « Allah Akbar » que les manifestants appellent à la paix dans les rues de Paris, tandis que des manifestations sont organisées pour la mémoire des victimes et des otages pris par le Hamas, dont les seuls participants sont la communauté juive meurtrie une fois encore dans sa chair. Peut-être devrions-nous déjà nous estimer heureux de ne pas entendre aussi fort qu’en 2014 les cris de « morts aux juifs ». Ni sympathie, ni d’antipathie ?
Pendant que des jeunes dans le métro de Paris s’amusent à crier « on est des nazis et on est fier », les juifs enlèvent la mézouza de leur porte par crainte de se mettre en danger. Alors que des milliers des juifs prennent le chemin de la synagogue ou de l’école la peur au ventre, une foule enragée se réunit au Daghestan dans l’aérogare de Makhatchkala, défonçant tout sur son passage en hurlant « Allah Akbah » à la recherche d’un avion en provenance de Tel Aviv. Ces hommes enivrés par la haine ont organisé une véritable chasse à l’homme, une abominable « chasse aux juifs », les menant pour certains jusqu’au tarmac, grimpant sur les ailes de l’avion pour regarder à travers les hublots ; une foule hystérisée, prête à lyncher des êtres humains pour leur identité. La veille, les mêmes étaient rentrés dans un hôtel pour s’assurer qu’aucun juif n’y résidait.
Nous assistons au retour d’un antisémitisme décomplexé, en Allemagne, en Grande Bretagne et en France, mais aussi sur les campus américains, répugnant, mais dont chacun s’accommode depuis des années dans l’indifférence la plus totale. Depuis plus de 20 ans, nous fermons les yeux sur les profanations des cimetières juifs, sur les attaques répétées contre les commerces et lieux de cultes juifs. Depuis 20 ans, nous fermons les yeux sur les actes de barbarie perpétrés à l’égard des juifs, au nom d’une haine sanglante ou sur fond de tensions avec l’État d’Israël. Qui d’autres que la communauté juive pleure encore Ilan Halimi, séquestré et torturé par le « gang des barbares » en 2006 ? Qui se rappelle encore, excepté la communauté juive, qu’une école a été prise pour cible par un terroriste, causant la mort de trois enfants et d’un professeur à Toulouse ? Qui ne se tord pas d’horreur en se rappelant le souvenir de Sarah Halimi et de Mireille Knoll, assassinées dans la plus grande barbarie parce qu’elles étaient juives ?
Sans les juifs de France, la France ne serait pas la France
Ceux qui préfèrent se terrer dans l’indifférence face à la barbarie sont des lâches qui applaudissaient peut être les saillies antisémites de « l’humoriste » Dieudonné… Ils déshonorent la France, notre histoire, nos valeurs. Car, face aux évènements récents et à ceux plus anciens, qui ne dit mots consent. L’indifférence de ces 35% de Français qui n’ont ni sympathie ni antipathie pour le Hamas risquent d’être complices des atrocités que l’organisation terroriste mène contre sa population, contre les femmes et les enfants dont ils se servent pour se protéger, contre les homosexuels et autres minorités qui partent se réfugier en Israël pour survivre. Ils sont en fait complices en ne dénonçant pas les volontés génocidaires affichées du Hamas contre les juifs. Ils sont complices d’avoir laissé progresser, sans s’en soucier, l’antisémitisme au sein de la société, malgré les morts, malgré les horreurs, malgré notre histoire.
Pas un Français ne doit pouvoir se taire. La lutte contre la haine des juifs n’est pas un combat des juifs pour eux-mêmes, mais un combat de toute la nation, d’une civilisation démocratique. Nous devons identifier, poursuivre, et réprimer les narratifs antisémites dans les discours des représentants de l’islam radical, associer la lutte contre le terrorisme islamiste et la lutte contre l’antisémitisme, renforcer les politiques pénales et les mesures pédagogiques pour les plus jeunes. Nous devons interdire les vecteurs de haine, comme l’hebdomadaire Rivarol, le Collectif Palestine Vaincra ou le réseau Samidoun. « L’antisémitisme est une grave offense à l’homme en général », disait à raison Vladimir Jankélévitch. Un jour, comprendront-ils peut-être que se battre pour défendre les juifs, revient à se battre pour nous-mêmes. La haine antisémite n’a pas de place en France, car sans les juifs de France, la France ne serait pas la France.