Les villes plus fragiles face au changement climatique
La COP 28 a montré que le monde ne prend pas toute la mesure de l’impact futur du changement climatique, notamment sur les villes. À noter par exemple que les différences de température peuvent varier jusqu’à 5° entre la ville ( (Effet radiateur) et son environnement rural immédiat.
Par Yves Bamberger, Christian Deutsch, Laurent Gouzenes, Pierre Haren, Laurent Philonenko dans » La Tribune »(*)
Les villes concentrent progressivement une majorité croissante de la population mondiale, tandis que leur complexité et leur dépendance vis-à-vis de leur environnement les rendent plus particulièrement sensibles aux perturbations engendrées par le changement climatique. Notamment, la résilience face aux événements extrêmes exige une planification à plusieurs dizaines d’années de solutions d’ensemble.
L’impact sur les villes encore plus puissant que sur les campagnes
Quelle que soit la hausse des températures moyennes en 2100, elle engendrera la fonte des glaciers, une hausse du niveau de la mer et des perturbations climatiques nouvelles. Bien pire, la violence des phénomènes extrêmes, comme les très fortes canicules, les sécheresses sévères, les rivières atmosphériques et les inondations, est déjà observable et leur fréquence augmente.
Ces phénomènes impactent directement les écosystèmes naturels et les campagnes agricoles. Mais les villes qui concentrent 80% de la population des pays développés et largement plus de 50% dans les autres pays seront les plus touchées, directement et indirectement.
Quelques exemples
La ville de New York nous donne un exemple du danger. New York a subi en octobre 2012 une tempête extrême (Sandy), causant la mort de 43 personnes, et plus de 19 milliards de dollars de dégâts en seulement 3 jours. La hausse du niveau de la mer (4 m) fut bien au-delà des quelques centimètres attendus pour 2100, et la montée des eaux qui a suivi a inondé les réseaux souterrains (métro, électricité, etc.) et rendus inopérants les égouts et trop-pleins. Neuf ans plus tard, en 2021, les précipitations de l’ouragan Ida y firent 44 morts en paralysant la ville (transports, électricité, eaux, etc.). Un plan de protection de la ville de plus de 50 milliards de $ est toujours en cours de discussion.
Récemment, Acapulco a été quasi détruite en trois heures par l’ouragan Otis et ses vents atteignant 315km/h. Sa reconstruction prendra des années et coûtera plus de 16 milliards de dollars.
En Inde, la perturbation du régime des moussons engendre des séries de vagues de chaleur qui perturbent d’une part les récoltes, mais aussi rend les villes invivables (17.000 morts en 2023) par le niveau très élevé des températures de jour et de nuit. La climatisation ne fait que renforcer la pollution et le manque d’eau, du fait de la génération d’électricité par des centrales au charbon.
Bien d’autres villes comme Jakarta, Lagos, New Orleans, Haïti, Lagos, Oulan-Bator, Marrakech, sont toutes à des degrés divers impactées par la conjonction de phénomènes naturels et humains et voient dès aujourd’hui leur existence même fragilisée.
La France n’est pas épargnée. En 2023, les records de chaleur ont été battus partout, notamment à Carcassonne où la température a atteint 43°C à l’ombre. Les plans ‘canicule’ ont permis de sauver de nombreuses vies, alors qu’en 2003 plus de 15.000 décès ont été imputés aux chaleurs excessives. A l’opposé, des inondations répétées dans le Nord de la France ont récemment conduit les habitants de certaines agglomérations à les déserter.
Les villes : des systèmes hyperorganisés, mais vulnérables
La ville est l’innovation sociale la plus marquante du XXe siècle : le nombre de citadins est passé de moins de 1 milliard en 1950 à plus de 4 milliards aujourd’hui, et devrait atteindre 80% de la population en 2100. L’expansion des villes tient à leur capacité de créer une richesse toujours plus importante, en démultipliant l’efficacité des individus et de leurs échanges, mais aussi au mode de vie qu’elles soutiennent.
Leur fonctionnement repose sur plusieurs piliers vitaux :
L’interaction avec le territoire élargi, pour les échanges de nourriture et d’eau et l’évacuation des déchets non transformables localement
La disponibilité de l’énergie et, de plus en plus, de l’électricité, produite pour l’essentiel en dehors
Les transports des biens et des personnes
La sécurité, qui garantit la confiance et le commerce paisible des habitants
L’activité commerciale et industrielle
La ville est ainsi un système dynamique à la recherche permanente d’équilibre entre les innombrables flux de personnes, de matières et d’informations, afin d’assurer en permanence l’approvisionnement et le bien-être des habitants.
Les logiques d’optimisation budgétaire conduisent à la mutualisation des ressources au détriment de l’autonomie et de la résilience, par exemple pour les réseaux de télécommunications et réseaux électriques.
Nous tenons tous pour acquis l’ensemble des conditions et systèmes qui permettent la vie urbaine alors que son fonctionnement est un exploit quotidien des organisations privées et publiques.
Malgré leur succès, les villes n’ont jamais été aussi fragiles et dépendantes de conditions qui doivent persister pour que la conjoncture leur reste favorable. La montée des contraintes globales évoquées plus haut induit des déséquilibres qui se renforcent mutuellement et en cascade.
Par exemple un déséquilibre, même limité de quelques heures, sur l’un des systèmes, peut avoir des conséquences sur un ou plusieurs autres et créer une boucle d’amplification très sensible à la durée de la perturbation: une panne ou une grève des transports publics de métro a un effet direct immédiat sur le trafic automobile; une pluie majeure impacte le système d’égouts et de retraitement, qui se propage en amont (débordements) et en aval (pollution) ; une coupure d’électricité engendre perte de communications, pannes d’ascenseurs, de réfrigérateurs, etc.
Le retour à l’équilibre initial peut s’avérer laborieux en raison de la complexité des interactions, des conséquences imprévues, et de la disparité des systèmes de pilotage. Quand le retour à la normale est impossible, il s’agit alors de s’adapter, de parvenir à des équilibres nouveaux, acceptables en termes de qualité de vie, d’économie et de durabilité.
Or les évènements extrêmes dus au changement climatique et au dépassement probable des points de bascule créent un risque croissant d’instabilité voire d’effondrement des systèmes vitaux assurant le fonctionnement des villes.
Un défi immense
La probabilité croissante de ces évènements et surtout leurs possibles cascades d’interactions doivent nous interpeller : le défi de la résilience des villes doit être relevé dans sa globalité systémique.
La mise en place des solutions d’adaptation nécessaires va certainement demander de mobiliser de très importants moyens humains, technologiques et financiers. Il faudra gérer plusieurs échelles, spatiales, temporelles, organisationnelles et financières simultanément. En outre, il faudra coordonner les efforts publics et privés, et surmonter les silos décisionnels et les cycles électifs habituels pour construire des politiques stables.
Le défi est immense, d’autant plus que l’échelle de temps se raccourcit. Le long terme n’est plus 2050, mais 2035.
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(*) Signataires :
Pierre Haren, PDG de Causality Link et membre de l’Académie des Technologies.
Laurent Gouzenes, Docteur Ingénieur, expert en Gestion des Connaissances.
Laurent Philonenko, PDG Servion Global Solutions, et Conseiller du Commerce extérieur de la France.
Yves Bamberger, Vice-Président et membre fondateur de l’Académie des Technologies.
Christian Deutsch, Président de l’association Citoyennes, Citoyens Paris14.
Comment les djihadistes recrutent les plus paumés socialement et les plus fragiles psychologiquement.
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Témoignage sur France Inter.
Sous couvert d’arguments humanitaires, des djihadistes approchent des adolescents, par des réseaux sociaux. C’est le cas de Léa recrutée sur Facebook et qui était prête à partir en Syrie via la Turquie. Dans l’émission, Secrets d’info sur France Inter ce vendredi, son témoignage éclaire la pression calculée des recruteurs. Depuis plusieurs mois, Léa (le prénom a été modifié pour préserver son anonymat) est prise en charge par le centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam, une association fondée par l’anthropologue Dounia Bouzar. Elle y raconte son recrutement, au fil des jours, via Facebook, pour partir un jour en Syrie. Au début de l’année 2014, l’adolescente a été recrutée sur Facebook par des djihadistes qui lui proposent de l’envoyer en Syrie. Ses correspondants lui promettent que sur place elle mènera une mission humanitaire, qu’elle pourra sauver des enfants de la guerre, et qu’elle deviendra « une bonne musulmane ». En quelques semaines, Léa est endoctrinée. Elle se coupe de son milieu familial, elle ne regarde plus les informations. Elle s’isole totalement. Un matin, une voiture l’attend devant son collège pour l’emmener en Turquie. Là-bas, elle doit rencontrer un islamiste radical, lui faire un enfant, fonder une famille et le rejoindre après en Syrie. Mais la jeune fille rate de quelques minutes le rendez-vous. Comme les autorités ont été informées de son projet, l’adolescente comprend qu’elle ne pourra plus quitter la France. Sur Facebook, puis directement par téléphone, ses interlocuteurs lui demandent alors d’inciter d’autres jeunes au départ et de commettre des attentats en France « contre les juifs« . Interpellée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), Léa est ensuite placée sous contrôle judiciaire. Aidée par les membres de l’association de Dounia Bouzar, l’adolescente comprend peu à peu qu’elle a été piégée, qu’elle s’est fait endoctriner. Séance après séance, elle se confie un peu plus. À Avignon, Fouad El Bathi a vu partir sa sœur, une jeune fille du même âge que Léa. Elle rêvait de devenir médecin et elle a cru, elle aussi, pouvoir faire de l’humanitaire en Syrie. Mais elle a très vite déchanté. Lors d’une conversation téléphonique, elle craque et raconte à son frère la réalité de sa vie sur place. Pour son frère, c’est le seul moment où elle ne se contentait pas de répéter ce qu’on lui soufflait. Depuis, les nouvelles se font rares. « Le profil de ces barbares, c’est de recruter les filles les plus naïves, les plus humaines » : Fouad El Bathi, dont la soeur est partie en Syrie Après ce coup de fil, Fouad El Bathi est parti lui-même en Syrie. Il a pu rencontrer sa sœur durant une demi-heure, mais n’a pas pu la ramener. Aujourd’hui, il est convaincu que sa sœur est retenue prisonnière. Il y aurait actuellement un peu plus de 90 Françaises en Syrie. À ce jour, aucune n’est jamais rentrée.