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Histoire des fractures françaises

Histoire  des fractures françaises

 

 Une tribune de Mathias Bernard, Historien, Université Clermont Auvergne (UCA) qui rappelle l’histoire des fractures françaises notamment de l’ancien clivage droite gauche. La France en sortirait fracturée ; reste à savoir si l’analyse par le prisme déformant des préférences politiques rend suffisamment compte de l’évolution sociétale de la France.De ce point de vue l’éclatement du pays est sans doute plus complexe et suppose de mieux prendre en compte des facteurs explicatifs sociaux, sociétaux, technologiques, environnementaux et culturels. Bref une approche plus systémique. NDLR

Les élections présidentielles de 2022 ont alimenté les analyses sur une France profondément divisée, voire fracturée – selon des clivages à la fois politiques, sociaux et culturels.

Journalistes, sociologues, hommes politiques s’inquiètent de cette situation et, tel le président du Sénat Gérard Larcher, appellent à « recoudre une France fracturée » alors que les élections législatives se profilent déjà.

Ces antagonismes ne sont pourtant pas nouveaux dans une vie politique française traditionnellement organisée selon un schéma bipolaire.

Pourquoi inquiètent-ils donc tant aujourd’hui ?

Le poids de la Révolution française

Né pendant la Révolution française, le clivage droite-gauche a d’abord reposé sur des facteurs politiques. Dans le grand Ouest, le combat entre les Bleus républicains et les Blancs royalistes a laissé des traces pendant plus d’un siècle.

Les souvenirs des combats de la Révolution ont nourri l’imaginaire des élites politiques, qu’elles soient républicaines ou contre-révolutionnaires, et la mémoire de l’ensemble de la population. Tout au long du XIXe siècle, partout en France, partis et hommes politiques se sont affrontés sur la forme du régime, parfois les armes à la main. Et lorsque la République s’est définitivement enracinée, un siècle après la Révolution, ce sont encore des questions politiques qui ont nourri des divisions politiques apparemment inconciliables.

A la fin des années 1890, l’affaire Dreyfus a fracturé l’opinion entre dreyfusards, attachés aux libertés publiques et à l’état de droit, et antidreyfusards, fidèles à l’Armée et à l’autorité. Cette ligne de faille traverse même les familles : le dessin du caricaturiste Caran d’Ache, publié dans Le Figaro du 14 février 1898, montre l’effet dévastateur de l’affaire Dreyfus sur un repas de famille dégénérant en pugilat généralisé, parce qu’« ils en ont parlé ».

Lorsque l’Affaire Dreyfus s’estompe, la question religieuse prend le relais et nourrit non seulement le clivage entre la gauche anticléricale et une droite attachée aux libertés religieuses, mais aussi l’affrontement entre deux France : la laïcité a d’abord été un combat. Et si la Grande Guerre a été l’occasion d’un apaisement durable des passions religieuses, elle n’a pas mis un terme aux affrontements parfois sanglants qui scandent la vie politique en France comme dans les autres pays européens.

Front contre front

Dans les années 1930, le clivage droite-gauche alimente le combat entre deux « fronts », ce terme emprunté à la guerre étant évocateur. D’un côté, le Front populaire rassemble toute la gauche (y compris les communistes) pour apporter aux ouvriers et paysans le pain, la paix, la liberté, contre la menace fasciste représentée par les ligues d’extrême droite qui, le 6 février 1934, avaient manifesté violemment contre la République parlementaire. D’un autre côté, le Front de la liberté rassemble toutes les droites, y compris les mouvements les plus extrémistes, pour lutter contre la menace que feraient courir à la Nation les communistes et, pour certains, les juifs et les francs-maçons. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le combat entre collaborateurs et résistants prolonge, de façon tragique, cette lutte sans merci entre deux France.

C’est au moment du Front populaire que le clivage droite-gauche fait explicitement référence à une réalité sociologique – qui perdure, sous une forme parfois fantasmée, jusqu’à la fin du XXe siècle. La droite regrouperait les milieux socialement conservateurs, c’est-à-dire les possédants, les classes moyennes indépendantes, une partie des paysans. La gauche, elle, rassemblerait les milieux populaires (ouvriers et paysans) ainsi que la bourgeoisie intellectuelle.

Dans tous les discours qu’il prononce au cours de son long chemin vers l’Élysée, au cours des années 1970, François Mitterrand développe cette vision politique. Il l’exprime encore dans son discours d’investiture, le 21 mai 1981. « En ce jour où je prends possession de la plus haute charge », affirme-t-il, « je pense à ces millions et ces millions de femmes et d’hommes, ferment de notre peuple, qui, deux siècles durant, dans la paix et la guerre, par le travail et par le sang, ont façonné l’histoire de France, sans y avoir accès autrement que par de brèves et glorieuses fractures de notre société. C’est en leur nom que je parle alors que [...] la majorité politique démocratiquement exprimée des Français vient de s’identifier à sa majorité sociale ».

L’exercice durable du pouvoir par la gauche n’a pourtant pas mis fin aux fractures de la société. Celles-ci alimentent une insatisfaction croissante de l’opinion et des électeurs face à une classe politique jugée incapable de résoudre les difficultés économiques et les tensions sociales qui en résultent.

Effets de la mondialisation libérale

À partir des années 1980, l’émergence du Front national, l’érosion des partis de gouvernement, la progression de l’abstention et ce que l’on n’appelait pas encore le « dégagisme » sont autant de facettes d’une crise politique durable et multiforme : depuis 1974 et jusqu’en 2022, aucun président de la République n’a pu être réélu, sauf en situation de cohabitation.

Lorsqu’en 1995, il se présente pour la troisième fois à la présidence de la République, Jacques Chirac exploite délibérément l’insatisfaction qui prévaut dans les milieux populaires. S’inspirant d’une note du sociologue Emmnanuel Todd, plutôt marqué à gauche, il mène campagne sur la « fracture sociale », qu’il définit ainsi dans son livre-programme « La France pour tous » : « La France souffre d’un mal plus profond que ne l’imaginent les acteurs politiques, les responsables économiques, les intellectuels en vogue et les célébrités du système médiatique. Le peuple a perdu confiance. Son désarroi l’incite à la résignation. Il risque de l’inciter à la colère ». Il constate alors « la gravité de la fracture sociale qui menace – je pèse mes mots – l’unité nationale ». Intégrant une vision populiste dans un discours républicain, Chirac constate le fossé croissant entre « le peuple » et les élites.

Ce nouvel antagonisme social ne se superpose plus au clivage droite-gauche. N’est-ce d’ailleurs pas un candidat de droite, Jacques Chirac, qui entend défendre le peuple contre les élites ? Et, quelle que soit leur couleur politique, les gouvernants successifs apparaissent comme les « présidents des riches » – c’est le terme utilisé à l’encontre de Nicolas Sarkozy comme d’Emmanuel Macron - et cristallisent contre eux une colère populaire croissante.

Fragmentée au point d’être comparée à un archipel par certains analystes, la société française du XXIe siècle est traversée par une fracture essentielle, celle qui oppose gagnants et perdants de la mondialisation libérale. Les principaux partis de gouvernement (PS et UMP puis LR), héritiers d’un autre temps – celui des trente glorieuses -, n’ont pas pris en compte ce nouvel antagonisme, qui s’est surtout exprimé sur la question européenne. Les deux référendums sur l’Europe, en 1992 (sur le traité de Maastricht) et en 2005 (sur le traité constitutionnel européen), ont exprimé cette opposition qui traverse aussi bien la gauche que la droite.

Tripartition du champ politique

La première élection d’Emmanuel Macron, en 2017, redéfinit le paysage politique français en fonction d’un clivage qui structurait l’opinion et la société française depuis près de vingt ans.

Le nouveau président rassemble « la France qui va bien », pour reprendre l’analyse développée alors par le candidat socialiste Benoît Hamon. Et s’il prend pour principal adversaire les « nationalistes » rassemblés autour de Marine Le Pen, il s’oppose en fait aux aspirations contestataires, parfois contradictoires, qui traversent cette France qui se sent à l’écart, oubliée, voire stigmatisée.

Le premier tour de l’élection présidentielle de 2022 n’exprime pas seulement l’opposition de trois pôles politiquement et idéologiquement opposés, il dessine la géographie d’une France fracturée. Rarement un scrutin n’aura manifesté un tel enracinement géographique des électorats : Marine Le Pen recueille ses meilleurs résultats dans les campagnes et les villes moyennes, Jean-Luc Mélenchon dans les banlieues et les villes de tradition ouvrière, Emmanuel Macron dans les grandes métropoles et les banlieues résidentielles.

Le clivage droite-gauche, qui a coupé la France en deux pendant près de deux siècles, a cédé la place à une fragmentation géographique et sociale qui n’a pas encore produit tous ses effets sur l’organisation du champ politique.

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Par Mathias Bernard, Historien, Université Clermont Auvergne (UCA).

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Les fractures du G7

Les fractures du G7 

 

 

Angela Merkel n’a pas employé de grandes phrases. La puissance du geste a suffi. En décidant de ne pas se rendre aux Etats-Unis, fin juin, pour participer à un hypothétique sommet du G7 évoqué par Donald Trump, précédé d’aucune préparation sérieuse, la chancelière allemande a marqué les esprits. Le 29 mai, son porte-parole a évoqué la pandémie pour justifier cette position préventive. Mais celle-ci encapsule aussi tout ce qui ne va pas dans la relation transatlantique : l’improvisation dans laquelle la Maison Blanche conçoit sa politique étrangère, le mépris à l’égard de ses alliés traditionnels et, enfin, la frustration de ces derniers.

De son côté, l’Elysée a surtout veillé à ne heurter personne. La présidence française a expliqué qu’en l’absence de l’un des membres du G7, il n’était pas concevable de tenir le sommet. Lors d’un entretien téléphonique avec son homologue américain, Emmanuel Macron a répété ce point. De même, Paris estime qu’il faut d’abord s’accorder sur un menu complet et utile, avant de fixer une date de sommet. « Le G7 tel que le conçoit le président de la République doit être un moment de clarification politique », souligne-t-on à l’Elysée.

Dans l’entourage de M. Macron, on met en avant le rôle de la France dans la préparation et la tenue du G7 par visioconférence, le 16 mars, en pleine pandémie. Cette réunion par écrans interposés avait permis d’afficher une détermination à faire « tout ce qui est nécessaire » pour affronter la crise sanitaire et ses conséquences. L’Elysée se félicite aussi du rôle moteur de la France dans la promotion d’un moratoire, au sein du G20, sur le service des dettes des pays africains.

Mais ces efforts pour promouvoir le multilatéralisme ne sont pas toujours concluants. Angela Merkel a ainsi renoncé au sommet UE-Chine, prévu le 14 septembre à Leipzig. Ce rendez-vous avec le président chinois, Xi Jinping, est reporté, officiellement aussi en raison du Covid-19. La France, de son côté, a dépensé ces derniers mois une énergie considérable pour favoriser un sommet inédit : celui des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (Chine, Etats-Unis, Russie, France et Royaume-Uni). Or, les motivations parfois contradictoires de ces Etats rendent le projet douteux et son potentiel limité, dans un contexte d’affrontement sino-américain.

Dans la soirée du samedi 30 mai, la situation s’est encore compliquée au sujet du G7. Donald Trump souhaitait dorénavant son report en septembre, voire après la présidentielle américaine de novembre, tout en élargissant le cercle des participants. Le G7 « est un groupe de pays très daté », déclarait-il. Le président américain citait le retour espéré – par lui, et personne d’autre – de la Russie, ainsi que l’intégration de pays amis comme l’Australie, la Corée du Sud et l’Inde. Un G11, en somme. En principe, un pays tiers ne peut être qu’associé à l’événement. Ainsi, lors du G7 d’août 2019, à Biarritz, la France avait convié l’Afrique du Sud, l’Australie, le Chili et l’Inde, ainsi que quatre pays du continent africain.




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