Archive pour le Tag 'Formation'

Emploi : crise de formation et de compétences en France

Emploi : crise de formation et de compétences en France

Denis Machuel (PDG) et Alexandre Viros (président France Adecco) notent une crise grave de formation et de compétences en France dans une interview à la Tribune

Alexandre Viros- Le groupe prévoit de former 50.000 personnes en 2023. C’est un record. Il n’y a pas de réindustrialisation sans les talents. Pour créer de la compétence, il faut beaucoup former. Le groupe assume le pari d’avoir des talents bien formés. Nous prévoyons un budget de près de 100 millions d’euros pour assurer ces formations, dans le cadre de nos contributions légales et conventionnelles.

Sur quels secteurs allez-vous concentrer vos efforts en matière de formation ?

Alexandre Viros- Il y aura beaucoup de formations sur l’industrie, l’automobile et le BTP. Ce secteur est intéressant car il est possible d’avoir une belle trajectoire professionnelle. La logique des formations est de répondre aux besoins réels de l’économie.

Emmanuel Macron a mis l’accent sur la réindustrialisation ces derniers jours. Vos agences ont-elles des difficultés à recruter des bras pour l’industrie tricolore ? L’Allemagne connaît-elle aussi des pénuries de main d’oeuvre pour son industrie ?

Alexandre Viros- La France a payé certains choix depuis plusieurs décennies en matière de compétences. La France a sûrement plus de difficultés que certains de ses voisins. C’est un défi important. Toutes les parties prenantes vont devoir marcher ensemble sur ces problématiques.

Denis Machuel- L’Allemagne a un passé industriel important. Elle reste malgré tout confrontée à des difficultés de recrutement. En France, il y a des viviers de talents dans les quartiers prioritaires de la ville, dans la population immigrée, dans les personnes éloignées de l’emploi. Il faut s’appuyer sur toutes nos forces.

Un an après votre arrivée à la tête du groupe, quelle est votre feuille de route pour les mois à venir ?

Denis Machuel- Le groupe a mis en place depuis deux ans la stratégie « Future at Work » sur l’avenir du travail. Cette orientation consiste à construire des briques autour des talents dont nos clients ont besoin. Dans l’industrie et les services, les entreprises ont besoin de talents pour livrer des performances. Cette stratégie repose sur nos 3 activités : Adecco, Akkodis et LHH et sur deux axes principaux : le focus client et le digital. Opérationnellement, notre dynamique s’articule autour de trois piliers : simplifier, exécuter et croître. Cette feuille de route a délivré de bons résultats au premier trimestre.

En Europe et en France, les créations d’emplois ont ralenti depuis plusieurs mois mais le chômage continue de baisser. Dans le même temps, la croissance marque le pas depuis la guerre en Ukraine. Comment expliquez-vous ce paradoxe d’une faible croissance riche en emplois ?

Denis Machuel- En Europe, ce paradoxe peut s’expliquer par la rareté des talents. Il y a des facteurs démographiques avec le départ à la retraite de la génération du baby-boom. Après la pandémie, beaucoup de travailleurs ont montré qu’ils étaient prêts à travailler moins et préfèrent améliorer leur qualité de vie. Beaucoup de femmes sont sorties du marché du travail. Certains seniors sont également sortis de ce marché. Enfin, il y a un fossé des talents. Avec la transition technologique et la transition écologique, il y a des savoir-faire qui ne sont pas à la hauteur des besoins.

Alexandre Viros- En France, les secteurs mis sous cloche pendant la pandémie comme l’hôtellerie-restauration ou le BTP n’arrivent toujours pas à recruter. Les salariés sont allés trouver du travail dans d’autres secteurs. Il y a aussi des difficultés liées à la géographie et à la desserte en transports en commun. Il faut favoriser la mobilité. Avec l’augmentation » du coût des carburants, les salariés ne vont pas forcément accepter un emploi éloigné de leur domicile.

La formation est un enjeu déterminant. Il s’agit de créer des compétences dans des secteurs en transformation profonde comme l’automobile. Le passage du moteur thermique au moteur électrique nécessite de nouvelles compétences. L’ouverture de nouvelles centrales nucléaires va nécessiter des soudeurs. Or la France n’a pas ses compétences. Il y a une crise de la compétence. Notre métier n’est pas juste d’aller chercher des clients. Il s’agit de comprendre les besoins en emploi.

La réforme des retraites a remis au centre des débats la question cruciale de l’emploi des seniors. Le taux d’emploi des plus de 55 ans est très bas dans l’Hexagone. Une autre partie importante n’est ni en emploi, ni à la retraite. Quels seraient les leviers pour améliorer l’emploi des seniors ?

Alexandre Viros- Pendant longtemps, cette question s’est résumée à la sortie des seniors du monde du travail. Nous n’étions pas hostiles à l’index des seniors proposé par l’exécutif. Il faut mesurer la participation des seniors dans les entreprises. Nous nous engageons à augmenter la part des seniors parmi nos intérimaires de 20% en 2023.

C’est un engagement important. Il y a aussi la question cruciale de la formation des seniors. Les seniors ont deux fois moins recours à la formation que les autres catégories d’âge. Il s’agit de réfléchir en termes de trajectoire professionnelle et pas uniquement de rétention. Je suis convaincu que le départ d’un salarié expérimenté est une perte sèche pour l’entreprise.

Denis Machuel- Dans un monde de rareté des talents, la sortie de gens expérimentés peut se payer très cher. On a pu le voir dans la filière nucléaire. La France a un réservoir de talents formidables. Il y a un sujet de flexibilité sur les fins de carrière. Il ne faut pas uniquement réfléchir en termes de coût pour l’entreprise. Il faut changer le regard sur le monde des seniors.

Malgré les aides massives en faveur de l’apprentissage, le taux de chômage chez les jeunes demeure élevé. Comment améliorer l’insertion professionnelle des jeunes ?

Denis Machuel- Le soutien à l’apprentissage doit se poursuivre. En Allemagne et en Suisse, l’apprentissage est très connecté aux besoins de l’entreprise. La force de l’apprentissage est la connexion entre la formation et les besoins. Une partie des formations que nous prévoyons va se concentrer sur l’apprentissage. Sur les 50.000 personnes formées, 6.500 seront consacrées aux apprentis.

En France, les recrutements se basent la plupart du temps sur l’envoi de CV. Quel regard portez-vous sur cette pratique ?

Alexandre Viros – La France est une société malade du diplôme. C’est contre productif. Les candidats de 35 ans ou 45 ans sont jugés sur les réussites et les échecs lorsqu’ils avaient 20 ans. C’est injuste. Notre groupe est un promoteur d’un recrutement sans CV à travers notamment notre plateforme digitale QAPA.

Il peut se faire sur des analyses scientifiques des soft skills. Ces pratiques permettent d’élargir le champ des emplois auxquels les candidats peuvent prétendre. Le recrutement sans CV est vertueux pour l’économie et les individus.

Faire un effort de formation pour renforcer l’employabilité

Faire un effort de formation pour renforcer l’employabilité.


« Pour affronter les changements majeurs induits par la transition numérique et environnementale, la France doit prendre, dès maintenant, le tournant de la formation » (Alain Roumilhac (ManpowerGroup France)

La lame de fond qui transforme actuellement le monde du travail français n’a jamais revêtu une telle force. Nous faisons face à des défis énormes : atteinte du plein-emploi, accompagnement des salariés aux innovations de rupture et inclusivité des talents.

Le marché de l’emploi reste dynamique mais doit s’adapter aux enjeux des nouvelles technologies. Les innovations de rupture représentent des opportunités extraordinaires mais sont également sources d’angoisse pour de nombreux salariés. J’ai la conviction que nous pourrons surmonter ces défis en investissant pour renforcer l’employabilité des salariés tout en attirant de nouveaux profils.
A l’heure où les transitions numériques et environnementales s’accélèrent, un risque important existe, de décalage entre les besoins des entreprises et les compétences des talents disponibles.
Notre étude, The Great Realization, montre que six employés sur dix devront acquérir des compétences nouvelles pour exercer leur métier dans le monde de demain. L’enjeu à l’avenir sera d’aborder la disparition de certains métiers à cause d’innovations de rupture et d’accompagner la transition environnementale des entreprises.

Pour affronter les changements majeurs induits par la transition numérique et environnementale, la France doit prendre, dès maintenant, le tournant de la formation pour que ces nouveaux métiers soient sources d’opportunité. C’est une nécessité pour faire de notre pays un leader dans ces deux domaines.

Avec un taux de chômage à 7,1%, la France s’approche du plein-emploi. Néanmoins, un plein-emploi soutenable, agile et protecteur ne pourra être atteint qu’à la condition que les politiques de ressources humaines soient plus inclusives. En effet, de nombreux profils sont tenus éloignés de l’emploi à cause du manque d’adéquation entre les politiques RH et les spécificités des talents.
Rigidités. Les politiques de recrutement sont encore trop fondées sur des critères d’âge, de diplômes ou de zones géographiques, rigidifiant et fragmentant l’accès à l’emploi. En conséquence, nous sommes un des rares pays où coexistent un chômage élevé et une pénurie forte de talents.

L’employabilité ne peut pas être un mot cosmétique. Il nous impose des efforts de tous les jours en direction des salariés et des demandeurs d’emploi. A mon sens, c’est là le cœur de notre mission en faveur de l’attractivité française.

Santé : la formation des internes dans les déserts médicaux contestée par la confédération des syndicats médicaux français !

Santé : la formation des internes dans les déserts médicaux contestée par la confédération des syndicats médicaux français !

 

Le gouvernement envisage que la dernière année de formation des internes s’exerce dans les déserts médicaux. Il faut noter qu’immédiatement la confédération des syndicats médicaux français a pris une position très corporatiste pour contester cette proposition

 

« Si cela devait déboucher sur envoyer des internes, dans des zones où il n’y a personne, ils arrêteront médecine« , a alerté samedi 24 septembre sur franceinfo Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président des généralistes de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), alors que le gouvernement souhaite mettre en place une quatrième année d’internat supplémentaire pour les étudiants de médecine générale en les incitant à la réaliser dans des déserts médicaux.

franceinfo : Que pensez-vous de cette idée avancée par le ministre de la Santé ?

Luc Duquesnel : Une quatrième année d’internat, entre autres pour les médecins généralistes, mais aussi pour les autres spécialités médicales, cela doit être une année professionnalisante. Cela veut donc dire que l’on ne va pas envoyer ces médecins là où il n’y a plus médecins depuis deux ou trois ans dans les déserts médicaux. C’est une année de formation. Ils sont toujours internes. Dans des zones avec une faible démographie médicale, ils devront être accueillis dans des maisons médicales, dans des maisons de santé pluri-professionnelles. C’est indispensable. Quand j’étais interne, si on m’avait lâché tout seul dans une campagne, j’aurais choisi un autre métier où j’aurais été médecin salarié ou médecin hospitalier. Il ne s’agit pas de les mettre en danger. On a besoin d’être entouré par d’autres collègues. Je tiens à rappeler que les déserts médicaux, ce ne sont pas que les zones rurales. Paris est un désert médical en médecins généralistes. Donc ce sont aussi les zones urbaines.( !)

Donc est-ce que cette quatrième année est une bonne idée ?

Non. Je pense que c’est mal présenté. Et la façon dont certains élus en parlent, ils ont l’impression que dans leur village, où il n’y a plus de médecins depuis trois ans, on va avoir tout d’un coup un interne en quatrième année qui va débarquer chez eux. Non, cela ne doit pas être ça, très clairement. Par contre, il y a des zones où l’on manque énormément de médecins. Durant cette année professionnalisante, ils doivent être entourés d’un ou deux médecins. C’est aussi permettre aux territoires de s’organiser. Mais si cela devait déboucher sur envoyer des internes, qui ne sont pas encore médecins, dans des zones où il n’y a personne, ils arrêteront médecine.

Que faut-il faire pour trouver une solution à ces déserts médicaux ?

La situation démographique d’aujourd’hui est le fruit de décisions qui sont prises depuis 35 ou 40 ans par des hommes politiques. Ce sont les mêmes qui, aujourd’hui, veulent de la coercition, qui nous ont amenés dans la situation où l’on est aujourd’hui. D’un autre côté, la situation n’est pas acceptable en termes d’accès aux soins. Ces internes, beaucoup d’entre eux n’ont travaillé qu’à l’hôpital. Il faut leur montrer ce que c’est que d’être médecin en ambulatoire, la médecine libérale. Donc cette quatrième année doit permettre de travailler avec d’autres médecins dans des zones à faible démographie médicale et de découvrir ce qu’est l’exercice libéral. Après ça, il y a plein d’autres solutions. C’est aussi travailler avec d’autres professionnels de santé, avec des infirmières de pratiques avancées, embaucher des assistants médicaux. On sait très bien que pour les dix ou treize ans à venir, le nombre de médecins va encore continuer à diminuer. Donc, cela veut dire modifier nos organisations professionnelles pour prendre en charge plus de patients, parce que la situation actuelle en termes d’accès aux soins n’est plus acceptable

Santé : pour une formation plus adaptée au monde contemporain

Santé : pour une formation plus adaptée au monde contemporain

 

La formation privilégie une approche individualiste alors qu’une prise en charge réussie des patients nécessite aujourd’hui de savoir identifier ses faiblesses et de miser sur le groupe, regrettent dans une tribune au « Monde » des médecins de l’association Facteurs humains en santé.(dans le Monde)

 

tribune 

 

En avril 2022, des étudiants d’AgroParisTech proclament lors de la remise des diplômes : « Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fiers et méritants d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours. »

Début juin, ils sont suivis par une étudiante de HEC qui déclare ressentir un « profond malaise » en comprenant que les métiers auxquels mènent ces études sont « la principale cause » de l’effondrement environnemental. Puis c’est au tour d’étudiants de Sciences Po, de l’Ecole normale supérieure de Paris ou de l’École Polytechnique de prendre la parole.

 

Tous regrettent que leurs études ne soient pas plus adaptées au monde actuel, anticipant le monde de demain. Tous regrettent d’être promis à un métier qui ne correspond pas au sens qu’ils veulent donner à leur vie. Ces prises de parole publiques reflètent un tournant auquel l’ensemble du corps enseignant se doit de réfléchir.

Si ce mouvement s’amorce au sein de ces grandes écoles, on peut s’interroger sur son probable développement en médecine. Aujourd’hui, les étudiants en médecine peinent à se mobiliser, alors qu’ils ont de nombreuses raisons de le faire. Ils évoluent au sein d’un système de santé à bout de souffle. Leur formation est longue et éreintante, et leur souffrance est de plus en plus visible.

Selon l’intersyndicale des internes, on compte dans cette catégorie d’étudiants un suicide tous les 18 jours. Certaines universités introduisent de nouvelles disciplines comme l’informatique, l’éthique ou la philosophie. La simulation en santé connaît un fort développement. Mais les apprentissages proposés durant le cursus initial restent globalement peu diversifiés tant sur le fond que sur la forme.

L’étude du fonctionnement organisationnel et humain nous apprend pourtant à identifier la normalisation de la déviance. Ce phénomène intervient quand les acteurs d’une organisation, tellement habitués à des comportements déviants, ne les considèrent plus comme tels. Triste justification de cette normalisation, il est fréquent de s’entendre dire : « On a toujours fait comme ça. » Il faut pourtant changer de cap.

Si un fonctionnement dégradé provoque une diminution de la qualité du soin, on occulte aussi souvent l’impact qu’il peut avoir chez les soignants et les étudiants en santé. En effet, ils expriment une perte de sens et se trouvent en décalage avec l’image qu’ils avaient de leur métier. Cette distorsion est une source de souffrance.

Intégrer davantage la problématique environnementale dans la formation

Intégrer davantage la problématique environnementale dans la formation

 

Nos formations sont « figées dans le monde d’avant », déplore, dans une tribune au « Monde », la politiste et maîtresse de conférences, pour qui la convention étudiante lancée par l’université Paris-Est-Créteil en 2021 est cruciale pour permettre aux jeunes de construire une société « moins destructrice ».

 

La vidéo de l’appel à la désertion lancé le 30 avril par un groupe de jeunes étudiantes et étudiants de l’école AgroParisTech a été abondamment partagée et commentée. Ce qui est nouveau, ce n’est pas que la permaculture, l’agroforesterie, et des modes de vie plus respectueux de la biodiversité attirent davantage une partie des agronomes que des emplois copieusement rémunérés chez Bayer, Monsanto et consorts, mais que ce choix échauffe autant les réseaux sociaux. On peut interpréter cela comme une nouvelle preuve de l’exaspération et de la détermination d’une partie des jeunes concernant l’urgence écologique, s’il en fallait une.

Ce qui marque dans ce discours, rejoint par des normaliens et polytechniciens, c’est la dénonciation sans équivoque de l’inacceptabilité de formations universitaires « qui poussent globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours ».

Nos formations sont restées figées dans le monde d’avant, cet avant où l’on délocalisait la responsabilité du changement climatique en Chine, en Inde et au Brésil, où l’on présentait un recrutement dans une entreprise du CAC 40 comme le meilleur avenir possible tout en conseillant aux étudiants de couper l’eau pendant le brossage de dents.

Les élèves des grandes écoles sont dans de meilleures conditions socio-économiques pour crier leur révolte et leur désir de bifurcation sur les toits, et pour se faire entendre, que les étudiants d’universités exsangues, contraints de multiplier stages et diplômes, et bien conscients de la difficulté à accéder à des emplois rémunérateurs et épanouissants. Lorsqu’on les forme, qu’on leur donne des espaces de parole et qu’on prend la peine de les écouter, on peut néanmoins entendre ces jeunes exprimer leur anxiété et leur désarroi face à l’ampleur du désastre. Face, aussi, à l’impact modeste de toute action individuelle si les décideurs économiques et politiques se cantonnent aux beaux discours, prononcés pendant les conférences internationales sur le climat ou les campagnes électorales, sans jamais passer réellement à l’action.

L’éco-anxiété se révèle d’autant plus grande que leur vie étudiante est en décalage complet avec l’urgence écologique, encore rappelée par le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Puisqu’on traîne des pieds à l’échelle nationale et internationale, il est de notre responsabilité, à l’université, de nous engager immédiatement dans une refonte radicale de nos pratiques, tant sur le plan de leur soutenabilité environnementale que de nos enseignements disciplinaires et transversaux, nos méthodes et objectifs de recherche. Nous devons engager l’ensemble de la communauté universitaire, les étudiants en tête, dans cette (r)évolution, et avoir l’ambition d’entraîner les territoires, les entreprises et les organisations environnant nos campus.

Transition écologique: L’urgence de la formation des élus et fonctionnaires

Transition écologique: L’urgence de la formation des élus et fonctionnaires

 

Un appel qui mérite d’être entendu car la problématique environnementale ressemble aujourd’hui à une espèce d’auberge espagnole où tout est confirmé en même temps que le contraire. L’urgence serait sans doute de créer des formations qualifiantes reposant sur des bases réellement scientifiques et non sur les seules convictions désintéressés 

 

La transition écologique ne peut pas attendre cinq ans de plus, estime un collectif de fonctionnaires rassemblés au sein de l’association Une fonction publique pour la transition écologique (FPTE), qui demande plus de formation et des moyens pluriannuels.

 

Nous, collectif de fonctionnaires engagés pour une transition écologique, demandons à Emmanuel Macron de former et d’outiller les principaux élus du pays et les cadres dirigeants de la fonction publique en début de mandat, afin qu’ils prennent réellement conscience des enjeux et engagent enfin et véritablement notre pays dans une transition écologique, climatiquement soutenable et socialement juste, en cohérence avec l’accord de Paris de 2015 et les objectifs européens.

L’urgence est là, les solutions existent, martèlent les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour le climat et la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) pour la biodiversité.

Trois volets de mesures nous paraissent urgents et nécessaires. Nous proposons l’organisation de plusieurs séminaires de sensibilisation et de travail sur la transition écologique, sur le modèle de la convention citoyenne pour le climat, qui rassemblera pendant six jours un groupe composé d’élus (parlementaires, présidents de collectivités), de hauts fonctionnaires contribuant à la décision publique (directeurs généraux d’administration centrale et de collectivités, préfets, membres de cabinets ministériels), de représentants du monde économique et associatif et de citoyens tirés au sort.

Le cadre pédagogique particulier de la convention citoyenne a montré son efficacité. La diversité du public permet les rencontres, les coconstructions, et aux services publics d’imaginer et de mettre en œuvre des politiques sectorielles et transversales cohérentes avec d’autres acteurs.

La formation massive des hauts fonctionnaires déjà en poste, en particulier ceux qui exercent des responsabilités importantes ou évoluent dans six ministères prioritaires (économie et industrie, agriculture, intérieur, travail, affaires sociales et santé, environnement), devra être mise en œuvre, notamment lors de changements de fonctions.

 

En formation initiale, le tronc commun institué pour les principales écoles de service public doit être un véritable temps de formation en équipe pluridisciplinaire et surtout interécoles, qui incite à la coopération et à la collaboration sur le terrain. Outre que le module consacré à l’environnement nécessite d’être pérennisé et inscrit dans le temps long, les sujets environnementaux doivent intégrer l’ensemble du cursus afin qu’ils ne soient jamais occultés.

L’enjeu de la formation au numérique

L’enjeu de la formation au numérique

La mise sur pied de la Grande Ecole du Numérique a répondu, pour partie, aux défis de la 3ème révolution industrielle, au travers d’un label d’excellence. Mais, explique Guy Mamou-Mani, nous sommes encore loin du compte car il faudrait former 50000 informaticiens chaque année pour répondre aux besoins du marché.

Tribune

Par Guy Mamou-Mani (coprésident Groupe Open dans les « Echos  »

 

Lors des campagnes pour les présidentielles de 2012 et 2017, aucun des candidats n’avait inscrit la question de la transformation numérique au coeur de son programme ni fait de la formation un des axes forts de sa campagne.

Emmanuel Macron a pour sa part, pendant la campagne 2022, esquissé la vision de la formation avec deux idées maîtresses : l’orientation vers des filières professionnalisantes et la fin de la gratuité des formations .

Ces questions d’orientation, de professionnalisation et de financement soulevées à juste titre par celui qui était alors un président-candidat sont au coeur du malaise qui règne dans l’enseignement supérieur français. Des voix ont pu s’élever pour dénoncer sa volonté de « privatiser » l’université française, les droits d’inscription n’en jouent pas moins un rôle crucial dans la régulation du système. Leur montant explique pour une très large part les écarts qui se creusent entre les formations dispensées dans le supérieur public et le privé et leur capacité respective à former en nombre suffisant les ingénieurs dont la France a besoin.

La mise sur pied de la Grande Ecole du Numérique (GEN) répond pour une part aux défis de la 3ème révolution industrielle au travers d’un label d’excellence. 500 formations aux métiers du numérique ont été identifiées et sont aujourd’hui labellisées « GEN ». 31 000 personnes ont bénéficié de ces formations depuis 2016. Mais nous sommes encore loin du compte quand on sait qu’il faudrait former tous les ans entre 40 et 50000 informaticiens pour être en phase avec les besoins du marché.

On peut d’ailleurs légitimement se demander pourquoi l’Etat français n’a pas accru les moyens de ses meilleures écoles d’ingénieurs publiques du numérique. Elles ont vu les subventions qui leur étaient allouées s’éroder régulièrement, leur budget de fonctionnement drastiquement diminué. Quant aux droits de scolarité – qui s’élèvent aujourd’hui à 3500€/ an à CentraleSupélec et à 2800€ /an à Telecom Paris alors que l’année-élève coûte entre 15 000 et 20 000€ -, ils sont notoirement insuffisants.

Force est de reconnaître que l’université française et nos grandes écoles souffrent d’un mal endémique. Leur sous-financement chronique ne leur permet pas de dégager les ressources leur permettant de faire croître leur flux de diplômés de plus de 10% sans baisser le niveau des étudiants, ce qui serait inéluctable avec le taux d’encadrement qui est le leur. L’augmenter conduirait à creuser leur déficit.

Pour autant, toutes les écoles d’ingénieurs ne pâtissent pas des mêmes difficultés. Le malthusianisme que connaît l’enseignement supérieur public a créé un effet booster pour l’enseignement supérieur privé en général et particulièrement dans le numérique qui a vu ses écoles d’ingénieurs croître tant en nombre qu’en flux de diplômés.

L’enseignement supérieur privé est en plein essor. Une école du numérique comme l’EPITA qui garantit une formation professionnalisante à ses étudiants a vu non seulement ses effectifs croître de 40% ces dernières années mais arrive même en tête du classement 2020 de L’Usine Nouvelle devant Polytechnique (meilleurs salaires de sortie).

Il y a un rapport entre la rentabilité d’un système de formation et les effectifs. Mathias Emmerich, Président exécutif d’INSEEC U, l’a bien résumé : « la principale façon de gagner de l’argent, c’est d’augmenter les effectifs. Les pouvoirs publics seraient bien inspirés d’en tirer la leçon et d’investir dans l’enseignement supérieur public français du numérique dans l’intérêt économique du pays qui s’appauvrira sans ingénieurs.» Même si tous les candidats de la dernière présidentielle ne se sont pas saisis de ce sujet, en ont sous-estimé l’importance et n’ont pas inscrit la formation au numérique parmi leurs priorités, il y va de notre avenir !

Guy Mamou-Mani, Coprésident du Groupe OPEN, ancien président de Syntec Numérique et VP du CNNum

Formation et université : pas encore assez en apprentissage

Formation et université : pas encore assez en apprentissage

 

L’enseignant  Erwan LE CORNEC agressé de toutes parts pour avoir dénoncé le niveau lamentable de son université en Bretagne occidentale explique dans le Figaro que le niveau de l’université ne cesse de diminuer surtout avec le bac [Covid. ] . Il dénonce l’orientation scolaire qui conduit nombre d’étudiants à rejoindre l’université sans en avoir les compétences au lieu de les orienter vers des métiers manuels dont la France manque cruellement.Ainsi en forme des hordes de sociologues, de psychologues, d’économistes et de diplômés d’instituts politiques quand on manque d’ingénieurs, de médecins,  de techniciens et d’ouvriers qualifiés. Des hordes dont beaucoup finiront fonctionnaires, politiciens ou à pôle emploi

 

Dans votre courriel, vous décrivez l’UBO comme une université de «seconde zone». Qu’entendez-vous par là?

À l’université, le niveau est hélas devenu catastrophique. J’ai 25 ans de service public et je constate qu’il n’a fait que se dégrader. C’est un effet domino: à partir du moment où, à l’école primaire, on ne met pas suffisamment les moyens pour leur faire acquérir les fondamentaux, qu’on impose aux enseignants des méthodes pédagogiques idiotes et surtout dangereuses et qu’on fait croire aux jeunes que leur salut c’est l’université, alors forcément leur retard et leurs difficultés ne vont faire qu’augmenter.

Quelles solutions alors?

Leur place, à ces jeunes qui ont accumulé les insuffisances tout au long de leur circuit scolaire jusqu’à l’université, n’est précisément pas à l’université. Ils ont d’autres qualités mais pas celles qui permettent un parcours dans le supérieur. On a aujourd’hui besoin de boulangers, de plombiers, de tapissiers, de plaquistes, de charpentiers, de couvreurs, de peintres en bâtiment… Que ces gamins-là, au lieu d’être induits en erreur et encouragés à s’inscrire à l’université, s’inscrivent en CAP ou trouvent des contrats d’apprentissage.

Formation et compétitivité- Trop d’élèves dans les universités pas assez en apprentissage

Formation et compétitivité- Trop d’élèves dans les universités pas assez en apprentissage

 

L’enseignant  Erwan LE CORNEC agressé de toutes parts pour avoir dénoncé le niveau lamentable de son université en Bretagne occidentale explique dans le Figaro que le niveau de l’université ne cesse de diminuer surtout avec le bac [Covid. ] . Il dénonce l’orientation scolaire qui conduit nombre d’étudiants à rejoindre l’université sans en avoir les compétences au lieu de les orienter vers des métiers manuels dont la France manque cruellement.Ainsi en forme des hordes de sociologues, de psychologues, d’économistes et de diplômés d’instituts politiques quand on manque d’ingénieurs, de médecins, de techniciens et d’ouvriers qualifiés. Des hordes dont beaucoup finiront fonctionnaires, politiciens ou à pôle emploi

 

Dans votre courriel, vous décrivez l’UBO comme une université de «seconde zone». Qu’entendez-vous par là?

À l’université, le niveau est hélas devenu catastrophique. J’ai 25 ans de service public et je constate qu’il n’a fait que se dégrader. C’est un effet domino: à partir du moment où, à l’école primaire, on ne met pas suffisamment les moyens pour leur faire acquérir les fondamentaux, qu’on impose aux enseignants des méthodes pédagogiques idiotes et surtout dangereuses et qu’on fait croire aux jeunes que leur salut c’est l’université, alors forcément leur retard et leurs difficultés ne vont faire qu’augmenter.

Quelles solutions alors?

Leur place, à ces jeunes qui ont accumulé les insuffisances tout au long de leur circuit scolaire jusqu’à l’université, n’est précisément pas à l’université. Ils ont d’autres qualités mais pas celles qui permettent un parcours dans le supérieur. On a aujourd’hui besoin de boulangers, de plombiers, de tapissiers, de plaquistes, de charpentiers, de couvreurs, de peintres en bâtiment… Que ces gamins-là, au lieu d’être induits en erreur et encouragés à s’inscrire à l’université, s’inscrivent en CAP ou trouvent des contrats d’apprentissage.

50 ans de formation professionnelle

 50 ans de formation professionnelle 

Dans un ouvrage résolument critique, l’économiste Didier Gelot et le syndicaliste Djamal Teskouk regrettent l’individualisation et la marchandisation de la formation professionnelle, loin de l’esprit émancipateur des débuts.

Par Jules Thomas dans le Monde 

Le livre.

 

Il était une fois un idéal, « une obligation nationale » à laquelle devait participer l’ensemble de la société, sous l’égide de l’Etat : améliorer la qualification des travailleurs, assurer leur adaptation aux besoins de l’économie et contribuer à l’émancipation des personnes. La loi Delors de 1971, qui a notamment inscrit dans le marbre la contribution financière des entreprises, a posé les bases du dispositif de la formation professionnelle continue. Pourtant, ces grands principes se sont dilués avec le temps.

Dans l’essai 1971-2021. Retour sur 50 ans de formation professionnelle (Editions du Croquant), deux spécialistes mêlent leurs analyses complémentaires : l’un, l’économiste Didier Gelot, fut chargé de l’évaluation de la formation professionnelle au ministère du travail ; l’autre, Djamal Teskouk, fut en tant que conseiller confédéral CGT impliqué dans les nombreuses négociations interprofessionnelles sur la formation. Le produit de ce bilan à la fois global et opérationnel est destiné aux acteurs de la formation – notamment aux acteurs syndicaux –, mais pas uniquement.

La formation n’étant pas un objet isolé, les auteurs lient étroitement ses évolutions aux choix économiques et politiques opérés au fil du temps. Des réformes régulières – une quinzaine, souvent des accords nationaux interprofessionnels (ANI) suivis d’une loi – se sont succédé pour actualiser le cadre juridique de la formation, en faisant davantage coïncider actions de formation et emploi pour répondre aux crises successives, à la mondialisation et au chômage de masse. En outre, les régions et les organismes paritaires ont vu leur rôle évoluer.

Le développement des compétences au détriment des qualifications symbolise le dévoiement du système de 1971, selon Didier Gelot et Djamal Teskouk. Il fait de l’individu le responsable de son employabilité. « La notion de responsabilisation des salariés, apparue au milieu des années 1990, a été fortement étendue et est aujourd’hui associée à celle de parcours professionnel », avancent les auteurs. Les inégalités d’accès à la formation continue se sont dès lors accrues, et les salariés ont de plus en plus été invités à se former hors temps de travail, en partie sur leurs deniers. Le droit individuel à la formation (DIF) consacre en 2004 ce principe dit de « co-investissement », qui dissocie temps de formation et temps de travail.

Les auteurs pointent surtout du doigt la loi de 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » : précédée par l’introduction du compte personnel de formation (CPF) en 2014, elle sonne l’aboutissement d’un processus d’individualisation excessive de la formation, et d’une « déresponsabilisation des employeurs ». Elle considère que le salarié doit s’adapter aux besoins immédiats des entreprises, ce qui favorise la multiplication des formations courtes sans réelle valeur ajoutée, notamment dans les métiers peu qualifiés.

 

La formation professionnelle: Enjeu stratégique de l’économie

La formation professionnelle: Enjeu stratégique de l’économie

Il est urgent de faire monter en compétences la population active estime un papier de Carole Papazian dans L’Opinion .

 

Un article intéressant qui souligne la dimension sociale de la relance économique durable et l’énorme effort à opérer en matière de formation dans les quelques années à venir. Un papier qui toutefois n’aborde pas suffisamment l’attractivité de certains métiers dans les conditions d’exercice n’incite pas à s’y investir ( les auxiliaires de vie par exemple, certaines catégories médicales ou encore certains métiers du bâtiment). Le manque aussi de différences entre les revenus du travail et les revenus de la solidarité. Sans parler de l’affaiblissement de la valeur travail. À noter également la responsabilité parentale qui favorise des orientations vers l’université et qui traduit une certaine condescendance voir un mépris pour l’apprentissage. Bilan des diplômes universitaires dévalorisés dont certains conduisent directement  dans la fonction publique ou à pôle emploi.

 

Comment atteindre le plein-emploi et suivre la trace de pays où le taux de chômage est historiquement bas, comme l’Allemagne (5,3 % en novembre), les pays scandinaves (autour de 6 %) ou ceux d’Europe de l’Est (4 % environ en moyenne) ? Malgré un taux de chômage de 7 %, et un marché des offres d’emploi dynamique, le Graal est encore loin pour la France, qui comptabilise 3 millions d’actifs inoccupés. Le contexte de la crise sanitaire rend l’objectif d’autant plus compliqué à atteindre que l’Hexagone pèche par ses capacités de production et de services et du niveau de qualification de sa population active.

C’est un des chevaux de bataille de Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques de Natixis et membre du Cercle des économistes, qui explique combien le déficit de formation d’une partie de nos jeunes pose problème, en dépit du rebond de la croissance économique, indéniable, mais qui ne doit pas occulter les défis qui attendent la France… Et comme ces jeunes deviennent ensuite des adultes, cette carence perdure tout au long de leur vie. L’enjeu, aujourd’hui, porte à la fois sur les formations initiale et professionnelle. Selon l’institut Rexecode, « le marché du travail français exclut de plus en plus les moins diplômés (soit 18 % des 20 à 64 ans en France contre 14 % en Allemagne). Or, on ne gagnera pas la bataille du plein-emploi sans eux. « Depuis vingt ans, nous avons transformé de nombreux emplois intermédiaires en emploi bas de gamme. Il faut désormais augmenter le niveau de gamme des emplois », analyse Patrick Artus.

Spécificités régionales. Beaucoup de métiers sont aujourd’hui sous tension et les entreprises peinent à recruter. C’est le cas dans l’hôtellerie et la restauration, mais aussi dans les professions du grand âge. Il existe aussi des spécificités régionales. « Les causes de ces tensions diffèrent d’un bassin à l’autre : problèmes d’accès au logement dans les zones les plus attractives (Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur…), faible niveau de formation des demandeurs d’emploi (60 % d’entre eux ont un niveau infrabac dans la région Grand Est), freins à la mobilité dans les territoires ruraux (Normandie, Bourgogne-Franche-Comté…), manque d’attractivité des métiers peu qualifiés et à forte pénibilité, gestion des gardes d’enfants… », a reconnu récemment Elisabeth Borne, la ministre du Travail. Ce sont les acteurs de terrain qui connaissent le mieux la conjoncture locale. « En Ile-de-France, trois secteurs sont en forte progression, le sanitaire et le social, la construction et la tech » explique Stéphane Maas, directeur de Transitions Pro Ile-de-France.

Pour faire face à ces tensions, les pouvoirs publics ont décidé d’investir dans le capital humain avec un budget de 1,4 milliard d’euros pour le plan de réduction des tensions de recrutement. Concrètement, il s’agit de permettre aux entreprises de s’adapter aux transitions numériques et écologiques. L’État va ainsi débloquer 600 millions d’euros afin de permettre aux PME de moins de 300 salariés de former 350 000 personnes en plus. Un effort est également mis sur les demandeurs d’emploi : une enveloppe supplémentaire de 560 millions d’euros a été mise sur la table pour former 1,4 million d’entre eux en 2022. Enfin, pour accompagner les chômeurs de longue durée et répondre aux besoins des entreprises, 240 millions d’euros seront mobilisés pour étendre les aides à l’embauche de 8 000 euros dans le cadre des contrats de professionnalisation, aujourd’hui réservés aux jeunes. C’est le bon moment pour relever ce défi des compétences. En effet, la pandémie, le changement de modèle pour une croissance plus responsable et les avancées technologiques peuvent être des catalyseurs pour former les actifs dont les métiers sont en panne. « Depuis cette crise, de nombreux salariés ont aussi réfléchi à leur profession et ils sont plus nombreux qu’avant à envisager de se reconvertir. La crise sanitaire a aussi débloqué le recours à la formation professionnelle : avant, certaines entreprises freinaient, maintenant, elles ont compris qu’elles ont intérêt à anticiper et à permettre à leurs salariés dont les métiers seront en difficulté dans l’avenir de se former. C’est une stratégie de moyen-court terme, mais aussi de long terme pour les emplois émergents », constate Stéphane Maas, directeur de Transitions Pro Ile-de-France, organisme paritaire régional interprofessionnel, créé en janvier 2020, connu auparavant sous le nom de Fongecif.

Anticiper. Afin d’aider les Français à s’orienter vers les métiers à forte perspective d’emploi, les préfets ont d’ailleurs établi une liste régionalisée de métiers porteurs en concertation avec les Comités régionaux de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelles (CREFOP). Pour que le pari fonctionne, il faudra toutefois que l’effort de formation reste au cœur de l’action publique dans les années qui viennent.

L’enjeu, c’est évidemment d’éviter l’augmentation du chômage structurel, celui de personnes inadaptées à l’économie de demain. « Les compétences, c’est une variable centrale dans l’économie. Elles sont complètement corrélées au taux d’emploi, au taux de chômage, au poids de l’industrie dans l’économie, à la vitesse de modernisation des entreprises, à la vitesse de numérisation de l’économie, au commerce extérieur », avertit Patrick Artus. Pour augmenter les compétences, il faudra agir à plusieurs niveaux, dès les petites classes à l’école, en développant davantage l’apprentissage et en suivant les jeunes déscolarisés. La formation permanente doit aussi enclencher une vitesse supérieure. « Notre système de formation va devoir aborder un immense défi : reconvertir, accompagner, former des millions de travailleurs disqualifiés par la crise » prévenait dès l’an dernier l’économiste selon qui nous sommes à l’aube d’un « grand reset social, professionnel et économique ».

« Il va falloir recalibrer les instituts de formation pour qu’ils voient arriver des centaines de milliers de gens qui vont essayer de se requalifier. Le problème est de ne pas être submergé par le monde, c’est bien de former les gens mais c’est compliqué, c’est très individualisé… », admet ce dernier. Si les besoins de reconversion montent en flèche, il faudra trouver des moyens de répondre à la demande. « La plupart des organismes de formation n’auront ni les moyens technologiques, ni pédagogiques, ni même organisationnels d’accueillir des centaines de milliers (ou millions) de travailleurs à reconvertir dans les 2 ou 3 ans à venir », estimait l’économiste il y a un an. L’Etat a dégagé une première enveloppe budgétaire conséquente depuis, mais l’effort budgétaire nécessaire pour gagner la bataille de la formation professionnelle ne fait sans doute que commencer.

Hôpital : pour un plan d’urgence de recrutement et de formation

Hôpital : pour un plan d’urgence de recrutement et de formation

 

 

Le Ségur de la santé a acté 9 milliards d’euros d’investissement sur dix ans, mais le retard est tel que cette somme étalée dans le temps ne pourra répondre à l’urgence systémique, s’inquiètent, dans une tribune au « Monde », des leaders syndicaux de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), Luc Farré et Yann Le Baron.

Un appel évidemment justifié mais qui n’est pas forcément contradictoire aussi avec une rationalisation de l’organisation des hôpitaux médicalement très performants mais qui ressemblent souvent des usines sans direction. NDLR

 

Tribune. 

 

Le secteur hospitalier est en crise depuis longtemps, bien avant la crise du Covid. Celle-ci a été un révélateur du malaise des personnels hospitaliers. Le Ségur de la santé, négocié et signé par l’UNSA-Santé et sociaux public et privé et par l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), est une première réponse. La signature de cet accord a permis des améliorations immédiates et importantes des rémunérations. Toucher 183 euros net par mois, soit plus 2 196 euros par an avec une amélioration des grilles de rémunération, est un réel effort de la société.

Alors même que tous les personnels s’impliquent pour être au service des Français usagers dans une période de pandémie sanitaire qui perdure dans le temps, nous ne pouvons que regretter qu’à ce jour certains agents publics de la fonction publique hospitalière ne bénéficient toujours pas du complément de traitement indiciaire, et déplorer que la transposition des mesures salariales ne soit pas effective de façon homogène dans les secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux du privé.

Conditions de travail

Pourtant, partout, les conditions de travail et le manque d’effectifs se posent cruellement.

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Les revalorisations salariales sont certes un levier nécessaire à l’attractivité des métiers du secteur de la santé, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sauraient suffire à répondre, à elles seules, à l’enjeu de la sauvegarde de notre système de santé.

Dans les faits, les conditions de vie au travail sont des axes qu’il faut maintenant rendre prioritaires. Les conditions de travail doivent redevenir décentes dans les hôpitaux et établissements publics et privés, dans l’intérêt tant des personnels que des usagers.

Pour exemple et sans être exhaustif, nous constatons un manque de brancards, un manque de lits, du matériel vieillissant, un immobilier souvent vétuste… Ce sont des réalités qui impactent le travail au quotidien.

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Même si le Ségur de la santé a acté 9 milliards d’euros d’investissement sur dix ans, le retard est tel que nous craignons que cette somme étalée dans le temps ne puisse répondre à l’urgence systémique et se révèle insuffisante.

Fatigue et lassitude

En outre, nos métiers n’attirent plus, et la crise sanitaire aura même provoqué l’accélération de la fuite de trop nombreuses compétences. Le non-respect des congés, les changements d’organisation incessants contribuent à une fatigue et à une lassitude grandissantes des personnels.

Il devient impératif de mettre en œuvre un grand plan Marshall du recrutement et de la formation. Il doit être la source d’un nouvel intérêt durable pour les métiers de la santé et générateur de nouvelles « vocations ».

Plan France 2030: on a oublié le volet formation

Plan France 2030: on a oublié le volet formation

Le plan annoncé par le président de la République est voué à l’échec s’il omet le problème d’un système éducatif ne parvenant plus à former pour la science et l’industrie, souligne, dans une tribune au « Monde », Maroun Eddé, normalien et auteur d’un rapport sur l’éducation.

Tribune.

 

Pour répondre à la dépendance de la France aux économies étrangères, Emmanuel Macron lance un plan de 30 milliards d’euros pour réindustrialiser le pays. Mais le cœur du problème se situe en amont : un système éducatif qui ne parvient plus à former pour la science et l’industrie.

En 2004, la France, leader du nucléaire civil, lançait la construction du premier réacteur EPR au monde, à Flamanville (Manche). Mais, dix-sept ans plus tard, le chantier, qui devait durer huit ans, n’est toujours pas terminé. Entre-temps, la Chine a inauguré un réacteur EPR, construit en neuf ans seulement. Face à l’échec de Flamanville, EDF déplore « les pertes de compétences » liées aux départs à la retraite et à la disparition progressive des masters spécialisés en énergie nucléaire. A ce rythme, le nouveau plan nucléaire du président de la République risque de rejoindre Flamanville dans le palmarès des projets avortés faute d’équipes pour les mener à bien.

 

Cette perte de compétences ne se limite pas aux industries de pointe. Plombiers, charpentiers, ingénieurs en bâtiment, chefs de projet informatique : en octobre 2021, on compte 70 000 postes non pourvus dans l’industrie, et de 15 000 à 80 000 dans les métiers du numérique. Aucune politique industrielle ne peut fonctionner sans suffisamment d’ingénieurs et de techniciens.

Or le système universitaire français n’en forme plus assez. Selon les chiffres du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, les mathématiques, la physique et la biologie font partie des cursus les moins demandés à l’université, avec dix fois moins de candidatures que la psychologie, les langues ou le droit. D’où l’incapacité croissante à recruter des enseignants en sciences et le déclin de la recherche française, dont les financements s’amenuisent.

Les grandes écoles ne corrigent pas ce déséquilibre. Les écoles de commerce n’ont cessé de se multiplier, passant de 10 000 étudiants, en 1960, à 200 000 aujourd’hui, tandis que les écoles d’ingénieurs multiplient les cursus de finance et de management. Derrière l’inflation de diplômes aux consonances anglo-américaines (MS, MSc, bachelor) se cachent des formations de moins en moins spécialisées.

Dans ces conditions, où trouver les ingénieurs dont l’industrie a besoin ? Les centaines de milliers de jeunes formés pour devenir des manageurs n’auront bientôt plus personne à manager. Pour justifier une explosion des frais de scolarité, les grandes écoles doivent vendre du rêve. Mais on ne peut bâtir l’avenir industriel à coups de soft skills [« compétences comportementales »] et de marketing.

Un plan de formation général pour tous les chômeurs de plus d’un an ?

Un plan de formation général pour tous les chômeurs de plus d’un an ?

 

Environ la moitié des chômeurs officiellement recensés sont privés de travail depuis plus d’un an. Le pouvoir envisage donc vaste plan de réinsertion par la formation de cette catégorie. Reste à savoir si ces formations seront réellement qualifiantes et si certains des intéressés ont réellement l’envie de se réinsérer.

 

Sur les 5,67 millions de demandeurs d’emploi répertoriés dans les trois principales catégories (A, B et C) de l’opérateur, 2,84 millions n’ont ainsi pas été en activité ces douze derniers mois, soit une hausse de 267.000 depuis le début de la crise, en mars 2020.  

Par ailleurs, l’expérimentation Territoires zéro chômeur sera élargie. Le dispositif vise à fournir un emploi à toutes les personnes sans travail depuis plus d’un an recensées sur un territoire donné. L’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée a été lancée en 2016. Elle sera étendue de 10 à 60 zones.

 

Le système de formation en France trop faible par rapport à l’Allemagne

 

Un papier du Monde souligne la faiblesse de la formation en France qui pèse sur les performances de l’économie

(extrait)

 

C’est une obsession française, frisant parfois l’absurde. C’est plus fort que nous : chaque fois qu’un nouvel indicateur économique est publié, nous comparons presque systématiquement nos performances à celles de nos voisins allemands. Au premier trimestre, le produit intérieur brut (PIB) outre-Rhin a reculé de 1,8 % en raison des restrictions sanitaires prolongées, soit plus que le nôtre (– 0,1 %). En 2021, il devrait enregistrer une croissance plus faible, de 3,3 % contre 5,8 % chez nous, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

A la lecture de ces chiffres, quelques Français peinent à réprouver une once de Schadenfreude, ce mot allemand désignant la joie coupable ressentie devant la mauvaise fortune d’autrui. Paris rebondira plus fort que Berlin ! Ce serait oublier qu’en 2020, la récession a été bien plus violente en France (– 8,2 %, contre – 5,3 % outre-Rhin). Et que nous faisons beaucoup moins bien que l’Allemagne en matière de chômage (7,3 % contre 4,4 % en avril), de déficit (9,2 % du PIB contre 4,2 %), de dette publique (115,7 % contre 69,8 %).

Le modèle allemand n’est peut-être pas parfait, il fabrique aussi de la précarité et des travailleurs pauvres, mais il a généré plus de revenus par tête

Surtout, l’économie allemande affiche de bien meilleures performances depuis vingt ans. Un chiffre le résume : en 2000, le PIB par habitant était similaire dans nos deux pays, autour de 28 900 euros. Mais en 2020, il était de 34 110 euros en Allemagne contre 30 690 euros chez nous. Le modèle allemand n’est peut-être pas parfait, il fabrique aussi de la précarité et des travailleurs pauvres, mais il a généré plus de revenus par tête.

Cela signifie-t-il que la divergence entre les deux rives du Rhin continuera de se creuser après la crise du Covid-19 ? Rien n’est moins sûr. D’une certaine façon, la pandémie a rebattu les cartes en accélérant les transitions écologique et numérique, tout comme les velléités de relocalisation des usines. Nos deux pays devront fournir un effort d’investissement considérable pour convertir leur appareil de production aux enjeux de demain. Les incertitudes sont nombreuses, et le chemin économique que suivra l’Allemagne pour y parvenir dépendra en partie du résultat des élections fédérales de septembre.

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