Le projet de loi de finances (PLF), rejeté en première lecture, qui va à l’opposé des recommandations du rapport Draghi, aurait pour conséquence de pénaliser la France à moyen et long terme pour des gains financiers de court terme et pas à la hauteur des préjudices futurs. Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, est membre du Conseil scientifique de la Fondapol.( dans La Tribune)
L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis annonce des mesures économiques hétérodoxes, protectionnistes et une politique offensive contre les économies européennes.
La plupart des droits de douane fixés lors du premier mandat de Donald Trump n’ont pas été supprimés par l’administration Biden. Il existe un consensus à Washington sur la politique de réindustrialisation, la remontée des droits de douane et la nécessité de conserver une avance technologique significative pour les États-Unis.
L’annonce d’une nouvelle augmentation des droits de douane, avec un minimum de 10% sur tous les produits européens, devrait nous alerter sur les mesures à prendre pour restaurer notre compétitivité et augmenter notre croissance. Il s’agit, en réalité, de mettre en œuvre le rapport Draghi pour innover, décarboner, développer le numérique et assurer notre sécurité.
Or, la situation politique française, à l’heure du rejet du projet de loi de finances en première lecture à l’Assemblée nationale, offre une image en complet décalage avec la réalité de la compétition mondiale. Le redressement de nos comptes publics passe par la hausse de la fiscalité au détriment des économies sur les dépenses. Les parlementaires privilégient les revalorisations des retraites, tout en alourdissant la fiscalité sur les actifs.
La trajectoire d’allègement des impôts de production est stoppée et une surtaxe sur les sociétés est imposée. Les fondements mêmes de la politique de l’offre sont remis en cause, tout comme l’allègement de la fiscalité sur le travail, qui faisait pourtant consensus entre la droite et la gauche, comme principale mesure de lutte contre le chômage.
Mais au-delà du débat sur la politique de l’offre, les débats parlementaires se sont également attaqués à l’innovation et au numérique, au moment même où la nouvelle administration Trump a clairement indiqué que la protection des entreprises américaines, notamment du numérique, était une condition sine qua non de la coopération économique et commerciale avec leurs alliés. Plusieurs mesures ont été proposées visant à alourdir la fiscalité numérique.
Malgré l’avis défavorable du rapporteur du budget et du gouvernement, les députés ont adopté une augmentation de la taxe numérique, une fiscalité nouvelle sur l’utilisation des réseaux, une taxe pour financer France Télévisions et une augmentation du taux de la taxe GAFA de 3% à 5% du chiffre d’affaires généré dans notre pays par l’activité de ces entreprises.
Le foisonnement fiscal n’a, à aucun moment, tenu compte des réalités économiques mondiales, de la compétition actuelle entre les grands blocs, de la nécessité d’innover et de tirer nos économies vers des modèles plus productifs. Le message envoyé par le Parlement français est ainsi totalement opposé aux préconisations du rapport Draghi qui fait du numérique une opportunité majeure de croissance et surtout de compétitivité pour l’Union européenne. Inversement, la fiscalité, par nature nationale et locale, aura pour effet de limiter le recours aux services numériques.
Ces services seront donc plus chers pour les acteurs français, car plus largement taxés en France que chez nos partenaires américains, européens ou même chinois. Les entreprises du numérique limiteront également leurs investissements en France, notamment dans les infrastructures. Toute notre politique de compétitivité et de montée en gamme risque d’être remise en cause, si la créativité fiscale parlementaire était retenue par le projet de loi de finances du Gouvernement.
Comme l’avait déclaré Jean Monnet, « les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise ». L’heure est venue de prendre en compte la crise française, pour enfin changer et innover au profit de la croissance française.
Arrêter le matraquage fiscal de l’Assemblée nationale !
Sur le fond comme sur la forme, l’Assemblée nationale ne cesse de se discréditer auprès de l’opinion. En cause sur la forme: une absence totale de retenue et même de tenue. Sur le fond ,un véritable cirque ou foire à l’impôt qui traduit d’une part une incompétence économique mais aussi une responsabilité et une démagogie lamentable.
Finalement le gouvernement n’est soutenu par personne et les députés, par ailleurs le plus souvent absents ( exemple François Hollande qui n’a voté qu’une fois quand d’autres ont voté une centaine de fois) s’en donnent à cœur joie pour mettre le bordel avec des amendements contradictoires, fantaisistes et contre-productifs tant sur le plan économique que social.
Les députés voudraient casser la croissance qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Ainsi en créant des charges fiscales supplémentaires d’un montant de l’ordre de 40 milliards, ils sont à peu près assuré de tuer la croissance en 2025. Ce qui mécaniquement va générer une augmentation des dépenses sociales, des déficits et une réduction des ressources fiscales.
Bref le contraire de l’objectif recherché. Il serait temps de mettre fin à ce cirque qui nous discrédite aussi au plan international et qui se traduira inévitablement par une hausse des taux d’intérêt et de l’inflation dont la facture sera payée par les ménages. La plupart de ses 577 députés ne servent à rien, beaucoup ne sont là que pour servir le chaos avec l’espoir fou d’une révolution. Des révolutionnaires de papier, payés par le contribuables, qui en fait se nourrissent de la politique et n’entretiennent avec l’intérêt général que des relations très anecdotiques quand ils ne soutiennent pas des régimes comme celui de Poutine , du Hamas ou encore du Hezbollah. Ne parlons pas du honteux soutien des « écolos » et des » insoumis » au député drogué.
Un papier de la « Tribune » attire l’attention sur les divisions, les contradictions et les incohérences du débat de l’assemblée sur le budget. Le risque étant de faire perdre encore un peu plus de compétitivité à la France et donc de croissance et même de recettes fiscales ( extrait de la « Tribune »)
« Faire beaucoup avec peu », c’est la croix que doit porter ce « pauvre Mr Barnier », le nouveau surnom donné au locataire de Matignon qui, à Givors, a fait acte de franchise : « je ne me suis pas roulé par terre pour être Premier ministre » a-t-il lancé alors qu’à l’Assemblée nationale, l’absence de majorité fait des ravages. Les deux textes budgétaires, celui de l’Etat et celui de la Sécu, ont été complètement dénaturés par les extrêmes qui ont voté des amendements sans queue ni tête, dont la suppression de 5 milliards d’euros de la contribution française au budget européen, à l’initiative du RN. Le tout en profitant des divisions de la « coalition » hétéroclite Modem Renaisssance et LR censée soutenir le chef du gouvernement. Avec des amis comme ceux-là, on n’a pas besoin d’ennemis et le spectre du 49-3 plane donc sur l’examen du budget, en attendant sa transmission au Sénat.
A Washington aussi, les responsables du FMI ont adressé un sérieux warning en demandant au ministre de l’économie de crédibiliser la trajectoire du redressement budgétaire, notamment sur le volet dépenses, encore très très flou. Le FMI s’est en même temps inquiété de l’impact récessif de l’ajustement budgétaire sur la croissance française.
Le piège se referme sur ce « pauvre Monsieur Armand », le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, bien à la peine pour trouver « l’équilibre entre consolidation budgétaire et attractivité » sans mettre à terre la croissance. Face aux dizaines de milliards de hausses d’impôts qui menacent de mettre à bas la politique de l’offre qu’il a instauré depuis dix ans, le chef de l’Etat a haussé le ton vendredi en accueillant 120 entreprises du « Fabriqué en France » à l’Elysée : « il y a une bataille de cohérence et une bataille macroéconomique. Tout cela, c’est pas possible si on monte les impôts, si on monte le coût du travail et qu’on pense qu’on règle les problèmes de déficit public en revenant totalement sur une cohérence de politique économique » a insisté Emmanuel Macron. En sortant ainsi de sa réserve, le président de la République adresse un carton jaune à son Premier ministre à qui il a en même temps légué des finances publiques très dégradées. Comment maintenir la politique de l’offre face à la pression de Bruxelles, du FMI et des agences de notation ? L’équation semble insoluble et la « cohérence de la politique économique » de Macron est bien forcée de faire marche arrière car avec la crise de la dette on découvre le pot aux roses. L’espoir de financer les baisses d’impôt par le retour au plein emploi a fait long feu…
Du coup, on risque de passer brutalement du « Choose France » au « Loose France », comme le craignent de plus en plus d’économistes. Nombreux sont les projets d’investissements gelés ou annulés du fait de l’incertitude politique et donc fiscale actuelle. Les entreprises font leurs comptes sur la facture à payer et elle est salée. Les plus grandes n’hésitent pas à menacer de partir vers des cieux fiscaux plus cléments… Tandis que nombre d’entreprises étrangères recommencent à se demander « Why France ».
Un papier de la « Tribune » attire l’attention sur les divisions, les contradictions et les incohérences du débat de l’assemblée sur le budget. Le risque étant de faire perdre encore un peu plus de compétitivité à la France et donc de croissance et même de recettes fiscales ( extrait de la Tribune)
« Faire beaucoup avec peu », c’est la croix que doit porter ce « pauvre Mr Barnier », le nouveau surnom donné au locataire de Matignon qui, à Givors, a fait acte de franchise : « je ne me suis pas roulé par terre pour être Premier ministre » a-t-il lancé alors qu’à l’Assemblée nationale, l’absence de majorité fait des ravages. Les deux textes budgétaires, celui de l’Etat et celui de la Sécu, ont été complètement dénaturés par les extrêmes qui ont voté des amendements sans queue ni tête, dont la suppression de 5 milliards d’euros de la contribution française au budget européen, à l’initiative du RN. Le tout en profitant des divisions de la « coalition » hétéroclite Modem Renaisssance et LR censée soutenir le chef du gouvernement. Avec des amis comme ceux-là, on n’a pas besoin d’ennemis et le spectre du 49-3 plane donc sur l’examen du budget, en attendant sa transmission au Sénat.
A Washington aussi, les responsables du FMI ont adressé un sérieux warning en demandant au ministre de l’économie de crédibiliser la trajectoire du redressement budgétaire, notamment sur le volet dépenses, encore très très flou. Le FMI s’est en même temps inquiété de l’impact récessif de l’ajustement budgétaire sur la croissance française.
Le piège se referme sur ce « pauvre Monsieur Armand », le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, bien à la peine pour trouver « l’équilibre entre consolidation budgétaire et attractivité » sans mettre à terre la croissance. Face aux dizaines de milliards de hausses d’impôts qui menacent de mettre à bas la politique de l’offre qu’il a instauré depuis dix ans, le chef de l’Etat a haussé le ton vendredi en accueillant 120 entreprises du « Fabriqué en France » à l’Elysée : « il y a une bataille de cohérence et une bataille macroéconomique. Tout cela, c’est pas possible si on monte les impôts, si on monte le coût du travail et qu’on pense qu’on règle les problèmes de déficit public en revenant totalement sur une cohérence de politique économique » a insisté Emmanuel Macron. En sortant ainsi de sa réserve, le président de la République adresse un carton jaune à son Premier ministre à qui il a en même temps légué des finances publiques très dégradées. Comment maintenir la politique de l’offre face à la pression de Bruxelles, du FMI et des agences de notation ? L’équation semble insoluble et la « cohérence de la politique économique » de Macron est bien forcée de faire marche arrière car avec la crise de la dette on découvre le pot aux roses. L’espoir de financer les baisses d’impôt par le retour au plein emploi a fait long feu…
Du coup, on risque de passer brutalement du « Choose France » au « Loose France », comme le craignent de plus en plus d’économistes. Nombreux sont les projets d’investissements gelés ou annulés du fait de l’incertitude politique et donc fiscale actuelle. Les entreprises font leurs comptes sur la facture à payer et elle est salée. Les plus grandes n’hésitent pas à menacer de partir vers des cieux fiscaux plus cléments… Tandis que nombre d’entreprises étrangères recommencent à se demander « Why France ».
« La France est entrée en légère récession », prévient Patrick Martin, le président du Medef. Toutes les enquêtes montrent des patrons désorientés par le chaud et froid fiscal qui entretient l’incertitude à un moment où la conjoncture économique bat de l’aile. Pour tenter de peser dans le débat public, surtout en prévision des prochaines échéances électorales, au calendrier encore incertain, le patronat s’organise. Jeudi, le Medef a dévoilé les axes de travail de son « Nouveau front économique » annoncé fin août. Ce « front » patronal va tenter de mener « le combat de la rationalité économique » face au grand bazar fiscal, promet le patron des patrons. Reste à savoir si le patronat saura faire son propre aggiornamento sur l’efficacité des politiques publiques à l’image du Crédit Impôt Recherche ou des allégements de charges. « Nous travaillerons sans a priori ni tabou », a promis l’économiste spécialiste de l’innovation Philippe Aghion, invité à participer à ce qui ressemble à une nouvelle commission Attali sur la croissance, version patronale. Le Medef veut avancer vite afin de livrer un rapport avant l’été prochain et la possible ou probable prochaine dissolution de l’Assemblée nationale. En attendant, le patronat a remporté une première « victoire » en obtenant le rejet de la réforme des allégements de cotisation sur les bas salaires. Mais nul ne sait par quoi seront compensés les 4 milliards d’euros de trou dans le budget.
Alors, faut-il vendre les bijoux de famille en cédant les participations de l’Etat dans des entreprises cotées pour profiter des 160 milliards d’euros de valorisation. Le fait que les marchés boursiers restent à des niveaux élevés suscite des tentations, mais ce « fusil à un coup » serait une solution de facilité distrayant le gouvernement de ses responsabilités, à savoir entamer enfin une vraie révision des dépenses publiques et des réformes structurelles.
Philippe Mabille, Directeur éditorial da la Tribune
Le Conseil d’Etat a annulé le paragraphe permettant aux locations type Airbnb de continuer à bénéficier d’une niche fiscale.
Pour mémoire, le Conseil d’Etat avait été saisi par l’association pour un tourisme professionnel (AToP), le groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR), l’union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), et par les sénateurs Ian Brossat (PCF) et Max Brisson (Les Républicains). A l’origine, leur requête avait été rejetée en référé.
Cette décision « marque un tournant décisif dans la lutte contre les avantages fiscaux injustifiés, dont bénéficie la location Airbnb, face à la location nue. Elle pourrait également ouvrir la voie à d’autres actions en justice contre des dispositifs similaires », poursuit le sénateur communiste.
Après la mort de Jacques Delors, ancien président de la Commission, et avant les élections européennes de juin, l’économiste Picketty dresse, dans sa chronique « au Monde » un bilan critique de l’histoire de la construction communautaire.</strong
Avec la disparition de Jacques Delors, président de la Commission européenne de 1985 à 1995, c’est une page de l’histoire européenne qui se tourne. Il est temps de faire aujourd’hui le bilan critique de cette période décisive et d’en tirer des leçons pour l’avenir, à quelques mois des élections européennes de 2024.
Acte unique en 1986 (libre circulation des biens et des services), directive européenne de 1988 sur la libéralisation des flux de capitaux, traité de Maastricht en 1992 : c’est peu dire que l’Europe que nous connaissons aujourd’hui fut modelée au cours de cette période.
En particulier, c’est le traité de Maastricht, adopté de justesse par les électeurs français en septembre 1992 (51 % de oui), qui transforme l’ancienne Communauté économique européenne (CEE, instituée en 1957 par le traité de Rome) en Union européenne (UE) et la dote d’une monnaie unique. Comme prévu en 1992, l’euro entre en vigueur en 1999 pour les entreprises et en 2002 pour les particuliers.
Le traité constitutionnel de 2005, rejeté en France par référendum (55 % de non) puis adopté par la voie parlementaire après quelques menus changements sous la forme du traité de Lisbonne en 2007, se contente au fond de consolider les décisions cruciales prises entre 1986 et 1992 et de constitutionnaliser les principes de libre concurrence et de libre circulation, sans nouveauté majeure. Le traité budgétaire de 2012 durcit les critères de Maastricht fixés en 1992 sur la dette et les déficits, là encore sans innovation centrale.
Pour comprendre ce qui se joue dans les négociations européennes décisives menées entre 1985 et 1995, l’ouvrage de référence reste celui publié en 2007 par Rawi Abdelal (Capital Rules. The Construction of Global Finance, Harvard University Press, 2007, non traduit en français). A partir de dizaines d’entretiens approfondis avec les principaux acteurs politiques et hauts fonctionnaires européens de l’époque, en particulier Jacques Delors et Pascal Lamy, Rawi Abdelal analyse avec finesse les visions de l’avenir et les marges de négociation des uns et des autres.
Pour résumer, le pari des socialistes français est que la création de l’euro et de la Banque centrale européenne (BCE), puissante institution fédérale prenant ses décisions à la majorité des voix, permettra à terme la constitution d’une puissance publique
Thomas Piketty :un modèle social et fiscal insoutenable
Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Ecole d’économie de Paris
La science économique, trop centrée sur ses modèles mathématiques, doit remettre en cause plus systématiquement les inégalités, estime l’économiste dans sa chronique au Monde.
Réjouissons-nous : l’American Economic Association (AEA), principale organisation professionnelle des économistes aux Etats-Unis, vient de décerner la médaille Clark à Gabriel Zucman pour ses travaux sur la concentration des fortunes et l’évasion fiscale. Remise chaque année à un lauréat de moins de 40 ans, la distinction vient notamment récompenser des travaux novateurs démontrant l’importance considérable de l’évasion fiscale des plus riches, y compris dans les pays scandinaves, un peu vite considérés comme des modèles de vertu. Doté d’une immense capacité de travail, d’un rare souci du détail et d’un talent sans pareil pour dénicher des données nouvelles et les faire parler, Gabriel Zucman a aussi révélé l’ampleur insoupçonnée du contournement de l’impôt sur les sociétés par les multinationales de tous les pays.
Aujourd’hui directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité, il consacre une même énergie à trouver des solutions aux maux qu’il documente. Dans l’un de ses premiers rapports, l’Observatoire a ainsi démontré que les Etats membres de l’Union européenne pourraient choisir d’aller plus loin que le taux minimal de 15 % fixé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (trop faible et largement contournable), sans attendre l’unanimité. En imposant à chaque multinationale souhaitant exporter des biens et des services un taux de 25 % sur ses profits – le même que celui qui est payé par les producteurs installés sur le territoire national –, alors la France obtiendrait des recettes supplémentaires de 26 milliards d’euros et inciterait les autres pays à faire de même.
Le fait que l’AEA choisisse de récompenser ces travaux est important, car cela montre que le cœur de la profession commence à prendre conscience du caractère insoutenable du modèle social et fiscal actuel. Ne forçons pas le trait : les économistes ont toujours été moins monolithiques qu’on ne l’imagine parfois, y compris aux Etats-Unis. En 1919, le président de l’AEA, Irving Fisher, choisit de consacrer sa « presidential address » à la question des inégalités. Il explique sans détour à ses collègues que la concentration croissante des richesses est en passe de devenir le principal problème économique de l’Amérique, qui risque, si l’on n’y prend garde, de devenir aussi inégalitaire que la vieille Europe (alors perçue comme oligarchique et contraire à l’esprit étatsunien).
Un rapport de l’OCDE souligne à nouveau le scandale de l’exil fiscal (appelé hypocritement optimisation fiscale). La méthode est simple; Par le jeu des facturations entre filiales, il s’agit d’internaliser les coûts de la multinationale dans les pays à forte fiscalité ; à l’inverse, d’externaliser les profits dans les pays à faible fiscalité.C’est par exemple le cas de Total qui a affiché un bénéfice de 11 milliards sur un trimestre. Pourtant Macron s’est autorisé à déclarer que Total étant une entreprise essentiellement internationale ne fait pas de bénéfices en France.
Mais globalement, selon le rapport de l’OCDE dont rend compte les Echos , en 2018, les pays riches et les pays à revenu moyen avaient une part plus élevée du total des employés (34 % et 38 %) et du total des immobilisations corporelles (37 % et 24 %) que des profits (27 % et 18 %) des multinationales. En revanche, dans les centres financiers d’investissement, en moyenne, ces grandes entreprises déclarent une part relativement plus élevée de leurs bénéfices (29 %) par rapport à leur part d’employés (4 %).
Définis comme des pays où les flux entrants d’investissement direct étranger dépassent 150 % de leur PIB, ces centres d’investissement comprennent les Bahamas, les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, Chypre, Hong Kong, mais aussi l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, Singapour et la Suisse.
Autre fait troublant qui inquiète l’OCDE : dans ces centres d’investissement, le volume d’affaires des multinationales et de leurs filiales représente 35 % de leur chiffre d’affaires total alors que ce pourcentage n’est que d’environ 15 % en moyenne dans les autres pays où elles sont actives. « Bien que ces effets puissent s’expliquer par des considérations commerciales, ils révèlent probablement aussi l’existence de pratiques d’érosion de la base fiscale et du transfert de bénéfices », souligne l’Organisation.
Pour cette dernière, il est vital de mettre en oeuvre la vaste réforme fiscale élaborée sous son égide . Signé par une centaine de pays à l’automne 2021, l’accord reposant sur deux piliers tarde à entrer en vigueur. Le pilier 2, en particulier, qui consiste à instaurer un taux d’imposition minimum effectif de 15 % sur les profits des entreprises de plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires, permettrait que les multinationales paient leur juste part d’impôt là où elles exercent leurs activités et génèrent des bénéfices. Au G20 de Bali, les chefs d’Etat et de gouvernement ont de nouveau promis qu’ils allaient le faire.
Inflation :Une refonte indispensable du système social et fiscal
Il ne peut y avoir de protection du pouvoir d’achat des faibles revenus sans une refonte totale de notre système social et fiscal, estiment les économistes Yann Coatanlem et Antonio de Lecea, dans une tribune au « Monde ».
La question du pouvoir d’achat est, aujourd’hui, en tête des préoccupations des Français et l’accélération de l’inflation, tout comme la volatilité actuelle des prix de l’énergie renforcent le sentiment d’insécurité. Mais il faut prendre garde aux solutions politiques simplistes : les protestations contre la vie chère recoupent en fait des problématiques multiples, qu’il faut traiter individuellement, mais aussi suivant une stratégie d’ensemble cohérente.
Le manque de pouvoir d’achat souffre d’abord d’un trop-plein de « pouvoir de marché » d’entreprises qui profitent d’un cadre concurrentiel devenu inadapté. Le top 10 % des entreprises au rendement le plus élevé ont aujourd’hui un taux de rendement cinq fois plus élevé que le taux médian, alors que ce ratio était plus proche de deux il y a vingt-cinq ans. Les 10 % des entreprises les plus profitables ont vu leurs marges augmenter de 35 % depuis le début des années 2000, alors qu’elles ont stagné pour les autres entreprises, et leur profitabilité s’accroître de 50 % de plus que les autres. Le top 1 % des entreprises les plus exportatrices représentent 67 % de l’ensemble des exportations. Le top 1 % des firmes détentrices de brevets contrôle 91 % du total des brevets. Cette concentration de plus en plus extrême doit pousser les pouvoirs publics à revoir la politique de concurrence pour éviter la constitution de ces véritables impôts privés que sont les distorsions de prix et les rentes de monopoles, ou encore à faire payer aux entreprises les coûts d’environnement et d’infrastructure supportés par les budgets publics.
Par ailleurs, les crises à répétition, qu’elles soient sanitaires, économiques, climatiques ou géopolitiques, ont touché de manière disproportionnée les plus défavorisés. Durant la pandémie de Covid, on a recouru à un arsenal d’aides qui ont certainement atténué l’impact économique de la crise, mais dont le manque de ciblage suffisamment précis a pu, dans certains cas, créer des situations injustes et alourdir les déficits publics. De même, si dans la lutte contre la hausse du prix de l’essence, des aides d’urgence de l’Etat et des régions apparaissent nécessaires, elles contredisent l’impact de la taxe carbone dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Ces risques dérivés de l’action d’urgence seraient considérablement amoindris si l’on disposait d’une approche des crises ex ante, c’est-à-dire des filets de sécurité offrant une garantie raisonnable de ne pas être laissé sur le carreau. Le revenu universel peut jouer ce rôle d’amortisseur, avec l’avantage non négligeable de changer la psychologie des anticipations : avec moins de peur du lendemain, on peut davantage prendre de risques personnels qui contribuent à la prospérité du pays et les citoyens peuvent mieux accepter des choix politiques de long terme.
Bonus malus fiscal écologique de Jadot : piège pour les pauvres et catastrophique pour le budget
Jadot s’explique dans les Échos sur son projet de bonus malus fiscal écologique. Un projet plein de bonnes intentions mais qui en fait risque de défavoriser les plus pauvres qui par nécessité choisissent les produits les moins chers provenant de l’étranger et qui ignorent le plus souvent des contraintes environnementales européennes et françaises (Cas notamment des marchandises qui subiraient l’ajustement fiscal frontières européennes dont la consommation en France serait particulièrement victime compte tenu de son déficit commercial). Un programme qui prévoit de nombreuses dépenses supplémentaires est caractérisé par un très grand flou sur le plan du financement
Vous prônez un bonus-malus écologique sur certains impôts (ISF, IS). Mais comment faire en sorte que ce système ne se transforme pas en usine à gaz ?
Dès que l’on parle d’écologie, on nous ressort l’usine à gaz ! Je ne dis pas que ce sera totalement simple, mais c’était la même chose quand on parlait du nutri-score ou de la performance énergétique des bâtiments. Pourtant sur le sujet des émissions de CO2, les grandes entreprises sont déjà censées pouvoir faire le décompte, preuve que ce n’est pas impossible. De toute façon, c’est un impératif absolu pour éviter un chaos climatique qui déstabiliserait l’économie.
Avec ce bonus-malus, une entreprise de BTP française sera toujours plus taxée qu’une entreprise de services ou même un des Gafa…
Nous serons attentifs aux engagements pris. Prenons l’exemple d’une entreprise du BTP : si celle-ci s’engage sur une trajectoire de baisse rapide de l’utilisation du béton carboné, elle ne sera pas pénalisée. Nous voulons accompagner les transitions.
Est-ce que ce sera suffisant pour convaincre un groupe comme Total par exemple ?
Ce groupe doit sortir du paradigme qui est le sien, et qui dit, au fond, que la dernière goutte de pétrole exploitée rapportera toujours plus qu’un panneau solaire. Mais si Total continue d’explorer et d’exploiter des gisements d’énergie fossile, nous verrouillerons tous les outils de soutien public.
Votre programme ne prévoit pas de hausse de la taxe carbone, sauf si les prix de l’énergie venaient à baisser. Pourquoi se passer de cet outil plébiscité par les économistes ?
Au regard de la hausse des prix de l’énergie, je ne souhaite pas aujourd’hui relancer une trajectoire à la hausse de la fiscalité carbone. La priorité doit aller sur les politiques publiques qui décarbonent. Concernant le signal prix pour le carbone, il doit être donné à travers le système européen de quotas carbone (ETS) qui a été dévoyé à cause des quotas gratuits que nous voulons supprimer. J’ai porté au Parlement européen un mécanisme ambitieux d’ ajustement carbone aux frontièresde l’Europe pour nous protéger du dumping climatique.
Votre programme prévoit de nombreuses nouvelles dépenses, du chèque énergie porté à 400 euros au recrutement de fonctionnaires en passant par le dégel du point d’indice. Quel est le coût du programme Jadot ?
Ces quatre derniers mois, l’Etat a dépensé 15 à 20 milliards d’euros pour réduire les effets de la hausse des prix de l’énergie, beaucoup plus qu’il n’a dépensé durant tout le quinquennat pour la rénovation thermique. Aujourd’hui, on paye très cher la non-anticipation sur les enjeux de la transition énergétique. Nous allons donc réinvestir.
J’assume totalement le grand retour des services publics avec 200.000 embauches de fonctionnaires, dont la moitié à l’hôpital public. Je veux aussi investir dans l’éducation car il n’y a pas de société innovante, épanouie et démocratique sans cela. Au total, je prévois donc 70 milliards d’euros de dépenses nouvelles, auxquelles il faut rajouter le plan d’investissements de 25 milliards d’euros.
Comment financer de telles dépenses ?
Nous avons déjà annoncé plusieurs mesures. L’ISF climatique doit rapporter 15 milliards, auxquels il faut ajouter la suppression de la baisse des impôts de production (10 milliards) . La hausse de la fiscalité sur l’héritage et de l’impôt sur le revenu pour les plus riches doit rapporter 8 milliards, et la fin de la flat tax générera 7 milliards. Enfin, la réorientation des aides aux entreprises en faveur des activités favorables au climat doit nous faire économiser 18 milliards.
Au final, les dépenses pour les services publics et la justice sociale seront payées par une fiscalité plus juste. Là où j’assume l’emprunt, c’est pour mon plan d’investissement de 25 milliards d’euros par an.
La dette n’est pas un problème ?
La dette qu’on ne peut plus accumuler , elle est climatique. Je veux que la question du grand réchauffement, portée par la science, remplace dans le débat public de cette campagne le grand remplacement qui est une théorie nauséabonde.
Le Pacte de stabilité européen est-il caduc à vos yeux ?
Il n’est pas question pour moi que les dépenses d’investissement pour le climat entrent dans les critères budgétaires. Qu’il y ait au niveau européen une nécessité de maîtrise des budgets, je ne le conteste pas. Mais cela ne doit pas se construire sur un objectif chiffré identique pour tout le monde. Quand j’entends le gouvernement actuel nous promettre le retour du déficit sous 3 % à la fin du prochain quinquennat, c’est une folie d’austérité.
Est-ce que vous prévoyez malgré tout des économies pour l’Etat ?
J’ai déjà mentionné les 18 milliards d’aides qui participent au dérèglement climatique – comme la niche fiscale en faveur du kérosène – que nous supprimerons. D’autres économies sont sans doute possibles, par exemple les strates administratives au-dessus de l’hôpital.
Au-delà, il y a aussi des recettes qu’il faut aller chercher. On a sous-investi dans la lutte contre l’évasion fiscale, et je pense que cela peut générer 10 milliards de recettes en plus par an.
Pourquoi privilégier la sortie du nucléaire, alors que c’est la voie la plus coûteuse selon RTE, le régulateur du secteur ?
Permettez-moi de prendre avec beaucoup de recul ces évaluations de RTE sur le prix du nucléaire. L’EPR de Flamanville, c’est 17 milliards de surcoûts par rapport à ce qui était annoncé, pour quelque chose qui n’est pas près de tourner !
Ma priorité reste donc de déployer massivement les énergies renouvelables, comme le font nos voisins, et de réduire progressivement notre parc nucléaire en fonction de ce déploiement. Nous sommes sur la fermeture d’une dizaine de réacteurs d’ici à 2035, c’est dans la loi. Mais ma stratégie n’est pas de fixer le nombre de réacteurs à fermer, elle est de faire des économies d’énergie, de développer les énergies renouvelables et, dès aujourd’hui, de renforcer les compétences dans le nucléaire.
De quelle manière ?
Les arrêts pour maintenance ont fortement augmenté et une grande partie est liée à des carences humaines, pas uniquement au vieillissement des centrales. Il y a aussi potentiellement des problèmes génériques sur les réacteurs les plus récents. Les personnels sont de moins en moins formés, or, à partir du moment où on va mettre vingt, vingt-cinq ans pour sortir du nucléaire, il faut des ingénieurs, des ouvriers, qui restent les meilleurs du monde. Il faudra donc investir.
Je suis responsable, je ne mettrai pas en danger notre économie ni la fourniture d’électricité.
En quoi le rachat complet d’EDF par l’Etat est nécessaire ?
Je veux faire d’EDF le bras armé d’une transition écologique très forte. Renationaliser EDF, c’est se financer à meilleur prix – un EPIC coûte moins cher qu’une société anonyme -, mais c’est également pouvoir conserver les barrages sous contrôle public. Enfin, quand nous fermerons un réacteur nucléaire, cela évitera de verser des centaines de millions à des actionnaires qui n’ont pas payé pour ces réacteurs. C’est ce qui s’est passé à Fessenheim.
Allez-vous maintenir les aides pour l’achat de voitures électriques ou la priorité doit être de réduire le nombre de voitures ?
Nous doublerons les sommes consacrées à l’achat de véhicules électriques, à 1 milliard d’euros. Les études démontrent qu’entre 2025 et 2027, la voiture électrique sera à parité en termes de prix à l’achat avec une voiture thermique. Une rupture sur les coûts est en train d’avoir lieu, nos constructeurs devraient l’anticiper et non pas y résister .
Mais il est vrai qu’il y aura moins de voitures pour les Français. Ce sera une conséquence : quand les transports collectifs sont plus accessibles, le covoiturage développé, les pistes cyclables sécurisées, etc., une famille pourra passer de deux à une voiture par exemple.
Je ne veux pas faire évoluer les gens par la contrainte ou la culpabilisation. Au contraire, c’est en donnant plus de confort, de santé et de pouvoir d’achat qu’on fera évoluer la société. C’est la même chose pour les maisons individuelles : plutôt que d’interdire la construction de nouveaux lotissements, il faut inciter ou aider les bourgs et les villages à se repeupler.
Et vôtre réduction du temps de travail à 4 jours ?
Je maintiens le cap d’une réduction du temps de travail, c’est le sens de l’histoire. En revanche, je ne réitérerai pas la façon dont les 35 heures ont été mises en oeuvre en France. Je veux donc lancer une Convention citoyenne sur les temps de travail.
La solution peut être différente selon les entreprises. Certaines pourront vouloir passer aux 32 heures en quatre jours, y compris pour améliorer leur productivité. On peut imaginer aussi d’autres systèmes, en prévoyant une coupure de six mois après cinq ans de travail, ou un an au bout de dix ans. La mise en place d’une banque du temps peut aussi permettre à une personne de plus de 50 ans de travailler à mi-temps.
L’écologie est la meilleure alliée du pouvoir d’achat
Les coûts associés à la transition environnementale ne font-ils pas peser une menace sur le pouvoir d’achat des Français ?
Absolument pas, l’écologie est la meilleure alliée du pouvoir d’achat. La force de notre projet est qu’il est le seul à s’attaquer aux dépenses contraintes. Les 10 milliards consacrés à la rénovation thermique permettront de diminuer la facture des ménages intéressés de 600 à 700 euros par an.
Autre exemple : le forfait mobilités durables qui devrait prendre en compte le covoiturage gratuit. Quand vous faites 30 km par jour entre votre domicile et votre travail, vous économisez 1.000 euros par an. C’est le « 13e mois écolo », il n’est pas payé, il est économisé.
Il faut ajouter à cela le SMIC à 1.500 euros que je veux imposer d’ici à 2027, les négociations sur les bas salaires ou le revenu citoyen qui éradiquera la grande pauvreté dans ce pays. Le pouvoir d’achat, cela doit se traduire par la maîtrise de nos vies, pas simplement un pouvoir d’acheter.
Eric Trappier, le président de l’UIMM veut un véritable chaque fiscal l’industrie et il veut un éclaircissement de l’horizon économique « Nos entreprises ont besoin d’un plan d’action pour que la transition écologique, devenue centrale, ne soit pas qu’un calendrier politique », déclare Eric Trappier au Journal du dimanche.
L’UIMM veut clarifier ce qui relève de l’assurantiel et ce qui doit à la solidarité nationale : ce second volet n’a pas à être financé par l’entreprise. La puissante branche patronale propose d’alléger les cotisations employeurs de 17 milliards d’euros supplémentaires, en insistant sur les salaires moyens et supérieurs (ceux de l’industrie), sans remettre en question les réductions de cotisations dont bénéficient déjà les bas salaires. La demande de report de l’âge de la retraite de 62 à 65 ans n’étonnera pas, de même que celle d’une nouvelle réduction des impôts de production de 35 milliards d’euros, comme le Medef.
L’autre problème de l’industrie est de trouver les compétences. Ce n’est pas une question de salaire, affirme le patronat mais d’image et d’orientation. « L’éducation doit baliser le chemin vers nos entreprises. Elle doit prendre en compte le fait que le pays a des besoins, et intégrer une dose de culture scientifique et mathématique », insiste Eric Trappier.
Après l’accord fiscal , d’autres accords sont nécessaires au plan mondial dans de nombreux domaines
L’accord de juillet réformant la fiscalité internationale sur les entreprises doit ouvrir la voie à d’autres actions multilatérales sur l’accès aux vaccins, le climat, la sécurité des données ou les normes technologiques, soulignent, dans une tribune au « Monde », Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne, et Paolo Gentiloni, commissaire européen à l’économie.(Extrait)
Tribune.
Au cours des dernières années, le multilatéralisme a été placé sur la défensive. Dans un contexte mondial devenu plus multipolaire que multilatéral, la concurrence entre Etats semble l’emporter désormais sur la coopération. L’accord mondial, conclu récemment pour réformer la fiscalité internationale sur les entreprises, montre cependant que le multilatéralisme n’est pas mort.
On ne peut toutefois pas dire non plus qu’il se porte bien. Si la mondialisation s’est poursuivie pendant la pandémie de Covid-19, bien que de manière plus inégale qu’auparavant et malgré un sentiment d’isolement accru au sein des populations, les interdépendances sont devenues plus conflictuelles que jamais. Même le « soft power », la « puissance douce », est utilisé désormais comme une arme : les vaccins, les données et les normes technologiques deviennent à leur tour des instruments de concurrence politique.
Démocratie menacée
Le monde devient également moins libre. La démocratie elle-même est menacée, dans le contexte d’une bataille de communication pour déterminer quels systèmes politiques et économiques sont les mieux à même de produire des résultats pour leurs citoyens.
L’Union européenne (UE) continue, pour sa part, de croire en un monde prévisible fondé sur un multilatéralisme basé sur des règles, sur des marchés ouverts, sur des échanges à somme positive et sur la justice sociale et la solidarité, et elle continuera d’œuvrer à sa mise en place.
Nous demeurons convaincus que seule une coopération mondiale permettra de relever les principaux défis auxquels nous sommes confrontés actuellement, qu’il s’agisse de combattre les pandémies ou de lutter contre le changement climatique. L’UE continuera par conséquent de jouer un rôle moteur pour relancer le multilatéralisme afin de montrer à nos citoyens les avantages concrets d’un concept qui peut sembler aride et technocratique.
En effet, l’alternative à une telle action multilatérale, à savoir faire cavalier seul, aurait pour effet un accès réduit aux vaccins, une action climatique insuffisante, des crises sécuritaires qui s’aggravent, une régulation inadéquate de la mondialisation ainsi qu’un accroissement des inégalités à l’échelle mondiale. Aucun pays, même le plus grand, ne peut réussir seul. C’est pour toutes ces raisons que l’Italie, à juste titre, a placé le multilatéralisme au premier rang des priorités du programme de sa présidence actuelle du G20.
Cependant, l’UE ne peut pas se contenter de faire valoir ses antécédents en matière de multilatéralisme. L’Europe doit démontrer qu’une action multilatérale peut produire des résultats pour tous si chaque pays s’investit dans cette action. C’est précisément ce que permet le nouvel accord fiscal mondial.
Affaire Tapie et arrangement fiscal : Woerth en examen
L’ex-ministre du Budget a été mis en examen pour un petit arrangement fiscal dans le cadre de l’affaire Tapie
l’ex ministre des finances Éric Woerth mis en examen dans le cadre de l’arbitrage bidon, rendu en 2008 et annulé depuis au civil. Bernard Tapie s’était vu accorder 403 millions d’euros pour solder son litige avec le Crédit lyonnais concernant la vente d’Adidas. Une partie de l’argent a été versée à Groupe Bernard Tapie (GBT), une des holdings de l’ancien président de l’Olympique de Marseille. Pour l’administration fiscale, l’argent versé à GBT devait être taxé au titre de l’impôt sur les sociétés (33,3%), mais le camp Tapie demandait l’application du régime, beaucoup plus favorable, des plus-values (1,67%). Finalement, dans une lettre du 2 avril 2009, le cabinet ministériel d’Éric Woerth avait décidé de taxer deux tiers de l’indemnité à 1,67% et un tiers à 33,3%.
Déjà poursuivi par la justice à plusieurs reprises mais jamais condamné jusqu’ici, Éric Woerth a déjà fait l’objet d’une enquête de la CJR pour la vente controversée de l’hippodrome de Compiègne (Oise) en 2010.
Arts et business–Collection Pinault : Le mélange philanthropique et fiscal !
Le milliardaire François Pinault, en créant une société commerciale pour gérer la Bourse du commerce, son musée parisien inauguré le 22 mai, se livre à un savant mélange des genres entre art, optimisation fiscale et philanthropie, estime, dans une tribune pour « Le Monde », le professeur de sciences de la gestion Jean-Michel Tobelem.
Tribune.
C’est un choix surprenant qu’a effectué la famille Pinault pour la création de la Bourse du commerce-Collection Pinault, exploitée dans le cadre d’un bail emphytéotique signé avec la Ville de Paris, propriétaire du bâtiment, car elle donne l’impression d’être peu au fait des principes qui guident l’action philanthropique dans le monde. Conformément au modèle mis en œuvre à Venise pour le Palais Grassi et la Pointe de la douane, c’est en effet une société commerciale filiale de la holding familiale Financière Pinault qui va gérer ce nouveau lieu d’exposition consacré à l’art contemporain.
Dans le même temps, les représentants de la SAS ne démentent pas systématiquement la dénomination « fondation » employée par certains journalistes ou commentateurs, laissant ainsi planer un doute sur une volonté de la famille Pinault de se draper des oripeaux de la philanthropie tout en s’affranchissant de ses règles.
Un autre choix eût semblé plus en phase avec une action qui s’affiche comme généreuse et désintéressée : celle d’une fondation, qui offre d’ailleurs droit à de substantielles réductions d’impôt (60 % pour les fondations d’entreprise et 66 % pour celles créées par des particuliers). Si celle-ci avait été dotée d’un capital de 800 millions d’euros, un montant compatible avec une fortune familiale évaluée à quelque 30 milliards d’euros, le revenu annuel de la dotation aurait été d’environ 40 millions d’euros.
Cela aurait permis à la fois de faire fonctionner convenablement la Bourse du commerce et en même temps d’offrir à tous la gratuité d’accès à ses espaces, comme cela se pratique fréquemment dans les fondations muséales américaines – qu’il s’agisse par exemple des célèbres musées Getty, Hammer, Broad ou Glenstone – mais aussi en France.
En faisant le choix d’une société commerciale pour gérer une institution culturelle, la famille Pinault ne prend-elle pas le risque de faire naître certaines interrogations ? Premièrement, le choix n’est-il pas notablement fiscal, permettant de consolider les pertes financières attendues de la Bourse du commerce avec les bénéfices de la holding, réduisant ainsi le montant de son impôt ?
Deuxièmement, le choix n’a-t-il pas été encouragé par la faculté de transmettre la collection (dont la valeur est estimée à plus d’un milliard d’euros), hors droits de succession, aux enfants et petits-enfants de M. Pinault ? Troisièmement, le choix de la fondation n’a-t-il pas été écarté du fait de risques de conflits d’intérêts, M. Pinault étant à la fois propriétaire de la maison de vente aux enchères Christie’s, qui possède un fichier international des acheteurs d’art contemporain, prêteur à de nombreuses institutions muséales, collectionneur lui-même et amené à revendre des œuvres dont la valeur s’est accrue par leur présentation publique ?
Arts et Fiscalité–Collection Pinault : Le mélange philanthropique et fiscal !
Le milliardaire François Pinault, en créant une société commerciale pour gérer la Bourse du commerce, son musée parisien inauguré le 22 mai, se livre à un savant mélange des genres entre art, optimisation fiscale et philanthropie, estime, dans une tribune pour « Le Monde », le professeur de sciences de la gestion Jean-Michel Tobelem.
Tribune.
C’est un choix surprenant qu’a effectué la famille Pinault pour la création de la Bourse du commerce-Collection Pinault, exploitée dans le cadre d’un bail emphytéotique signé avec la Ville de Paris, propriétaire du bâtiment, car elle donne l’impression d’être peu au fait des principes qui guident l’action philanthropique dans le monde. Conformément au modèle mis en œuvre à Venise pour le Palais Grassi et la Pointe de la douane, c’est en effet une société commerciale filiale de la holding familiale Financière Pinault qui va gérer ce nouveau lieu d’exposition consacré à l’art contemporain.
Dans le même temps, les représentants de la SAS ne démentent pas systématiquement la dénomination « fondation » employée par certains journalistes ou commentateurs, laissant ainsi planer un doute sur une volonté de la famille Pinault de se draper des oripeaux de la philanthropie tout en s’affranchissant de ses règles.
Un autre choix eût semblé plus en phase avec une action qui s’affiche comme généreuse et désintéressée : celle d’une fondation, qui offre d’ailleurs droit à de substantielles réductions d’impôt (60 % pour les fondations d’entreprise et 66 % pour celles créées par des particuliers). Si celle-ci avait été dotée d’un capital de 800 millions d’euros, un montant compatible avec une fortune familiale évaluée à quelque 30 milliards d’euros, le revenu annuel de la dotation aurait été d’environ 40 millions d’euros.
Cela aurait permis à la fois de faire fonctionner convenablement la Bourse du commerce et en même temps d’offrir à tous la gratuité d’accès à ses espaces, comme cela se pratique fréquemment dans les fondations muséales américaines – qu’il s’agisse par exemple des célèbres musées Getty, Hammer, Broad ou Glenstone – mais aussi en France.
En faisant le choix d’une société commerciale pour gérer une institution culturelle, la famille Pinault ne prend-elle pas le risque de faire naître certaines interrogations ? Premièrement, le choix n’est-il pas notablement fiscal, permettant de consolider les pertes financières attendues de la Bourse du commerce avec les bénéfices de la holding, réduisant ainsi le montant de son impôt ?
Deuxièmement, le choix n’a-t-il pas été encouragé par la faculté de transmettre la collection (dont la valeur est estimée à plus d’un milliard d’euros), hors droits de succession, aux enfants et petits-enfants de M. Pinault ? Troisièmement, le choix de la fondation n’a-t-il pas été écarté du fait de risques de conflits d’intérêts, M. Pinault étant à la fois propriétaire de la maison de vente aux enchères Christie’s, qui possède un fichier international des acheteurs d’art contemporain, prêteur à de nombreuses institutions muséales, collectionneur lui-même et amené à revendre des œuvres dont la valeur s’est accrue par leur présentation publique ?