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Marchés financiers :Intégrer la notion de « crise permanente »

Marchés financiers :Intégrer la notion de « crise permanente »

 

Par David Bourghelle, Université de Lille; Fredj Jawadi, Université de Lille; Pascal Grandin, Université de Lille et Philippe Rozin, Université de Lille.

 

 

D’une certaine manière les crises se succèdent aux crises et les marchés traduisent les différentes évolutions et ruptures.

Plus les investisseurs intègrent la notion de « crise permanente », moins ils ont tendance à paniquer et plus ils actent et renforcent les dynamiques de marché. On en veut pour preuve l’examen du VIX, indice de volatilité du S&P500 aussi appelé « indice de la peur ».

En effet, lors de la première vague du Covid-19, le VIX a augmenté de plus de 45 %, révélant un état de nervosité et de panique des investisseurs à même d’expliquer en partie la brutalité de la chute des marchés en mars 2020. Néanmoins, au fur et à mesure que la pandémie semblait s’installer dans la durée et que les investisseurs commençaient à s’y familiariser (port du masque, télétravail, distanciation sociale, etc.), les variations du VIX, et donc du niveau de peur, se sont atténuées. Les investisseurs ont ensuite repris confiance avec comme conséquence et le retour des investissements sur le marché.

 

Si le VIX n’est pas reparti à la hausse ces derniers mois, il n’en demeure pas moins qu’il existe désormais une forme d’inquiétude sur les marchés qui expliquent les récentes corrections. En effet, la période post-Covid-19 a marqué le retour de l’inflation aux États-Unis et en Europe, incitant les banques centrales à réduire leurs programmes d’achat des actifs financiers et à augmenter leurs taux.

Ce virage opéré par la Réserve fédérale américaine (Fed) comme, peu après, par la Banque centrale européenne (BCE), ainsi que l’assouplissement progressif des mesures économiques de soutien de la crise Covid-19 ne semblent pas rassurer les investisseurs. Ces derniers craignent désormais une baisse de la liquidité et une augmentation du coût des crédits.

Des facteurs extrafinanciers, dont en premier lieu la guerre en Ukraine déclenchée par l’invasion russe du 24 février dernier, et le choc sans précédent sur le marché des matières premières, pèsent en outre sur le cours des marchés.

Cependant, ceux-ci ne se sont pas effondrés. Depuis cette date funeste, l’évolution des grands indices se caractérise davantage par des hausses et et des baisses successives très importantes. Même si la volatilité ne bat pas les records de début 2020, elle atteint à nouveau des niveaux significatifs.

Par exemple, sur le front des valeurs technologiques, le Nasdaq a connu une baisse remarquable en juin, et des fintechs comme PayPal ou Square ont été fortement affectées par les corrections dans ces secteurs (les investissements des Américains sur des valeurs à la mode pendant la période du confinement laissaient sans doute augurer des phénomènes de réajustements assez violents).

 

Plusieurs analyses concourent pour expliquer l’imprévisibilité de ces dynamiques boursières :

D’abord, les arbitrages des investisseurs eux-mêmes. Ces derniers, considérant parfois injustifiée les baisses significatives de certaines valeurs, se ruent sur les actions dont ils estiment la valorisation sous-estimée, ce qui provoque des ruées importantes sur certains titres. Pourtant, dans ce cas, les mouvements de hausses n’ont souvent rien de durables ; il s’agit en général d’ajustements temporaires.

Deuxième explication, plus monétaire : plusieurs acteurs du marché semblent indiquer que le « pic de la Fed » aurait été atteint, ce qui signifie que la banque centrale américaine ne pourrait pas se risquer à une remontée plus brutale de ses taux. La perspective de cette modération pourrait avoir un effet incitatif sur les investisseurs.

Une troisième explication, plus structurelle, tient aux cycles économiques et au marché lui-même. Aux États-Unis, il y a un fort lien de dépendance entre les marchés boursiers et le niveau d’activité à court terme. En période d’expansion, les actions des valeurs américaines ont tendance à se valoriser, alors qu’après le retournement du cycle, des ajustements importants sont souvent constatés. Le recul surprise du PIB de 1,4 % en rythme annuel au premier semestre aux Étas-Unis a donc de quoi inquiéter les marchés.

Il apparaît clair désormais que l’inflation (voire la possible stagflation) et la politique des banques centrales ont pris le pas sur l’incertitude liée au Covid-19. Les anticipations des grandes institutions sont, semaine après semaine, toujours plus sombres ce qui pourrait inciter nombre d’investisseurs à se reporter sur des actifs potentiellement plus sûrs. Ce sont désormais ces facteurs qui, semble-t-il, préoccupent aujourd’hui vraiment les investisseurs.

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Par David Bourghelle, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de Lille ; Fredj Jawadi, Professeur des Universités en finance et en économétrie, Laboratoire LUMEN, Université de Lille ; Pascal Grandin, Professeur, Université de Lille et Philippe Rozin, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de Lille.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Marchés financiers : vers un cycle baissier ou un krach

Marchés financiers : vers un cycle baissier ou un krach

 

Un très gros coup de mou lundi sur les marchés financiers qui confirme non seulement la tendance baissière depuis des semaines mais qui fait émerger l’hypothèse d’un krach au cours de l’été avec l’écroulement de la croissance et l’envolée de l’inflation. Finalement rien de surprenant, en effet on est passé brutalement de taux de croissance très élevée provenant essentiellement de la période post sanitaire a maintenant un risque de croissance zéro et même de récession.

L’année en cours sera encore positive du faite notamment des effets mécaniques des hausses d’activités en 2021. Par contre 2023 risque d’être catastrophique pour plusieurs raisons. Le risque de famine qui fait monter les prix et encourage l’inflation des matières premières industrielles ou non. La situation géopolitique particulièrement dangereuse et qui pèse aussi sur l’activité. Enfin un phénomène plus ancien de hausse qui a nourri en premier l’inflation. Le pire c’est effectivement cette perspective maintenant de stagflation voire de récession. Du coup, les marchés financiers plongent anticipent cette sombre perspective de 2023. Certains prévoient même un Krach au cours de l’été. À tout le moins les marchés s’inscrivent dans un cycle baissier.Cela d’autant plus que les Banques centrales sont maintenant engagées dans un resserrement monétaire se caractérisant notamment par le relèvement des taux d’intérêt.

La banque centrale américaine (Fed)  vient de décider dune  hausse de 75 points de base des taux directeurs, au lieu des 50 points de base initialement prévus, ce qui commence à inquiéter  les marchés. Un « pas » de plus dans la hausse des taux inégalée depuis 1994. Désormais, les marchés intègrent une hausse de 175 points de base des taux d’ici la fin septembre, sans compter les deux hausses de 50 points de base déjà réalisées.

La Banque centrale européenne préfère de son côté la politique des « petits pas » – 25 points de base prévus en juillet et 50 points de base anticipés en septembre – mais les anticipations misent sur une troisième hausse de 50 points de base en octobre.

Peu de secteurs échappent à la correction en cours. Même les banques, qui profitent pourtant mécaniquement de la hausse des taux, dévissent sur des anticipations de dégradation de la conjoncture économique génératrice de faillites et de provisions dans les bilans bancaires. Pourtant, la BCE estime que la zone euro devrait échapper à une récession cette année. Mais pour l’année 2023 rien n’est écrit en dépit des déclarations du ministre des finances de la France qui déclare que le pic d’inflation a été atteint.

Spéculateurs et analystes financiers : Deux spécialités qui s’opposent

Spéculateurs et analystes financiers : Deux spécialités qui s’opposent

Les diagnostics des financiers qui parient sur la chute des cours de titres et de ceux rattachés à une entreprise ou une banque peuvent différer en raison d’objectifs de communication opposés. Par Hervé Stolowy, HEC Paris Business School et Luc Paugam, HEC Paris Business School

En juin 2020, en dépit de sa réussite apparente, la fintech allemande Wirecard a connu une chute spectaculaire en admettant que 1,9 milliard d’euros mentionnés dans son bilan étaient fictifs et que sa dette s’élevait à 3,5 milliards d’euros.

Pourtant, ce n’était pas une surprise pour tous les observateurs attentifs. D’après des journalistes et des vendeurs à découvert, cela faisait des années que les signaux étaient au rouge. Le Financial Times a publié plusieurs rapports sur les pratiques financières suspectes de la société et des vendeurs à découvert qui cèdent des titres qu’ils ne possèdent pas en pariant sur une baisse future du titre pour réaliser une plus-value, tels que Zatarra Research, avaient également fait part d’une profonde préoccupation.

En revanche, la plupart des analystes sell-side (c’est-à-dire qui travaillent pour le compte d’une institution financière ou en compte propre) avaient une opinion positive de Wirecard jusqu’à peu avant son effondrement. Les autorités financières allemandes elles-mêmes ont d’abord ouvert une enquête criminelle à l’encontre des journalistes et des vendeurs à découvert plutôt qu’à l’encontre des dirigeants de Wirecard. Plusieurs mois après la révélation des malversations comptables, Commerzbank a licencié son analyste Wirecard, qui avait été, selon les rapports, « l’un des plus fervents défenseurs de Wirecard » jusqu’à la fin.

Cette affaire illustre de manière saisissante l’écart de points de vue entre les vendeurs à découvert activistes (c’est-à-dire qu’ils cherchent à influencer la gouvernance d’une entreprise cible) et les analystes financiers, dans un secteur où l’autorité narrative peut influer sur le cours des actions et le sort des entreprises. Au moment où le scandale a éclaté, l’action de Wirecard a ainsi plongé de 100 euros à moins de 2 euros en une semaine.

Notre dernier article de recherche (co-écrit avec Yves Gendron et à paraître dans la revue Accounting, Organizations and Society) s’inscrit dans le prolongement de nos travaux antérieurs sur la fraude comptable et les lanceurs d’alerte. Les vendeurs à découvert activistes, qui exposent publiquement leurs recherches, pointent du doigt les irrégularités de certaines entreprises et dénoncent par la même occasion les rapports généralement positifs des analystes financiers. Ils tirent leur profit de la perte de valeur des actions d’une entreprise.

Les analystes financiers, quant à eux, travaillent généralement pour des banques d’investissement, dont les revenus proviennent de la souscription d’émissions de nouvelles actions. Il leur semble donc souvent nécessaire d’entretenir de bonnes relations avec les entreprises qu’ils suivent, et ils ont donc un intérêt à produire des rapports de recherche optimistes sur leurs actions.

Dans le monde volatile de la finance, où les informations abondent et où l’incertitude règne à propos de l’avenir, l’autorité narrative joue un rôle important pour orienter les investissements. Traditionnellement, les analystes sell-side sont qualifiés d’experts.

Les recherches précédentes dans ce domaine se sont concentrées uniquement sur les analystes financiers, et peu sur le rôle du storytelling sur les marchés financiers. Nous nous sommes intéressés à la rivalité entre ces deux fonctions pour obtenir l’autorité narrative.

Dans leurs rapports, les vendeurs à découvert activistes reprochent aux analystes leur manque d’expertise technique et d’esprit critique (manque de scepticisme à l’égard des entreprises qu’ils couvrent) et mettent en avant leur conflit d’intérêts.

Dans un rapport, un vendeur à découvert écrivait ainsi sur un ton sarcastique :

« Oups… On en oublierait presque que, pour réussir en tant qu’analyste sell-side, il faut commencer par dissimuler toutes les données susceptibles de présenter vos récentes introductions en bourse sous un jour négatif. »

Malgré ces critiques, il est étonnant de constater que les analystes ne réagissent pas ou peu aux attaques. Environ un tiers seulement répond aux accusations, généralement sous la forme d’une réponse écrite formelle dans le cadre d’un rapport de recherche. Ceux qui y répondent renvoient la pareille et accusent les vendeurs à découvert de manquer d’objectivité et de connaissance du marché, et d’agir dans leur seul intérêt, à savoir faire baisser le cours des actions.

Nous avons voulu découvrir les coulisses de cette confrontation. C’est pourquoi, en plus de consulter les rapports de vendeurs à découvert et d’analystes financiers, nous avons réalisé des entretiens avec des représentants des deux camps pour essayer de comprendre pourquoi les analystes ne répliquent pas plus souvent. Nous avons découvert plusieurs raisons à cela.

S’il leur est arrivé d’admettre que les vendeurs à découvert avaient raison sur certains dysfonctionnements au sein des entreprises, les analystes se devaient de garder un bon contact avec elles sous peine de contrarier leur propre direction, ils étaient limités par des contraintes juridiques et craignaient pour leur réputation s’ils défendaient leur point de vue mais qu’il était finalement prouvé qu’ils avaient tort.

Un analyste nous l’a expliqué en ces mots :

« À partir du moment où l’on réagit, on reconnaît l’existence de quelque chose, et cela contribue à ce que l’on en parle encore plus. »

Face à une menace pour leur réputation, de nombreux analystes préfèrent donc éviter toute réaction publique susceptible de donner davantage de visibilité à leur autorité narrative fragile. À l’inverse, ils optent plutôt pour une approche indirecte, en contactant en privé certains acteurs du marché : analystes buy-side (qui travaillent pour un courtier ou un fonds de pension) ou gestionnaires de portefeuille. Souvent, ils ne modifient pas vraiment leurs recommandations en faveur d’une entreprise, même lorsqu’ils sont confrontés aux critiques des vendeurs à découvert, mais ils baissent leurs objectifs de cours, ce qui est moins visible que de revoir complètement leurs recommandations.

Malgré leur apparent antagonisme, nous avons pu observer un respect mutuel entre les deux parties lors des entretiens. Les analystes ont admis que les critiques des vendeurs à découvert étaient souvent pertinentes, tandis que les vendeurs à découvert ont concédé que les analystes financiers se trouvent dans une position délicate, car ils sont souvent dans l’incapacité d’exprimer leur véritable opinion ou n’ont pas accès aux informations utiles.

Nous considérons à présent que nos recherches doivent être approfondies, pour étudier l’influence mutuelle qu’exercent ces deux groupes, et ce que cette influence nous apprend sur la puissance de l’autorité narrative sur les marchés financiers.

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Par Hervé Stolowy, Professeur, Comptabilité et Contrôle de Gestion, HEC Paris Business School et Luc Paugam, Professeur Associé, Comptabilité et Contrôle de Gestion, HEC Paris Business School.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Marchés financiers: un krach cet été ?

Marchés financiers: un krach cet été ?

 

Grâce en particulier à la  générosité monétaire des banques centrales, les marchés financiers se sont gavés de liquidités ce qui a permis de gonfler la rentabilité des actions tout autant que les profits des entreprises. Aujourd’hui la politique accommodante des banques centrales se réduit sérieusement. D’une part on se dirige vers un assèchement des rachats d’actifs d’autre part progressivement toutes les banques centrales doivent se résoudre à une remontée des taux d’intérêt. Conclusion on risque d’assister un basculement déplacement d’actions vers des obligations notamment. En outre, la dégradation de la situation en Ukraine fait craindre une aggravation économique et financière

. Il faut bien comprendre que nous assistons à un véritable basculement puisque  en France par exemple on a connu l’an dernier une croissance exceptionnelle de 7 % mais avec des taux zéro. À peu près l’inverse aujourd’hui avec une croissance insignifiante tandis que l’inflation atteint tour de 6 % en France et encore davantage en Europe.

 Les craintes d’une récession n’ont jamais été aussi élevées que depuis 2008, selon Bank of America.

Dès lors, les scénarios les plus noirs commencent à fleurir aux Etats-Unis. Scott Minerd, responsable des investissements chez Guggenheim, prévient sur la chaîne américaine CNBC que le Nasdaq pourrait plonger de 75 % par rapport à son sommet de l’automne 2021 et que le S&P 500 pourrait déraper de 45 %, toujours par rapport à son sommet. Eric Galiègue n’est guère plus optimiste : « la baisse des marchés commencée le 24 février pourrait nous amener vers les 5.700/5.800 points sur le CAC 40, avec certes des rebonds techniques, mais plus probablement vers les 4.400 points au début de l’année 2023 ».

 Contrairement aux propos rassurants des autorités monétaires et bancaires, l’avenir  bousculé par nombre de facteurs explicatifs économiques et géopolitiques ne s’annonce guère réjouissant non seulement en 2022 mais aussi en 2023. Ce n’est pas par hasard si les actionnaires en tirent déjà des conséquences. Ainsi la Bourse de New York a clôturé en très nette baisse mercredi  .

Cette dégringolade s’explique notamment par la chute du groupe de distribution Target, dont les résultats ont été plombés par la flambée inflationniste outre-Atlantique. Le groupe a vu son bénéfice trimestriel amputé de moitié. Son PDG a estimé que les ventes allaient baisser en 2023. Parallèlement, les frais d’acheminement des marchandises via le fret ont boudi d’un milliard de dollars pour le groupe.

L’autre grande chaîne de distribution américaine, Walmart, plus axée sur les ménages populaires, avait aussi fait part de résultats décevants. Des chiffres qui montrent que la consommation des ménages américains commence à être fortement impactée par la hausse des prix.

Par ailleurs, les distributeurs ne sont pas toujours en mesure de répercuter les hausses de prix entraînés par l’engorgement des chaînes d’approvisionnement et par la hausse des coûts de main-d’oeuvre.

Le Dow Jones et le S & P 500, plus représentatif du marché américain, sont au plus bas depuis mars 2021. Mais les grands noms de la tech, déjà bousculés depuis plusieurs semaines en Bourse, n’ont pas fait exception lors de cette séance. Amazon a plongé de -7,16 %, Apple de 5,64 % et Netflix de 7,02 %. Le Nasdaq est ainsi revenu à son niveau de 2020.

Ces tensions, déjà apparues ces derniers jours, avant d’atteindre le pic de la séance de ce mercredi, montrent à quel point les menaces sur le ralentissement de la croissance américaine inquiètent les investisseurs dont certains n’excluent plus un crash au cours  de l’été.

Marchés financiers: crainte de krach

 Marchés financiers: crainte de krach

 

Grâce en particulier à la  générosité monétaire des banques centrales, les marchés financiers se sont gavés de liquidités ce qui a permis de gonfler la rentabilité des actions tout autant que les profits des entreprises. Aujourd’hui la politique accommodante des banques centrales se réduit sérieusement. D’une part on se dirige vers un assèchement des rachats d’actifs d’autre part progressivement toutes les banques centrales doivent se résoudre à une remontée des taux d’intérêt. Conclusion on risque d’assister un basculement déplacement d’actions vers des obligations notamment. En outre, la dégradation de la situation en Ukraine fait craindre une aggravation économique et financière

. Il faut bien comprendre que nous assistons à un véritable basculement puisque  en France par exemple on a connu l’an dernier une croissance exceptionnelle de 7 % mais avec des taux zéro. À peu près l’inverse aujourd’hui avec une croissance insignifiante tandis que l’inflation atteint tour de 6 % en France et encore davantage en Europe.

 Les craintes d’une récession n’ont jamais été aussi élevées que depuis 2008, selon Bank of America.

Dès lors, les scénarios les plus noirs commencent à fleurir aux Etats-Unis. Scott Minerd, responsable des investissements chez Guggenheim, prévient sur la chaîne américaine CNBC que le Nasdaq pourrait plonger de 75 % par rapport à son sommet de l’automne 2021 et que le S&P 500 pourrait déraper de 45 %, toujours par rapport à son sommet. Eric Galiègue n’est guère plus optimiste : « la baisse des marchés commencée le 24 février pourrait nous amener vers les 5.700/5.800 points sur le CAC 40, avec certes des rebonds techniques, mais plus probablement vers les 4.400 points au début de l’année 2023 ».

 Contrairement aux propos rassurants des autorités monétaires et bancaires, l’avenir  bousculé par nombre de facteurs explicatifs économiques et géopolitiques ne s’annonce guère réjouissant non seulement en 2022 mais aussi en 2023. Ce n’est pas par hasard si les actionnaires en tirent déjà des conséquences. Ainsi la Bourse de New York a clôturé en très nette baisse mercredi  .

Cette dégringolade s’explique notamment par la chute du groupe de distribution Target, dont les résultats ont été plombés par la flambée inflationniste outre-Atlantique. Le groupe a vu son bénéfice trimestriel amputé de moitié. Son PDG a estimé que les ventes allaient baisser en 2023. Parallèlement, les frais d’acheminement des marchandises via le fret ont boudi d’un milliard de dollars pour le groupe.

L’autre grande chaîne de distribution américaine, Walmart, plus axée sur les ménages populaires, avait aussi fait part de résultats décevants. Des chiffres qui montrent que la consommation des ménages américains commence à être fortement impactée par la hausse des prix.

Par ailleurs, les distributeurs ne sont pas toujours en mesure de répercuter les hausses de prix entraînés par l’engorgement des chaînes d’approvisionnement et par la hausse des coûts de main-d’oeuvre.

Le Dow Jones et le S & P 500, plus représentatif du marché américain, sont au plus bas depuis mars 2021. Mais les grands noms de la tech, déjà bousculés depuis plusieurs semaines en Bourse, n’ont pas fait exception lors de cette séance. Amazon a plongé de -7,16 %, Apple de 5,64 % et Netflix de 7,02 %. Le Nasdaq est ainsi revenu à son niveau de 2020.

Ces tensions, déjà apparues ces derniers jours, avant d’atteindre le pic de la séance de ce mercredi, montrent à quel point les menaces sur le ralentissement de la croissance américaine inquiètent les investisseurs dont certains n’excluent plus un crash au cours  de l’été.

Duel Macron -Le Pen : Macon a gagné pour les médias détenus par les financiers

 

 

 

 

La quasi-totalité des médias étant détenues par des financiers, le résultat du duel Macron Le Pen était connu d’avance : une victoire de l’actuel président de la république. Normal, ce sont ces mêmes financiers qui ont porté Macron pouvoir et qui continue de le soutenir.

Exemple de la tonalité de l’analyse de ces journalistes, celui du très libéral journal « l’Opinion « :

 

« ….. Emmanuel Macron a gagné ce débat. Le président-candidat a abordé la confrontation en challenger, multipliant les attaques. La députée du Pas-de-Calais a été sur la défensive, ne voulant visiblement pas commettre la moindre faute, voulant afficher avant tout une certaine présidentialité. Sur les retraites ou le pouvoir d’achat, deux sujets qui sont au coeur de sa campagne contre le chef de l’Etat, elle n’a pas marqué le point. C’est donc son adversaire, visiblement très préparé, donnant parfois un peu trop le sentiment de savoir qu’il dominait sa concurrente, qui l’a pris. Si à la fin du débat, sur le nucléaire, la sécurité ou l’immigration, Marine Le Pen s’est montrée plus efficace, cela n’aura pas suffi.« 

Autre exemple de commentaire, celui du Figaro ( propriété de Dassault)

« Ce mercredi soir, le débat d’entre-deux-tours entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen a rapidement tourné à l’avantage du président-candidat, son adversaire RN restant trop spectatrice. Silencieuse durant les deux premiers tiers de l’émission, comme paralysée par le traumatisme de sa prestation d’il y a cinq ans, cette dernière s’est finalement désinhibée en évoquant les questions liées au régalien et aux institutions. Match retour du face-à-face de 2017, la confrontation entre les deux finalistes de l’élection présidentielle de 2022 a donc été de meilleure tenue sur la forme, mais n’a cependant pas manqué de virer à l’affrontement par moments »

 

Très peu notent cependant que ce débat n’était pas à la hauteur puisqu’il a davantage ressemblé à une discussion d’épicier qu’à une confrontation de candidats à la présidence de la république. Pour ne pas froisser des Français on a évité de procéder à une analyse approfondie des forces et des faiblesses du pays, de définir les grands enjeux mis en perspective et de proposer une vision prospective qui dépasse la durée du mandat présidentiel.

La vraie conclusion sans doute qui sera vérifié dans les sondages c’est que ce débat n’aura pas changé grand-chose. D’ailleurs d’une façon générale 70 % des Français n’attendent pas de l’élection de changement fondamental. Et pour cause la plupart des promesses ne seront pas tenus soit pour des motifs politiques, soit par insuffisance de financement.

Médias: Bolloré et les financiers menacent la démocratie

 Médias: Bolloré et les financiers menacent  la démocratie

La concentration des médias aujourd’hui à l’œuvre en France menace le pluralisme constitutif de la démocratie. Elle réactive des enjeux soulevés dès la IIIᵉ République. Par Nicolas Kaciaf, Sciences Po Lille

 

 

Depuis le 24 novembre 2021, le Sénat dispose d’une commission d’enquête sur la concentration des médias. D’après les mots de son président, le sénateur centriste Laurent Lafon, celle-ci ne vise pas à « dénoncer le comportement ou la stratégie de tel ou tel acteur » mais à « comprendre le nouveau paysage qui se dessine ».

Son objet est avant tout d’« interroger la pertinence » d’une législation établie en 1986 (loi relative à la liberté de communication, dite loi Léotard) et dont le volet « anti-concentration » (défini dans son article 39) n’a été que partiellement modifié, malgré les profondes transformations de l’écosystème médiatique.

Les travaux de cette commission ont pu bénéficier d’une certaine exposition médiatique, en raison de l’audition des principaux propriétaires de groupes médiatiques, et notamment celle de Vincent Bolloré le 16 janvier.

Principal actionnaire du groupe Vivendi, il étend son empire médiatique depuis le lancement de la chaîne Direct 8 en 2005.

L’industriel suscite de légitimes inquiétudes quant à cette mainmise croissante sur l’information, au regard de la « droitisation » des orientations éditoriales, de la mise au pas des rédactions et de la multiplication des procédures visant à faire taire les investigations journalistiques à son encontre.

Plus que les autres démocraties libérales, la France connaît une situation paradoxale. D’un côté, le numérique a rendu possible une démultiplication sans précédent de l’offre de médias et de contenus, au point d’engendrer une situation d’« hyperconcurrence » pour l’attention des publics et leur monétisation.

De l’autre, le capital des principaux médias privés d’information, écrits comme audiovisuels, nationaux comme locaux, est concentré entre les mains d’une trentaine d’actionnaires dont certains figurent parmi les principales fortunes du pays (Bernard Arnault, Patrick Drahi, Xavier Niel, François Pinault, Daniel Kretinski, Martin Bouygues, famille Dassault, etc.).

Ainsi, tandis que la soixantaine de quotidiens régionaux appartiennent à six principaux groupes (Sipa Ouest-France, EBRA, Rossel, Centre France, Sud-Ouest et La Dépêche), les dix-neuf chaînes privées de la télévision numérique terrestre sont la propriété d’à peine six acteurs (Altice, TF1, M6, Canal+, NRJ Group, Amaury) qui ne seront plus que cinq en raison de la fusion programmée entre les groupes TF1 et M6.

À ce panorama succinct, il faut ajouter les processus de concentration entrepris à l’échelle mondiale sur les autres branches du nouvel écosystème médiatique. Qu’il s’agisse des fournisseurs d’accès à Internet (Orange, Free, SFR…), des « infomédiaires » (Google, Facebook, Twitter…) ou des plates-formes de streaming (Netflix, Amazon, Disney+), chaque couche de ce vaste secteur est dominée par des entreprises en situation de monopole ou d’oligopole qui accaparent l’essentiel des revenus issus des usagers eux-mêmes ou des annonceurs.

Pour justifier la fusion entre les groupes TF1 et M6 ou le rachat par Vivendi du pôle « médias » du groupe Lagardère (Europe 1, Paris-MatchLe Journal du dimanche), les dirigeants des entreprises médiatiques mobilisent un argumentaire récurrent depuis quatre décennies : la France doit disposer de « champions » nationaux pour faire face à la concurrence « déloyale » des firmes étrangères, garantir la qualité de l’information (face aux fake news qui circuleraient par le biais des réseaux socionumériques états-uniens) et préserver l’« exception culturelle » hexagonale (à travers notamment les règles de financement du cinéma français).

Cet argumentaire n’explique cependant pas cette singularité du capitalisme médiatique français : impliquer des investisseurs issus d’autres branches industrielles et financières (logistique, luxe, banque, armement, BTP, télécommunication, etc.), et pour qui les activités médiatiques ne constituent pas l’essentiel de leurs chiffres d’affaires.

Pourquoi s’engagent-ils alors dans un secteur économiquement fragilisé face à la dispersion des audiences et la reconfiguration profonde de l’environnement technologique et des usages ?

Si l’on excepte les récents travaux de Julie Sedel qui a entrepris une précieuse sociologie des patrons de médias, la recherche universitaire manque de données de première main pour restituer finement les motivations à l’origine de ces rachats.

Différents indices montrent cependant à quel point l’accaparement des entreprises médiatiques ne relève pas seulement de logiques marchandes.

Elle participe aussi d’une ambition de peser (au moins indirectement) sur les débats publics et de servir les intérêts des autres branches de leurs groupes respectifs. Comment ? En s’érigeant en interlocuteurs privilégiés d’acteurs politiques dont les carrières sont partiellement conditionnées par leur visibilité médiatique.

Parmi les exemples les plus notoires, on se souvient des liens nourris que Nicolas Sarkozy pouvait entretenir avec Arnaud Lagardère, qu’il désignait comme « son frère », ou avec Martin Bouygues, témoin de son mariage et parrain de son fils.

Bien que ces derniers aient toujours revendiqué l’absence de pression sur les orientations éditoriales de leurs médias respectifs, la sociologie du journalisme a pu montrer qu’il n’est nul besoin qu’un propriétaire intervienne directement sur les contenus pour que les rédactions en chef évacuent toute information susceptible de déplaire à leurs actionnaires.

Cette concentration des principaux médias privés dans les mains d’une oligarchie industrielle et financière est cependant loin d’être une problématique nouvelle. Sous la IIIe République déjà, l’accaparement de nombreux journaux par les « puissances d’argent » a constitué un enjeu majeur des affrontements politiques.

Si la loi sur la liberté de presse de 1881 a permis la libre expression des opinions par voie de presse, les législateurs n’ont pas interrogé les conditions économiques susceptibles de garantir l’effectivité du pluralisme médiatique.

Strictement régi par le jeu de l’offre et de la demande, le marché des journaux est alors entré dans une dynamique de massification de l’audience globale de la presse, favorisant les titres « populaires » et bon marché, détenus par les milieux d’affaires.

Au tournant du siècle, quatre quotidiens parisiens (Le Petit JournalLe Petit ParisienLe MatinLe Journal) dominent outrageusement la diffusion, cependant que l’agence Havas dispose d’un quasi-monopole sur les activités de courtage publicitaire et les Messageries Hachette contrôle une large part des réseaux de distribution.

Au cours de l’entre-deux-guerres, différents projets de régulation du marché de la presse voient le jour, face à la multiplication des scandales mettant en cause les relations entre la presse et « l’argent ». Le rachat du Figaro en 1922 par l’industriel du parfum acquis aux idées mussoliniennes, François Coty, puis celui du Temps en 1929 par François de Wendel, président du Comité des Forges, accréditent l’image d’une presse mise au service des intérêts patronaux.

C’est dans ce contexte, ici grossièrement résumé, que les pouvoirs publics ont octroyé aux journalistes professionnels un statut reconnaissant l’importance de leur rôle dans les régimes démocratiques. En créant les principes de « clause de conscience » et de « clause de cession » pour amoindrir la dépendance des journalistes vis-à-vis des velléités propagandaires des patrons de presse, la loi Brachard de 1935 visait à renforcer la crédibilité des journaux.

Selon les mots du rapport accompagnant la loi, leur contenu ne devrait ainsi être confié qu’aux « mains expérimentés des professionnels », soumis à une déontologie propre et désormais identifiables par leur carte de presse.

La Seconde Guerre Mondiale a contribué à accélérer ce processus de transformations d’un secteur dont les titres les plus commerciaux s’étaient compromis avec l’occupant.

Prenant appui notamment sur la « Déclaration des droits et des devoirs de la presse libre » élaborée dans la clandestinité et posant le principe que « la presse n’est pas un instrument de profit commercial », différentes ordonnances édictées à la Libération visaient à réformer les règles relatives à la propriété des journaux, à lutter contre la concentration et à octroyer un rôle inédit à l’État pour encadrer et réguler une activité désormais définie comme « service public » ou, du moins, au service du public.

Au-delà du monopole d’État sur l’audiovisuel, l’ordonnance du 26 août 1944 exigeait notamment la transparence dans le capital du journal, l’interdiction pour un même actionnaire de posséder plus d’un quotidien ainsi que l’impossibilité, pour le directeur d’un journal, d’exercer une fonction industrielle ou commerciale fournissant l’essentiel de ses revenus.

Face aux difficultés financières rencontrées par ce que l’historien Patrick Eveno a qualifié de « presse sans capitaux » (de 33 quotidiens nationaux publiés en 1946, il n’en restait plus que 13 en 1954), ce cadre légal a été progressivement assoupli, voire ouvertement contourné, à l’image du puissant groupe constitué par Robert Hersant à partir de 1950.

Mais c’est au cours des années 1980 que l’ouverture du capital des médias aux « capitaines d’industrie » s’accélère, à travers la constitution de groupes pluri-médias. Enclenchée en 1982, la libéralisation de l’audiovisuel s’est accompagnée d’un dispositif légal fixant des « seuils anti-concentration » (loi Léotard de 1986) et de la création d’une autorité administrative indépendante chargée d’attribuer les fréquences nouvellement créées aux entrepreneurs privées, de définir leur cahier des charges et de veiller au respect du cadre légal (le Conseil supérieur de l’audiovisuel devenu ARCOM en janvier 2022).

Cependant, comme l’a récemment rappelé Laurent Mauduit, cette dynamique d’attribution des fréquences radiophoniques et surtout télévisuelles a été marquée par d’intenses arrangements entre acteurs politiques et dirigeants de groupes privés, ainsi que par la passivité des responsables successifs du CSA face aux manquements répétés de certaines chaînes privées vis-à-vis de leurs obligations légales.

Si l’on excepte les quelques médias qui appartiennent à leurs journalistes ou ceux dont la gouvernance garantit l’autonomie de la rédaction (MediapartLe Canard enchaînéLe Monde, etc.), les entreprises médiatiques françaises, et en particulier les groupes audiovisuels, restent dominées par des acteurs positionnés au sommet de la hiérarchie sociale et qui ont un intérêt direct à peser sur les orientations politiques et économiques du pays.

De récentes crises sociales (« gilets jaunes »), sanitaires (Covid) et internationales (guerre en Ukraine) ont pourtant rappelé à quel point les affrontements politiques s’accompagnent toujours de batailles informationnelles qui mettent en tension les exigences de pluralisme des opinions et de respect de la véracité des faits.

Face à la polarisation exacerbée du débat public, les régimes démocratiques doivent ainsi, plus que jamais, disposer de rédactions autonomes vis-à-vis des forces en présence et notamment des plus puissantes d’entre elles, sur un plan financier et communicationnel.

Mais fabriquer un journalisme de qualité a un coût que la dispersion des audiences face à la surabondance de l’offre de contenus parvient, plus difficilement qu’autrefois, à compenser. Dans ces conditions, les fragilités économiques rencontrées par de nombreux médias d’information ont rendu possible les dynamiques de regroupement de leur capital dans un nombre plus limité de mains.

Face à cette situation problématique pour la salubrité du débat public, il faut se pencher sur les récentes suggestions de Julia Cagé et Benoît Huet et imaginer de nouveaux dispositifs légaux pour « refonder la propriété des médias » : renforcement des dispositifs anti-concentration, modification de la gouvernance des entreprises médiatiques pour mieux protéger les rédactions de la tutelle actionnariale, incitation des pouvoirs publics au financement participatif pour diversifier l’origine des capitaux médiatiques, etc.

Les premiers éléments du programme d’Emmanuel Macron, à qui les sondages accordent de très fortes chances de réélection, ne laissent cependant pas présager d’ambitions réformatrices sur ce point. Au contraire, c’est à l’encontre des médias publics et de leur financement que se sont pour l’heure concentrées les propositions du candidat. En suggérant le 7 mars de remplacer la redevance par l’impôt (et par conséquent par une négociation budgétaire entre responsables de l’exécutif et dirigeants des entreprises publiques), Emmanuel Macron laisse entrevoir la possibilité d’une emprise plus prononcée du pouvoir politique sur le service public de l’audiovisuel.

C’est pourtant ce même service public qui échappe aux logiques commerciales et à la satisfaction d’intérêts capitalistiques qui gouvernent nombre de médias privés.

_______

Par Nicolas Kaciaf, Maître de conférences en science politique, spécialiste des médias, Sciences Po Lille.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Société et concentration des médias: Bolloré et les financiers menacent la démocratie

Société et concentration des médias: Bolloré et les financiers menacent  la démocratie

La concentration des médias aujourd’hui à l’œuvre en France menace le pluralisme constitutif de la démocratie. Elle réactive des enjeux soulevés dès la IIIᵉ République. Par Nicolas Kaciaf, Sciences Po Lille

 

 

Depuis le 24 novembre 2021, le Sénat dispose d’une commission d’enquête sur la concentration des médias. D’après les mots de son président, le sénateur centriste Laurent Lafon, celle-ci ne vise pas à « dénoncer le comportement ou la stratégie de tel ou tel acteur » mais à « comprendre le nouveau paysage qui se dessine ».

Son objet est avant tout d’« interroger la pertinence » d’une législation établie en 1986 (loi relative à la liberté de communication, dite loi Léotard) et dont le volet « anti-concentration » (défini dans son article 39) n’a été que partiellement modifié, malgré les profondes transformations de l’écosystème médiatique.

Les travaux de cette commission ont pu bénéficier d’une certaine exposition médiatique, en raison de l’audition des principaux propriétaires de groupes médiatiques, et notamment celle de Vincent Bolloré le 16 janvier.

Principal actionnaire du groupe Vivendi, il étend son empire médiatique depuis le lancement de la chaîne Direct 8 en 2005.

L’industriel suscite de légitimes inquiétudes quant à cette mainmise croissante sur l’information, au regard de la « droitisation » des orientations éditoriales, de la mise au pas des rédactions et de la multiplication des procédures visant à faire taire les investigations journalistiques à son encontre.

Plus que les autres démocraties libérales, la France connaît une situation paradoxale. D’un côté, le numérique a rendu possible une démultiplication sans précédent de l’offre de médias et de contenus, au point d’engendrer une situation d’« hyperconcurrence » pour l’attention des publics et leur monétisation.

De l’autre, le capital des principaux médias privés d’information, écrits comme audiovisuels, nationaux comme locaux, est concentré entre les mains d’une trentaine d’actionnaires dont certains figurent parmi les principales fortunes du pays (Bernard Arnault, Patrick Drahi, Xavier Niel, François Pinault, Daniel Kretinski, Martin Bouygues, famille Dassault, etc.).

Ainsi, tandis que la soixantaine de quotidiens régionaux appartiennent à six principaux groupes (Sipa Ouest-France, EBRA, Rossel, Centre France, Sud-Ouest et La Dépêche), les dix-neuf chaînes privées de la télévision numérique terrestre sont la propriété d’à peine six acteurs (Altice, TF1, M6, Canal+, NRJ Group, Amaury) qui ne seront plus que cinq en raison de la fusion programmée entre les groupes TF1 et M6.

À ce panorama succinct, il faut ajouter les processus de concentration entrepris à l’échelle mondiale sur les autres branches du nouvel écosystème médiatique. Qu’il s’agisse des fournisseurs d’accès à Internet (Orange, Free, SFR…), des « infomédiaires » (Google, Facebook, Twitter…) ou des plates-formes de streaming (Netflix, Amazon, Disney+), chaque couche de ce vaste secteur est dominée par des entreprises en situation de monopole ou d’oligopole qui accaparent l’essentiel des revenus issus des usagers eux-mêmes ou des annonceurs.

Pour justifier la fusion entre les groupes TF1 et M6 ou le rachat par Vivendi du pôle « médias » du groupe Lagardère (Europe 1, Paris-MatchLe Journal du dimanche), les dirigeants des entreprises médiatiques mobilisent un argumentaire récurrent depuis quatre décennies : la France doit disposer de « champions » nationaux pour faire face à la concurrence « déloyale » des firmes étrangères, garantir la qualité de l’information (face aux fake news qui circuleraient par le biais des réseaux socionumériques états-uniens) et préserver l’« exception culturelle » hexagonale (à travers notamment les règles de financement du cinéma français).

Cet argumentaire n’explique cependant pas cette singularité du capitalisme médiatique français : impliquer des investisseurs issus d’autres branches industrielles et financières (logistique, luxe, banque, armement, BTP, télécommunication, etc.), et pour qui les activités médiatiques ne constituent pas l’essentiel de leurs chiffres d’affaires.

Pourquoi s’engagent-ils alors dans un secteur économiquement fragilisé face à la dispersion des audiences et la reconfiguration profonde de l’environnement technologique et des usages ?

Si l’on excepte les récents travaux de Julie Sedel qui a entrepris une précieuse sociologie des patrons de médias, la recherche universitaire manque de données de première main pour restituer finement les motivations à l’origine de ces rachats.

Différents indices montrent cependant à quel point l’accaparement des entreprises médiatiques ne relève pas seulement de logiques marchandes.

Elle participe aussi d’une ambition de peser (au moins indirectement) sur les débats publics et de servir les intérêts des autres branches de leurs groupes respectifs. Comment ? En s’érigeant en interlocuteurs privilégiés d’acteurs politiques dont les carrières sont partiellement conditionnées par leur visibilité médiatique.

Parmi les exemples les plus notoires, on se souvient des liens nourris que Nicolas Sarkozy pouvait entretenir avec Arnaud Lagardère, qu’il désignait comme « son frère », ou avec Martin Bouygues, témoin de son mariage et parrain de son fils.

Bien que ces derniers aient toujours revendiqué l’absence de pression sur les orientations éditoriales de leurs médias respectifs, la sociologie du journalisme a pu montrer qu’il n’est nul besoin qu’un propriétaire intervienne directement sur les contenus pour que les rédactions en chef évacuent toute information susceptible de déplaire à leurs actionnaires.

Cette concentration des principaux médias privés dans les mains d’une oligarchie industrielle et financière est cependant loin d’être une problématique nouvelle. Sous la IIIe République déjà, l’accaparement de nombreux journaux par les « puissances d’argent » a constitué un enjeu majeur des affrontements politiques.

Si la loi sur la liberté de presse de 1881 a permis la libre expression des opinions par voie de presse, les législateurs n’ont pas interrogé les conditions économiques susceptibles de garantir l’effectivité du pluralisme médiatique.

Strictement régi par le jeu de l’offre et de la demande, le marché des journaux est alors entré dans une dynamique de massification de l’audience globale de la presse, favorisant les titres « populaires » et bon marché, détenus par les milieux d’affaires.

Au tournant du siècle, quatre quotidiens parisiens (Le Petit JournalLe Petit ParisienLe MatinLe Journal) dominent outrageusement la diffusion, cependant que l’agence Havas dispose d’un quasi-monopole sur les activités de courtage publicitaire et les Messageries Hachette contrôle une large part des réseaux de distribution.

Au cours de l’entre-deux-guerres, différents projets de régulation du marché de la presse voient le jour, face à la multiplication des scandales mettant en cause les relations entre la presse et « l’argent ». Le rachat du Figaro en 1922 par l’industriel du parfum acquis aux idées mussoliniennes, François Coty, puis celui du Temps en 1929 par François de Wendel, président du Comité des Forges, accréditent l’image d’une presse mise au service des intérêts patronaux.

C’est dans ce contexte, ici grossièrement résumé, que les pouvoirs publics ont octroyé aux journalistes professionnels un statut reconnaissant l’importance de leur rôle dans les régimes démocratiques. En créant les principes de « clause de conscience » et de « clause de cession » pour amoindrir la dépendance des journalistes vis-à-vis des velléités propagandaires des patrons de presse, la loi Brachard de 1935 visait à renforcer la crédibilité des journaux.

Selon les mots du rapport accompagnant la loi, leur contenu ne devrait ainsi être confié qu’aux « mains expérimentés des professionnels », soumis à une déontologie propre et désormais identifiables par leur carte de presse.

La Seconde Guerre Mondiale a contribué à accélérer ce processus de transformations d’un secteur dont les titres les plus commerciaux s’étaient compromis avec l’occupant.

Prenant appui notamment sur la « Déclaration des droits et des devoirs de la presse libre » élaborée dans la clandestinité et posant le principe que « la presse n’est pas un instrument de profit commercial », différentes ordonnances édictées à la Libération visaient à réformer les règles relatives à la propriété des journaux, à lutter contre la concentration et à octroyer un rôle inédit à l’État pour encadrer et réguler une activité désormais définie comme « service public » ou, du moins, au service du public.

Au-delà du monopole d’État sur l’audiovisuel, l’ordonnance du 26 août 1944 exigeait notamment la transparence dans le capital du journal, l’interdiction pour un même actionnaire de posséder plus d’un quotidien ainsi que l’impossibilité, pour le directeur d’un journal, d’exercer une fonction industrielle ou commerciale fournissant l’essentiel de ses revenus.

Face aux difficultés financières rencontrées par ce que l’historien Patrick Eveno a qualifié de « presse sans capitaux » (de 33 quotidiens nationaux publiés en 1946, il n’en restait plus que 13 en 1954), ce cadre légal a été progressivement assoupli, voire ouvertement contourné, à l’image du puissant groupe constitué par Robert Hersant à partir de 1950.

Mais c’est au cours des années 1980 que l’ouverture du capital des médias aux « capitaines d’industrie » s’accélère, à travers la constitution de groupes pluri-médias. Enclenchée en 1982, la libéralisation de l’audiovisuel s’est accompagnée d’un dispositif légal fixant des « seuils anti-concentration » (loi Léotard de 1986) et de la création d’une autorité administrative indépendante chargée d’attribuer les fréquences nouvellement créées aux entrepreneurs privées, de définir leur cahier des charges et de veiller au respect du cadre légal (le Conseil supérieur de l’audiovisuel devenu ARCOM en janvier 2022).

Cependant, comme l’a récemment rappelé Laurent Mauduit, cette dynamique d’attribution des fréquences radiophoniques et surtout télévisuelles a été marquée par d’intenses arrangements entre acteurs politiques et dirigeants de groupes privés, ainsi que par la passivité des responsables successifs du CSA face aux manquements répétés de certaines chaînes privées vis-à-vis de leurs obligations légales.

Si l’on excepte les quelques médias qui appartiennent à leurs journalistes ou ceux dont la gouvernance garantit l’autonomie de la rédaction (MediapartLe Canard enchaînéLe Monde, etc.), les entreprises médiatiques françaises, et en particulier les groupes audiovisuels, restent dominées par des acteurs positionnés au sommet de la hiérarchie sociale et qui ont un intérêt direct à peser sur les orientations politiques et économiques du pays.

De récentes crises sociales (« gilets jaunes »), sanitaires (Covid) et internationales (guerre en Ukraine) ont pourtant rappelé à quel point les affrontements politiques s’accompagnent toujours de batailles informationnelles qui mettent en tension les exigences de pluralisme des opinions et de respect de la véracité des faits.

Face à la polarisation exacerbée du débat public, les régimes démocratiques doivent ainsi, plus que jamais, disposer de rédactions autonomes vis-à-vis des forces en présence et notamment des plus puissantes d’entre elles, sur un plan financier et communicationnel.

Mais fabriquer un journalisme de qualité a un coût que la dispersion des audiences face à la surabondance de l’offre de contenus parvient, plus difficilement qu’autrefois, à compenser. Dans ces conditions, les fragilités économiques rencontrées par de nombreux médias d’information ont rendu possible les dynamiques de regroupement de leur capital dans un nombre plus limité de mains.

Face à cette situation problématique pour la salubrité du débat public, il faut se pencher sur les récentes suggestions de Julia Cagé et Benoît Huet et imaginer de nouveaux dispositifs légaux pour « refonder la propriété des médias » : renforcement des dispositifs anti-concentration, modification de la gouvernance des entreprises médiatiques pour mieux protéger les rédactions de la tutelle actionnariale, incitation des pouvoirs publics au financement participatif pour diversifier l’origine des capitaux médiatiques, etc.

Les premiers éléments du programme d’Emmanuel Macron, à qui les sondages accordent de très fortes chances de réélection, ne laissent cependant pas présager d’ambitions réformatrices sur ce point. Au contraire, c’est à l’encontre des médias publics et de leur financement que se sont pour l’heure concentrées les propositions du candidat. En suggérant le 7 mars de remplacer la redevance par l’impôt (et par conséquent par une négociation budgétaire entre responsables de l’exécutif et dirigeants des entreprises publiques), Emmanuel Macron laisse entrevoir la possibilité d’une emprise plus prononcée du pouvoir politique sur le service public de l’audiovisuel.

C’est pourtant ce même service public qui échappe aux logiques commerciales et à la satisfaction d’intérêts capitalistiques qui gouvernent nombre de médias privés.

_______

Par Nicolas Kaciaf, Maître de conférences en science politique, spécialiste des médias, Sciences Po Lille.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Concentration des médias: Bolloré et les financiers menacent la démocratie

Concentration des médias: Bolloré et les financiers menacent  la démocratie

La concentration des médias aujourd’hui à l’œuvre en France menace le pluralisme constitutif de la démocratie. Elle réactive des enjeux soulevés dès la IIIᵉ République. Par Nicolas Kaciaf, Sciences Po Lille

 

 

Depuis le 24 novembre 2021, le Sénat dispose d’une commission d’enquête sur la concentration des médias. D’après les mots de son président, le sénateur centriste Laurent Lafon, celle-ci ne vise pas à « dénoncer le comportement ou la stratégie de tel ou tel acteur » mais à « comprendre le nouveau paysage qui se dessine ».

Son objet est avant tout d’« interroger la pertinence » d’une législation établie en 1986 (loi relative à la liberté de communication, dite loi Léotard) et dont le volet « anti-concentration » (défini dans son article 39) n’a été que partiellement modifié, malgré les profondes transformations de l’écosystème médiatique.

Les travaux de cette commission ont pu bénéficier d’une certaine exposition médiatique, en raison de l’audition des principaux propriétaires de groupes médiatiques, et notamment celle de Vincent Bolloré le 16 janvier.

Principal actionnaire du groupe Vivendi, il étend son empire médiatique depuis le lancement de la chaîne Direct 8 en 2005.

L’industriel suscite de légitimes inquiétudes quant à cette mainmise croissante sur l’information, au regard de la « droitisation » des orientations éditoriales, de la mise au pas des rédactions et de la multiplication des procédures visant à faire taire les investigations journalistiques à son encontre.

Plus que les autres démocraties libérales, la France connaît une situation paradoxale. D’un côté, le numérique a rendu possible une démultiplication sans précédent de l’offre de médias et de contenus, au point d’engendrer une situation d’« hyperconcurrence » pour l’attention des publics et leur monétisation.

De l’autre, le capital des principaux médias privés d’information, écrits comme audiovisuels, nationaux comme locaux, est concentré entre les mains d’une trentaine d’actionnaires dont certains figurent parmi les principales fortunes du pays (Bernard Arnault, Patrick Drahi, Xavier Niel, François Pinault, Daniel Kretinski, Martin Bouygues, famille Dassault, etc.).

Ainsi, tandis que la soixantaine de quotidiens régionaux appartiennent à six principaux groupes (Sipa Ouest-France, EBRA, Rossel, Centre France, Sud-Ouest et La Dépêche), les dix-neuf chaînes privées de la télévision numérique terrestre sont la propriété d’à peine six acteurs (Altice, TF1, M6, Canal+, NRJ Group, Amaury) qui ne seront plus que cinq en raison de la fusion programmée entre les groupes TF1 et M6.

À ce panorama succinct, il faut ajouter les processus de concentration entrepris à l’échelle mondiale sur les autres branches du nouvel écosystème médiatique. Qu’il s’agisse des fournisseurs d’accès à Internet (Orange, Free, SFR…), des « infomédiaires » (Google, Facebook, Twitter…) ou des plates-formes de streaming (Netflix, Amazon, Disney+), chaque couche de ce vaste secteur est dominée par des entreprises en situation de monopole ou d’oligopole qui accaparent l’essentiel des revenus issus des usagers eux-mêmes ou des annonceurs.

Pour justifier la fusion entre les groupes TF1 et M6 ou le rachat par Vivendi du pôle « médias » du groupe Lagardère (Europe 1, Paris-MatchLe Journal du dimanche), les dirigeants des entreprises médiatiques mobilisent un argumentaire récurrent depuis quatre décennies : la France doit disposer de « champions » nationaux pour faire face à la concurrence « déloyale » des firmes étrangères, garantir la qualité de l’information (face aux fake news qui circuleraient par le biais des réseaux socionumériques états-uniens) et préserver l’« exception culturelle » hexagonale (à travers notamment les règles de financement du cinéma français).

Cet argumentaire n’explique cependant pas cette singularité du capitalisme médiatique français : impliquer des investisseurs issus d’autres branches industrielles et financières (logistique, luxe, banque, armement, BTP, télécommunication, etc.), et pour qui les activités médiatiques ne constituent pas l’essentiel de leurs chiffres d’affaires.

Pourquoi s’engagent-ils alors dans un secteur économiquement fragilisé face à la dispersion des audiences et la reconfiguration profonde de l’environnement technologique et des usages ?

Si l’on excepte les récents travaux de Julie Sedel qui a entrepris une précieuse sociologie des patrons de médias, la recherche universitaire manque de données de première main pour restituer finement les motivations à l’origine de ces rachats.

Différents indices montrent cependant à quel point l’accaparement des entreprises médiatiques ne relève pas seulement de logiques marchandes.

Elle participe aussi d’une ambition de peser (au moins indirectement) sur les débats publics et de servir les intérêts des autres branches de leurs groupes respectifs. Comment ? En s’érigeant en interlocuteurs privilégiés d’acteurs politiques dont les carrières sont partiellement conditionnées par leur visibilité médiatique.

Parmi les exemples les plus notoires, on se souvient des liens nourris que Nicolas Sarkozy pouvait entretenir avec Arnaud Lagardère, qu’il désignait comme « son frère », ou avec Martin Bouygues, témoin de son mariage et parrain de son fils.

Bien que ces derniers aient toujours revendiqué l’absence de pression sur les orientations éditoriales de leurs médias respectifs, la sociologie du journalisme a pu montrer qu’il n’est nul besoin qu’un propriétaire intervienne directement sur les contenus pour que les rédactions en chef évacuent toute information susceptible de déplaire à leurs actionnaires.

Cette concentration des principaux médias privés dans les mains d’une oligarchie industrielle et financière est cependant loin d’être une problématique nouvelle. Sous la IIIe République déjà, l’accaparement de nombreux journaux par les « puissances d’argent » a constitué un enjeu majeur des affrontements politiques.

Si la loi sur la liberté de presse de 1881 a permis la libre expression des opinions par voie de presse, les législateurs n’ont pas interrogé les conditions économiques susceptibles de garantir l’effectivité du pluralisme médiatique.

Strictement régi par le jeu de l’offre et de la demande, le marché des journaux est alors entré dans une dynamique de massification de l’audience globale de la presse, favorisant les titres « populaires » et bon marché, détenus par les milieux d’affaires.

Au tournant du siècle, quatre quotidiens parisiens (Le Petit JournalLe Petit ParisienLe MatinLe Journal) dominent outrageusement la diffusion, cependant que l’agence Havas dispose d’un quasi-monopole sur les activités de courtage publicitaire et les Messageries Hachette contrôle une large part des réseaux de distribution.

Au cours de l’entre-deux-guerres, différents projets de régulation du marché de la presse voient le jour, face à la multiplication des scandales mettant en cause les relations entre la presse et « l’argent ». Le rachat du Figaro en 1922 par l’industriel du parfum acquis aux idées mussoliniennes, François Coty, puis celui du Temps en 1929 par François de Wendel, président du Comité des Forges, accréditent l’image d’une presse mise au service des intérêts patronaux.

C’est dans ce contexte, ici grossièrement résumé, que les pouvoirs publics ont octroyé aux journalistes professionnels un statut reconnaissant l’importance de leur rôle dans les régimes démocratiques. En créant les principes de « clause de conscience » et de « clause de cession » pour amoindrir la dépendance des journalistes vis-à-vis des velléités propagandaires des patrons de presse, la loi Brachard de 1935 visait à renforcer la crédibilité des journaux.

Selon les mots du rapport accompagnant la loi, leur contenu ne devrait ainsi être confié qu’aux « mains expérimentés des professionnels », soumis à une déontologie propre et désormais identifiables par leur carte de presse.

La Seconde Guerre Mondiale a contribué à accélérer ce processus de transformations d’un secteur dont les titres les plus commerciaux s’étaient compromis avec l’occupant.

Prenant appui notamment sur la « Déclaration des droits et des devoirs de la presse libre » élaborée dans la clandestinité et posant le principe que « la presse n’est pas un instrument de profit commercial », différentes ordonnances édictées à la Libération visaient à réformer les règles relatives à la propriété des journaux, à lutter contre la concentration et à octroyer un rôle inédit à l’État pour encadrer et réguler une activité désormais définie comme « service public » ou, du moins, au service du public.

Au-delà du monopole d’État sur l’audiovisuel, l’ordonnance du 26 août 1944 exigeait notamment la transparence dans le capital du journal, l’interdiction pour un même actionnaire de posséder plus d’un quotidien ainsi que l’impossibilité, pour le directeur d’un journal, d’exercer une fonction industrielle ou commerciale fournissant l’essentiel de ses revenus.

Face aux difficultés financières rencontrées par ce que l’historien Patrick Eveno a qualifié de « presse sans capitaux » (de 33 quotidiens nationaux publiés en 1946, il n’en restait plus que 13 en 1954), ce cadre légal a été progressivement assoupli, voire ouvertement contourné, à l’image du puissant groupe constitué par Robert Hersant à partir de 1950.

Mais c’est au cours des années 1980 que l’ouverture du capital des médias aux « capitaines d’industrie » s’accélère, à travers la constitution de groupes pluri-médias. Enclenchée en 1982, la libéralisation de l’audiovisuel s’est accompagnée d’un dispositif légal fixant des « seuils anti-concentration » (loi Léotard de 1986) et de la création d’une autorité administrative indépendante chargée d’attribuer les fréquences nouvellement créées aux entrepreneurs privées, de définir leur cahier des charges et de veiller au respect du cadre légal (le Conseil supérieur de l’audiovisuel devenu ARCOM en janvier 2022).

Cependant, comme l’a récemment rappelé Laurent Mauduit, cette dynamique d’attribution des fréquences radiophoniques et surtout télévisuelles a été marquée par d’intenses arrangements entre acteurs politiques et dirigeants de groupes privés, ainsi que par la passivité des responsables successifs du CSA face aux manquements répétés de certaines chaînes privées vis-à-vis de leurs obligations légales.

Si l’on excepte les quelques médias qui appartiennent à leurs journalistes ou ceux dont la gouvernance garantit l’autonomie de la rédaction (MediapartLe Canard enchaînéLe Monde, etc.), les entreprises médiatiques françaises, et en particulier les groupes audiovisuels, restent dominées par des acteurs positionnés au sommet de la hiérarchie sociale et qui ont un intérêt direct à peser sur les orientations politiques et économiques du pays.

De récentes crises sociales (« gilets jaunes »), sanitaires (Covid) et internationales (guerre en Ukraine) ont pourtant rappelé à quel point les affrontements politiques s’accompagnent toujours de batailles informationnelles qui mettent en tension les exigences de pluralisme des opinions et de respect de la véracité des faits.

Face à la polarisation exacerbée du débat public, les régimes démocratiques doivent ainsi, plus que jamais, disposer de rédactions autonomes vis-à-vis des forces en présence et notamment des plus puissantes d’entre elles, sur un plan financier et communicationnel.

Mais fabriquer un journalisme de qualité a un coût que la dispersion des audiences face à la surabondance de l’offre de contenus parvient, plus difficilement qu’autrefois, à compenser. Dans ces conditions, les fragilités économiques rencontrées par de nombreux médias d’information ont rendu possible les dynamiques de regroupement de leur capital dans un nombre plus limité de mains.

Face à cette situation problématique pour la salubrité du débat public, il faut se pencher sur les récentes suggestions de Julia Cagé et Benoît Huet et imaginer de nouveaux dispositifs légaux pour « refonder la propriété des médias » : renforcement des dispositifs anti-concentration, modification de la gouvernance des entreprises médiatiques pour mieux protéger les rédactions de la tutelle actionnariale, incitation des pouvoirs publics au financement participatif pour diversifier l’origine des capitaux médiatiques, etc.

Les premiers éléments du programme d’Emmanuel Macron, à qui les sondages accordent de très fortes chances de réélection, ne laissent cependant pas présager d’ambitions réformatrices sur ce point. Au contraire, c’est à l’encontre des médias publics et de leur financement que se sont pour l’heure concentrées les propositions du candidat. En suggérant le 7 mars de remplacer la redevance par l’impôt (et par conséquent par une négociation budgétaire entre responsables de l’exécutif et dirigeants des entreprises publiques), Emmanuel Macron laisse entrevoir la possibilité d’une emprise plus prononcée du pouvoir politique sur le service public de l’audiovisuel.

C’est pourtant ce même service public qui échappe aux logiques commerciales et à la satisfaction d’intérêts capitalistiques qui gouvernent nombre de médias privés.

_______

Par Nicolas Kaciaf, Maître de conférences en science politique, spécialiste des médias, Sciences Po Lille.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Cibler tous les flux financiers russes illicites

Cibler tous les flux  financiers russes illicites 

La série de sanctions financières prises contre la Russie depuis son invasion de l’Ukraine est une occasion historique de mettre fin au secret protégeant les kleptocrates du monde entier, estime le directeur de la Financial Transparency Coalition, Matti Kohonen, dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

La guerre en Ukraine a mis en lumière les pratiques des kleptocrates russes qui transfèrent des milliards d’euros depuis leur pays pour les investir à Londres et dans d’autres grands centres financiers mondiaux, incitant les dirigeants politiques d’Europe et des Etats-Unis à sévir contre cet argent sale. On pense que ces oligarques russes détiennent jusqu’à mille milliards de dollars [environ 918 milliards d’euros] de richesse à l’étranger, souvent cachés dans des sociétés offshore dont l’identité du véritable propriétaire reste difficile à déterminer. Se concentrer uniquement sur les oligarques russes serait cependant une terrible erreur.

 

Dans le but de saper l’effort de guerre de la Russie, la Commission européenne, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, le Canada et les Etats-Unis ont annoncé le lancement d’un groupe de travail transatlantique contre les oligarques russes, les fonctionnaires proches du Kremlin et leurs avocats, les agents immobiliers et d’autres « facilitateurs ». Cette action vise à identifier et geler les avoirs détenus par ces derniers dans les pays concernés. Néanmoins, cette déclaration ne dit rien des kleptocrates du reste du monde, comme ceux des pays en développement qui cachent leurs avoirs dans les paradis fiscaux d’Europe et du monde entier.

L’année dernière, l’enquête des « Pandora Papers » a notamment montré que des centaines de responsables publics de plus de quatre-vingt-dix pays, tels que le Kenya et la Jordanie, utilisaient des sociétés fictives afin de cacher de l’argent à l’étranger. Ils se soustrayaient ainsi au paiement des impôts avec l’aide de banques et de cabinets d’avocats d’envergure mondiale.

Plus récemment, l’enquête « Suisse Secrets » a révélé que la banque Credit Suisse gérait 100 milliards de dollars cachés par des milliers de clients liés à la corruption, au trafic de drogue, à l’évasion fiscale et d’autres crimes majeurs – la majorité d’entre eux provenant de pays en développement, dont le Venezuela, l’Egypte et l’Ukraine.

S’attaquer au secret de la finance offshore et aux abus fiscaux, sans se restreindre aux kleptocrates russes, n’a jamais été aussi urgent que dans le contexte pandémique que nous connaissons aujourd’hui. Chaque année, 1 600 milliards d’euros sont blanchis par des criminels, soit l’équivalent de 2,7 % du PIB mondial, tandis que presque 7 000 milliards d’euros de richesse privée sont cachés dans des paradis fiscaux. Pendant ce temps, 100 millions de personnes sont poussées dans l’extrême pauvreté par la pandémie, alors même que le fossé séparant riches et pauvres continue de se creuser.

Marchés financiers : la chute

Marchés financiers : la chute

Comme c’était prévisible, on  s’inquiète vivement des conséquences humaines de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et tout autant de son impact sur la croissance.

La poursuite et l’intensification des combats en Ukraine faisant craindre une récession économique en Europe.Les marchés financiers anticipent une baisse des résultats des entreprises pour l’année en cours. Paris a chuté de 4,97% à 6.061,66 points, Francfort de 4,41% et Milan de 6,24%, bouclant leur pire séance et leur pire semaine depuis l’annonce du premier confinement en mars 2020. Sur la semaine elles perdent plus de 10% chacune.Concernant le pétrole, le Brent se dirige vers les 120 $

Le gaz naturel en Europe a dépassé pour la première fois la barre des 200 euros le mégawattheure, s’envolant vers 17H10 GMT à 204 euros le mégawattheure, en hausse de près de 27%, après un plus haut à 213 euros.

Le blé et le maïs battaient eux aussi des records sur le marché européen, l’Ukraine étant un pays central dans l’approvisionnement de matières premières agricoles.

 Le nickel, dont la Russie est également un grand producteur, a dépassé la barre des 30.000 dollars la tonne, une première depuis 2008.

 

Marchés financiers: La crainte d’une évolution baissière

Marchés financiers: La crainte d’une évolution baissière

 

Les marchés financiers ont évidemment accusé le coup de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais le pire est sans doute à venir dans la mesure où cette crise aura nécessairement des ses conséquences néfastes sur le commerce international et sur la croissance mondiale.

Les premiers bouleversements pourraient se faire sentir sur l’envolée en cours des prix de l’énergie et des matières premières. De quoi alimenter encore une inflation déjà inquiétante qui pourrait porter atteint aux capacités d’investissement des entreprises et au pouvoir d’achat des ménages. Bref c’est la croissance mondiale qui est sans doute à revoir en baisse.

En outre et surtout la bourse craint par-dessus tout des incertitudes sur l’évolution du conflit qui pourrait prendre d’autres formes et s’étendre éventuellement géographiquement. Une inquiétude qui se mesure avec l’indice de la peur

Cet « indice de la peur » (indice VIX de la volatilité) a bondi à près de 40 ce jeudi. Pour l’heure, l’aversion au risque ne se matérialise pas vraiment sur les taux de la dette souveraine américaine ou allemande, valeurs de refuge par excellence. Du coup, les taux du 10 ans américain (2%) ou allemand (0,23%) n’ont finalement pratiquement pas bougé. De même,  l’or reste étrangement stable. Et comme pour se rassurer, une floraison de graphiques ont été publiés pour montrer que la Bourse se jouait finalement des crises géopolitiques aigües. Reste que l’annonce par Poutine d’un éventuel recours à la force de dissuasion incluant le nucléaire devrait peser lourdement sur les indices en ce début de semaine

Marchés financiers : journées noires

Marchés financiers : journées noires

Partout les marchés financiers dévissent fortement suite à l’envahissement surprise de l’Ukraine par la Russie. Pour l’instant, les  effets sont surtout psychologiques car le conflit va bousculer la conjoncture mais aussi économiques car cela va  remettre en cause la dynamique économique qui s’installait après la crise sanitaire.

Parmi les effets immédiats, il faudra surtout prendre en compte l’envolée nouvelle du prix de l’énergie et des matières premières en général. Le prix du gaz en particulier pourrait être très affecté car 40 % des besoins de l’Europe sont fournis par la Russie. Cet hausse du gaz va contaminer notamment le pétrole et électricité mais aussi les céréales

Les conséquences vont en particulier se traduire par une envolée de l’inflation qui pourrait se mesurer à deux chiffres dans certains pays. De quoi remettre aussi en cause les perspectives de croissance. Fort logiquement les marchés financiers devraient anticiper cette remise en question des perspectives d’activité

 

  Les Bourses européennes ont donc connu l’une des pires séances depuis mars 2020. Paris a clôturé en forte baisse de 3,83%, Francfort de 3,96% et Milan de 4,10%. Londres a lâché 3,82% tandis que la Bourse de Moscou s’est effondrée de plus de 30%. Vers 12H05 GMT, l’indice européen de référence Eurostoxx 50 chutait de 3,79%. Plus tôt, Hong Kong a aussi perdu 3,21%. Surprise par le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine, la Bourse de New York a ouvert en nette baisse, les investisseurs se détournant des marchés actions. Vers 14H50 GMT, le Dow Jones perdait 2,31%, l’indice Nasdaq, à forte composition technologique, 1,79%, tandis que l’indice élargi S&P 500 lâchait 1,89%.

 

 

Marchés financiers : la correction amplifiée par la situation de l’Ukraine

Marchés financiers : la correction amplifiée par la situation de l’Ukraine

D’une certaine manière,  la situation géo politique de l’Ukraine est instrumentalisée pour justifier l’amplification de la correction déjà largement en cours depuis le début de l’année sur les marchés financiers. Certes,  il existe des risques notamment concernant un nouveau renchérissement de l’énergie et des matières premières si en particulier des mesures économiques sont prises à l’égard de la Russie. Plus généralement les tensions avec la Russie pourraient bien alimenter l’inflation.
Pour autant le mouvement baissier qui a commencé au début de l’année correspond à un rééquilibrage entre les valeurs boursières et les résultats des entreprises. Des valeurs financières dont les cours se sont envolés de manière un peu irresponsable au grand bénéfice des spéculateurs

Lundi sur les marchés à  Paris, le CAC 40 a plongé de 2,27 % à 6 852,20 points. Il a ainsi aligné une troisième séance de baisse d’affilée, après avoir déjà cédé 1,27 % vendredi et 0,41 % jeudi. Les autres places boursières ont également chuté: Londres a perdu 1,70 %, Francfort 2,02 %, Madrid 2,67 % et Milan 2,04 %.

En Russie, l’indice RTS, après avoir plongé de plus de 5 % dans la matinée, a terminé en baisse de 3 %. Depuis le début de l’année, la Bourse de Moscou a déjà lâché plus de 10 %. Wall Street, qui avait fortement accusé le coup vendredi, limitait la casse. En séance, le Dow Jones reculait de 1,8 %, le S&P 500 de 0,15 % tandis que le Nasdaq progressait de 0,60 %.

La crainte d’une invasion imminente de l’Ukraine par la Russie a fait grimper la tension en flèche sur les marchés. La volatilité a fait un bond en avant: l’indice Vix, appelé l’indice de la peur, s’est envolé de près de 50 % en quelques jours.

Quels conseils aux gogos des marchés financiers

Quels conseils aux gogos des marchés financiers

Comment conseiller les investisseurs pour leur éviter de faire des choix hasardeux par  Bruno Colmant (université de Bruxelles), Charles Cuvelliez (université de Bruxelles, École Polytechnique de Bruxelles) et Jean-Jacques Quisquater (université de Louvain, École Polytechnique de Louvain et MIT).(dans la Tribune , extraits)

 

Tribune

 

Si vous êtes un investisseur, la régulation MIFID II (Markets in Financial Instruments Directive) ne vous sera pas étrangère. Elle vous protège des investissements hasardeux proposés par votre intermédiaire financier ou votre banque, si vous n’êtes pas prêt. Ces derniers se doivent de vérifier que les investissements proposés sont en ligne avec votre connaissance et expertise financière ainsi que votre goût du risque. Ce sont par exemple (et souvent) des questionnaires-tests qu’on vous demande de remplir, presque un examen d’aptitude sauf que ces modalités varient d’une banque à l’autre.

L’ESMA, l’Autorité européenne des marchés financiers, donc le régulateur, vient de publier une mise au point sur certains aspects les plus sensibles de la mise en œuvre de MIFID II : que doit faire la banque si le client veut procéder à un investissement de son propre chef sans que la banque le lui ait conseillé? Doit-elle l’en empêcher si elle voit que cet investissement n’est pas en ligne avec son profil ? La régulation MIFID II autorise la banque ou l’intermédiaire financier à lui fournir ce service et encore, pour autant que le produit n’est pas complexe. Il doit cependant l’avertir qu’il n’est pas tenu de vérifier que ce produit est approprié pour lui. C’est là qu’une zone d’ombre apparaît. L’ESMA donne, dans sa mise au point, toute une série d’exemples sur la manière de (mal) appliquer la régulation MIFID II.

Canal de communication

Il y a l’usage des canaux de communication : la banque peut-elle utiliser tous les moyens de communication depuis WhatsApp ou Messenger jusqu’à l’email en passant par le téléphone ou l’application mobile de la banque ? L’ESMA garde une neutralité technologique du moment qu’une trace peut être conservée des échanges qui ont abouti à une transaction voulue par le client et non conseillée par la banque. Ces enregistrements doivent être exploitables pour pouvoir prouver par exemple qu’un avertissement a bien été envoyé au client si la banque n’était pas tenue de vérifier que le produit n’était pas adapté. Tout dépend évidemment de la manière de communiquer, par téléphone ou en face-à-face, ce sont d’autres méthodes à mettre en place pour garder une trace exploitable.

Avant de fournir des services pour investir sans conseil, la banque doit avertir le client et l’encourager à faire attention à l’obligation qu’elle a, sinon de vérifier l’adéquation entre le produit d’investissement et son profil, au moins au début de la relation commerciale. La banque doit mettre en place des politiques et des procédures pour systématiser la collecte d’information des clients sur leur compétences et connaissances. Les banques doivent encourager les clients à se plier au jeu. La manière de le faire est à la discrétion des banques mais s’il s’agit de questionnaires en ligne, attention, dit l’ESMA, à être clair, compréhensible, à ne pas suggérer des réponses. L’ESMA va jusqu’à insister pour que les questionnaires donnent le choix de répondre par un honnête : « je ne sais pas ».

L’ESMA veut éviter qu’un client puisse répondre indéfiniment au même questionnaire jusqu’à être dans le bon. Il faut prévoir un nombre maximum d’essais. Un questionnaire ne doit pas être une auto-évaluation de ce que le client pense connaitre : on surestime toujours sa propre expertise. Les questions doivent éviter les réponses binaires oui/non ou des cases à cocher. Pas question, non plus, de soumettre une liste de produits au client et de lui demander s’il les connaît. L’ESMA met aussi en garde contre les questionnaires préremplis envoyés à des clients qui voudraient aller plus loin en investissements, sur la base de leur expérience antérieure avec leur banque.

La banque doit pouvoir vérifier que l’information fournie par le client sur son expertise est vraie. Et de suggérer que la banque détecte les incohérences dans les questionnaires remplis par le client.

Renouveler le profil d’expertise

Il s’agit aussi de renouveler de temps en temps le profil du client sur sa maitrise des matières financières. L’ESMA ne nie pas qu’une expertise et une connaissance ne sont pas censées diminuer avec le temps mais le vérifier c’est mieux surtout envers une population vulnérable de clients. La mise à jour des tests MIFID II ne doit pas non plus être une incitation pour le client à vouloir faire mieux, comme un défi à soi-même, pour finalement souscrire à des produits d’investissement qui ne sont pas faits pour lui. Si le profil d’expertise du client change trop souvent ou trop vite, c’est une indication de ce biais.

La mise au point de l’ESMA concerne même des personnes morales (des entreprises), quand ces entreprises sont représentées par plusieurs personnes physiques (des PME par exemple).  Faut-il prendre la personne la plus experte ou la moins experte pour avoir son profil MIFID II, La moins experte en cas de doute.

Une classification interne

L’ESMA s’attend évidemment à ce que les banques aient des procédures pour classer eux-mêmes les produits qu’ils proposent en fonction des risques, caractéristiques et nature. Il ne s’agit pas de se contenter d’une classification extérieure qu’on prendrait telle quelle. Les banques peuvent certes se baser sur des outils automatiques pour vérifier le côté approprié des produits par rapport à leur client mais il s’agit alors de contrôler que ces produits automatisés ne se trompent pas. Et de mettre en garde contre les outils qui classent de manière trop sommaire ou trop large les clients ou les produits d’investissement pour faire des correspondances grossières.

Quant au staff qui doit contrôler l’adéquation du profil des produits proposés au profil des clients, il doit avoir des lignes directrices claires. Il faut éviter toute subjectivité dit l’ESMA. Il faut pouvoir justifier ex post une décision d’adéquation produit d’investissement/investisseur de la part du personnel.

Pour la mise en garde qui doit être notifiée quand le produit que le client veut acheter n’est pas adapté à son profil ou si c’est impossible de le vérifier, il doit être clair, pas confus…

L’ESMA pousse le détail jusqu’à suggérer des couleurs différentes pour le message de mise en garde. Par téléphone, la mise en garde devrait même s’accompagner de l’impact que cela représenterait pour le client. Pas de circonvolutions pour répondre: « Ce produit pourrait ne pas être adapté à vous ». Soyez francs, dit en substance l’ESMA. Et évidemment, il faut s’abstenir de dire en parallèle au message de ne pas en tenir compte. Proposer des trainings ou des webinars aux clients ne suffit pas à les faire monter en expertise. Il faut leur faire passer un test en bonne et due forme après. Un client peut toujours outrepasser la mise en garde mais l’ESMA suggère aux banques et intermédiaires financiers de calculer la proportion de mise en garde non respectées : mauvais signe si ce nombre est trop élevé.

Le staff de la banque doit évidemment avoir l’expertise pour mener les tests MIFID II avec leurs clients : ils doivent être conscients de la responsabilité qui reposent sur leurs épaules et être formés à la régulation MIFID II. Cette obligation s’étend aux développeurs et codeurs d’assessments en ligne et à ceux qui conçoivent les algorithmes.

 

Enfin, et surtout, il faut des contrôles surtout quand il s’agit de tests automatisés. Ils doivent être régulièrement vérifiés et contrôlés. Et si les tests sont faits par téléphone ou en face-à-face, il faudrait les enregistrer pour vérifier que le personnel qui pose les questions jouent bien le jeu.

Cette liste à la Prévert n’est pourtant pas une mauvaise chose : les Etats-Unis n’ont pas de MIFID II. Les autorités luttent désormais contre les applications qui permettent d’investir en bourse et qui ressemblent à s’y méprendre à un jeu vidéo et à toutes les addictions qui s’ensuivent. Et surtout les cryptomonnaies feraient bien d’entrer dans le champ d’application de MIFIDII ! La Commission y travaille en raffinant les critères qui permettraient de décider si oui ou non une crypto-monnaie ou une blockchain est un instrument financier qui tombe sous MIFD II.

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