Finances-Bourse: quelle évolution ?
par Ken Fisher* dans l’Opinion
Qui seront les gagnants et les perdants ? Jusqu’à présent, les secteurs plombés par le repli de 2022 sont précisément ceux qui ont tiré le CAC40 et les actions mondiales vers le haut durant ce début de marché haussier, une évolution que peu d’observateurs avaient prévue. De Paris à New York, les sceptiques sont persuadés que la fête sera bientôt finie. N’y prêtez pas attention. Si nous nous trouvons actuellement dans une phase de correction à court terme, voici les secteurs qui devraient alimenter le prochain rebond de ce marché haussier et pourquoi.
par Ken Fisher dans l’Opinion
La spectaculaire reprise amorcée en octobre a été alimentée par les valeurs de croissance de qualité, comme le luxe et la technologie, ce qui explique la sur performance du CAC40. Aussi peu surprenante soit-elle, cette reprise a néanmoins été rarement anticipée. Les secteurs les plus durement touchés dans un marché baissier sont généralement ceux qui se redressent le plus nettement et le plus tôt – c’est ce que j’appelle l’effet de rebond.
Tech. Voyez plutôt : après avoir plongé dans le sillage des produits de luxe lors du repli de 2022, les titres technologiques mondiaux ont progressé de 30,5 % depuis la mi-octobre, lorsque les marchés mondiaux se sont rapprochés du point bas du marché baissier en euros et ont atteint un plancher en dollars. C’est deux fois plus que les actions mondiales, qui ont gagné 14,9 %. Malgré une évolution en dents de scie depuis avril, les acteurs du secteur du luxe à l’échelle mondiale affichent toujours une hausse de 16,6 % sur cette période, contre 22,3 % pour la France.
Les plus alarmistes voient désormais dans l’essor de la technologie un mouvement trompeur alimenté par l’engouement pour l’IA, mais qui s’atténue déjà, de manière similaire aux craintes entourant les taux d’intérêt et aux prévisions d’un affaiblissement futur des marchés boursiers. Or il s’agit simplement d’une correction à la baisse des attentes, presque identique à celles qui avaient mystifié les marchés baissiers en décembre et février, constituant à l’époque des pauses bienvenues. C’est l’ascension du légendaire « mur des inquiétudes » des marchés haussiers.
Aujourd’hui, les fondamentaux comme la croissance mondiale poussive et les craintes de ralentissement en Chine favorisent les actions de croissance de qualité
Les actions des secteurs liées à la technologie des services de communication et de la consommation discrétionnaire ont connu une évolution semblable à celle de la technologie, chutant lors du marché baissier avant de se redresser. Il en va de même pour l’industrie, surtout en France et dans la zone euro, où les rumeurs de récession ont fait plonger le secteur.
Mais aujourd’hui, les fondamentaux comme la croissance mondiale poussive et les craintes de ralentissement en Chine favorisent les actions de croissance de qualité. Pourquoi ? En période de faible expansion, les investisseurs se ruent sur les véritables entreprises de croissance, capables de stimuler leurs ventes malgré le contexte économique. Celles-ci sont rares, et donc particulièrement prisées.
Marges brutes. Il s’agit là encore d’entreprises de qualité du secteur technologique, qui génèrent des marges brutes d’exploitation de 47 % utilisées à des fins de réinvestissement et de croissance, et en particulier celles opérant dans les domaines des logiciels et des semi-conducteurs. Compte tenu du nombre limité de ces acteurs en France, il convient de se tourner vers les grands noms néerlandais, allemands, coréens, taïwanais et américains.
Par ailleurs, la phase actuelle du marché est à nouveau propice au luxe, qui affiche des marges brutes d’exploitation de 57 % en moyenne et représente l’un des fleurons économiques français. Les sociétés suisses et italiennes permettent de diversifier l’exposition au secteur. Les entreprises de vente au détail d’articles diversifiés, absentes en France, mais nombreuses aux Etats-Unis, ont elles aussi le vent en poupe.
Dans les services de communication, le secteur défensif des télécommunications devrait être à la traîne. Privilégiez plutôt les services et médias interactifs liés à la technologie, un secteur qui génère une marge brute considérable de 62 % et est dominé par les Etats-Unis.
La transition d’un portefeuille de croissance de qualité vers des titres « value » sera un jour judicieuse, mais seulement lorsque l’économie aura repris sa vitesse de croisière, ce qui n’est pas pour demain.
Retardataires. Et les retardataires ? Ce sont d’autres secteurs défensifs, à savoir la santé, la consommation de base et les services publics. Ils se comportent relativement mieux pendant les véritables marchés baissiers : médicaments, pain et électricité demeurent des achats indispensables quelle que soit la situation économique, ce qui offre un certain sentiment de stabilité aux investisseurs. En revanche, lors des phases haussières, cette stabilité devient un poids qui les dissuade d’investir.
L’énergie devrait également rester à la traîne. L’année dernière, les investisseurs se sont rués sur les actions des compagnies pétrolières et gazières, prévoyant à tort que les hausses de prix à court terme se transformeraient en pénuries comme dans les années 1970. Ils répètent cette erreur aujourd’hui. En effet, l’abondance de l’offre mondiale limitera les prix et les bénéfices. Vous pouvez ignorer la grève dans le secteur du gaz naturel en Australie. Les usines concernées ne représentaient que 7 % de l’offre mondiale de GNL l’année dernière et de nouvelles sources d’approvisionnement commenceront bientôt à être exploitées.
Il en va de même pour les rumeurs de pénurie de gaz en Europe, car les stocks de l’UE sont remplis à 94 % à la mi-septembre, un niveau nettement supérieur à la moyenne des cinq dernières années.
Quid de l’industrie ? Les marges bénéficiaires brutes modérées à l’échelle mondiale (23,4 %) augurent d’une baisse des rendements une fois que le rebond aura pris fin, ce qui semble déjà être le cas étant donné le retard pris par le secteur depuis le début du mois de mars. Le secteur est intéressant, à condition de ne pas s’y exposer trop fortement.
Pourquoi ? Il faut toujours s’exposer un peu aux secteurs pour lesquels vous anticipez des performances plus décevantes. Il s’agit là en quelque sorte d’une assurance contre le risque de se tromper et la forme ultime de diversification du portefeuille, car personne n’est à l’abri d’une erreur quand il s’agit de prévisions.
La transition d’un portefeuille de croissance de qualité vers des titres « value » sera un jour judicieuse, mais seulement lorsque l’économie aura repris sa vitesse de croisière, ce qui n’est pas pour demain. Il convient donc d’être optimiste et de privilégier les titres de croissance jusqu’à ce que les signes d’une forte croissance économique deviennent plus évidents.
*Ken Fisher est président et directeur de Fisher Investments Europe, président exécutif et codirecteur des investissements de Fisher Investments.