Archive pour le Tag 'fin'

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santé- Covid: vraiment la fin de l’épidémie ?

santé- Covid: vraiment la fin de l’épidémie?

Dans une tribune adressée au « Monde », des médecins spécialistes de santé publique rappellent que, si l’état d’urgence sanitaire est passé, le Covid-19 continue d’ôter la vie aux personnes les plus fragiles. Ils plaident pour renforcer notre système de soins et poursuivre les investissements dans l’innovation. Le Covid-19 aura montré combien notre monde reste vulnérable et fragile. Pour éviter une catastrophe sanitaire et économique mondiale, liée à l’irruption d’un agent infectieux, des négociations portant sur de nouveaux instruments juridiques internationaux ont pris place, fin mai, au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à Genève, en marge de l’Assemblée mondiale de la santé.

Le SARS-CoV-2 a émergé en Chine, fin 2019, et aura infecté en quelques mois presque toute la population de la planète, parfois à plusieurs reprises, et causé directement ou indirectement plus de 20 millions de décès en trois ans. Le monde a été à l’arrêt pendant plusieurs semaines au printemps 2020, mais, en moins d’un an, une douzaine de vaccins développés par la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont permis de changer le visage de la pandémie.

Ces vaccins se sont montrés d’une très grande efficacité pour réduire les formes graves de la maladie, la mortalité, tout en évitant de nouvelles saturations des systèmes de santé. Et pourtant, ces vaccins n’ont pas arrêté la circulation du virus qui ne cesse de se modifier, contournant l’immunité conférée par le vaccin et les infections antérieures, à l’origine de nouvelles vagues de réinfection. Durant la seule année 2022, l’Europe a enregistré plus de 450 000 décès, dont près de 40 000 rapportés en France, qui totalisait, fin mai 2023, plus de 160 000 décès associés au Covid-19 depuis le début de la pandémie.

La phase d’urgence étant passée, plus aucun pays au monde ne connaît de confinements, de quarantaines ou de passe sanitaires, et les derniers pays lèvent désormais leurs contrôles aux frontières. Aujourd’hui, ce sont essentiellement les personnes très âgées et les personnes immunodéprimées qui développent des complications en lien avec le Covid-19, et l’on ignore encore le rythme nécessaire des injections de rappel dans la population pour qu’elle reste protégée contre ses formes graves. Par ailleurs, le SARS-CoV-2, qui a la particularité de circuler tout au long de l’année, peut également entraîner, dans environ 10 % des cas, des Covid longs, ces formes prolongées parfois handicapantes et contre lesquelles la médecine reste très démunie.

Covid: vraiment la fin de l’épidémie?

Covid: vraiment la fin de l’épidémie?


Dans une tribune adressée au « Monde », des médecins spécialistes de santé publique rappellent que, si l’état d’urgence sanitaire est passé, le Covid-19 continue d’ôter la vie aux personnes les plus fragiles. Ils plaident pour renforcer notre système de soins et poursuivre les investissements dans l’innovation. Le Covid-19 aura montré combien notre monde reste vulnérable et fragile. Pour éviter une catastrophe sanitaire et économique mondiale, liée à l’irruption d’un agent infectieux, des négociations portant sur de nouveaux instruments juridiques internationaux ont pris place, fin mai, au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à Genève, en marge de l’Assemblée mondiale de la santé.

Le SARS-CoV-2 a émergé en Chine, fin 2019, et aura infecté en quelques mois presque toute la population de la planète, parfois à plusieurs reprises, et causé directement ou indirectement plus de 20 millions de décès en trois ans. Le monde a été à l’arrêt pendant plusieurs semaines au printemps 2020, mais, en moins d’un an, une douzaine de vaccins développés par la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont permis de changer le visage de la pandémie.

Ces vaccins se sont montrés d’une très grande efficacité pour réduire les formes graves de la maladie, la mortalité, tout en évitant de nouvelles saturations des systèmes de santé. Et pourtant, ces vaccins n’ont pas arrêté la circulation du virus qui ne cesse de se modifier, contournant l’immunité conférée par le vaccin et les infections antérieures, à l’origine de nouvelles vagues de réinfection. Durant la seule année 2022, l’Europe a enregistré plus de 450 000 décès, dont près de 40 000 rapportés en France, qui totalisait, fin mai 2023, plus de 160 000 décès associés au Covid-19 depuis le début de la pandémie.

La phase d’urgence étant passée, plus aucun pays au monde ne connaît de confinements, de quarantaines ou de passe sanitaires, et les derniers pays lèvent désormais leurs contrôles aux frontières. Aujourd’hui, ce sont essentiellement les personnes très âgées et les personnes immunodéprimées qui développent des complications en lien avec le Covid-19, et l’on ignore encore le rythme nécessaire des injections de rappel dans la population pour qu’elle reste protégée contre ses formes graves. Par ailleurs, le SARS-CoV-2, qui a la particularité de circuler tout au long de l’année, peut également entraîner, dans environ 10 % des cas, des Covid longs, ces formes prolongées parfois handicapantes et contre lesquelles la médecine reste très démunie.

Chauffage–Chaudières à gaz: la fin dès 2026 ?

Chauffage–Chaudières à gaz: la fin dès 2026 ?

Elisabeth Borne a fait part, auprès d’organisations patronales le 23 mai, de 2026 comme une « échéance possible et potentiellement souhaitable ». Une date-butoir qui pourrait provoquer une petite révolution chez les 12 millions actuels d’utilisateurs. La moitié des occupants de maison individuelle, se chauffent actuellement au gaz, soit 12 millions de foyers équipés d’une chaudière de ce type et environ 500.000 renouvellements par an. Sans surprise, la filière gazière s’oppose vivement à toute interdiction. Mais elle n’est pas la seule. Artisans et associations de consommateurs et de locataires se joignent aussi à cette levée de boucliers. Pouvoir d’achat fragilisé, hausse des dépenses publiques, délais intenables, infaisabilité technique, inefficacité sur le plan climatique.

« Une PAC coûte en moyenne 15.000 euros, contre 4 à 5.000 euros pour une chaudière à gaz. Il y a donc 10.000 euros d’écart », alerte le magazine Que Choisir. Les PAC bénéficient toutefois aujourd’hui d’aides publiques beaucoup plus conséquentes que les chaudières à haute performance énergétique.

Après avoir interdit les chaudières au fioul, on veut interdire les chaudières au gaz, c’est se moquer du monde ! », réagit Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL). « Dans le parc social, des locataires disposent de chaudières au gaz individuelles. Comment va-t-on prendre ce coût en charge ? » pointe-t-il encore.

Outre l’investissement initial, la question des dépenses liées à l’entretien est également soulevée. « Le gouvernement a offert des PAC pour un euro aux ménages modestes et très modestes. Mais aujourd’hui, certains n’ont pas les moyens de faire les réparations nécessaires. Le Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (Synasav) vient de lancer une alerte », explique Elisabeth Chesnais. Le parc français compterait ainsi des « PAC orphelines » dont le fonctionnement est loin d’être optimal.

L’alerte a été sonnée par le président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) dès le 24 mai. « On ne peut pas dire qu’en 2026, on supprime la chaudière à gaz et qu’on forme 200.000 chauffagistes à la pompe à chaleur. Ce calendrier n’est pas tenable », a fait savoir Jean-Christophe Repon, le vice-président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), reçu et informé la veille par la Première ministre Elisabeth Borne.

« Alors que les chaudières sont majoritairement produites en France et en Europe, une grande majorité des composants des PAC électriques provient d’Asie », alerte encore Coénove. « La combustion est un savoir-faire franco-européen. La fabrication de 90% des composants d’une chaudière à gaz est maîtrisée sur le Vieux Continent, tandis que le concept de la thermodynamique à l’œuvre dans les pompes à chaleur est historiquement maîtrisé en Asie. Si on instaure une interdiction trop rapidement, cela va favoriser les industriels asiatiques » prévient son président.

Autrement dit « une électrification à outrance du bâtiment », comme le redoute Jean-Charles Colas Roy, pourrait conduire la France à importer davantage d’électricité de ses pays voisins (et donc potentiellement produite à partir de gaz ou de charbon) ou à faire fonctionner davantage ses propres centrales à gaz pour produire l’électricité suffisante. « Si l’électrification massive n’est pas en phase avec le rythme de production d’électricité nucléaire et renouvelable, nous aurons des émissions additionnelles, plutôt qu’une réduction. Électrifier trop vite, ce n’est pas toujours décarboner », avait averti Laurence Poirier-Dietz, la directrice générale de GRDF, en avril dernier.

Même l’association négaWatt, très attachée à la décarbonation du bâtiment, n’est « pas favorable à une interdiction à court terme des chaudières à gaz ». « Nous ne sommes pas opposés aux pompes à chaleur électriques, mais la priorité est de mettre en place les conditions financières, techniques et d’accompagnement permettant de massifier la rénovation thermique performante des bâtiments. Le reste est secondaire pour l’instant », explique son président Stéphane Chatelin. « Nous comptons sur un développement assez fort des PAC. Dans notre scénario, elles pourraient chauffer la moitié du parc bâti en 2050, mais il faut que cela se fasse dans des logements rénovés », poursuit-il.

Installer des PAC avant des travaux d’efficacité énergétique, pourrait conduire à les surdimensionner, « ne serait-ce que pour obtenir la même température », confirme le président de la CAPEB. « Si on remplace toutes les chaudières à gaz et au fioul d’ici 2030 par des PAC dans les logements classés F et G, c’est-à-dire les plus consommateurs en énergie, cela pourrait représenter un appel de puissance supplémentaire pour le système électrique de 8 à 10 gigawatts lors de la pointe de l’hiver », précise Stéphane Chatelin.

« On ne fait pas moins 55% d’émissions de CO2 sans changement de chauffage dans les bâtiments », affirme, pour sa part, Thomas Veyrenc, le directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE. Selon lui, le gain en termes de décarbonation est clair, tout en reconnaissant « un point de vigilance sur la pointe de consommation l’hiver ». « En face, il faut être capable de mettre les moyens de production au bon moment », ajoute-t-il. Des analyses sont en cours et seront rendues à l’automne prochain. « Il faut qu’il y ait un planning en concertation avec RTE », soutient Alric Marc, président d’Eficia.

Quid du gaz vert ?
La filière gazière demande donc au gouvernement de ne « pas confondre l’appareil et le combustible ». « Ce n’est pas la chaudière qu’il faut bannir mais le gaz qu’il faut verdir », insiste Jean-Charles Colas Roy. « Il y a un enjeu de cohabitation entre le biogaz et l’utilisation de l’électricité », a reconnu Xavier Piechaczyk, le président de RTE, lors d’une conférence de presse ce mercredi. « Il ne faut pas faire du tout-électrique. Ce n’est pas dans notre intérêt collectif », a admis Agnès Pannier-Runacher, au Sénat.

Concrètement, les professionnels de la molécule plaident pour que les quelque 6 millions de foyers disposant encore de chaudières d’ancienne génération puissent s’équiper d’une chaudière à Très haute performance énergétique (THPE). Selon GRDF, ce type de chaudière individuelle à condensation permettrait de réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre, par rapport aux chaudières classiques peu performantes. Toutefois, dans ses calculs, le gestionnaire ne prend en compte que la phase d’utilisation de l’appareil et non toutes les phases de son cycle de vie, comprenant notamment sa fabrication.

Au-delà du potentiel de décarbonation lié à l’efficacité énergétique des équipements, la filière vante sa capacité à se verdir en remplaçant progressivement le gaz naturel, par du biométhane, de l’hydrogène et des gaz de synthèse. Alors que le gaz naturel émet 227 grammes de CO2 par kilowattheure, le biométhane n’en émet que 44 grammes, souligne la directrice générale de GRDF. Aujourd’hui, les gaz verts ne représentent que 2% de la consommation globale de gaz en France. Toutefois, les professionnels du secteur affirment qu’il est tout à fait possible d’atteindre les 20% à l’horizon 2030. Mais ce gisement pourrait être mis à mal par l’accumulation actuelle des projets de méthaniseurs en liste d’attente.

« Il est tout à fait pertinent de compter sur une augmentation du gaz renouvelable. Mais la grande question c’est comment on utilise ces gaz verts ? Quels usages sont prioritaires ? Nous pensons qu’il faut davantage réserver le biogaz pour les mobilités lourdes », glisse le président de l’association négaWatt.

Autant de débats qui devront être tranchés pour définir la prochaine feuille de route énergétique de la France, attendue à l’automne prochain. « Qui imagine des camions venir livrer, plusieurs fois par semaine au pic de l’hiver, des granulés de bois dans les villes ? », ironise un professionnel.

Politique-Mettre fin aux opérations de déstabilisation de Moscou

Politique-Mettre fin aux opérations de déstabilisation de Moscou

Défaire la Russie en Ukraine n’est qu’une étape. C’est à la politique agressive menée depuis des années par le régime de Vladimir Poutine dans plusieurs pays qu’il faut mettre fin. Cela passe par la réaffirmation des principes démocratiques et une refondation de nos institutions internationales. Par Nicolas Tenzer (*), président du Centre d’étude et de réflexion pour l’Action politique (CERAP), enseignant à Sciences-Po Paris. dans La Tribune.
Nicolas Tenzer

Depuis 23 ans, Moscou a semé la mort et la destruction. Le régime de Poutine est responsable de centaines de milliers de morts en Tchétchénie, en Syrie, en Géorgie, en Afrique et bien sûr en Ukraine. Les victimes civiles du terrorisme d’État de Poutine sont même plus nombreuses que celles d’Al Qaida et de Daech mises ensemble. Après 22 ans où les démocraties ont laissé le Kremlin gagner toutes ses guerres, la guerre totale déclarée à l’Ukraine le 24 février 2022 a conduit, enfin, à une prise de conscience du danger premier que la Russie actuelle posait au monde. Quoique encore trop lentement, ils ont décidé de défendre l’Ukraine et, désormais, d’assurer sa victoire, en lui donnant des moyens pour le faire. On doit d’ailleurs espérer que les dernières restrictions dans la fourniture d’armes seront bientôt levées pour que la victoire puisse être totale et rapide.

Mais gagner la guerre en Ukraine ne suffira pas. C’est la défaite totale de Moscou qu’il faut assurer : en Géorgie, où Moscou détient de fait encore 20 % du territoire depuis 2008, en Moldavie, où elle conserve la Transnistrie, au Bélarus, où elle soutient à bout de bras le dictateur Loukachenko dans sa politique de répression, en Afrique, où, par son bras armé, les milices Wagner, elle assassine, pille les ressources naturelles et aide les dictatures, mais aussi en Birmanie, à Cuba, au Venezuela et au Nicaragua, et bien sûr en Syrie où, avec l’Iran, elle aide le régime Assad à perpétuer son emprise criminelle (1 million de morts depuis 2011).

Au sein des Nations unies, par sa politique systématique de veto, elle empêche la punition d’autres régimes criminels et veille à protéger sa propre impunité, alors même que Poutine a été inculpé de crimes de guerre par la Cour pénale internationale. Comme d’autres, nous avions d’ailleurs montré que, juridiquement et politiquement, elle pouvait être expulsée de son Conseil de sécurité dont elle demeure un membre permanent, voire de l’organisation elle-même. Il serait dangereux qu’elle essaie de s’acheter des soutiens pour l’éviter, notamment celui du Bélarus, largement sanctionné par la communauté internationale, mais qui semble tenter de se faire élire à son Conseil, quand bien même sa demande a peu de chance d’aboutir. Il est d’ailleurs frappant de voir comment le dictateur biélorusse, qui conduit une répression féroce dans son pays et qui a accepté que son pays serve de base arrière pour des opérations contre l’Ukraine, au point d’accueillir des armes nucléaires tactiques russes en violation de sa constitution et du Mémorandum de Budapest, essaie régulièrement de donner des gages, récemment encore en libérant certains prisonniers politiques. Se prêter à ce subterfuge serait dangereux : il reste plus de 1.500 prisonniers politiques dans les geôles du régime, le plus souvent torturés, et la cheffe de l’opposition en exil et sa présidente légitime, Svetlana Tsikhanouskayak, dont le mari, Siarhei, est en prison, vient d’être condamnée in absentia, à 15 ans de prison. Pour les pays du Sud en particulier, il ne faudrait pas que le Bélarus apparaisse comme une Russie plus acceptable.

Le moment est venu pour les démocraties de réaffirmer leurs principes, mais aussi de lutter plus sérieusement contre les manipulations de l’information. Le cas africain est assez révélateur : alors même que sa politique est néo-impérialiste et néocoloniale, la Russie a su user de tous les moyens, parfois soutenue par des gouvernements qui trouvaient un intérêt personnel à se rapprocher de Moscou, pour renforcer dans l’esprit d’une partie de la population africaine l’idée que l’Occident l’était. En réalité, sa politique de pillage des ressources de ces pays constitue un exemple de prédation dont même les plus fervents colonisateurs occidentaux n’auraient pas pu avoir l’idée. Elle a instillé la corruption en moyen d’action et favorisé les pires pratiques de mauvais gouvernement en opposition totale avec les principes de développement durable portés par les organisations internationales. Les démocraties doivent mieux montrer que la Russie finalement ne favorise que les élites les plus corrompues et fait finalement le malheur des peuples. C’est d’ailleurs ce que Poutine fait avec son propre peuple qui sombre de plus en plus dans la grande pauvreté et avec son propre pays qui tombe dans le sous-développement. Ce n’est évidemment en rien une politique susceptible de garantir la stabilité : tout au contraire, la Russie et ses milices ne font à terme que renforcer un sentiment de désespoir et un état d’anarchie, foyers de développement du terrorisme.

Que ce soit d’ailleurs en Europe, au Moyen-Orient ou en Afrique, cette emprise que les démocraties ont laissée à la Russie est porteuse de deux leçons pour l’avenir. D’abord, après l’Ukraine, il faudra savoir terminer le travail. La Russie doit être suffisamment défaite pour être conduite de lâcher pied là où elle dispose encore d’une présence et d’une influence. Il s’agit là d’une politique de long terme qui suppose que les Alliés et l’Union européenne n’abandonnent pas leur politique de sanctions, directes et secondaires, tant que la menace russe n’a pas disparu et que les coupables de crimes de guerre, contre l’humanité, de génocide et d’agression n’ont pas été livrés à la justice et les dommages de guerre payés à l’Ukraine. Ensuite, les démocraties occidentales doivent revoir leur politique internationale dans un sens de plus grande cohérence : nous avons été trop faibles vis-à-vis aussi d’autres dictatures au prétexte qu’elles servaient nos intérêts alors qu’elle bafouaient ceux de leurs propres peuples. Cela a contribué à rendre les propagandes russe et chinoise plus efficaces. Nous avons peu émis de pression contre les Etats arabes et du Golfe qui ont réhabilité le régime Assad, allié de l’Iran et de la Russie, au point de le réadmettre au sein de la Ligue arabe. Après la fin de la guerre, nous devons aussi proposer aux pays du Sud une politique plus durable en matière de sécurité alimentaire et énergétique.

Refonder les institutions internationales

En somme, la fin de la guerre devra non seulement rendre impossible le business as usual avec la Russie, mais aussi mettre un terme à la tentation de recommencer tout comme avant avec le reste du monde, notamment les pays en développement et en transition.

L’une des tâches majeurs sera aussi de refonder les institutions internationales, et en particulier l’Onu. Le moment est venu d’engager les pays du Sud dans cette entreprise et de conduire une politique menée par l’exemplarité. L’expulsion de la Russie du Conseil de sécurité serait un premier signe. Nous devons également nous montrer intraitables avec des Etats coupables de violations graves de droits au sein de l’organisation, ce qui vaut notamment pour la Syrie, l’Iran ou le Bélarus. Il faudra aussi réactiver l’article 27-3 de la Charte des Nations unies qui dispose qu’un Etat partie à un conflit ne peut faire usage de son droit de vote au Conseil de Sécurité – c’est d’ailleurs les puissances occidentales qui l’avaient rendu caducs dès les premières décennies d’existence de l’organisation de New York.

Un monde sans la Russie de Poutine sera indiscutablement meilleur, plus sûr, plus digne pour les peuples, moins porteur de menaces. Mais nous ne saurions nous arrêter là lorsque l’Ukraine aura gagné : nous devons nous mettre en mesure de bâtir un ordre différent, sur l’exemple de ce qu’avaient fait les fondateurs de l’Onu et concepteurs du droit international après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sans doute, le moment n’est-il pas, conceptuellement et stratégiquement, si différent.

_____

(*) Nicolas Tenzer est l’auteur de trois rapports officiels au gouvernement français et de 22 ouvrages. Ses réflexions sur les questions internationales et stratégiques peuvent être consultées sur son blog, Tenzer Strategics.

Mettre fin aux opérations de déstabilisation de Moscou

Mettre fin aux opérations de déstabilisation de Moscou

Défaire la Russie en Ukraine n’est qu’une étape. C’est à la politique agressive menée depuis des années par le régime de Vladimir Poutine dans plusieurs pays qu’il faut mettre fin. Cela passe par la réaffirmation des principes démocratiques et une refondation de nos institutions internationales. Par Nicolas Tenzer (*), président du Centre d’étude et de réflexion pour l’Action politique (CERAP), enseignant à Sciences-Po Paris. dans La Tribune.
Nicolas Tenzer

Depuis 23 ans, Moscou a semé la mort et la destruction. Le régime de Poutine est responsable de centaines de milliers de morts en Tchétchénie, en Syrie, en Géorgie, en Afrique et bien sûr en Ukraine. Les victimes civiles du terrorisme d’État de Poutine sont même plus nombreuses que celles d’Al Qaida et de Daech mises ensemble. Après 22 ans où les démocraties ont laissé le Kremlin gagner toutes ses guerres, la guerre totale déclarée à l’Ukraine le 24 février 2022 a conduit, enfin, à une prise de conscience du danger premier que la Russie actuelle posait au monde. Quoique encore trop lentement, ils ont décidé de défendre l’Ukraine et, désormais, d’assurer sa victoire, en lui donnant des moyens pour le faire. On doit d’ailleurs espérer que les dernières restrictions dans la fourniture d’armes seront bientôt levées pour que la victoire puisse être totale et rapide.

Mais gagner la guerre en Ukraine ne suffira pas. C’est la défaite totale de Moscou qu’il faut assurer : en Géorgie, où Moscou détient de fait encore 20 % du territoire depuis 2008, en Moldavie, où elle conserve la Transnistrie, au Bélarus, où elle soutient à bout de bras le dictateur Loukachenko dans sa politique de répression, en Afrique, où, par son bras armé, les milices Wagner, elle assassine, pille les ressources naturelles et aide les dictatures, mais aussi en Birmanie, à Cuba, au Venezuela et au Nicaragua, et bien sûr en Syrie où, avec l’Iran, elle aide le régime Assad à perpétuer son emprise criminelle (1 million de morts depuis 2011).

Au sein des Nations unies, par sa politique systématique de veto, elle empêche la punition d’autres régimes criminels et veille à protéger sa propre impunité, alors même que Poutine a été inculpé de crimes de guerre par la Cour pénale internationale. Comme d’autres, nous avions d’ailleurs montré que, juridiquement et politiquement, elle pouvait être expulsée de son Conseil de sécurité dont elle demeure un membre permanent, voire de l’organisation elle-même. Il serait dangereux qu’elle essaie de s’acheter des soutiens pour l’éviter, notamment celui du Bélarus, largement sanctionné par la communauté internationale, mais qui semble tenter de se faire élire à son Conseil, quand bien même sa demande a peu de chance d’aboutir. Il est d’ailleurs frappant de voir comment le dictateur biélorusse, qui conduit une répression féroce dans son pays et qui a accepté que son pays serve de base arrière pour des opérations contre l’Ukraine, au point d’accueillir des armes nucléaires tactiques russes en violation de sa constitution et du Mémorandum de Budapest, essaie régulièrement de donner des gages, récemment encore en libérant certains prisonniers politiques. Se prêter à ce subterfuge serait dangereux : il reste plus de 1.500 prisonniers politiques dans les geôles du régime, le plus souvent torturés, et la cheffe de l’opposition en exil et sa présidente légitime, Svetlana Tsikhanouskayak, dont le mari, Siarhei, est en prison, vient d’être condamnée in absentia, à 15 ans de prison. Pour les pays du Sud en particulier, il ne faudrait pas que le Bélarus apparaisse comme une Russie plus acceptable.

Le moment est venu pour les démocraties de réaffirmer leurs principes, mais aussi de lutter plus sérieusement contre les manipulations de l’information. Le cas africain est assez révélateur : alors même que sa politique est néo-impérialiste et néocoloniale, la Russie a su user de tous les moyens, parfois soutenue par des gouvernements qui trouvaient un intérêt personnel à se rapprocher de Moscou, pour renforcer dans l’esprit d’une partie de la population africaine l’idée que l’Occident l’était. En réalité, sa politique de pillage des ressources de ces pays constitue un exemple de prédation dont même les plus fervents colonisateurs occidentaux n’auraient pas pu avoir l’idée. Elle a instillé la corruption en moyen d’action et favorisé les pires pratiques de mauvais gouvernement en opposition totale avec les principes de développement durable portés par les organisations internationales. Les démocraties doivent mieux montrer que la Russie finalement ne favorise que les élites les plus corrompues et fait finalement le malheur des peuples. C’est d’ailleurs ce que Poutine fait avec son propre peuple qui sombre de plus en plus dans la grande pauvreté et avec son propre pays qui tombe dans le sous-développement. Ce n’est évidemment en rien une politique susceptible de garantir la stabilité : tout au contraire, la Russie et ses milices ne font à terme que renforcer un sentiment de désespoir et un état d’anarchie, foyers de développement du terrorisme.

Que ce soit d’ailleurs en Europe, au Moyen-Orient ou en Afrique, cette emprise que les démocraties ont laissée à la Russie est porteuse de deux leçons pour l’avenir. D’abord, après l’Ukraine, il faudra savoir terminer le travail. La Russie doit être suffisamment défaite pour être conduite de lâcher pied là où elle dispose encore d’une présence et d’une influence. Il s’agit là d’une politique de long terme qui suppose que les Alliés et l’Union européenne n’abandonnent pas leur politique de sanctions, directes et secondaires, tant que la menace russe n’a pas disparu et que les coupables de crimes de guerre, contre l’humanité, de génocide et d’agression n’ont pas été livrés à la justice et les dommages de guerre payés à l’Ukraine. Ensuite, les démocraties occidentales doivent revoir leur politique internationale dans un sens de plus grande cohérence : nous avons été trop faibles vis-à-vis aussi d’autres dictatures au prétexte qu’elles servaient nos intérêts alors qu’elle bafouaient ceux de leurs propres peuples. Cela a contribué à rendre les propagandes russe et chinoise plus efficaces. Nous avons peu émis de pression contre les Etats arabes et du Golfe qui ont réhabilité le régime Assad, allié de l’Iran et de la Russie, au point de le réadmettre au sein de la Ligue arabe. Après la fin de la guerre, nous devons aussi proposer aux pays du Sud une politique plus durable en matière de sécurité alimentaire et énergétique.

Refonder les institutions internationales

En somme, la fin de la guerre devra non seulement rendre impossible le business as usual avec la Russie, mais aussi mettre un terme à la tentation de recommencer tout comme avant avec le reste du monde, notamment les pays en développement et en transition.

L’une des tâches majeurs sera aussi de refonder les institutions internationales, et en particulier l’Onu. Le moment est venu d’engager les pays du Sud dans cette entreprise et de conduire une politique menée par l’exemplarité. L’expulsion de la Russie du Conseil de sécurité serait un premier signe. Nous devons également nous montrer intraitables avec des Etats coupables de violations graves de droits au sein de l’organisation, ce qui vaut notamment pour la Syrie, l’Iran ou le Bélarus. Il faudra aussi réactiver l’article 27-3 de la Charte des Nations unies qui dispose qu’un Etat partie à un conflit ne peut faire usage de son droit de vote au Conseil de Sécurité – c’est d’ailleurs les puissances occidentales qui l’avaient rendu caducs dès les premières décennies d’existence de l’organisation de New York.

Un monde sans la Russie de Poutine sera indiscutablement meilleur, plus sûr, plus digne pour les peuples, moins porteur de menaces. Mais nous ne saurions nous arrêter là lorsque l’Ukraine aura gagné : nous devons nous mettre en mesure de bâtir un ordre différent, sur l’exemple de ce qu’avaient fait les fondateurs de l’Onu et concepteurs du droit international après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sans doute, le moment n’est-il pas, conceptuellement et stratégiquement, si différent.

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(*) Nicolas Tenzer est l’auteur de trois rapports officiels au gouvernement français et de 22 ouvrages. Ses réflexions sur les questions internationales et stratégiques peuvent être consultées sur son blog, Tenzer Strategics.

Chauffage–Fin des chaudières à gaz dès 2026 ?

Chauffage–Fin des chaudières à gaz dès 2026 ?

Elisabeth Borne a fait part, auprès d’organisations patronales le 23 mai, de 2026 comme une « échéance possible et potentiellement souhaitable ». Une date-butoir qui pourrait provoquer une petite révolution chez les 12 millions actuels d’utilisateurs. La moitié des occupants de maison individuelle, se chauffent actuellement au gaz, soit 12 millions de foyers équipés d’une chaudière de ce type et environ 500.000 renouvellements par an. Sans surprise, la filière gazière s’oppose vivement à toute interdiction. Mais elle n’est pas la seule. Artisans et associations de consommateurs et de locataires se joignent aussi à cette levée de boucliers. Pouvoir d’achat fragilisé, hausse des dépenses publiques, délais intenables, infaisabilité technique, inefficacité sur le plan climatique.

« Une PAC coûte en moyenne 15.000 euros, contre 4 à 5.000 euros pour une chaudière à gaz. Il y a donc 10.000 euros d’écart », alerte le magazine Que Choisir. Les PAC bénéficient toutefois aujourd’hui d’aides publiques beaucoup plus conséquentes que les chaudières à haute performance énergétique.

Après avoir interdit les chaudières au fioul, on veut interdire les chaudières au gaz, c’est se moquer du monde ! », réagit Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL). « Dans le parc social, des locataires disposent de chaudières au gaz individuelles. Comment va-t-on prendre ce coût en charge ? » pointe-t-il encore.

Outre l’investissement initial, la question des dépenses liées à l’entretien est également soulevée. « Le gouvernement a offert des PAC pour un euro aux ménages modestes et très modestes. Mais aujourd’hui, certains n’ont pas les moyens de faire les réparations nécessaires. Le Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (Synasav) vient de lancer une alerte », explique Elisabeth Chesnais. Le parc français compterait ainsi des « PAC orphelines » dont le fonctionnement est loin d’être optimal.

L’alerte a été sonnée par le président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) dès le 24 mai. « On ne peut pas dire qu’en 2026, on supprime la chaudière à gaz et qu’on forme 200.000 chauffagistes à la pompe à chaleur. Ce calendrier n’est pas tenable », a fait savoir Jean-Christophe Repon, le vice-président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), reçu et informé la veille par la Première ministre Elisabeth Borne.

« Alors que les chaudières sont majoritairement produites en France et en Europe, une grande majorité des composants des PAC électriques provient d’Asie », alerte encore Coénove. « La combustion est un savoir-faire franco-européen. La fabrication de 90% des composants d’une chaudière à gaz est maîtrisée sur le Vieux Continent, tandis que le concept de la thermodynamique à l’œuvre dans les pompes à chaleur est historiquement maîtrisé en Asie. Si on instaure une interdiction trop rapidement, cela va favoriser les industriels asiatiques » prévient son président.

Autrement dit « une électrification à outrance du bâtiment », comme le redoute Jean-Charles Colas Roy, pourrait conduire la France à importer davantage d’électricité de ses pays voisins (et donc potentiellement produite à partir de gaz ou de charbon) ou à faire fonctionner davantage ses propres centrales à gaz pour produire l’électricité suffisante. « Si l’électrification massive n’est pas en phase avec le rythme de production d’électricité nucléaire et renouvelable, nous aurons des émissions additionnelles, plutôt qu’une réduction. Électrifier trop vite, ce n’est pas toujours décarboner », avait averti Laurence Poirier-Dietz, la directrice générale de GRDF, en avril dernier.

Même l’association négaWatt, très attachée à la décarbonation du bâtiment, n’est « pas favorable à une interdiction à court terme des chaudières à gaz ». « Nous ne sommes pas opposés aux pompes à chaleur électriques, mais la priorité est de mettre en place les conditions financières, techniques et d’accompagnement permettant de massifier la rénovation thermique performante des bâtiments. Le reste est secondaire pour l’instant », explique son président Stéphane Chatelin. « Nous comptons sur un développement assez fort des PAC. Dans notre scénario, elles pourraient chauffer la moitié du parc bâti en 2050, mais il faut que cela se fasse dans des logements rénovés », poursuit-il.

Installer des PAC avant des travaux d’efficacité énergétique, pourrait conduire à les surdimensionner, « ne serait-ce que pour obtenir la même température », confirme le président de la CAPEB. « Si on remplace toutes les chaudières à gaz et au fioul d’ici 2030 par des PAC dans les logements classés F et G, c’est-à-dire les plus consommateurs en énergie, cela pourrait représenter un appel de puissance supplémentaire pour le système électrique de 8 à 10 gigawatts lors de la pointe de l’hiver », précise Stéphane Chatelin.

« On ne fait pas moins 55% d’émissions de CO2 sans changement de chauffage dans les bâtiments », affirme, pour sa part, Thomas Veyrenc, le directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE. Selon lui, le gain en termes de décarbonation est clair, tout en reconnaissant « un point de vigilance sur la pointe de consommation l’hiver ». « En face, il faut être capable de mettre les moyens de production au bon moment », ajoute-t-il. Des analyses sont en cours et seront rendues à l’automne prochain. « Il faut qu’il y ait un planning en concertation avec RTE », soutient Alric Marc, président d’Eficia.

Quid du gaz vert ?
La filière gazière demande donc au gouvernement de ne « pas confondre l’appareil et le combustible ». « Ce n’est pas la chaudière qu’il faut bannir mais le gaz qu’il faut verdir », insiste Jean-Charles Colas Roy. « Il y a un enjeu de cohabitation entre le biogaz et l’utilisation de l’électricité », a reconnu Xavier Piechaczyk, le président de RTE, lors d’une conférence de presse ce mercredi. « Il ne faut pas faire du tout-électrique. Ce n’est pas dans notre intérêt collectif », a admis Agnès Pannier-Runacher, au Sénat.

Concrètement, les professionnels de la molécule plaident pour que les quelque 6 millions de foyers disposant encore de chaudières d’ancienne génération puissent s’équiper d’une chaudière à Très haute performance énergétique (THPE). Selon GRDF, ce type de chaudière individuelle à condensation permettrait de réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre, par rapport aux chaudières classiques peu performantes. Toutefois, dans ses calculs, le gestionnaire ne prend en compte que la phase d’utilisation de l’appareil et non toutes les phases de son cycle de vie, comprenant notamment sa fabrication.

Au-delà du potentiel de décarbonation lié à l’efficacité énergétique des équipements, la filière vante sa capacité à se verdir en remplaçant progressivement le gaz naturel, par du biométhane, de l’hydrogène et des gaz de synthèse. Alors que le gaz naturel émet 227 grammes de CO2 par kilowattheure, le biométhane n’en émet que 44 grammes, souligne la directrice générale de GRDF. Aujourd’hui, les gaz verts ne représentent que 2% de la consommation globale de gaz en France. Toutefois, les professionnels du secteur affirment qu’il est tout à fait possible d’atteindre les 20% à l’horizon 2030. Mais ce gisement pourrait être mis à mal par l’accumulation actuelle des projets de méthaniseurs en liste d’attente.

« Il est tout à fait pertinent de compter sur une augmentation du gaz renouvelable. Mais la grande question c’est comment on utilise ces gaz verts ? Quels usages sont prioritaires ? Nous pensons qu’il faut davantage réserver le biogaz pour les mobilités lourdes », glisse le président de l’association négaWatt.

Autant de débats qui devront être tranchés pour définir la prochaine feuille de route énergétique de la France, attendue à l’automne prochain. « Qui imagine des camions venir livrer, plusieurs fois par semaine au pic de l’hiver, des granulés de bois dans les villes ? », ironise un professionnel.

Fin des chaudières à gaz dès 2026 ?

Fin des chaudières à gaz dès 2026 ?

Elisabeth Borne a fait part, auprès d’organisations patronales le 23 mai, de 2026 comme une « échéance possible et potentiellement souhaitable ». Une date-butoir qui pourrait provoquer une petite révolution chez les 12 millions actuels d’utilisateurs. La moitié des occupants de maison individuelle, se chauffent actuellement au gaz, soit 12 millions de foyers équipés d’une chaudière de ce type et environ 500.000 renouvellements par an. Sans surprise, la filière gazière s’oppose vivement à toute interdiction. Mais elle n’est pas la seule. Artisans et associations de consommateurs et de locataires se joignent aussi à cette levée de boucliers. Pouvoir d’achat fragilisé, hausse des dépenses publiques, délais intenables, infaisabilité technique, inefficacité sur le plan climatique.

« Une PAC coûte en moyenne 15.000 euros, contre 4 à 5.000 euros pour une chaudière à gaz. Il y a donc 10.000 euros d’écart », alerte le magazine Que Choisir. Les PAC bénéficient toutefois aujourd’hui d’aides publiques beaucoup plus conséquentes que les chaudières à haute performance énergétique.

Après avoir interdit les chaudières au fioul, on veut interdire les chaudières au gaz, c’est se moquer du monde ! », réagit Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement (CNL). « Dans le parc social, des locataires disposent de chaudières au gaz individuelles. Comment va-t-on prendre ce coût en charge ? » pointe-t-il encore.

Outre l’investissement initial, la question des dépenses liées à l’entretien est également soulevée. « Le gouvernement a offert des PAC pour un euro aux ménages modestes et très modestes. Mais aujourd’hui, certains n’ont pas les moyens de faire les réparations nécessaires. Le Syndicat national de la maintenance et des services en efficacité énergétique (Synasav) vient de lancer une alerte », explique Elisabeth Chesnais. Le parc français compterait ainsi des « PAC orphelines » dont le fonctionnement est loin d’être optimal.

L’alerte a été sonnée par le président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) dès le 24 mai. « On ne peut pas dire qu’en 2026, on supprime la chaudière à gaz et qu’on forme 200.000 chauffagistes à la pompe à chaleur. Ce calendrier n’est pas tenable », a fait savoir Jean-Christophe Repon, le vice-président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), reçu et informé la veille par la Première ministre Elisabeth Borne.

« Alors que les chaudières sont majoritairement produites en France et en Europe, une grande majorité des composants des PAC électriques provient d’Asie », alerte encore Coénove. « La combustion est un savoir-faire franco-européen. La fabrication de 90% des composants d’une chaudière à gaz est maîtrisée sur le Vieux Continent, tandis que le concept de la thermodynamique à l’œuvre dans les pompes à chaleur est historiquement maîtrisé en Asie. Si on instaure une interdiction trop rapidement, cela va favoriser les industriels asiatiques » prévient son président.

Autrement dit « une électrification à outrance du bâtiment », comme le redoute Jean-Charles Colas Roy, pourrait conduire la France à importer davantage d’électricité de ses pays voisins (et donc potentiellement produite à partir de gaz ou de charbon) ou à faire fonctionner davantage ses propres centrales à gaz pour produire l’électricité suffisante. « Si l’électrification massive n’est pas en phase avec le rythme de production d’électricité nucléaire et renouvelable, nous aurons des émissions additionnelles, plutôt qu’une réduction. Électrifier trop vite, ce n’est pas toujours décarboner », avait averti Laurence Poirier-Dietz, la directrice générale de GRDF, en avril dernier.

Même l’association négaWatt, très attachée à la décarbonation du bâtiment, n’est « pas favorable à une interdiction à court terme des chaudières à gaz ». « Nous ne sommes pas opposés aux pompes à chaleur électriques, mais la priorité est de mettre en place les conditions financières, techniques et d’accompagnement permettant de massifier la rénovation thermique performante des bâtiments. Le reste est secondaire pour l’instant », explique son président Stéphane Chatelin. « Nous comptons sur un développement assez fort des PAC. Dans notre scénario, elles pourraient chauffer la moitié du parc bâti en 2050, mais il faut que cela se fasse dans des logements rénovés », poursuit-il.

Installer des PAC avant des travaux d’efficacité énergétique, pourrait conduire à les surdimensionner, « ne serait-ce que pour obtenir la même température », confirme le président de la CAPEB. « Si on remplace toutes les chaudières à gaz et au fioul d’ici 2030 par des PAC dans les logements classés F et G, c’est-à-dire les plus consommateurs en énergie, cela pourrait représenter un appel de puissance supplémentaire pour le système électrique de 8 à 10 gigawatts lors de la pointe de l’hiver », précise Stéphane Chatelin.

« On ne fait pas moins 55% d’émissions de CO2 sans changement de chauffage dans les bâtiments », affirme, pour sa part, Thomas Veyrenc, le directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE. Selon lui, le gain en termes de décarbonation est clair, tout en reconnaissant « un point de vigilance sur la pointe de consommation l’hiver ». « En face, il faut être capable de mettre les moyens de production au bon moment », ajoute-t-il. Des analyses sont en cours et seront rendues à l’automne prochain. « Il faut qu’il y ait un planning en concertation avec RTE », soutient Alric Marc, président d’Eficia.

Quid du gaz vert ?
La filière gazière demande donc au gouvernement de ne « pas confondre l’appareil et le combustible ». « Ce n’est pas la chaudière qu’il faut bannir mais le gaz qu’il faut verdir », insiste Jean-Charles Colas Roy. « Il y a un enjeu de cohabitation entre le biogaz et l’utilisation de l’électricité », a reconnu Xavier Piechaczyk, le président de RTE, lors d’une conférence de presse ce mercredi. « Il ne faut pas faire du tout-électrique. Ce n’est pas dans notre intérêt collectif », a admis Agnès Pannier-Runacher, au Sénat.

Concrètement, les professionnels de la molécule plaident pour que les quelque 6 millions de foyers disposant encore de chaudières d’ancienne génération puissent s’équiper d’une chaudière à Très haute performance énergétique (THPE). Selon GRDF, ce type de chaudière individuelle à condensation permettrait de réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre, par rapport aux chaudières classiques peu performantes. Toutefois, dans ses calculs, le gestionnaire ne prend en compte que la phase d’utilisation de l’appareil et non toutes les phases de son cycle de vie, comprenant notamment sa fabrication.

Au-delà du potentiel de décarbonation lié à l’efficacité énergétique des équipements, la filière vante sa capacité à se verdir en remplaçant progressivement le gaz naturel, par du biométhane, de l’hydrogène et des gaz de synthèse. Alors que le gaz naturel émet 227 grammes de CO2 par kilowattheure, le biométhane n’en émet que 44 grammes, souligne la directrice générale de GRDF. Aujourd’hui, les gaz verts ne représentent que 2% de la consommation globale de gaz en France. Toutefois, les professionnels du secteur affirment qu’il est tout à fait possible d’atteindre les 20% à l’horizon 2030. Mais ce gisement pourrait être mis à mal par l’accumulation actuelle des projets de méthaniseurs en liste d’attente.

« Il est tout à fait pertinent de compter sur une augmentation du gaz renouvelable. Mais la grande question c’est comment on utilise ces gaz verts ? Quels usages sont prioritaires ? Nous pensons qu’il faut davantage réserver le biogaz pour les mobilités lourdes », glisse le président de l’association négaWatt.

Autant de débats qui devront être tranchés pour définir la prochaine feuille de route énergétique de la France, attendue à l’automne prochain. « Qui imagine des camions venir livrer, plusieurs fois par semaine au pic de l’hiver, des granulés de bois dans les villes ? », ironise un professionnel.
César Armand et Juliette Raynal
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Fin de la Nupes aux Européennes ?

Fin de la Nupes aux Européennes ?


Mélenchon a déclaré que ce pourrait être la fin de l’ONU paisse si chaque famille la constituant présenter des listes séparées aux élections européennes.

Pourtant le leader de la Nupes sait bien qu’il y a une grande différence entre des européennes à un tour et des présidentielles à deux tours.
Les opposants à une liste unique ne manquent pas de souligner que les mêmes sondages prédisent que quatre listes de gauche séparées enverraient au final plus d’eurodéputés qu’une liste unique, même si aucune ne pourrait briguer la pôle position. «Je suis d’accord pour une candidature commune en 2027», a toutefois répété Marine Tondelier cette semaine.

Quant à savoir s’il excluait «totalement» de se présenter à la prochaine présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, trois fois candidat et qui a fini troisième en 2022, a répondu «personne ne peut dire ça. En toutes circonstances, je jouerai un rôle». Une manière de ne pas vraiment répondre car l’environnement politique pourrait changer d’ici là avec notamment un candidat crédible à gauche n’appartement pas à la NUPES .

Pour la fin des plastiques d’origine pétrolière

Pour la fin des plastiques d’origine pétrolière

Par Frédéric Van Gansberghe, CEO de Futerro
dans la Tribune

En tant que pionnier et expert en matière de PLA (acide polyactique), nous sommes particulièrement préoccupés par l’inaction de l’Union Européenne et de la France en matière de promotion des plastiques biosourcés. Alors que les États-Unis ont récemment annoncé leur intention de sortir des pétro-plastiques dans les vingt prochaines années pour se diriger vers des solutions d’origines organiques, l’Europe reste à la traîne. Il est de notoriété commune que les plastiques biosourcés pourraient offrir une alternative durable aux plastiques d’origine fossile, contribuant ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à lutter contre le changement climatique. Cette option, en effet d’origine biosourcée est dans la majorité des cas recyclable par voie mécanique et chimique et dans certains compostables (industriellement). Cependant, malgré ces avantages, l’Union Européenne ne prend pas suffisamment de mesures pour promouvoir l’utilisation de plastiques biosourcés en Europe. Malgré les ambitions du « Green Deal » qui prévoit la neutralité carbone d’ici à 2050 et du « Circular Economy Action Plan » qui souhaite supporter le développement de la bio-industrie, les actions concrètes manquent, au même titre que des engagements forts.

Les plastiques biosourcés absents des prises en compte dans l’emballage
Après avoir fermé le développement des bioplastiques dans le secteur des plastiques à usage unique (SUPD), l’Europe prévoit d’interdire le développement de ce nouveau secteur dans le packaging qui représente plus de la moitié du marché des bioplastiques. Via le PPWR (Règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages) actuellement en négociation, l’idée est de promouvoir l’utilisation du recyclage, qui est une solution louable, mais ne prévoit aucun cadre pour les plastiques biosourcés même.

Ce texte ne considère pas, avec le même intérêt, l’incorporation dans les emballages, du contenu biosourcé avec celui du contenu recyclé. Or les plastiques biosourcés peuvent parfaitement être recyclés dans les systèmes de recyclage existants. De plus, ils offrent une alternative durable et sûre pour les applications d’emballage où la réutilisation n’est pas une option, en particulier lorsque des exigences strictes en matière de sécurité alimentaire et de santé des consommateurs doivent être respectées.

Aucune différence n’est faite quant à la nature du plastique dans son réemploi
Dans la même dynamique, la loi AGEC en France et le décret n°2021-516 fixent comme objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici 2040. Pour y parvenir, la loi précise une méthode de sortie définie via des décrets quinquennaux prévoyant des objectifs dits « 3R », de réduction, de réemploi et de recyclage des emballages en plastique. Le premier décret 3R pour la période 2021-2025 a été publié en avril 2021.

Or, cette loi et le décret s’y rapportant ne prévoient aucune différence quant à la nature du plastique et traitent de la même manière les plastiques biosourcés alors qu’ils sont reconnus pour participer à l’économie circulaire. Pire, certains articles restrictifs limitent considérablement le développement de matériaux innovants biosourcés.

L’Europe doit incarner la neutralité carbone face à la Chine et aux USA
Il est d’autant plus triste de voir que de nombreux investissements ont été faits par l’UE et la France afin de développer une filière forte autour des biomatériaux et de la bioéconomie en supportant massivement divers projets de R&D, mais qui finalement, se voient bloquer l’accès au marché par des règlementations dissonantes et schizophréniques par rapport aux ambitions de neutralité carbone.

J’appelle les décideurs européens à prendre des mesures concrètes pour promouvoir l’utilisation de bioplastiques. Il leur faut continuer à encourager la recherche et le développement, mais aussi et surtout soutenir l’implantation de projet industriel Européen, permettant d’assurer, à plus long terme, une indépendance économique face à des forces émergentes telles que la Chine et les Etats-Unis.

Nous sommes convaincus que les bioplastiques peuvent et vont contribuer de manière significative à la création d’une économie circulaire plus durable et plus résiliente en Europe, la seule question est de savoir s’il ne sera pas trop tard lorsque les décideurs politiques auront pris conscience de l’impact de leurs décisions ces dernières années.

Il est temps pour l’UE de prendre des mesures ambitieuses pour encourager leur adoption. Nous sommes prêts à travailler avec les décideurs européens pour concrétiser cette vision et faire de l’Europe un leader mondial de la transition vers les plastiques bio renouvelables

Démantèlement du fret SNCF : Avant-dernier coup avant la fin ?

Démantèlement du fret SNCF : Avant-dernier coup avant la fin ?

La réduction et la filialisation de fret SNCF pourrait bien être l’avant-dernier coup avant la fin de la SNCF. Une entreprise déjà concurrencée sur la grande vitesse mais aussi sur les transports régionaux. L’entreprise nationale a progressivement abandonné d’abord le transport de marchandises expresse, puis le transport de messagerie et s’apprête à abandonner une partie du fret.

Sur la tendance l’entreprise SNCF pourrait bien avoir disparu d’ici 20 ou 30 ans. En cause une politique très contradictoire du gouvernement depuis toujours, une certaine inadaptation de l’entreprise en matière commerciale et de gestion et un climat social particulièrement agité et assez souvent irresponsable.

Clément Beaune, le ministre des Transports discute avec la Commission européenne d’une solution dite « de discontinuité » pour la filiale de fret de la SNCF. Afin d’éviter le remboursement de 5,3 milliards d’euros d’aides jugées indues par Bruxelles – et donc la disparition pure et simple – il propose une liquidation de Fret SNCF (et donc de sa dette) et la création d’une nouvelle structure qui devrait avoir un périmètre différent. La nouvelle société aurait, en l’état actuel des négociations, 20% de chiffre d’affaires en moins. Les contrats concernés devraient échoir à la concurrence, après appel d’offres.

La part modale du transport de marchandises par le train remonte légèrement, mais elle n’est toujours que de 10% en France, contre 18% en Allemagne.

Ferroviaire SNCF: la fin du fret ?

Ferroviaire SNCF: la fin du fret ?

Bruxelles pourrait bien imposer une pénalité à la SNCF qui peut condamner le transport de marchandises. Un transport qui déjà depuis des années et des années ne cesse de perdre des parts de marché. Finalement le fret SNCF pourrait bien suivre l’exemple du Sernam, ancienne filiale de transport de messagerie qui a progressivement disparu.

Clément Beaune,Le ministre des transports, a exposé son plan pour éviter que la Commission européenne n’impose une pénalité qui amènerait à la liquidation de cette société appartenant à 100% à la SNCF. Cela consiste à créer une entreprise qui n’ait pas de lien avec Fret SNCF. Du coup, elle portera un autre nom. Elle sera toujours publique, c’est-à-dire contrôlée majoritairement par la SNCF.

En revanche, cette nouvelle société devra céder à des concurrents (Europorte, ECR…) les marchés de trains qui convoient des marchandises pour un seul chargeur. Soit à peu près 20% du chiffre d’affaires de Fret SNCF. Du coup, 470 postes seront supprimés.

Il n’y aura pas de licenciements. Les cheminots seront reclassés dans d’autres filiales du groupe ferroviaire (SNCF Voyageurs, SNCF Réseau…). Autre option: s’ils sont volontaires, ils pourront rejoindre les opérateurs qui récupéreront ces marchés et qui auront donc besoin de personnel, et notamment des conducteurs de train.

En montrant ainsi patte blanche, l’État espère convaincre d’ici à la fin de l’année Bruxelles de ne pas infliger de pénalité à Fret SNCF. Pour montrer que le fret ferroviaire reste une priorité, il promet d’investir 4 milliards supplémentaires entre 2023 et 2032 dans des infrastructures dédiées (gares de triage de ferroutage, rénovation de tunnels ferroviaires…).

SNCF: la fin du fret ?

SNCF: la fin fu fret ?

Bruxelles pourrait bien imposer une pénalité à la SNCF qui peut condamner le transport de marchandises. Un transport qui déjà depuis des années et des années ne cesse de perdre des parts de marché. Finalement le fret SNCF pourrait bien suivre l’exemple du Sernam, ancienne filiale de transport de messagerie qui a progressivement disparu.

Clément Beaune,Le ministre des transports, a exposé son plan pour éviter que la Commission européenne n’impose une pénalité qui amènerait à la liquidation de cette société appartenant à 100% à la SNCF. Cela consiste à créer une entreprise qui n’ait pas de lien avec Fret SNCF. Du coup, elle portera un autre nom. Elle sera toujours publique, c’est-à-dire contrôlée majoritairement par la SNCF.

En revanche, cette nouvelle société devra céder à des concurrents (Europorte, ECR…) les marchés de trains qui convoient des marchandises pour un seul chargeur. Soit à peu près 20% du chiffre d’affaires de Fret SNCF. Du coup, 470 postes seront supprimés.

Il n’y aura pas de licenciements. Les cheminots seront reclassés dans d’autres filiales du groupe ferroviaire (SNCF Voyageurs, SNCF Réseau…). Autre option: s’ils sont volontaires, ils pourront rejoindre les opérateurs qui récupéreront ces marchés et qui auront donc besoin de personnel, et notamment des conducteurs de train.

En montrant ainsi patte blanche, l’État espère convaincre d’ici à la fin de l’année Bruxelles de ne pas infliger de pénalité à Fret SNCF. Pour montrer que le fret ferroviaire reste une priorité, il promet d’investir 4 milliards supplémentaires entre 2023 et 2032 dans des infrastructures dédiées (gares de triage de ferroutage, rénovation de tunnels ferroviaires…).

Vers la fin d’Erdogan (Turquie)

Vers la fin d’Erdogan (Turquie)

par
Ahmet Insel
Économiste, politologue, professeur émérite à l’Université Galatasaray, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne dans the Conversation


En Turquie, les élections présidentielle et législatives de mai 2023 (premier tour le 14 mai pour les deux, second tour le 28 pour la présidentielle) auront un caractère de référendum. Les électeurs sont, en effet, appelés à choisir entre deux voies politiques opposées.

En votant à la présidentielle pour Recep Tayyip Erdogan et aux législatives pour les partis de l’Alliance populaire constituée autour de lui et de sa formation l’AKP (Parti de la justice et du développement), ils soutiendront la consolidation d’un régime autocratique mettant en œuvre une politique répressive nationale-islamiste.

L’autre option est de voter pour le retour à la démocratie, à l’État de droit et au régime parlementaire. Le chef du Parti républicain du peuple (CHP, républicain, social-démocrate et laïc) Kemal Kiliçdaroglu incarne cette seconde option, qui signifierait la fin de l’erdoganisme, régime taillé sur mesure pour le pouvoir d’un seul homme. Pour la première fois, une très large coalition – la Table des Six, réunie autour du CHP, se présente unie face à Erdogan et son régime. Sera-ce suffisant pour mettre fin à un système dont l’édification a démarré il y a vingt ans ?

Le glissement progressif vers l’autocratie a commencé après les élections législatives de 2011. Sorti victorieux pour la troisième fois des élections générales, Recep Tayyip Erdogan, premier ministre depuis 2003, commença alors à faire l’éloge d’un système présidentiel qui lui permettrait de « diriger le pays comme une société anonyme » et de « prendre des décisions le plus vite possible ». En 2014, pour la première fois, le président de la République doit être élu au suffrage universel. Erdogan se fait élire et déclare que désormais « le régime est devenu, de fait, présidentiel ».

La tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 et le régime d’état d’exception qui a suivi lui donnèrent l’occasion de transformer cet état de fait en état de droit.

Grâce au soutien du parti d’extrême droite MHP, nouvel et indispensable allié de l’AKP pour conserver la majorité au Parlement, le régime présidentiel a été entériné de justesse (51,4 %) en avril 2017, à l’issue d’un référendum entaché d’irrégularités.

Une autocratie élective et répressive, sans séparation des pouvoirs, fondée sur une idéologie nationaliste-religieuse, une politique économique chaotique et une politique étrangère agressive et opportuniste s’est ainsi mise en place. Les réussites économiques d’antan ont laissé place à une grave crise marqu&ée par une très forte inflation, une croissance chaotique et la dépréciation vertigineuse de la livre turque.

Les tremblements de terre du 6 février 2023, qui ont causé des dizaines de milliers de morts, ont révélé toutes les faiblesses du système mis en place : l’incurie des institutions, les conséquences de l’hypercentralisation et du népotisme dans l’administration, les résultats des autorisations accordées à des fins électorales à des constructions non conformes aux normes antisismiques… C’est dans ce contexte que la Turquie est entrée dans la campagne électorale.

Erdogan, en perte de popularité et pour la première fois en position défensive, a dû élargir la coalition formée avec l’extrême droite – l’Alliance populaire – vers des partis très minoritaires se réclamant d’un fondamentalisme islamiste radical. Face à lui, une coalition formée à la veille des élections de juin 2018, l’Alliance de la Nation, s’est élargie à d’autres partis et est devenue, en février 2022, la « Table des Six ».

La première expérience de formation d’un front uni anti-Erdogan avait donné des résultats probants lors des élections municipales de 2019. Prenant appui sur cette réussite, le chef du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, a imposé à son parti un aggiornamento pour former des alliances avec les partis conservateurs.

La Table des Six, ou l’Alliance de la Nation, regroupe donc le CHP, le Bon parti (droite nationaliste formée en partie des dissidents de MHP), deux partis libéraux et conservateurs créés par des dissidents de l’AKP, et un parti qui représente l’islamisme historique et très critique à l’égard de la corruption et du népotisme de l’AKP. Ces six partis ont désigné Kiliçdaroglu comme leur candidat pour l’élection présidentielle. Le parti pro-kurde de gauche HDP (Parti démocratique des peuples) qui représente au Parlement la majorité des électeurs kurdes (la population kurde est estimée autour de 18 %), ainsi que les différents courants de la gauche, ont aussi appelé à voter pour lui.

Voyant venir ce danger de front uni, Erdogan avait pourtant pris le soin auparavant de faire écarter de la course présidentielle le très populaire maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu (CHP), élu en 2019, en le faisant condamner en décembre 2022 à deux ans et sept mois de prison pour « insultes » à l’encontre de certains hauts fonctionnaires du régime. Le chef de l’État espérait voir la Table des Six se déchirer dans la recherche de son candidat à la présidentielle et finalement éclater. Sa stratégie a échoué et le large consensus réalisé autour d’un candidat anti-Erdogan unique a changé le contexte politique traditionnel dans lequel ce dernier avait l’habitude de manœuvrer facilement.

Depuis le virage vers un nationalisme religieux et autoritaire opéré par Erdogan au début de la décennie 2010, un des axes majeurs de sa stratégie politique a été d’attiser les fractures ethniques (Turcs-Kurdes), confessionnelles (sunnites-alévis) et culturelles (modernistes-conservateurs) qui travaillent la société.

Il se plaçait comme le leader naturel de la majorité sociologique turque, sunnite et conservatrice, accusant les représentants de l’opposition d’être des « diviseurs de l’unité nationale et confessionnelle », « le prolongement d’organisations terroristes » ou des agents de puissances étrangères ayant des visées sur la Turquie.

L’expression « authentique et nationale » devint son leitmotiv pour qualifier les actions de son gouvernement. Mais la composition des partis qui forment la Table des Six autour de Kiliçdaroglu, le soutien du mouvement kurde et des mouvements de gauche et la grave crise économique ont brouillé sa stratégie. La fracture entre les partisans et les adversaires d’Erdogan semble devoir surdéterminer l’issue des élections de mai 2023.

Avec une personnalité diamétralement opposée à celle d’Erdogan, Kilicdaroglu se positionne comme une « force tranquille » dans cette campagne électorale et a réussi à créer, ces dernières semaines, une vraie dynamique électorale. Il répond à l’aspiration d’une large partie de la population d’un retour à la quiétude, à une certaine normalité démocratique et à des politiques économiques plus rationnelles, moins chaotiques et imprévisibles par exemple au sujet des taux d’intérêt qu’Erdogan a fait passer en dessous de 10 % alors que le taux d’inflation s’approche de 100 %.

De son côté, le HDP, malgré la répression et les discriminations quasi quotidiennes qu’il subit, a réussi à former une alliance avec des petits partis de gauche pour les élections législatives. Et pour court-circuiter l’épée de Damoclès d’une dissolution par la Cour constitutionnelle à la veille du scrutin qui pèse sur lui depuis deux ans, il a pris la décision de se présenter aux élections sous les couleurs d’un autre parti, le Parti de la gauche verte. Cette alliance qui ne présente pas de candidat pour la présidentielle et appelle à voter Kilicdaroglu dès le premier tour aura aussi un rôle décisif à jouer dans la future assemblée. Le soutien de ses élus sera probablement nécessaire pour former une majorité parlementaire avec l’Alliance de la nation.

Le dénominateur commun de tous ces nouveaux mouvements de rapprochement est leur volonté de mettre fin au règne de vingt ans d’Erdogan, de revenir au régime parlementaire à travers un changement constitutionnel, de rétablir l’État de droit et les droits et libertés fondamentaux, de mettre fin à l’arbitraire, au népotisme, à la corruption et au recours à la religion comme instrument politique actif, et enfin de rétablir la confiance des acteurs économiques internationaux et de relancer les négociations avec l’UE, au point mort depuis plusieurs années.

Si l’opposition gagne ces élections, la tâche pour sortir du système légué par l’erdoganisme sera immense, et en tout état de cause la Turquie ne deviendra pas rapidement une démocratie apaisée. On ne peut qu’espérer que ce grand moment d’effervescence démocratique ne soit pas passager, comme ce fut le cas plusieurs fois dans le passé.

En revanche, en cas de nouvelle victoire d’Erdogan et de l’AKP, la Turquie s’engouffrera pour longtemps dans le camp des autocraties populistes et du national-capitalisme autoritaire. Les espoirs d’une sortie possible de l’autocratie par les élections seront affaiblis.

Et si l’opposition gagne mais Erdogan ne reconnaît pas les résultats des élections ou si le système juridique qu’il a mis en place annonce des résultats contraires ?

Cette question est bien sûr dans la tête de tous les électeurs de l’opposition en Turquie. Mais à part organiser une grande mobilisation civile pour assurer la sécurité du scrutin et réaliser un travail acharné pour convaincre les électeurs hésitants à voter pour le changement, tous les partis d’opposition sont unanimes pour ne pas parler de cette hypothèse sombre avant les élections.

D’abord pour ne pas effrayer les électeurs par un tel scénario du chaos, pour le moment hypothétique, et les dissuader ainsi d’aller voter ; ensuite, parce qu’il est impossible et surtout contreproductif de parler aujourd’hui des moyens et des modalités de lutte contre un tel coup de force qui signifierait qu’Erdogan aura franchi le Rubicon et se sera engagé dans la voie d’une dictature assumée comme telle. L’opposition aspire d’abord à gagner les élections dans les urnes ; il sera temps, alors, de prendre les mesures nécessaires pour que la volonté populaire soit respectée.

Politique-Vers la fin de la Macronie ?

Politique-Vers la fin de la Macronie ?

par
Pierre Bréchon
Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation France


Dans quelles conditions le second quinquennat d’Emmanuel Macron peut-il se poursuivre ? L’actualité sociale et politique permet de douter d’un déroulement politique serein au vu des nombreuses mobilisations, aussi bien sur le front social (mouvement contre la réforme des retraites) mais aussi écologique et politique, avec un fort bouleversement de la vie parlementaire et partisane.

Au cœur de la crise politique actuelle figure la personnalité du président, fortement décriée par ses adversaires politiques et également désormais critiqué à l’étranger. Le socialiste Boris Vallaud n’a ainsi pas hésité à qualifier le chef de l’État de « forcené retranché à l’Élysée ».

Comment comprendre cette situation et cette crispation un an après l’élection d’Emmanuel Macron pour un second mandat ?

Emmanuel Macron avait émergé de manière assez imprévue dans la campagne présidentielle de 2017. Ministre de l’Économie de François Hollande jusqu’à fin août 2016, il avait progressivement pris ses distances avec le camp socialiste avant de lancer son propre mouvement « En marche ».

En se présentant comme à la fois de gauche et de droite, en s’affirmant libéral en économie et sur les questions sociétales, mais favorable à des politiques sociales, soutenant clairement la construction européenne, il se proposait de bouleverser la politique française, publiant même un essai intitulé « Révolution ». Au programme : la promesse d’un nouveau monde.

Rejoint par un certain nombre de socialistes déçus par les fractures internes du parti entre socio-libéraux et frondeurs, Emmanuel Macron parvient peu à peu à rallier un électorat très composite malgré une forte abstention et créer un parti d’apparence solide, La République En Marche (LREM). Il est très largement élu (66,1 % des suffrages).

La stratégie d’Emmanuel Macron a reposé sur une forme de fracturation de l’ensemble partisan. Pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale en dépit d’un faible nombre de députés ralliés, il nomme le juppéiste Edouard Philippe et acquiert ainsi l’attention d’une certaine frange de la droite.

Le gouvernement, savamment dosé entre personnalités de gauche, du centre et de droite, annonce très vite des mesures populaires. Après un appel d’offres pour susciter des candidatures (15 000 recensées), il investit un candidat dans chaque circonscription, souvent des personnes peu connues et totalement novices en politique.

Contre toute attente, les candidats LREM obtiennent un très bon résultat (28,2 % des suffrages) auxquels il faut adjoindre 4,1 % pour ceux du MoDem. La nouveauté des candidats sur la scène politique a joué en leur faveur alors qu’un fort mouvement de « dégagisme » affectait les élus sortants, particulièrement ceux de gauche. Le deuxième tour confirme le premier et la République En Marche obtient 308 élus et le MoDem 42.

Il dispose donc d’une majorité absolue très conséquente pour appliquer ses réformes. Le système partisan français, qui reposait sur l’alternance au pouvoir de deux partis de gouvernement, est complètement chamboulé au terme de ce cycle électoral. Mais la nouvelle majorité réunit des sensibilités politiques très variées, ce qui laissait prévoir des divisions et d’éventuelles recompositions.

Au cours de la mandature, LREM a perdu des sièges et des partis satellites se sont développés, avec à la fois des députés sortants de LREM et d’autres quittant LR ou l’UDI.

Un groupe d’une vingtaine de députés LREM de centre gauche, qui voulaient davantage d’écologie et de social, prennent aussi leur indépendance en mai 2020, ce qui fait perdre à LREM la majorité absolue dont elle disposait à elle seule. Et Edouard Philippe, remplacé par Jean Castex comme Premier ministre, lance en 2021 le parti Horizons pour peser davantage au sein de la majorité.

LREM n’a pas su se structurer, ne conférant aucun pouvoir réel à ses adhérents. Fonctionnant comme un mouvement très vertical, à l’image du président jupitérien lui-même, le parti devient une coquille vide, avec très peu de militants. Et si ce parti a obtenu des résultats honorables aux élections européennes de 2019, ceux-ci ont été plutôt mauvais aux élections municipales de 2020 (11 % des suffrages avec le MoDem), ainsi qu’aux régionales et départementales de 2021 (environ 10 %).

Dès le début du quinquennat, le président engage des politiques économiques libérales, notamment l’abandon de l’ISF au profit d’un impôt peu productif sur la fortune immobilière et la création d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus des placements financiers qui lui valent d’être souvent qualifié de « président des riches ».

Ces politiques doublées de mesures d’austérité (taxe carbone) ont provoqué le mouvement spontané de protestation sociale des « gilets jaunes » qui se développe à partir d’octobre 2018. Face à l’ampleur du mouvement, le pouvoir lâche progressivement du lest et lance un grand débat national sur la transition écologique, la fiscalité, les services publics et le débat démocratique. Au terme du processus, en avril 2019, il annonce des baisses d’impôts sur le revenu pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Le mouvement aura coûté cher aux finances de l’État (10 à 15 milliards) mais, contrairement aux espoirs de certains soutiens du mouvement, le président ne change pas sa méthode de gouvernance très verticale.

Edouard Philippe lance alors la réforme des retraites pour passer à un régime universel à points déclenchant un second grand mouvement social.

Malgré des manifestations réunissant jusqu’à 800 000 personnes, le gouvernement fait passer la loi en utilisant le 49.3 en première lecture à l’assemblée. L’examen de la réforme est suspendu du fait de la pandémie de Covid-19.

La pandémie et le choix du président de piloter lui-même la politique de lutte contre le nouveau virus, malgré des confusions initiales, des hésitations et l’émergence de thèses complotistes, donnent à Emmanuel Macron une nouvelle assise politique et une image de protecteur de la population.

La guerre en Ukraine lui est aussi favorable en pleine campagne électorale présidentielle. Elle génère un ralliement à celui qui incarne l’action et la coordination des pays européens contre l’agresseur russe.

Dans ce contexte, il est assez largement réélu début mai 2022 (58,55 % des suffrages exprimés) malgré une défiance accrue dans les institutions de la démocratie représentative et une forte abstention.

Mais entre la présidentielle et les législatives, la mécanique semble se gripper avec un président peu actif dans la préparation de l’élection des députés, qui met beaucoup de temps à choisir sa Première ministre et à concrétiser le début de son second mandat, alors que la gauche s’unit – à la hussarde – derrière Jean-Luc Mélenchon et en tire un grand bénéfice en sièges (131 députés de la Nupes). De l’autre côté du spectre, le RN a déployé ses forces de façon spectaculaire, obtenant 89 députés à l’Assemblée nationale.

La Macronie est à la peine. Le changement de nom de LREM pour Renaissance ne parvient pas à faire oublier le revers législatif : le président ne dispose que d’une majorité relative (245 élus alors que la majorité absolue est de 289 députés), rendant difficile l’exercice du pouvoir.

La majorité ne parvient pas à convaincre Les Républicains (74 élus), affaiblis, de conclure une alliance pour gouverner ensemble. Elle en est donc réduite à chercher des majorités au cas par cas pour faire voter des lois, un peu comme Michel Rocard pendant le second septennat de François Mitterrand.

Un an plus tard, le président, toujours aussi jupitérien malgré ses engagements à changer de méthode de gouvernance, ne semble pas tirer les conséquences de la nouvelle situation parlementaire, qui devrait inciter à chercher des compromis alors qu’il veut toujours imposer ses réformes, y compris celles qui sont très impopulaires comme en témoigne le long feuilleton de la réforme des retraites. La validation de la loi par le Conseil constitutionnel risque de ne pas calmer le mouvement syndical. L’exécutif dit qu’il veut apaiser, écouter et continuer les réformes, mais il semble complètement embourbé et on voit mal comment il va pouvoir faire voter des lois un tant soit peu novatrices.

La Macronie pourrait bien n’avoir été qu’une parenthèse dans la vie politique française, faute d’avoir construit un parti politique solide, capable de subsister après le départ de son fondateur.

Vers la fin de la Macronie ?

Vers la fin de la Macronie ?

par
Pierre Bréchon
Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation France


Dans quelles conditions le second quinquennat d’Emmanuel Macron peut-il se poursuivre ? L’actualité sociale et politique permet de douter d’un déroulement politique serein au vu des nombreuses mobilisations, aussi bien sur le front social (mouvement contre la réforme des retraites) mais aussi écologique et politique, avec un fort bouleversement de la vie parlementaire et partisane.

Au cœur de la crise politique actuelle figure la personnalité du président, fortement décriée par ses adversaires politiques et également désormais critiqué à l’étranger. Le socialiste Boris Vallaud n’a ainsi pas hésité à qualifier le chef de l’État de « forcené retranché à l’Élysée ».

Comment comprendre cette situation et cette crispation un an après l’élection d’Emmanuel Macron pour un second mandat ?

Emmanuel Macron avait émergé de manière assez imprévue dans la campagne présidentielle de 2017. Ministre de l’Économie de François Hollande jusqu’à fin août 2016, il avait progressivement pris ses distances avec le camp socialiste avant de lancer son propre mouvement « En marche ».

En se présentant comme à la fois de gauche et de droite, en s’affirmant libéral en économie et sur les questions sociétales, mais favorable à des politiques sociales, soutenant clairement la construction européenne, il se proposait de bouleverser la politique française, publiant même un essai intitulé « Révolution ». Au programme : la promesse d’un nouveau monde.

Rejoint par un certain nombre de socialistes déçus par les fractures internes du parti entre socio-libéraux et frondeurs, Emmanuel Macron parvient peu à peu à rallier un électorat très composite malgré une forte abstention et créer un parti d’apparence solide, La République En Marche (LREM). Il est très largement élu (66,1 % des suffrages).

La stratégie d’Emmanuel Macron a reposé sur une forme de fracturation de l’ensemble partisan. Pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale en dépit d’un faible nombre de députés ralliés, il nomme le juppéiste Edouard Philippe et acquiert ainsi l’attention d’une certaine frange de la droite.

Le gouvernement, savamment dosé entre personnalités de gauche, du centre et de droite, annonce très vite des mesures populaires. Après un appel d’offres pour susciter des candidatures (15 000 recensées), il investit un candidat dans chaque circonscription, souvent des personnes peu connues et totalement novices en politique.

Contre toute attente, les candidats LREM obtiennent un très bon résultat (28,2 % des suffrages) auxquels il faut adjoindre 4,1 % pour ceux du MoDem. La nouveauté des candidats sur la scène politique a joué en leur faveur alors qu’un fort mouvement de « dégagisme » affectait les élus sortants, particulièrement ceux de gauche. Le deuxième tour confirme le premier et la République En Marche obtient 308 élus et le MoDem 42.

Il dispose donc d’une majorité absolue très conséquente pour appliquer ses réformes. Le système partisan français, qui reposait sur l’alternance au pouvoir de deux partis de gouvernement, est complètement chamboulé au terme de ce cycle électoral. Mais la nouvelle majorité réunit des sensibilités politiques très variées, ce qui laissait prévoir des divisions et d’éventuelles recompositions.

Au cours de la mandature, LREM a perdu des sièges et des partis satellites se sont développés, avec à la fois des députés sortants de LREM et d’autres quittant LR ou l’UDI.

Un groupe d’une vingtaine de députés LREM de centre gauche, qui voulaient davantage d’écologie et de social, prennent aussi leur indépendance en mai 2020, ce qui fait perdre à LREM la majorité absolue dont elle disposait à elle seule. Et Edouard Philippe, remplacé par Jean Castex comme Premier ministre, lance en 2021 le parti Horizons pour peser davantage au sein de la majorité.

LREM n’a pas su se structurer, ne conférant aucun pouvoir réel à ses adhérents. Fonctionnant comme un mouvement très vertical, à l’image du président jupitérien lui-même, le parti devient une coquille vide, avec très peu de militants. Et si ce parti a obtenu des résultats honorables aux élections européennes de 2019, ceux-ci ont été plutôt mauvais aux élections municipales de 2020 (11 % des suffrages avec le MoDem), ainsi qu’aux régionales et départementales de 2021 (environ 10 %).

Dès le début du quinquennat, le président engage des politiques économiques libérales, notamment l’abandon de l’ISF au profit d’un impôt peu productif sur la fortune immobilière et la création d’un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus des placements financiers qui lui valent d’être souvent qualifié de « président des riches ».

Ces politiques doublées de mesures d’austérité (taxe carbone) ont provoqué le mouvement spontané de protestation sociale des « gilets jaunes » qui se développe à partir d’octobre 2018. Face à l’ampleur du mouvement, le pouvoir lâche progressivement du lest et lance un grand débat national sur la transition écologique, la fiscalité, les services publics et le débat démocratique. Au terme du processus, en avril 2019, il annonce des baisses d’impôts sur le revenu pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Le mouvement aura coûté cher aux finances de l’État (10 à 15 milliards) mais, contrairement aux espoirs de certains soutiens du mouvement, le président ne change pas sa méthode de gouvernance très verticale.

Edouard Philippe lance alors la réforme des retraites pour passer à un régime universel à points déclenchant un second grand mouvement social.

Malgré des manifestations réunissant jusqu’à 800 000 personnes, le gouvernement fait passer la loi en utilisant le 49.3 en première lecture à l’assemblée. L’examen de la réforme est suspendu du fait de la pandémie de Covid-19.

La pandémie et le choix du président de piloter lui-même la politique de lutte contre le nouveau virus, malgré des confusions initiales, des hésitations et l’émergence de thèses complotistes, donnent à Emmanuel Macron une nouvelle assise politique et une image de protecteur de la population.

La guerre en Ukraine lui est aussi favorable en pleine campagne électorale présidentielle. Elle génère un ralliement à celui qui incarne l’action et la coordination des pays européens contre l’agresseur russe.

Dans ce contexte, il est assez largement réélu début mai 2022 (58,55 % des suffrages exprimés) malgré une défiance accrue dans les institutions de la démocratie représentative et une forte abstention.

Mais entre la présidentielle et les législatives, la mécanique semble se gripper avec un président peu actif dans la préparation de l’élection des députés, qui met beaucoup de temps à choisir sa Première ministre et à concrétiser le début de son second mandat, alors que la gauche s’unit – à la hussarde – derrière Jean-Luc Mélenchon et en tire un grand bénéfice en sièges (131 députés de la Nupes). De l’autre côté du spectre, le RN a déployé ses forces de façon spectaculaire, obtenant 89 députés à l’Assemblée nationale.

La Macronie est à la peine. Le changement de nom de LREM pour Renaissance ne parvient pas à faire oublier le revers législatif : le président ne dispose que d’une majorité relative (245 élus alors que la majorité absolue est de 289 députés), rendant difficile l’exercice du pouvoir.

La majorité ne parvient pas à convaincre Les Républicains (74 élus), affaiblis, de conclure une alliance pour gouverner ensemble. Elle en est donc réduite à chercher des majorités au cas par cas pour faire voter des lois, un peu comme Michel Rocard pendant le second septennat de François Mitterrand.

Un an plus tard, le président, toujours aussi jupitérien malgré ses engagements à changer de méthode de gouvernance, ne semble pas tirer les conséquences de la nouvelle situation parlementaire, qui devrait inciter à chercher des compromis alors qu’il veut toujours imposer ses réformes, y compris celles qui sont très impopulaires comme en témoigne le long feuilleton de la réforme des retraites. La validation de la loi par le Conseil constitutionnel risque de ne pas calmer le mouvement syndical. L’exécutif dit qu’il veut apaiser, écouter et continuer les réformes, mais il semble complètement embourbé et on voit mal comment il va pouvoir faire voter des lois un tant soit peu novatrices.

La Macronie pourrait bien n’avoir été qu’une parenthèse dans la vie politique française, faute d’avoir construit un parti politique solide, capable de subsister après le départ de son fondateur.

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