Archive pour le Tag 'fantasme'

Poutine: De la triste réalité au fantasme de la virtualité

Poutine: De la triste réalité au fantasme de la virtualité

Lors de sa très récente apparition, Poutine en apparence s’est montré très en forme plaisantant même avec son auditoire. D’après lui, la situation est satisfaisante à l’intérieur de la Russie et l’influence est grandissante sur des pays du Sud global. Sur le plan interne, pourtant l’économie ne résiste que grâce aux fluctuations en hausse du pétrole et du gaz, la principale ressource. Pour le reste, les Russes doivent encore se serrer la ceinture alors que les oligarques passent leur week-end à Monaco. La vérité c’est que l’ensemble de l’économie s’est transformée en instrument de guerre et que la Russie est contrainte d’importer chaque jour davantage y compris des munitions en provenance de la Corée-du-Nord.

Par contre effectivement, il faut reconnaître l’influence de la Russie à organiser partout le désordre et les conflits. Poutine a évidemment sauté sur l’occasion du conflit en Palestine pour inciter l’Iran à entretenir un climat de guerre à Gaza. Mais des influences aussi ailleurs grâce en particulier à la corruption et à l’exportation de la manière forte pour conforter les pouvoirs autoritaires.

Poutine paraît en pleine forme mais à examiner de près sa démarche on le voit gravir difficilement des escaliers. Ce handicap de mobilité n’expliquera pas son absence du prochain G20. Il y participera cependant de manière virtuelle pour éviter de se faire arrêter menaé qu’il est par le tribunal pénal international pour crimes de guerre et contre l’humanité.

Cette virtualité permet tous les fantasmes et la transformation des personnages les plus horribles en référence morale ou politique. Ainsi en Russie la réhabilitation de Staline ou sur les réseaux sociaux internationaux la réhabilitation de Ben Laden. La virtualité permet tout, même d’oublier l’histoire. Mais avec cette virtualité il sera même possible de voir Poutine monter les marches de la paix… en courant !

Ecole: le fantasme numérique

Ecole: le fantasme numérique

Cartable solidaire ou cartable connecté ? Selon qu’il évolue sous le seuil de pauvreté ou qu’il est né sous de prospères auspices, chaque enfant est très inéquitablement considéré au moment de faire sa rentrée scolaire. L’outil numérique était censé réduire les inégalités sociales et combler les retards dont souffrent les enfants défavorisés ? Il est à parier qu’il les aggrave. L’idée d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies restera à l’état de fantasme tant que les disparités d’apprentissage, de culture de cette révolution continueront d’être abyssales.

Observons que la plupart des hauts cadres des grandes sociétés informatiques choisisse des établissements scolaires pour leurs enfants interdisant ordinateur, Smartphone et autre tablettes NDLR

Une chronique de Denis Lafay dans La Tribune.

Le contraste est saisissant. Ce 30 août, Libération fait écho du dispositif « Cartables solidaires », déployé par le Samu social et Dons solidaires, et destiné aux familles démunies qui préparent la rentrée de leurs enfants. A l’intérieur, sont offerts : cahiers, feuilles, classeurs, trousse complète. L’inflation est passée par là, qui affecte tout particulièrement les fournitures scolaires ; selon la Confédération syndicale des familles, la hausse culmine cette année à 11,3%, et en classes élémentaires, elle enfle à « 23% pour un panier moyen, car la demande en matériel est plus importante ». L’allocation de rentrée scolaire, mêle revalorisée, ne comble que partiellement l’écart, et la livraison – aussi précieuse soit-elle – de ces 2 700 cartables solidaires pour toute l’Ile-de-France apparaît bien dérisoire dans un pays où 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Contraste saisissant, car ce même 30 août, dans l’émission Télématin de France 2, il est aussi question de cartable. Mais pas tout à fait le même. Celui-ci est connecté. C’est-à-dire que les agendas, cahiers et autres fiches qu’il recèle peuvent être scannés par l’élève via son téléphone portable puis intégrés dans ses fonctions rappels. Mieux, pour la modique somme de… 140 euros, le collégien s’équipe d’un stylo qui scanne automatiquement ce qu’il est en train d’écrire et qui, grâce à un micro et un haut-parleur intégrés, enregistre et peut retracer seconde par seconde par exemple ce que la voix de l’enseignant a exprimé. « Fabuleux », s’exclame la présentatrice. Fabuleux peut-être. Indécent surement, pour qui se plonge dans la réalité d’une fracture numérique qui aggrave substantiellement les inégalités d’accès à l’apprentissage.

Le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal s’est largement exprimé, en cette rentrée, sur le retour à l’agenda originel des épreuves du baccalauréat, et sur l’interdiction du port de l’abaya dans l’enceinte scolaire – saluée par un corps enseignant démuni face au nombre croissant de cette atteinte à la laïcité (selon les services de l’Etat, 4 710 cas répertoriés en 2023 contre 2 167 l’année précédente, soit un bondissement de 120%). A-t-on entendu le successeur du décrié Pap Ndiaye – recasé, quelques jours seulement après son éviction ministérielle, ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe – commenter l’exclusion ou la marginalisation numériques dans l’éducation ? Pas encore. Or elle est loin de se réduire.

La crise du Covid-19 a enflammé les écarts. Comme le démontre un rapport du Sénat consacré à « l’exclusion numérique dans l’éducation », la pandémie a provoqué un « basculement vers le tout-numérique à marche forcée ». Des initiatives concrètes et louables furent déployées (dispositifs « Ma classe à la maison », « Devoirs à la maison » et « Nation apprenante », développement des environnements numériques de travail (ENT), prêts de matériel informatique, etc.), mais elles ne purent rien face à des inégalités systémiques qui, aujourd’hui encore, portent sur les appétences des élèves… et des professeurs, sur la qualité des couvertures internet, sur le taux d’équipement des foyers, sur la maîtrise de l’outil, etc. Incontestablement, l’outil numérique peut résorber une partie des inégalités dont souffre la jeunesse déclassée ; mais comment nier qu’il est aussi (et davantage) une cause de leur aggravation ?

Le fantasme d’une technologie égalitaire

L’illectronisme frappe toute la population. Dans l’édition 2022 de son baromètre du numérique, l’Arcep établit à 54% le pourcentage de Français éprouvant « au moins une forme de difficulté qui les empêche d’effectuer des démarches en ligne ». Chiffre en augmentation de… 16 points par rapport à 2020. Seuls les seniors sont-ils disqualifiés ? La jeunesse, qu’on devine si agile avec son smartphone et les consoles de jeux vidéo, serait-elle épargnée ? Là encore, la douche est glacée. Près de 30% des 15-29 ans s’avouent peu ou pas compétents en matière d’administration numérique (Arcep), et un jeune sur cinq concède une incapacité numérique dans les compétences « information », « communication », « logiciels » et « résolution de problèmes » (Insee).

Paul est fils de cadres supérieurs habitant une coquette maison à Bordeaux, et de sa vaste chambre il s’informe, joue, commande, communique, travaille, créée à partir de son MacPro 16 » doté de puissants logiciels ; Sophia habite une hlm dans un milieu rural écarté de la couverture internet, elle partage sa chambre avec ses deux jeunes frères, et leur maman célibataire elle-même « exclue numérique » n’a pas les moyens financiers ou n’a pas jugé prioritaire d’équiper le foyer d’un ordinateur. Imagine-t-on le hiatus en matière d’éveil, de goût et d’apprentissage, donc de parcours scolaire puis étudiant, donc d’accès aux emplois d’avenir, donc d’émancipation, d’accomplissement, de réalisation de soi ? Cette photographie n’est pas une caricature, elle est la démonstration que la génération digital native est une chimère, que la startup nation prophétisée par Emmanuel Macron dès son élection en 2017 est un leurre. Elle est, enfin, la preuve que la promesse de l’innovation technologique : colmater les brèches qui lézardent la société, conjurer les injustices secrétées par les inégalités sociales, n’est pas toujours exaucée. Et ce n’est pas l’indéchiffrable bouleversement tellurique généré par l’intelligence artificielle, la jungle algorithmique, la physique quantique, les agents conversationnels, ou l’exploitation des datas qui ramènera vers la rive des populations promises à la noyade. Lesquelles, déjà, seront en première ligne quant aux emplois éradiqués par ces ruptures technologiques – le rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur « l’impact de l’intelligence artificielle générative sur la qualité et la quantité des emplois », publié le 21 août, assure notamment que les femmes peu ou moyennement qualifiées exerçant des métiers de bureau seront particulièrement affectées, du fait de l’automatisation technologique.

L’exemple symptomatique de la Suède

L’exemple de la Suède est symptomatique. Au printemps, le gouvernement de centre-droit a mis fin à l’expérimentation, unique en Europe, initiée par l’agence nationale de l’enseignement scolaire (Skolverket) au profit de l’apprentissage « tout numérique ». En cause, le « recul des compétences en termes de lecture et de compréhension », un déficit de concentration et d’assimilation, des interrogations sur les effets à long terme d’une surexposition des jeunes enfants aux écrans, la vulnérabilité du tropisme technologiste. Et aussi la perception d’une possible détérioration des inégalités en fonction des foyers d’où proviennent les élèves. En d’autres termes : une telle stratégie numérique peut réduire les inégalités si elle est déployée intensément, totalement, rigoureusement – jusqu’à sensibiliser les parents « exclus » – ; elle les accroît si l’exigence d’équité lui fait défaut.

L’illusion, le fantasme d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies prospèrera tant que les disparités d’apprentissage, de culture des technologies continueront d’être abyssales. N’en déplaise aux scientistes, aux techno-solutionnistes thuriféraires de la technique, aucune innovation n’est spontanément synonyme de Progrès. Elle n’y aspire qu’à l’épreuve des intérêts de l’homme, des desseins de l’humanité. D’un sens partagé et juste.

Denis Lafay

Enseignement : le fantasme numérique

Enseignement : le fantasme numérique

Cartable solidaire ou cartable connecté ? Selon qu’il évolue sous le seuil de pauvreté ou qu’il est né sous de prospères auspices, chaque enfant est très inéquitablement considéré au moment de faire sa rentrée scolaire. L’outil numérique était censé réduire les inégalités sociales et combler les retards dont souffrent les enfants défavorisés ? Il est à parier qu’il les aggrave. L’idée d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies restera à l’état de fantasme tant que les disparités d’apprentissage, de culture de cette révolution continueront d’être abyssales.

Observons que la plupart des hauts cadres des grandes sociétés informatiques choisisse des établissements scolaires pour leurs enfants interdisant ordinateur, Smartphone et autre tablettes NDLR

Une chronique de Denis Lafay dans La Tribune.

Le contraste est saisissant. Ce 30 août, Libération fait écho du dispositif « Cartables solidaires », déployé par le Samu social et Dons solidaires, et destiné aux familles démunies qui préparent la rentrée de leurs enfants. A l’intérieur, sont offerts : cahiers, feuilles, classeurs, trousse complète. L’inflation est passée par là, qui affecte tout particulièrement les fournitures scolaires ; selon la Confédération syndicale des familles, la hausse culmine cette année à 11,3%, et en classes élémentaires, elle enfle à « 23% pour un panier moyen, car la demande en matériel est plus importante ». L’allocation de rentrée scolaire, mêle revalorisée, ne comble que partiellement l’écart, et la livraison – aussi précieuse soit-elle – de ces 2 700 cartables solidaires pour toute l’Ile-de-France apparaît bien dérisoire dans un pays où 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Contraste saisissant, car ce même 30 août, dans l’émission Télématin de France 2, il est aussi question de cartable. Mais pas tout à fait le même. Celui-ci est connecté. C’est-à-dire que les agendas, cahiers et autres fiches qu’il recèle peuvent être scannés par l’élève via son téléphone portable puis intégrés dans ses fonctions rappels. Mieux, pour la modique somme de… 140 euros, le collégien s’équipe d’un stylo qui scanne automatiquement ce qu’il est en train d’écrire et qui, grâce à un micro et un haut-parleur intégrés, enregistre et peut retracer seconde par seconde par exemple ce que la voix de l’enseignant a exprimé. « Fabuleux », s’exclame la présentatrice. Fabuleux peut-être. Indécent surement, pour qui se plonge dans la réalité d’une fracture numérique qui aggrave substantiellement les inégalités d’accès à l’apprentissage.

Le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal s’est largement exprimé, en cette rentrée, sur le retour à l’agenda originel des épreuves du baccalauréat, et sur l’interdiction du port de l’abaya dans l’enceinte scolaire – saluée par un corps enseignant démuni face au nombre croissant de cette atteinte à la laïcité (selon les services de l’Etat, 4 710 cas répertoriés en 2023 contre 2 167 l’année précédente, soit un bondissement de 120%). A-t-on entendu le successeur du décrié Pap Ndiaye – recasé, quelques jours seulement après son éviction ministérielle, ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe – commenter l’exclusion ou la marginalisation numériques dans l’éducation ? Pas encore. Or elle est loin de se réduire.

La crise du Covid-19 a enflammé les écarts. Comme le démontre un rapport du Sénat consacré à « l’exclusion numérique dans l’éducation », la pandémie a provoqué un « basculement vers le tout-numérique à marche forcée ». Des initiatives concrètes et louables furent déployées (dispositifs « Ma classe à la maison », « Devoirs à la maison » et « Nation apprenante », développement des environnements numériques de travail (ENT), prêts de matériel informatique, etc.), mais elles ne purent rien face à des inégalités systémiques qui, aujourd’hui encore, portent sur les appétences des élèves… et des professeurs, sur la qualité des couvertures internet, sur le taux d’équipement des foyers, sur la maîtrise de l’outil, etc. Incontestablement, l’outil numérique peut résorber une partie des inégalités dont souffre la jeunesse déclassée ; mais comment nier qu’il est aussi (et davantage) une cause de leur aggravation ?

Le fantasme d’une technologie égalitaire

L’illectronisme frappe toute la population. Dans l’édition 2022 de son baromètre du numérique, l’Arcep établit à 54% le pourcentage de Français éprouvant « au moins une forme de difficulté qui les empêche d’effectuer des démarches en ligne ». Chiffre en augmentation de… 16 points par rapport à 2020. Seuls les seniors sont-ils disqualifiés ? La jeunesse, qu’on devine si agile avec son smartphone et les consoles de jeux vidéo, serait-elle épargnée ? Là encore, la douche est glacée. Près de 30% des 15-29 ans s’avouent peu ou pas compétents en matière d’administration numérique (Arcep), et un jeune sur cinq concède une incapacité numérique dans les compétences « information », « communication », « logiciels » et « résolution de problèmes » (Insee).

Paul est fils de cadres supérieurs habitant une coquette maison à Bordeaux, et de sa vaste chambre il s’informe, joue, commande, communique, travaille, créée à partir de son MacPro 16 » doté de puissants logiciels ; Sophia habite une hlm dans un milieu rural écarté de la couverture internet, elle partage sa chambre avec ses deux jeunes frères, et leur maman célibataire elle-même « exclue numérique » n’a pas les moyens financiers ou n’a pas jugé prioritaire d’équiper le foyer d’un ordinateur. Imagine-t-on le hiatus en matière d’éveil, de goût et d’apprentissage, donc de parcours scolaire puis étudiant, donc d’accès aux emplois d’avenir, donc d’émancipation, d’accomplissement, de réalisation de soi ? Cette photographie n’est pas une caricature, elle est la démonstration que la génération digital native est une chimère, que la startup nation prophétisée par Emmanuel Macron dès son élection en 2017 est un leurre. Elle est, enfin, la preuve que la promesse de l’innovation technologique : colmater les brèches qui lézardent la société, conjurer les injustices secrétées par les inégalités sociales, n’est pas toujours exaucée. Et ce n’est pas l’indéchiffrable bouleversement tellurique généré par l’intelligence artificielle, la jungle algorithmique, la physique quantique, les agents conversationnels, ou l’exploitation des datas qui ramènera vers la rive des populations promises à la noyade. Lesquelles, déjà, seront en première ligne quant aux emplois éradiqués par ces ruptures technologiques – le rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur « l’impact de l’intelligence artificielle générative sur la qualité et la quantité des emplois », publié le 21 août, assure notamment que les femmes peu ou moyennement qualifiées exerçant des métiers de bureau seront particulièrement affectées, du fait de l’automatisation technologique.

L’exemple symptomatique de la Suède

L’exemple de la Suède est symptomatique. Au printemps, le gouvernement de centre-droit a mis fin à l’expérimentation, unique en Europe, initiée par l’agence nationale de l’enseignement scolaire (Skolverket) au profit de l’apprentissage « tout numérique ». En cause, le « recul des compétences en termes de lecture et de compréhension », un déficit de concentration et d’assimilation, des interrogations sur les effets à long terme d’une surexposition des jeunes enfants aux écrans, la vulnérabilité du tropisme technologiste. Et aussi la perception d’une possible détérioration des inégalités en fonction des foyers d’où proviennent les élèves. En d’autres termes : une telle stratégie numérique peut réduire les inégalités si elle est déployée intensément, totalement, rigoureusement – jusqu’à sensibiliser les parents « exclus » – ; elle les accroît si l’exigence d’équité lui fait défaut.

L’illusion, le fantasme d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies prospèrera tant que les disparités d’apprentissage, de culture des technologies continueront d’être abyssales. N’en déplaise aux scientistes, aux techno-solutionnistes thuriféraires de la technique, aucune innovation n’est spontanément synonyme de Progrès. Elle n’y aspire qu’à l’épreuve des intérêts de l’homme, des desseins de l’humanité. D’un sens partagé et juste.

Denis Lafay

Ecole : le fantasme numérique

Ecole : le fantasme numérique

Cartable solidaire ou cartable connecté ? Selon qu’il évolue sous le seuil de pauvreté ou qu’il est né sous de prospères auspices, chaque enfant est très inéquitablement considéré au moment de faire sa rentrée scolaire. L’outil numérique était censé réduire les inégalités sociales et combler les retards dont souffrent les enfants défavorisés ? Il est à parier qu’il les aggrave. L’idée d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies restera à l’état de fantasme tant que les disparités d’apprentissage, de culture de cette révolution continueront d’être abyssales.

Une chronique de Denis Lafay dans La Tribune.

Le contraste est saisissant. Ce 30 août, Libération fait écho du dispositif « Cartables solidaires », déployé par le Samu social et Dons solidaires, et destiné aux familles démunies qui préparent la rentrée de leurs enfants. A l’intérieur, sont offerts : cahiers, feuilles, classeurs, trousse complète. L’inflation est passée par là, qui affecte tout particulièrement les fournitures scolaires ; selon la Confédération syndicale des familles, la hausse culmine cette année à 11,3%, et en classes élémentaires, elle enfle à « 23% pour un panier moyen, car la demande en matériel est plus importante ». L’allocation de rentrée scolaire, mêle revalorisée, ne comble que partiellement l’écart, et la livraison – aussi précieuse soit-elle – de ces 2 700 cartables solidaires pour toute l’Ile-de-France apparaît bien dérisoire dans un pays où 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Contraste saisissant, car ce même 30 août, dans l’émission Télématin de France 2, il est aussi question de cartable. Mais pas tout à fait le même. Celui-ci est connecté. C’est-à-dire que les agendas, cahiers et autres fiches qu’il recèle peuvent être scannés par l’élève via son téléphone portable puis intégrés dans ses fonctions rappels. Mieux, pour la modique somme de… 140 euros, le collégien s’équipe d’un stylo qui scanne automatiquement ce qu’il est en train d’écrire et qui, grâce à un micro et un haut-parleur intégrés, enregistre et peut retracer seconde par seconde par exemple ce que la voix de l’enseignant a exprimé. « Fabuleux », s’exclame la présentatrice. Fabuleux peut-être. Indécent surement, pour qui se plonge dans la réalité d’une fracture numérique qui aggrave substantiellement les inégalités d’accès à l’apprentissage.

Le ministre de l’Education nationale Gabriel Attal s’est largement exprimé, en cette rentrée, sur le retour à l’agenda originel des épreuves du baccalauréat, et sur l’interdiction du port de l’abaya dans l’enceinte scolaire – saluée par un corps enseignant démuni face au nombre croissant de cette atteinte à la laïcité (selon les services de l’Etat, 4 710 cas répertoriés en 2023 contre 2 167 l’année précédente, soit un bondissement de 120%). A-t-on entendu le successeur du décrié Pap Ndiaye – recasé, quelques jours seulement après son éviction ministérielle, ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe – commenter l’exclusion ou la marginalisation numériques dans l’éducation ? Pas encore. Or elle est loin de se réduire.

La crise du Covid-19 a enflammé les écarts. Comme le démontre un rapport du Sénat consacré à « l’exclusion numérique dans l’éducation », la pandémie a provoqué un « basculement vers le tout-numérique à marche forcée ». Des initiatives concrètes et louables furent déployées (dispositifs « Ma classe à la maison », « Devoirs à la maison » et « Nation apprenante », développement des environnements numériques de travail (ENT), prêts de matériel informatique, etc.), mais elles ne purent rien face à des inégalités systémiques qui, aujourd’hui encore, portent sur les appétences des élèves… et des professeurs, sur la qualité des couvertures internet, sur le taux d’équipement des foyers, sur la maîtrise de l’outil, etc. Incontestablement, l’outil numérique peut résorber une partie des inégalités dont souffre la jeunesse déclassée ; mais comment nier qu’il est aussi (et davantage) une cause de leur aggravation ?

Le fantasme d’une technologie égalitaire

L’illectronisme frappe toute la population. Dans l’édition 2022 de son baromètre du numérique, l’Arcep établit à 54% le pourcentage de Français éprouvant « au moins une forme de difficulté qui les empêche d’effectuer des démarches en ligne ». Chiffre en augmentation de… 16 points par rapport à 2020. Seuls les seniors sont-ils disqualifiés ? La jeunesse, qu’on devine si agile avec son smartphone et les consoles de jeux vidéo, serait-elle épargnée ? Là encore, la douche est glacée. Près de 30% des 15-29 ans s’avouent peu ou pas compétents en matière d’administration numérique (Arcep), et un jeune sur cinq concède une incapacité numérique dans les compétences « information », « communication », « logiciels » et « résolution de problèmes » (Insee).

Paul est fils de cadres supérieurs habitant une coquette maison à Bordeaux, et de sa vaste chambre il s’informe, joue, commande, communique, travaille, créée à partir de son MacPro 16 » doté de puissants logiciels ; Sophia habite une hlm dans un milieu rural écarté de la couverture internet, elle partage sa chambre avec ses deux jeunes frères, et leur maman célibataire elle-même « exclue numérique » n’a pas les moyens financiers ou n’a pas jugé prioritaire d’équiper le foyer d’un ordinateur. Imagine-t-on le hiatus en matière d’éveil, de goût et d’apprentissage, donc de parcours scolaire puis étudiant, donc d’accès aux emplois d’avenir, donc d’émancipation, d’accomplissement, de réalisation de soi ? Cette photographie n’est pas une caricature, elle est la démonstration que la génération digital native est une chimère, que la startup nation prophétisée par Emmanuel Macron dès son élection en 2017 est un leurre. Elle est, enfin, la preuve que la promesse de l’innovation technologique : colmater les brèches qui lézardent la société, conjurer les injustices secrétées par les inégalités sociales, n’est pas toujours exaucée. Et ce n’est pas l’indéchiffrable bouleversement tellurique généré par l’intelligence artificielle, la jungle algorithmique, la physique quantique, les agents conversationnels, ou l’exploitation des datas qui ramènera vers la rive des populations promises à la noyade. Lesquelles, déjà, seront en première ligne quant aux emplois éradiqués par ces ruptures technologiques – le rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur « l’impact de l’intelligence artificielle générative sur la qualité et la quantité des emplois », publié le 21 août, assure notamment que les femmes peu ou moyennement qualifiées exerçant des métiers de bureau seront particulièrement affectées, du fait de l’automatisation technologique.

L’exemple symptomatique de la Suède

L’exemple de la Suède est symptomatique. Au printemps, le gouvernement de centre-droit a mis fin à l’expérimentation, unique en Europe, initiée par l’agence nationale de l’enseignement scolaire (Skolverket) au profit de l’apprentissage « tout numérique ». En cause, le « recul des compétences en termes de lecture et de compréhension », un déficit de concentration et d’assimilation, des interrogations sur les effets à long terme d’une surexposition des jeunes enfants aux écrans, la vulnérabilité du tropisme technologiste. Et aussi la perception d’une possible détérioration des inégalités en fonction des foyers d’où proviennent les élèves. En d’autres termes : une telle stratégie numérique peut réduire les inégalités si elle est déployée intensément, totalement, rigoureusement – jusqu’à sensibiliser les parents « exclus » – ; elle les accroît si l’exigence d’équité lui fait défaut.

L’illusion, le fantasme d’une société moins inégalitaire grâce aux technologies prospèrera tant que les disparités d’apprentissage, de culture des technologies continueront d’être abyssales. N’en déplaise aux scientistes, aux techno-solutionnistes thuriféraires de la technique, aucune innovation n’est spontanément synonyme de Progrès. Elle n’y aspire qu’à l’épreuve des intérêts de l’homme, des desseins de l’humanité. D’un sens partagé et juste.

Denis Lafay

Métavers: Substituer le fantasme au réel !

Métavers: Substituer le fantasme au réel !

 

Auteur d’une thèse sur les jeux vidéo, l’universitaire Douglas Hoare esquisse, dans une tribune au « Monde », une critique du métavers et son « fétichisme de la marchandise », dénonçant l’avènement d’un « monde à l’envers », qui reste pour l’instant à l’état de prototype.

 

Le métavers n’existe encore qu’à l’état de projet, et pourtant, il occupe déjà une place considérable dans la sphère médiatique. On en fait l’éloge dans les discours officiels, les reportages télévisés, les colonnes des journaux. D’autres voix mettent en garde contre ses périls, quitte à citer des ouvrages critiques pour se donner un vernis subversif. Mais on débat du dispositif comme s’il était déjà là, sans jamais poser le problème de son existence.

Pour justifier leur enthousiasme, les partisans du métavers nous promettent des communications plus intenses, un lien social renforcé, des simulations permettant un apprentissage ludique, une créativité sans limite, etc. Internet permet déjà le télétravail et les visioconférences ; les jeux vidéo, un dépaysement virtuel. Le métavers se propose de combiner les deux. Au sein du simulacre, la plus ennuyeuse des réunions se donnera des airs de jeu.

Grâce à la réalité virtuelle, le participant sera en immersion dans un jeu vidéo total. Grâce à la réalité augmentée, ce jeu vidéo débordera l’écran, contaminera notre perception du réel au point de faire corps avec lui. Leur association paraîtra réaliser les promesses de l’imaginaire.

Le fantasme régnera en maître, de même que le miracle, puisque, dans la réalité virtuelle, toute contradiction avec le réel peut être suspendue ; et dans la réalité augmentée, le moindre geste pourra acquérir une portée magique, être embelli et agrandi par le simulacre.

Mais cet imaginaire n’est pas aussi libre qu’il en a l’air, dans la mesure où il est objectivé. Ce n’est plus le produit d’une conscience rêveuse, c’est une fantaisie informatique qui implique une procédure à suivre pour que l’on puisse en jouir. C’est ici que l’échange, propre au jeu vidéo, d’une liberté simulée contre un asservissement réel est retrouvé à une tout autre échelle.

La fusion de l’interface et de la réalité permettra d’étendre la quantification de nos actes, et avec elle la rationalisation des conduites. Greffé à notre vue, le programme restituera les données de nos moindres faits et gestes. Le participant sera en autoévaluation constante, enfermé dans des boucles de rétroaction. Il ajustera sa conduite pour faire grimper ou baisser la statistique qu’est devenue sa vie. L’accès au merveilleux informatique se monnaiera donc : il impliquera d’aligner l’ensemble des activités humaines sur un processus de valorisation économique.

Ce processus, déjà bien entamé par les smartphones et leurs applications, a de beaux jours devant lui. C’est finalement une certaine interprétation du monde – celle du fétichisme de la marchandise – paraissant d’autant plus objective qu’elle semblera émaner de la réalité elle-même, qui se substituera au monde.

IA: Fantasme ou réalité ?

IA: Fantasme ou réalité ? 

 

 Les programmes automatisés et cognitifs sont  omniprésents constate un papier de l’Opinion. Ils améliorent la qualité de services des organisations et facilitent la vie des individus. Peu de pans de nos vies y échappent, qu’il s’agisse de surfer sur des réseaux sociaux dont les algorithmes flattent nos goûts et centres d’intérêts, de se divertir ou de faire du shopping sur des plateformes, comme Netflix ou Amazon, dont les recommandations devancent nos souhaits et nos désirs, de saisir son smartphone qui répond au doigt, à l’œil et à la voix, ou de se déplacer, cartes de navigation à l’appui, VTC à l’approche et voitures de plus en plus autonomes. C’est ainsi, à ce sujet, que le Code de la route a évolué, en cette rentrée, permettant désormais le pilotage automatique.

L’IA s’apparente encore trop souvent à une usine à fantasmes. Il faut là aussi battre en brèche les idées reçues. The Wall Street Journal le soulignait au cœur de l’été : « Si l’intelligence artificielle la plus impressionnante, la plus sophistiquée, celle qui semble la plus “intelligente” est celle qui fait généralement les gros titres, il se trouve que ce sont de bons vieux algorithmes à l’efficacité éprouvée, appliqués à des problèmes extrêmement précis, qui s’avèrent les plus utiles de nos jours ». L’heure n’est plus à la construction de cathédrales numériques mais à la création de programmes maîtrisés, aux effets mesurables.

La majorité des grandes entreprises industrielles ou de services ont su s’engager dans des plans de transformation. Beaucoup trop de petites entreprises se font encore attendre. Le maniement des données dope pourtant la croissance en fluidifiant les processus de décision et d’exécution, et en permettant de mieux répondre à la demande de ses clients, voire de l’anticiper. Si les données constituent le carburant de l’économie, l’IA en devient son moteur. On découvre avec satisfaction que la puissance publique n’est pas en reste.

Le Conseil d’Etat a publié, il y a quelques jours, une étude commandée par Matignon. Celle-ci appelle les pouvoirs publics à « S’engager dans l’intelligence artificielle pour un meilleur service public ». Tout à la volonté de « construire la confiance et servir la performance », le Conseil d’Etat appelle à « un usage équilibré » de l’IA déjà employé dans de nombreux secteurs tels que les armées ou la santé.

Par crainte du rejet, on ne peut que regretter que l’IA apparaisse avant tout comme « une arme pour l’administration (et pas seulement le fisc) ». Incidemment, Bercy a récemment décidé d’élargir son projet du « foncier innovant » à l’ensemble du territoire, promettant de traquer, en plus des piscines, les vérandas, pergolas et terrains de tennis dissimulés, après une année d’expérimentation d’une «baignade surveillée ».

C’est bien un discours incitatif, positif, encourageant et rassurant qu’il faut déployer, d’applications au service des citoyens pour améliorer la qualité de leur vie et des services publics à laquelle ils aspirent. Dans son dernier essai, Homo numericus: La «civilisation» qui vient (Albin Michel), Daniel Cohen pointe à plusieurs reprises l’anomie politique et sociale qui gagne notre société, dont les valeurs communes s’estompent au profit des technologies, sous le coup de leurs algorithmes. Selon lui, « les technologies n’ont pas pris le contrôle de nos vies. Elles prolongent et amplifient les tendances de la société, donnant corps à nos pulsions latentes, mais ne les inventent pas ».

L’économiste regrette « une culture de l’entre-soi qui s’apparente à une forme de néotribalisme ». L’enfermement dans des bulles cognitives sur les réseaux sociaux en est certainement l’exemple le plus éclatant. Trois mots-clés saisis sur TikTok et vous voilà catalogués. On serait tentés de dire « enfermés », mais un geste suffit à stopper l’application, bien qu’elle se montre particulièrement addictive.

C’est un défi majeur pour des dirigeants, politiques comme économiques, de proposer un dessein commun. Sauf à faire le choix d’un grand bond en arrière, le progrès technologique est inexorable. Le meilleur moyen pour l’aborder sereinement reste de s’y former, au risque, sans cela, de décrochages individuels et collectifs. Si le ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse n’a pas encore montré de cap en matière numérique, il y a urgence à accentuer son enseignement et la prise en main de ses outils.

Le fantasme de la grande puissance française

Le fantasme de la grande puissance française

Le fantasme de la grande puissance française revient alors que le pays est condamné à demeurer un pays très moyen. Du coup, le fantasme est teinté de conceptions réactionnaires Souvent imprégné de xénophobie, le concept émerge à partir du XVIIIe siècle en opposition aux révolutions et au progrès social et politique.

Par Ariane Ferrand du Monde (extrait)

Histoire d’une notion. Pour les progressistes, le terme « réaction » est une insulte fourre-tout, qualifiant une partie de leurs ennemis de droite et surtout d’extrême droite. Et, de la Révolution française à nos jours, la réaction a pris de multiples visages…

« Vous vous souvenez du pays que vos parents vous ont décrit… », s’attriste Eric Zemmour, dans son clip de lancement de campagne, aujourd’hui retiré. Il y glorifie le passé, celui d’une France conquérante et puissante, une France qui donnait le la sur le plan culturel. Mais face à ce passé idéalisé, l’heure est, selon lui, au déclin : le « grand remplacement » nous menace (culturel, démographique), de même que le « grand déclassement » (la France serait en voie de « tiers-mondisation »). Cette rhétorique est un parfait exemple de ce qu’on nomme la « réaction ». Mais d’où vient cette notion ?

Le couple « action-réaction » de Newton

« A chaque action, une réaction égale et opposée » : voilà comment le mathématicien et physicien Isaac Newton (1643-1727) introduit à la fin du XVIIe siècle le couple « action-réaction » en mécanique. Cette idée se diffusera ensuite dans d’autres domaines, le mot réaction se colorant d’un sens politique, d’emblée péjoratif, avec la Révolution française. Dans le nouveau couple « progrès-réaction », cette dernière représente l’opposition au changement – englobant dans une certaine mesure les « conservateurs » – et la volonté de retourner à un passé réel ou fantasmé.

Ainsi, la réaction se construit « contre ». Et en particulier, explique le socioéconomiste Albert Hirschman dans son ouvrage devenu canonique, Deux siècles de rhétorique réactionnaire (Fayard, 1991), contre les trois progrès majeurs : l’acquisition de droits civils (prérogatives attachées à la personne), politiques (extension du suffrage) et sociaux (création de l’Etat-providence), respectivement aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles.

« La réaction est une insulte politique, à géométrie variable, qui qualifie des adversaires », explique Gilles Richard, historien spécialiste des droites en France soulignant que « c’est donc un terme assez fourre-tout, relevant de la polémique politique au jour le jour ». Qui a-t-il visé ? « Les réactionnaires furent d’abord, pour les républicains, des contre-révolutionnaires, des partisans de l’Ancien Régime, des anti-Lumières, affirme l’historien, ce qui les inscrit d’emblée à droite, ou plutôt à l’extrême droite. » Parmi leurs grandes figures, on compte le Savoyard Joseph de Maistre (1753-1821), l’un des pères fondateurs de la philosophie contre-révolutionnaire : la révolution est pour lui un crime contre l’ordre naturel ; il prône un retour à la monarchie absolue.

 

Le fantasme de la ville numérisée !

Un plaidoyer pour la métropolisolation et le fantasme de la numérisation comme projet de civilisation urbaine

par David Lacombled président de la Villa numéris

Alors que des périodes plus ou moins confinées imposent, depuis plus d’an, à rester près de chez soi, les habitants des villes redécouvrent leur environnement. De nombreux parisiens en partagent actuellement des photos en l’assortissant d’un hashtag #saccageaparis sur les réseaux sociaux. Au point d’apparaître comme « un frein au destin national d’Anne Hidalgo ». Dès lors, il serait en effet difficile de promettre « ce que j’ai fait pour la capitale, je le ferai pour la France ».

Nous avons déjà regretté ici être dans un pays, la France, où la propreté est l’affaire de personne. Là où c’est l’affaire de tous chez la plupart de nos voisins. Détourner le regard ne suffit pas à régler les problèmes. La technologie pourrait être d’un grand secours à l’affirmation d’une volonté politique.

Bien-être. L’ambition d’amener la nature en centre urbain a succédé à l’utopie de construire des villes à la campagne. Dans un contexte d’inexorable métropolisation, elle reflète l’aspiration des citoyens à une meilleure qualité de vie, d’une écologie de soi-même et de son environnement.

Comme le relèvent Eric Verdeil et l’atelier de cartographie de Sciences Po dans leur Atlas des mondes urbains, « par leur concentration d’activités et de rejets domestiques et industriels, les villes sont des sites majeurs d’une pollution de l’atmosphère, de l’eau et des sols qui pèsent lourdement sur la santé de leurs habitants ​». C’est dire s’il est urgent d’y prêter attention.

Pour Carlos Moreno, auteur du très remarqué Droit de Cité, de la ville-monde à la ville du quart d’heure, « ​le monde n’évolue pas en douceur, il bascule d’une culture étatique, selon les sources idéologiques du XIXe siècle, vers une culture du XXIe siècle, urbaine, servicielle, numérique et ubiquitaire, sur laquelle il faut construire d’autres repères ​».

Promesse. L’annonce d’un accord entre Veolia et Suez porte la promesse d’un champion tricolore de la transition écologique. Bien que numéro 1 et numéro 2 mondiaux, la part de marché mondiale reste relativement faible tant le marché est morcelé. Alors que le recours à la technologie et à l’exploitation des données s’accroît, l’effet de taille pourrait s’avérer important.

Charge aux acteurs privés et publics d’œuvrer ensemble pour proposer un nouveau contrat de vie urbaine

Aujourd’hui, la collecte et le tri des déchets ménagers, le ramassage des encombrants et le nettoyage de la voirie, le traitement et la distribution de l’eau sont optimisés à la faveur d’une gestion toujours plus automatisée. Charge aux acteurs privés et publics d’œuvrer ensemble pour proposer un nouveau contrat de vie urbaine.

Ainsi, une métropole comme Dijon a créé un poste de commandement unique pour optimiser et mutualiser les équipements urbains, OnDijon, avec pour ambition d’améliorer le quotidien des habitants tout en maîtrisant les coûts. Les entreprises et les collectivités y coopèrent. Les citoyens interagissent. Les informations sont accessibles.

Dans notre monde numérisé, les données ouvertes permettent en outre de se mesurer et de se comparer. C’est bien sur une mine de données disponibles que l’association Villes et villages où il fait bon vivre établit son palmarès annuel de près de 35 000 communes françaises, dont l’édition 2021 vient d’être révélée, croisant des critères objectifs – plus de 180 – provenant principalement de l’INSEE et d’organismes publics officiels.

Pour être toujours plus attractives, les communes doivent faire montre de leur capacité à maîtriser les technologies pour toujours mieux répondre aux exigences de leurs habitants.

David Lacombled est président de la Villa numéris

L’« Etat profond », fantasme ou réalité ?

L’« Etat profond », fantasme ou réalité ?

La reprise de ce concept par Macron et assez surprenante dans la mesure où lui-même est ici issu de cette  administration et des milieux financiers qui instrumentaliseraient. Certes, on ne peut contester la lourdeur de l’appareil bureaucratique de l’État mais de là à  avoir une dimension conspiratrice il y a un pas que ne franchissent que ceux qui sont tentés par l’autoritarisme. Encore une fois il y a une grande contradiction dans les propos de Macron qui est précisément un pur produit de cette  administration  qu’il dénonce et qui entretient des liens consanguins avec les milieux financiers. Un discours en fait assez populiste pour faire retomber la responsabilité de l’immobilisme sur l’administration et masquer ainsi la faiblesse de l’action politique. Un papier du monde de Marc Semo traite de cette question. (Extrait)

 » Forgé dans les années 1960, ce concept, auquel Emmanuel Macron a fait référence pour pourfendre les résistances au changement de l’administration, est très utilisé par les milieux complotistes, qui fantasment un « gouvernement parallèle ».

Le mot est inédit dans la bouche d’un président français. Le 21 août, devant l’Association de la presse présidentielle, juste avant le G7 de Biarritz, Emmanuel Macron a dénoncé « les chicayas des bureaucrates et des Etats profonds » afin de justifier son renoncement au communiqué commun laborieusement négocié entre les délégations qui conclut traditionnellement les sommets. Il expliquait aussi que sa politique de rapprochement avec la Russie se heurtait aux oppositions « des Etats profonds de part et d’autre », à Paris comme à Moscou.

Entendre le président de la République reprendre par deux fois ce concept cher aux leaders populistes, à commencer par Donald Trump, suscita une certaine surprise. D’autant plus qu’une semaine plus tard, Emmanuel Macron revenait à la charge lors de la conférence annuelle des ambassadeurs et ambassadrices, affirmant que, « comme diraient certains théoriciens étrangers, nous avons nous aussi un Etat profond », et sommant les diplomates de prendre acte de son tournant russe.

Longtemps cantonné, notamment en France, aux milieux conspirationnistes, le deep state a fait son entrée dans le débat public. « La grande force de l’Etat profond, c’est l’inertie, pas le complot », ironise Hubert Védrine, qui utilise à l’occasion le mot, mais à propos des Etats-Unis, pour évoquer « une sorte de consensus entre le Pentagone, le département d’Etat, le Conseil national de sécurité sur certains points, comme par exemple le fait d’avoir voulu garder la Russie comme ennemie après la guerre froide ».

 

S’il a une part de réalité, ce deep state est avant tout un fantasme, celui d’une administration parallèle où se côtoieraient financiers de haut vol, honorables correspondants des services de renseignement, hommes politiques, hauts fonctionnaires. « Ces agents non élus de l’Etat profond poussent leur propre agenda secret et sont une véritable menace pour la démocratie », lançait Donald Trump en septembre 2018.

Très utilisé aujourd’hui par les sites complotistes d’extrême droite, tels Breitbart News, le concept remonte au début des années 1960. « Il existe, à l’heure actuelle, deux gouvernements aux Etats-Unis. L’un est visible, l’autre est invisible. Le premier est le gouvernement dont les journaux entretiennent les citoyens et dont les manuels de civisme parlent aux écoliers. Le second est un mécanisme caché et imbriqué, (…) une galaxie informe d’individus et d’agences », écrivaient, dans The Invisible Government (Random House, 1964), les universitaires David Wise et Thomas B. Ross, qui furent les premiers à théoriser la chose. »

La maison connectée : un fantasme pour l’instant !

La maison connectée : un fantasme pour l’instant !

 

 

C’est le résultat d’une étude qui démontre que les Français demeurent relativement prudents par rapport aux perspectives de connexion de leur logement. Les lobbys en domotique ne cessent de vanter la grande révolution numérique y compris pour tous les services et activités de la maison. Seront connectée d’après eux, la gestion de l’électricité, la sécurité, le chauffage, l’eau est bien sûr la machine à café et plus généralement la préparation des repas, bien d’autres aspects encore ave les enceintes. Le problème c’est que tout cela n’est pas gratuit. Les Français dépensent déjà des sommes non négligeables en outils et services informatiques. Ces services dont certains d’ailleurs peuvent être discutables ont un coût et forcément un prix et dans un contexte économique où le pouvoir d’achat se resserre l’équipement en domotique n’est pas forcément prioritaire. Il est surtout réservé aux ménages aisés.  Reste aussi la question de l’intrusion de services informatiques dans la vie privée. Car qu’on le veuille ou non ces données seront récupérées à, analysées et exploitées à des fins commerciales de sorte que rien n’échappera concernant la vie familiale et intime. Selon le dernier baromètre Qualitel-Ipsos, le logement connecté reste un phénomène très minoritaire en France. Seuls 3 logements sur 10 possèdent au moins un équipement connecté et même le service le plus «populaire», l’alerte anti-intrusion, ne concerne que 21% des lieux de vie. Certes, le phénomène s’accentue avec le temps: 54% des logements de moins de 5 ans disposent d’au moins un service connecté, mais les Français ne semblent pas vraiment avoir le feu sacré sur ce sujet. . Les trois quarts des sondés considèrent ainsi que «des prix trop élevés les dissuaderaient d’équiper leur logement en objets connectés». Une perception confirmée par le fait que ces produits sont effectivement l’apanage des foyers les plus aisés: 16% des foyers disposant de moins de 3000€/mois disposent d’au moins deux équipements connectés contre 35% de ceux pouvant compter sur plus de 5000€/mois.

Loyers fictifs: le retour du fantasme !

Loyers fictifs: le retour du fantasme !

 

Il faut sans doute avoir vraiment l’esprit tordu pour imaginer que les propriétaires perçoivent un loyer fictif du faite qu’ils n’ont pas de frais de location. C’est évidemment oublier le montant de l’investissement qui a été consenti. Le rêve de certaines administrations serait donc de taxer ce loyer fictif. En quelque sorte une sorte d’impôt foncier supplémentaire justifié par le fait que les propriétaires ne payent pas de loyer. Avec un tel raisonnement on pourrait évidemment taxer tous les biens en propriété dont on supposerait qu’on économise les coûts de location. Un vrai raisonnement de malades atteints de pathologies fiscales. Dans un document paru mi-juillet, l’Institut de la statistique explique que le concept lui est très utile pour rénover son approche du taux d’effort des ménages en matière de logement. La méthode traditionnelle de calcul ne prend en compte que les dépenses effectives des ménages pour leur logement par rapport à leurs revenus et ne «prend pas en compte le coût du service de logement que les propriétaires se rendent à eux-mêmes quand ils occupent leur logement», comme l’écrit Pascal Godefroy de la division Logement de l’Insee. Rappelant la parenté de cette approche avec la «proposition délirante de France Stratégie», le promoteur Norbert Fanchon se demande pourquoi l’Insee s’attaque ainsi à la résidence principale. Selon le président du directoire du groupe Gambetta, ce procédé «est assimilable à une tentative rampante d’immiscer cette idée (taxer les propriétaires occupants, Ndlr) dans les futures décisions politiques et l’esprit des Français». Selon lui, le fait de l’intégrer à une statistique, à un mode de calcul est «une façon pernicieuse d’installer un concept, de le rendre incontestable» puisqu’il n’émane pas de Bercy ou d’un think tank.

 

Le fantasme de la voiture autonome

Le fantasme de la voiture autonome

 

Les ingénieurs en système de transports savent qu’il est très difficile de faire circuler un véhicule automatique sur une voie banalisée. Les réussites dans ce domaine ne sont possibles que sur des voies affectées à ces seuls véhicules (sites propres ou site très protégés). Bref le métro, le métro voire le bus en site très protégé. Métro et train peuvent circuler sans conducteur mais ils sont exploités sur des sites techniquement très régulés. (La présence de conducteur par exemple sur les TGV n’a été maintenue que pour des raisons psychologiques vis-à-vis des voyageurs ; on rencontrera le même problème dans l’aviation civile). Ce n’est evidemmenet pas le cas de la route aux normes et aux conditions de circulation aléatoires  très variés et même souvent assez anarchiques.   Après l’accident mortel aux Etats Unis (piéton percuté sur un passage clouté), on peut se demander si le concept n’est as une utopie car il pose d’énormes problèmes de sécurité et de responsabilité. Fortement bousculé par l’affaire des émissions polluantes,  le secteur automobile tente de réagir en soulignant le caractère de modernité de l’automobile future. L’objectif est évidemment de peser pour que l’automobile ne soit pas exclue un jour de la ville. On affirme ainsi que l’automobile sera autonome, électrique et connectée. Le patron de Valeo dans une interview au JDD affirmait que cette voiture autonome et même déjà la. Il est évident que la voiture électrique va se substituer au moteur à combustion et que d’ici une dizaine d’années 80 % des véhicules neufs seront électriques. La connexion, qui existe déjà, va continuer de s’amplifier. Reste la question de l’autonomie et du partage. Contrairement à ce qu’affirme le patron de Valeo l’autonomie totale n’est pas pour demain. Pour des raisons de sécurité elle nécessite notamment des les infrastructures spécifiques finalement un peu comme le métro ou le train. Pour l’instant les navettes mobiles qui existent fonctionnent sur le mode ferroviaire. Les autres qui circulent sur les voies normales présentent un énorme risque. . Ceci étant de Jacques Aschenbroich, président de Valeo qui prévoit la voiture autonome pour demain  reste assez  prudent quant la perspectives de voitures réellement autonomes »…, » il faudra attendre encore un peu de temps pour que vous et moi puissions acheter une voiture totalement autonome ». «  Des voitures partiellement autonomes, ce sera dans quelques années. Vous pourrez déléguer leur conduite à certains moments et dans certaines conditions. Une voiture dans laquelle vous n’aurez ni volant ni pédales, cela va prendre plus de temps. Entre cinq et dix ans », ou plus tant que les voitures verront circuler sur des voies banalisées avec des piétons, des vélos, des motocyclistes !




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