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Enfants : inégalités de langage et familles

Enfants : inégalités de langage et familles

Selon les livres qu’on leur lit et la manière dont on pratique l’humour en famille, les enfants apprennent plus ou moins bien à jouer avec les mots. Décryptage de ces inégalités de langage précoces. Le vocabulaire des jeunes enfants varie en fonction des caractéristiques économiques et culturelles de leurs familles. Dans la mesure où le langage est une ressource socialement valorisée par les institutions, à commencer par l’école et les administrations publiques, ces variations sociales dans la maitrise du langage constituent des inégalités. Comment expliquer leur reproduction ?

 

par 

Maîtresse de conférences en sociologie, Université Clermont Auvergne (UCA)

Une enquête sociologique collective sous la direction de Bernard Lahire, menée auprès d’enfants âgés de 5-6 ans issus de différents milieux sociaux et publiée dans l’ouvrage Enfances de classe. De l’inégalité parmi les enfants apporte des éléments de réponse.

L’acquisition du langage est un objet d’étude classique de la psychologie et de la linguistique, ces disciplines ayant contribué notamment à mettre en évidence des normes de développement dans ce domaine. Dans une perspective sociologique, elle est envisagée comme un processus se déroulant au cours de la prime enfance, essentiellement dans le contexte familial, mais les normes que l’on considère sont de nature culturelle.
L’objet de la recherche était d’étudier la socialisation des enfants (c’est-à-dire l’ensemble des processus par lesquels ils acquièrent des façons de faire, de penser et d’être qui sont situées socialement) afin de rendre compte de la construction précoce des inégalités dans différents domaines : le logement, la scolarité, le corps, les loisirs, etc.

Concernant le langage, l’étude des inégalités dans la petite enfance suppose non seulement d’évaluer la « qualité » linguistique des discours selon des critères comme la richesse du vocabulaire ou le degré de correction grammaticale et syntaxique mais aussi d’envisager le rapport au langage, c’est-à-dire la manière d’utiliser le langage.

Or deux rapports au langage inégalement légitimes s’opposent. Le premier consiste à traiter le langage en lui-même, comme un objet autonome qui peut être manipulé indépendamment du contexte d’énonciation. Ce rapport au langage qualifié de réflexif est fortement valorisé dans l’ensemble des institutions de la société et tout particulièrement dans le cadre scolaire. Le deuxième rapport au langage, qualifié de pragmatique, revient à utiliser le langage de manière pratique, pour faire des choses, dans des contextes spécifiques.

L’enquête montre qu’à travers tout un ensemble de pratiques familiales quotidiennes les enfants apprennent progressivement à considérer le langage plutôt d’une manière ou de l’autre, selon les groupes sociaux auxquels ils appartiennent. Cela les prépare inégalement à la vie sociale et plus particulièrement aux situations scolaires.

Parmi l’ensemble des pratiques étudiées dans l’enquête, penchons-nous plus particulièrement sur les choix de livres lus aux enfants d’une part et les usages de l’humour d’autre part.

Le fait de raconter des histoires aux enfants dès leur plus jeune âge est une pratique aujourd’hui très répandue dans la société française ; elle concerne aussi une large majorité des enfants enquêtés. Cependant, les critères mobilisés par les parents pour choisir les livres à lire à leurs enfants varient considérablement en fonction de leurs ressources économiques, et encore plus de leurs niveaux de diplôme, et traduisent des rapports au langage socialement différenciés.

Du côté des parents les moins diplômés et dans les classes populaires, les livres sont souvent envisagés comme des supports à partir desquels les enfants peuvent apprendre des choses. Il peut s’agir de l’apprentissage du lire-écrire mais aussi d’apprentissages pratiques, renvoyant à des manières de se comporter dans la vie quotidienne (par exemple, la propreté).

Le rapport au langage transmis aux enfants à travers les pratiques de lecture est donc pragmatique dans la mesure où les histoires sont envisagées prioritairement dans leur dimension fonctionnelle et instrumentale. De même, dans certaines familles socialement proches, la lecture est aussi envisagée comme un moyen d’« apaiser » les enfants.

Parmi les parents plus diplômés, les critères sont différents et suivent deux logiques distinctes.

Pour ceux qui détiennent les diplômes les plus élevés et sont plus proches de la culture écrite, le langage utilisé et la qualité littéraire sont des critères centraux de choix. D’autres parents, également très diplômés mais plus proches des professions artistiques, valorisent quant à eux les images et le graphisme pour leur dimension esthétique.

D’autres parents encore, diplômés de filières scientifiques et techniques et plus dotés en capital économique, apprécient les histoires permettant de « répondre à des questions » ou faire des découvertes, notamment dans le domaine des sciences. Pour eux, l’écrit est alors envisagé comme une médiation vers des savoirs, notamment scolaires.

Dans l’ensemble de ces familles, la lecture d’histoires est une pratique régulière par laquelle les enfants sont initiés, de plusieurs manières, à adopter une posture réflexive envers les ouvrages qui leur sont proposés.

Les formes d’humour pratiquées dans le cadre familial sont également des éléments contribuant à façonner chez les enfants des rapports au langage d’inégale valeur sociale. Dans l’ensemble des familles enquêtées, les farces et le comique de situation sont des pratiques répandues et appréciées par les enfants.

Dans tous les milieux sociaux, les plus jeunes aiment se cacher ou cacher des objets, faire peur à leurs parents, etc. Ce type d’humour prédomine dans les classes populaires : le comique gestuel et les imitations sont fréquents, tout comme les devinettes consistant à faire deviner un objet caché, par exemple. Ce type d’interactions suscite des échanges verbaux mais pas de jeu abstrait et ne prend sens que dans le contexte précis de la situation d’énonciation.

Se cacher, faire des grimaces ou faire peur sont des formes d’humour que les enfants apprécient tout particulièrement.
Ces types d’humour existent également dans les classes moyennes et supérieures mais ce qui distingue ce dernier type de famille des autres, c’est principalement la diversité, l’intensité et la complexité des jeux de mots, histoires drôles, charades et devinettes que les enfants entendent et pratiquent parfois eux-mêmes. Dans les familles où les parents sont les plus diplômés, et souvent proches du monde éducatif, on observe un cumul de ces différentes formes d’humour qui sont, par ailleurs, articulées avec des supports écrits.

Dans ces mêmes familles, et à la différence des autres, sont utilisés de manière récurrente des procédés ironiques, le second degré et des propos parfois invraisemblables, qui attirent l’attention des enfants sur les propriétés et les pouvoirs du langage. Dans les familles où les parents sont les moins diplômés, ce type de jeux de langage est moins fréquent et les enfants sont souvent jugés trop jeunes pour les comprendre.

Outre le type d’humour pratiqué et son articulation avec le langage, un élément supplémentaire contribue à forger des rapports au langage socialement différenciés. Une minorité de parents et grands-parents de l’enquête, parmi les plus diplômés, expliquent et discutent les jeux de mots ou les procédés comme l’ironie, fournissant ainsi aux enfants un retour pédagogique et les initiant explicitement à une posture réflexive à l’égard du langage.

Ces pratiques permettent de transmettre aux enfants, de manière relativement informelle et quotidienne, des éléments de vocabulaire, la connaissance des registres de langage, ainsi qu’un souci d’explicitation constitutif d’un rapport réflexif au langage.

Les enfants de notre enquête grandissent donc dans des contextes qui les familiarisent plutôt à un rapport réflexif au langage, proche de celui présent à l’école, ou au contraire les en éloignent en privilégiant un rapport pragmatique. Le cumul et la répétition de pratiques quotidiennes, comme la lecture de livres ou l’humour, construisent ainsi les inégalités face au langage.

Attentat d’Arras : la résistance des familles et de l’école, leviers majeurs

Attentat d’Arras : la résistance des familles et de l’école, leviers majeurs

Le linguiste Alain Bentolila estime, dans une tribune au « Monde », que l’école et la famille doivent mener aujourd’hui ensemble le combat pour séparer le spirituel du rituel et les valeurs universelles des préceptes dogmatiques, en développant les capacités d’analyse et de critique.

Les tueries arbitraires s’enchaînent encore et encore. A chaque meurtre on dénonce le manque de moyens pour nous défendre contre la violence du terrorisme et pour protéger notre jeunesse contre les marchands de mort qui rôdent sur Internet. On nous promet, la main sur le cœur, l’augmentation des forces de police et de gendarmerie, on jure de multiplier les portiques à l’entrée des écoles et enfin on s’engage à exercer une vigilance plus ferme sur les réseaux sociaux.

Mais peut-on raisonnablement penser que toutes ces mesures – certes nécessaires – nous garantiront la victoire finale ? Qu’adviendra-t-il, en effet, lorsque nous aurons épuisé nos forces et nos moyens contre des barbares pour lesquels le temps et la vie n’ont pas la même valeur que pour nous ? Qu’adviendra-t-il lorsque notre dernière bombe aura été larguée sur l’avant-dernier djihadiste.

A long terme, on peut craindre que nos armées s’épuisent à devoir couvrir trop de fronts, que la traque policière se perde dans un dédale de réseaux de soutiens communautaires inavoués et enfin que les médiocres actions de « déradicalisation » en viennent à confondre analyse du contexte sociopolitique et complaisance idéologique.

Après chaque attentat, le petit monde politique continue de répéter : « C’est inacceptable ! », « Nous ne lâcherons pas un pouce de terrain ! », « Nous terroriserons les terroristes ! ». Indignation et rodomontades, promesses vaines et menaces sans effets sont les seules réponses d’une classe politique qui ne voit pas plus loin que le bout de son mandat et pour laquelle toute mesure qui ne ferait pas effet le lendemain matin serait sans intérêt.

Tous, quelles que soient leurs appartenances partisanes, sont en effet incapables de comprendre que seule la résistance intellectuelle de tous les enfants de ce pays pourra faire barrage à la barbarie. Comment s’en étonner, alors que, depuis des dizaines années, leur absence d’ambition et d’exigence en matière d’éducation et de culture a offert en sacrifice, sur l’autel du Web, les mots imprécis, les mémoires vides et le dégoût de soi d’une partie de notre jeunesse.

Et nous risquons de voir, de plus en plus nombreux, ceux qui n’ont jamais eu de point d’appui s’abandonner à l’insulte, au harcèlement ou au meurtre pour se sentir vivants.

Rénovation énergétique menacée pour les familles modestes

Rénovation énergétique menacée pour les familles modestes 

 

Six organisations de lutte contre la précarité alertent, dans une tribune au « Monde », sur le risque de voir disparaître un dispositif de financement des travaux d’économie d’énergie pour les ménages à faibles revenus.

Tribune

 

Les derniers arbitrages que le gouvernement devrait prendre cette semaine sur le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) pourraient réduire à peau de chagrin les aides à la rénovation énergétique pour les ménages modestes. Les signataires de ce texte, représentants sept organisations de lutte contre la précarité, demandent instamment au gouvernement de revoir sa copie.

Selon les derniers chiffres de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), 3,5 millions de ménages souffrent de précarité énergétique dans notre pays. Cela signifie qu’un foyer français sur sept ne se chauffe pas suffisamment l’hiver, ou peine à se protéger des fortes chaleurs en été. Ils n’en n’ont pas les moyens et leur logement est mal isolé thermiquement.

Alors que cette situation est connue et risque d’empirer dans les prochains mois avec des signaux alarmants sur la hausse de la pauvreté, le gouvernement s’apprête à réduire très fortement les aides consacrées à la rénovation énergétique des logements de ces familles.

 

En cause, le projet de texte réglementaire fixant la révision périodique du dispositif des certificats d’économie d’énergie, qui constituent la première ressource d’aide à la rénovation énergétique. En l’état, ce texte revient quasiment à l’arrêt de ces travaux de « première nécessité » chez les Français les plus fragiles. 

Le dispositif des CEE impose aux fournisseurs d’énergie l’obligation de financer des actions d’économie d’énergie et fixe pour des périodes de quatre ans les niveaux de ces obligations – le texte en cause concerne la cinquième de ces périodes, pour les quatre ans à venir.

On distingue deux types d’obligations.

Nous demandons au gouvernement de reprendre ses calculs pour doubler le niveau de l’« obligation précarité énergétique » à laquelle sont soumis les fournisseurs d’énergie

D’une part, l’obligation « classique », remplie en effectuant des travaux d’économie d’énergie chez des familles à revenus moyens et élevés.

D’autre part, une obligation dite « précarité », remplie en intervenant spécifiquement chez des familles aux revenus modestes et très modestes.

Grâce à cet objectif spécifique de lutte contre la précarité énergétique, adopté en 2016, plus d’un million de familles à revenus modestes ou très modestes ont pu réaliser des travaux d’amélioration de leur logement. Erigeant l’équité et la justice sociale comme principe fondamental et même moteur de notre pays, le gouvernement offrait un soutien plus important aux familles qui en ont le plus besoin.

Fournitures scolaires : plus 3.4% (Confédération syndicale des familles)

Fournitures scolaires : plus 3.4% (Confédération syndicale des familles)

L’association familles de France s’était déjà étonnée que les fournitures scolaires ne baissent pas compte tenu de la diminution du prix des matières premières. Cette fois c’est la confédération syndicale des familles qui constatent une augmentation de 3,4 % pour le budget moyen de rentrer. Ceci alors que le gouvernement indique une hausse de 01 % !  L’association  Familles de France accusait  directement les enseignes de distribution et les fabricants d’être les facteurs de cette hausse : « Sauf explications contraires fournis par les fabricants ou les distributeurs, ils ont profité d’un effet d’aubaine pour faire des marges supérieures », lâche Thierry Vidor, directeur général de l’association Familles de France: « Sur la papeterie, le cours de la matière première, la pâte à papier a chuté de 8% depuis janvier. Quant à l’élément de base pour fabriquer les fournitures non-papetières, le pétrole, celui-ci a vu sa valeur chuter d’un tiers ces derniers mois. C’est très paradoxale car pendant de nombreuses années, cette hausse au caddie nous était expliqué par l’augmentation du prix du pétrole », s’interroge Patrick Chrétien, président de l’association. L’association est également en désaccord avec l’estimation du gouvernement, qui chiffre à 0,1% la hausse du coût de la rentrée scolaire, selon un communiqué publié sur le site du ministère lundi 17 juin.  La Confédération syndicale des familles (CSF) estime à près de 3,4% la hausse du budget moyen consacré par les familles à la rentrée scolaire cette année, malgré une inflation quasi-nulle, et souligne notamment l’envolée du poste des tenues sportives.  151 euros: voici ce que coûterait la rentrée d’un enfant en CP à en croire une enquête de la Confédération syndicale des familles (CSF) publiée ce mardi. Un montant en hausse de 0,76% par rapport à l’année précédente, tandis que celle d’un collégien en 6e est évaluée à 338 euros (+3,82%). La facture grimpe à 406 euros pour un lycéen entrant en seconde générale (+4,40%), 415 euros pour une 2nde pro (+4,11%) et près de 687 euros pour un enfant en seconde de bac pro industriel (+2,04%).Ces montants peuvent sensiblement grever le budget des familles les plus modestes, souligne l’organisation, qui regroupe plusieurs associations familiales et vise à défendre les intérêts des familles et des consommateurs.

 

Quotient familial : un million de familles matraquées

Quotient familial : un million de familles matraquées

À l’automne 2012, les évaluations de cette mesure faisaient état d’un rendement attendu de 490 millions d’euros pour les caisses de l’État ; il a finalement atteint 554 millions d’euros. «Le gain budgétaire retiré est supérieur aux évaluations, mais surtout, le nombre de foyers fiscaux concernés est plus élevé», peut-on lire dans le rapport. Ainsi, ce ne sont pas 882.600 ménages qui ont été concernés par la mesure, comme on l’avait initialement estimé, mais 1.014.783 foyers fiscaux. Le montant moyen d’impôt supplémentaire s’établit à 546 euros, précise le document. Les foyers concernés relèvent «dans leur très grande majorité» du dernier décile des contribuables (les 10 % les plus riches), soit les 3,67 millions de contribuables dont le revenu fiscal est supérieur à 49.882 euros. Et la réforme n’est pas terminée: l’avantage fiscal va de nouveau être abaissé cette année, de 2000 euros à 1500 euros. Cette mesure est censée rapporter un milliard d’euros (pour réduire le déficit de la branche famille de la Sécu) et concerner 1,3 million de ménages – soit 12 % des ménages avec enfants. Ils verront en moyenne leur impôt augmenter de 64 euros par mois.

 




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