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Qu’a fait le Tchad de sa rente pétrolière

Qu’a fait le Tchad de sa rente pétrolière

Le 11 avril 2021, Idriss Déby Itno était réélu à la présidence de la République du Tchad. Quelques jours plus tard, il mourait au combat contre un groupe rebelle. Une transition militaire était alors mise en place pour permettre à son jeune fils Mahamat de lui succéder. C’était contraire à « l’ordre constitutionnel », mais la communauté internationale fut indulgente, et patiente puisqu’elle attendit le 6 mai 2024 pour assister et valider l’élection (controversée) de Mahamat Idriss Déby. Pour autant, les ambiguïtés géopolitiques qui caractérisaient le cas du Tchad demeuraient entières. Pour bien les comprendre, il faut revenir en arrière et interroger son histoire, ancienne et contemporaine. Une histoire marquée par le rôle très important d’une armée dont la puissance relative par rapport aux armées des pays voisins vient en partie de l’argent du pétrole.

 

par 

Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux Montaigne dans The Copnversation 

 

Une réflexion intéressante mais qui pourrait s’appliquer à bien d’autres pays notamment en Afrique NDLR
Les deux tiers septentrionaux du territoire du Tchad appartiennent au grand ensemble saharien que les colonisateurs français ont eu beaucoup de mal à conquérir, et qu’ils ne sont jamais vraiment parvenus à pacifier. Dans le Tibesti et l’Ennedi vivaient – et vivent encore – des « ethnies guerrières » tout aussi attachées à leur liberté que les Touaregs de l’ancien Soudan, comme les Toubou et les Zaghawa.

Grand connaisseur des nomades noirs du Sahara, Jean Chapelle avait fort bien noté lors de sa carrière de méhariste dans le nord du Tchad que, dans la société toubou, « chaque homme, pour tenir debout à la face des autres, doit avoir des ennemis, et il les trouve ». D’ailleurs, cette zone n’avait pas été davantage maîtrisée après l’indépendance (1960), et le colonel Chapelle lui-même était resté préfet de Faya-Largeau jusqu’en 1963.

Cette culture guerrière des populations du nord du Tchad ne s’est pas émoussée avec l’indépendance, au contraire. Les groupes nomades n’ont eu de cesse de combattre le pouvoir central, tenu par des « sudistes », jusqu’à le faire tomber militairement en 1979 lorsque les troupes de Goukouni Oueddei (originaires du Nord) sont entrées dans N’Djamena.

Par la suite, la magistrature suprême est restée entre les mains d’un chef de guerre originaire de l’une des ethnies du Nord : Hissène Habré, puis Idriss Déby (puis son fils), mais les armes ont continué à se faire entendre de manière presque permanente, soit pour repousser le voisin libyen lorsqu’il avait l’intention de conquérir la bande d’Aozou, soit lorsque des groupes armés dissidents tentaient de marcher sur la capitale. C’est-à-dire presque chaque année en saison sèche.

Le Tchad disposait donc d’une armée qui savait lutter, avec des combattants qui forçaient souvent l’admiration des militaires français pour ce qui pourrait être une forme de sens de l’honneur, ou plus simplement la compréhension du fait que, dans ce métier, la mort est dans le contrat. Chose qui n’est pas aussi facilement admise par les soldats des autres armées de la zone sahélienne.

Le rapport entre l’armée tchadienne et le pétrole s’est noué au début des années 1970 lorsque le leader libyen Mouammar Kadhafi décida d’annexer la bande d’Aozou, cette portion de territoire d’environ 100 000 kilomètres carrés qui se situe au nord du Tibesti (nord du Tchad, à la frontière libyenne). Le leader libyen se référait à un texte datant de 1919 qui accordait ce morceau de désert à l’Italie, dont la Libye devait récupérer les terres africaines après la décolonisation. Le traité n’avait jamais été ratifié ; la revendication libyenne était donc sans fondement, mais Kadhafi pensait qu’il y avait dans le sous-sol du manganèse et du pétrole, et cela justifiait son obstination.

Ses troupes envahirent donc la zone en 1973, puis la Libye l’annexa purement et simplement en 1976. Les cartes officielles de l’époque font état du nouveau tracé de la frontière. Pour autant, les autorités tchadiennes, parfois avec l’appui de l’armée française, ont multiplié les tentatives de reconquête, jusqu’à obtenir satisfaction en 1986. L’armée tchadienne pouvait donc se targuer, en plus d’avoir rétabli l’intégrité territoriale du pays, d’avoir repris au voisin libyen une importante source de richesse potentielle.
Depuis les prospections conduites par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) dans les années 1950, on avait de bonnes raisons de penser que le sous-sol tchadien recelait du pétrole, notamment dans le Sud, autour de Doba, mais aussi au Kanem (ouest) et dans le Tibesti. Il a néanmoins fallu attendre 1975 pour avoir confirmation que les réserves du site de Doba étaient rentables, et ce n’est qu’en 1988 que l’exploitation a démarré.

Il est vrai que les grands groupes pétroliers ont longtemps hésité à s’engager sur les gisements tchadiens. Ceux du Centre-Ouest et du Nord étaient situés dans des zones d’insécurité chronique, et si ceux du Sud étaient moins menacés, ils n’en demeuraient pas moins on-shore, c’est-à-dire enclavés dans le continent et à plus de 1000 kilomètres du premier port océanique.

C’est alors qu’un montage inédit a vu le jour : la Banque mondiale a accepté de financer – avec des crédits publics – l’oléoduc qui permettrait aux opérateurs privés Exxon, Chevron et Pétronas de transporter leur pétrole brut vers le port camerounais de Kribi, afin qu’il soit acheminé vers les raffineries européennes ou américaines et proposé sur le marché à des prix qui ne seraient pas grevés par le coût des infrastructures d’évacuation.

Une telle transaction supposait des contreparties sérieuses, sous peine de voir se dresser contre le projet toutes les organisations de la société civile qui voyaient d’un mauvais œil le « cadeau » de la Banque au secteur privé, pour un montant voisin de 500 millions de dollars.

En 1999, le président Idriss Déby a donc promulgué – sous la pression – une « loi de gestion des revenus pétroliers » visant à inscrire l’exploitation de l’or noir au Tchad dans un cercle vertueux. Les décrets d’application signés en 2003 et 2004 fixaient les règles de répartition comme suit : pendant les cinq premières années, 80 % des redevances et 85 % des dividendes seraient affectés aux dépenses des secteurs considérés comme prioritaires par la Stratégie nationale de Réduction de la Pauvreté (SNRP), c’est-à-dire l’éducation, la santé, le développement rural, les infrastructures, les ressources en eau et l’environnement. Était également créé un « fonds destiné aux générations futures ». Par ailleurs, 5 % des redevances seraient versées aux collectivités décentralisées, et 15 % iraient aux dépenses non prioritaires du secteur public.

Comme l’ont souligné les chercheurs Géraud Magrin et Geert van Vliet : « Pour la première fois, un projet d’exploitation pétrolière était mis au service des objectifs de renforcement des capacités de l’État et du développement durable ». La Banque mondiale avait également innové en indemnisant les occupants des terrains empruntés par l’oléoduc, notamment en versant 550 000 francs CFA (840 euros) par manguier arraché. Tout en posant la question de la propriété individuelle de la terre dans les régions concernées, ce principe de compensations allait faire jurisprudence sur le reste du continent. Les colonisateurs n’y avaient pas pensé lors des travaux de construction des chemins de fer…

Hélas, le président tchadien est rapidement revenu sur ses promesses : il fit adopter en décembre 2005 une loi rectificative faisant passer dans les secteurs prioritaires l’armée, la police, la justice et la gouvernance. Et la Banque mondiale prit acte de ce virage dans un rapport publié en 2009 soulignant que le projet initial n’avait atteint ses objectifs ni dans la réduction de la pauvreté ni dans l’amélioration de la gouvernance.

Faute de transparence dans l’utilisation des fonds, il n’a pas été possible de chiffrer la part de l’aide ainsi détournée des objectifs sociaux vers les forces armées, mais en 2010 l’ONG CCFD-Terre solidaire estimait que les dépenses militaires étaient passées de 53 millions d’euros en 2004 à 420 millions d’euros en 2010. La montée en puissance des moyens militaires tchadiens était d’ailleurs visible lors des opérations menées par Idriss Déby contre les rebelles qui attaquaient son régime dans les années qui ont suivi cette loi parjure.

En 2023, le budget de l’armée était encore très élevé (331 millions de dollars) car il faut aussi rémunérer les hauts gradés afin qu’ils restent fidèles. Selon certaines sources, on compterait au moins 600 généraux, pour la plupart d’ethnie zaghawa.

Autrement dit, « grâce » à l’argent du pétrole, le Tchad dispose désormais d’une armée qui n’a peut-être pas toujours eu le dernier mot contre ses ennemis de l’intérieur, mais qui a forcé l’admiration sur le théâtre des opérations sahéliennes anti-djihadistes. Il n’y a dans ce constat ni vertu ni morale, mais une évidence de realpolitik.

Pour autant, une part importante de corruption explique aussi la mauvaise utilisation de la rente pétrolière. En septembre 2020, un ex-ministre a été envoyé en prison pour des soupçons de détournement de fonds publics commis entre 2013 et 2016. Il est probable qu’il n’est que l’arbre qui cache la forêt.

Le rapport Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), publié en 2020, a pointé toutes les difficultés rencontrées par les enquêteurs pour se procurer auprès des autorités tchadiennes les données souhaitées. Au fil des pages, on apprend néanmoins que la production de pétrole en 2018 au Tchad n’a pas dépassé 127 000 barils par jour, alors que les simulations de 2003 partaient sur la base de 140 000 barils par jour. En 2023, elle était chiffrée à 92 000 barils/jour. Ce déficit a pu être compensé par des cours élevés, mais force est bien de constater qu’on ne trouve pas de trace évidente de ces revenus pétroliers dans le budget de l’État.

Alors, où est passée la rente pétrolière ? Probablement dans la poche de quelques dignitaires du régime, mais également dans l’équipement, la formation et les salaires d’une armée qui, depuis plusieurs années, a réussi à contenir l’avancée djihadiste au Sahel. On aurait sans doute préféré qu’elle soit équitablement redistribuée à la population tchadienne, ainsi qu’on avait pu le rêver lors de l’accord passé avec la Banque mondiale.

Le cercle n’étant pas vertueux, on risque de voir monter un mécontentement populaire qui fera le jeu des djihadistes sur un territoire qui semblait, jusqu’à présent, préservé de cette menace. La rente pétrolière risque alors de se retourner contre ceux à qui elle était destinée.

Faillite bancaire : « aucun risque » en France ?

Faillite bancaire : « aucun risque » en France ?

Évidemment comme d’habitude les élites économiques et financières se veulent très rassurants à propos d’une éventuelle contagion de la crise bancaire constatée au États-Unis ( dautres banques seront touchées) et en Suisse. Un peu le même raisonnement que lors du nuage de Tchernobyl qui a pollué toute l’Europe sauf la France !.

Certes, personne ne souhaite que le système financier éclate car les déposants seraient les principales victimes sans parler des autres conséquences sur l’inflation et les changes. Il est vrai que les règles de gouvernance des banques sont particulièrement sévères en France et les risques donc minimisés.

Reste que la finance est largement mondialisée et que la situation de chaque pays dépend bien entendu des politiques économiques, budgétaires mais aussi monétaires internationales. Les capitaux eux-mêmes sont largement interdépendants et s’insèrent dans une organisation systémique à l’échelle mondiale.

Dans les circonstances actuelles. On peut effectivement affirmer que le risque de contagion de la crise vers la France est peu crédible. Cependant tout est question d’ampleur et de nature de la crise. D’une certaine manière la crise a déjà commencé avec l’explosion de l’inflation qui en quelque sorte n’est que le rétablissement de l’équilibre entre la masse monétaire et la richesse réelle qu’on fait payer surtout aux consommateurs finaux. Contrairement aux affirmations des experts patentés, l’inflation va continuer et même si elle devait légèrement se tasser le niveau des prix ne va pas diminuer sauf dramatique récession.

Si la conjoncture économique et sociale devait brutalement et très fortement se dégrader, le système français bien que protégé ne pourrait résister à un mouvement de panique. Les banques seraient bien dans l’incapacité de rembourser la totalité des avoirs déposés par les clients. D’ailleurs la garantie de remboursement en cas de crise n’est que très partielle et vise surtout les comptes courants.

Tout dépendra de la persistance de l’inflation qui de fait a dévalorisé nombreux d’actifs des banques mais aussi des particuliers. Tout dépendra aussi de la gestion des équilibres entre actions monétaires et actions budgétaires. Une action budgétaire brutale- conjuguée avec la montée actuelle des taux d’intérêt- pourrait provoquer une récession grave et nourrir un climat de défiance voire de panique.

De ce point de vue les conditions d’une confiance inébranlable dans le système financier n’est sans doute pas totale en France compte tenu de la crise et de la chienlit qui s’installent. affirme le président de la Fédération bancaire française

Pour Philippe Brassac, Président de la fédération des banques également directeur général de Crédit agricole, affirme qu’en France les banques sont solides du fait de leur régulation et il n’y a pas de mécanisme, comme par le passé, de propagation. »




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