Archive pour le Tag 'extrêmes'

Politique: le temps des extrêmes

Les extrêmes sont devenus monnaie courante, y compris chez ceux que l’on qualifiait autrefois de raisonnables qui grimpent à leur tour, le cœur léger, dans le train des outrances. L’«extrême centre» lui-même fut amplement théorisé. Dans un univers où c’est la modération qui étonne, la pratique démocratique fait désormais systématiquement appel aux dérives. Une culture belliqueuse s’est implantée dans le paysage politique et sociétal.
par (*) Michel Santi  dans la Tribune

Dans sa guerre du Péloponnèse, Thucydide avait décrit cette mécanique de la haine des autres débouchant fatalement sur la guerre totale. Les poisons menaçant notre démocratie ne sont pas d’autre nature que cette dynamique de guerre civile contée par Thucydide. Celui-ci nous montre à quel point les processus de polarisation font sombrer dans la partialité, privent de tout recul. Exactement comme les habitants de Corcyre, persuadés en 427 avec J.C. de leur victoire totale, s’étant laissé aller à une colère et à des postures radicales, toutefois légitimes à leurs yeux. À l’issue de leur victoire (grâce à l’alliance nouée avec la cité d’Athènes incarnant alors l’État de droit), les démocrates de Corcyre se vengent brutalement sur les oligarques, faisant couler sans hésitation leur sang comme celui de leurs soutiens. Subtilement, Thucydide suggère l’inutilité de l’éradication de l’adversaire, car toute victoire totale est par définition dangereuse, déstabilisante. La victoire totale porte en son sein les graines de la perversion, car les démocrates ne valent dès lors pas plus que les oligarques.

Si l’objectif des démocrates de Corcyre était certes de pérenniser leur système, ils usèrent cependant pour y parvenir des mêmes méthodes que leurs ennemis. L’essence de la démocratie, pourtant, est de ne pas réduire son adversaire au silence, encore moins de l’éradiquer du système. John Stuart Mill expliquait que c’est précisément pour n’avoir pu consacrer de vainqueur que les guerres de religion ouvrirent la voie de la coexistence entre réformés et catholiques. Si nous acceptons, rappelle Tocqueville, de nous retrouver aujourd’hui parmi les perdants d’une élection, c’est dans l’espoir que nous soyons victorieux demain. Hier comme aujourd’hui, la violence sous toutes ses formes ne peut être évitée qu’à la condition expresse d’abandonner ce mythe de la victoire totale. N’attendons jamais – n’espérons jamais – la défaite consommée de l’autre, qui sera nécessairement la voie royale vers la violence. Tandis que l’impasse et que le doute mènent à la tolérance envers l’autre, dût-on le haïr. Orwell mettait en garde contre la polarisation, Huxley contre la tyrannie.

Leur hésitation à prendre parti (entre démocrates et oligarques) fut interprétée comme une injure envers ceux qui risquaient leur vie pour leurs convictions. L’existence même de ces modérés à Corcyre – et leur survie – était devenues un affront aux polarisés de tous bords. Pour les belligérants des deux extrêmes, la modération n’était plus acceptable. La modération n’était plus que lâcheté, voire complicité. Moralité : même un démocrate est capable de se transformer en dictateur, si c’est pour de bonnes raisons…

Pour beaucoup d’entre nous, aujourd’hui, notre démocratie est devenue aliénante, elle tourne parfois au totalitarisme. Autrefois laboratoire de l’humanité, la France devient progressivement une civilisation périmée. Elle a renoncé à la politique. Elle n’a plus rien à apporter au monde. Elle n’est plus qu’une sorte d’assemblée de copropriétaires rébarbative. Ses dysfonctionnements à tous les niveaux douchent toute espérance d’une vie meilleure. Pour beaucoup d’autres, ce pays est synonyme de brutalité, de brimades. « Il faut obliger les gens à être libre », lançait Jean-Jacques Rousseau. «Le prix de la liberté est la vigilance éternelle», avertissait Thomas Jefferson.

 

Mais à quoi sert-il d’être libre et miséreux, libre et jamais considéré ?

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales, écrivain. Il vient de publier un ouvrage critique sur la Banque centrale suisse : BNS : une banque centrale ne devrait pas faire çaSon fil Twitter.

Bayrou pour une coalition hors extrêmes

Bayrou pour une coalition hors extrêmes

 

Bayrou souhaite une coalition hors extrêmes. Le problème c’est que pour l’instant la gauche n’en veut pas. Et pour l’instant l’ancienne majorité n’a plus la main.

«Il n’y a pas de majorité. On est dans une situation où il n’y a pas de vainqueur. (…) Les Français ont envoyé deux messages : le premier, c’est “non, nous ne voulons pas donner la majorité absolue à l’extrême droite” et je suis persuadé qu’ils n’auraient pas non plus donné la majorité absolue à l’extrême gauche. Deuxième message : “Entendez-vous, il va bien falloir que vous sortiez de vos affrontements un peu puérils”. », a fait valoir le centriste. Avant de plaider pour coalition qui «irait de la gauche hors LFI jusqu’à la droite hors Rassemblement national».  Questionné sur la proposition de François Bayrou, Olivier Faure a fustigé un «tête-à-queue électoral». «Nous sommes dans une situation où, à trois reprises, aux élections européennes, au premier tour, puis au second tour des élections législatives, le pouvoir sortant a été battu et les Français ont exprimé leur volonté de rejeter la politique conduite depuis sept ans», a raillé le député de Seine-et-Marne.

Fort de cette analyse, Olivier Faure a fait mine de s’interroger : «Comment voulez-vous que les Français comprennent que d’un seul coup, nous nous retrouvions ensemble pour gouverner a l’exclusion d’une partie de ceux qui ont fait campagne avec nous ? Il y a là quelque chose qui ne peut pas fonctionner.» Appelant la classe politique à «travailler différemment» et à «changer de méthode», le premier secrétaire du PS a considéré que «la majorité ne peut pas résulter d’arrangements de couloirs avec des gens qui se mettraient d’accord pour se partager le pouvoir.»

 

France : le déclassement qui nourrit les extrêmes

France : le déclassement qui nourrit les extrêmes

 

Ce sont les politiques d’innovation et de formation qui permettent d’augmenter la productivité et, par conséquent, les salaires, explique Béatrice Madeline, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

 
Relever le smic à 1 600 euros, bloquer les prix des produits essentiels, baisser la TVA sur les produits énergétiques, relever le plafond de la prime de partage de la valeur, indexer les salaires sur l’inflation : les programmes des partis pour les élections législatives mettent nettement l’accent sur l’amélioration du pouvoir d’achat des Français. A juste titre. Deux ans de forte inflation ont mis en difficulté des millions de ménages, qui peinent aujourd’hui à maintenir leur niveau de vie d’avant-crise.

Mais le pouvoir d’achat est la résultante d’autres choix économiques, qui permettent aux entreprises de produire plus et mieux, et donc de dégager plus de revenus à redistribuer à leurs travailleurs, à arbitrage constant entre profit et salaires. La France s’est distinguée sur ce point ces dernières années, et pas pour le meilleur. Depuis 2019, le produit intérieur brut (PIB) rapporté au nombre d’emplois a progressé de 6 % aux Etats-Unis, a peu ou prou stagné en zone euro (− 0,4 %), mais a baissé de 3,5 % en France. On peut y voir une conséquence du Covid-19 sur les politiques de ressources humaines des entreprises, ou un effet de l’essor – bienvenu – de l’alternance en France.

Mais cette évolution inquiétante peut aussi s’interpréter comme un retard pris sur les entreprises américaines en matière d’innovation, de robotisation, d’adoption des nouvelles technologies. Ce retard se manifeste aujourd’hui par le décrochage brutal de l’économie européenne face aux Etats-Unis : entre 2010 et 2023, le taux de croissance cumulé du PIB a atteint 34 % outre-Atlantique, contre seulement 21 % dans l’Union européenne et 18 % dans la zone euro. Selon le FMI, le PIB par habitant en France est de 58 650 dollars (54 506 euros), contre 81 630 dollars aux Etats-Unis. Autant que les salaires poussifs qui ont contraint les Français à réduire leur consommation durant les deux années écoulées, cet écart croissant avec d’autres puissances économiques alimente le sentiment de déclassement qui nourrit le vote aux extrêmes.

Améliorer le pouvoir d’achat sur le long terme exige donc d’autres mesures que le blocage des prix ou l’augmentation, fût-elle substantielle, d’une prime. L’appareil productif, pour être plus efficace, doit investir plus massivement encore sur les nouvelles technologies. L’intelligence artificielle, par exemple, aujourd’hui adoptée par nombre de grands groupes, peine à s’imposer dans le vaste tissu des PME de l’Hexagone, qui n’en voient pas toujours l’intérêt ou jugent qu’elle représente un risque financier ….

Société- Poussée des extrêmes : pourquoi ?

Société- Poussée des extrêmes : pourquoi ? 

 La montée des populismes est-elle inéluctable en Europe ? Peut-elle transformer l’UE après les élections de juin prochain ? Le sociologue Michel Wieviorka livre son analyse.

Près de la moitié de la population mondiale en âge de voter est appelée aux urnes d’ici la fin 2024. Ce chiffre illustre une certaine vigueur de la démocratie. Mais une vague populiste semble déferler en Europe (récemment aux Pays-Bas, en Suède, en Italie) ou encore aux États-Unis avec le retour de Donald Trump dans la course à la Maison Blanche. Comment expliquer ce paradoxe ?

Ces élections sont à démocratie variable ! Parfois, il s’agit d’une caricature sans contenu – les dictatures et les régimes totalitaires aiment arborer les attributs de la démocratie, souvenez-vous du contenu réel des « démocraties populaires » à l’époque soviétique. Parfois, la démocratie est illibérale. Le populisme propose au peuple de rester lui-même tout en se transformant. Il peut être de droite, de gauche, ou encore ambivalent, comme le Mouvement 5 étoiles italien. Quand il se rapproche du pouvoir, ou qu’il y accède, il se transforme : les uns tendent au rapprochement avec des logiques politiques de gauche ou de droite, d’autres se durcissent – extrémisme, nationalisme pur et dur, autoritarisme, éventuellement lestés de religion.

Effectivement, elle est mondiale, globale, mais chaque pays présente ses spécificités - y compris au sein de l’Union européenne (UE). Parler d’un paradoxe en termes politiques, c’est y voir une crise de la démocratie. Mais le populisme existe aussi dans des situations non démocratiques. Acceptons néanmoins l’image d’une impuissance croissante des partis classiques à assurer le traitement non violent de diverses demandes sociales et culturelles, et celle de difficultés à inventer ou renouveler d’autres formules que représentatives – citoyennes (participatives, délibératives) ou directes (referendum notamment).

Quelles sont les causes de cette montée en puissance des populismes ? Peut-on la lier à la construction de l’UE qui peut donner le sentiment d’éloigner les citoyens du pouvoir ?

Ses sources politiques sont plurielles. La construction européenne joue, notamment à travers ce sentiment qu’elle affaiblit la capacité d’action des sociétés nationales. Les institutions européennes seraient lointaines, technocratiques, coupées des attentes populaires, au service, disent certains, d’un capitalisme brutal, ou de telle ou telle nation seulement. En France, les élites politiques ont renforcé ce sentiment en enjambant un résultat démocratique – le « non » au référendum constitutionnel européen de 2005 - pour ratifier en 2008 le traité de Lisbonne. Pour les oppositions, nationalistes, ou à gauche de la gauche, il y aurait un diktat de l’Europe, et les élites trahiraient en s’y soumettant.

 

Oui, les évolutions technologiques façonnent globalement un univers numérique favorable à toute sorte de dérives, à commencer par le complotisme et les « fake news » qui alimentent cette poussée, et s’en nourrissent. Ce populisme s’est développé avec la fin du communisme réel, et une poussée de l’individualisme comme légitimée par le néo-libéralisme et les idéologies chantant le marché : la « mondialisation heureuse » chère au conseiller politique et essayiste Alain Minc, la synthèse du marché et de la démocratie que vantait le politologue américain Francis Fukuyama parlant en 1989, lors de la chute du mur de Berlin, de « fin de l’Histoire ».

L’effondrement des partis dits hier « de gouvernement » (Parti socialiste et Les Républicains en France) est-il une cause ou une conséquence du populisme ?

Les deux ! Mais ne réduisons pas le populisme à cet effondrement, qui n’est pas vrai partout - l’Espagne y résiste, la Pologne aussi. Les partis sont souvent le produit d’une modernité qui valorise deux thématiques : celle des valeurs universelles (le droit, la raison), et celle du conflit social qui a structuré les sociétés industrielles avec l’opposition du mouvement ouvrier et des maîtres du travail. En France, notre système politique résulte de la construction de la République – pour les valeurs universelles – et de celle de partis et de syndicats parlant au nom du prolétariat ouvrier. Jean Jaurès, à gauche, en a incarné la synthèse. Or, la République est aujourd’hui en crise. Voyez l’école publique, la santé publique, etc. Et nous sortons de la société industrielle. Dès lors, les partis fondés sur ces registres sont en difficulté, et les extrêmes prolifèrent.

En 2011, une note du think tank Terra Nova recommandait à la gauche de délaisser les catégories populaires, et notamment la classe ouvrière, pour cibler un électorat plus jeune, plus urbain ou encore issu des minorités. Peut-on acter l’échec de cette stratégie ?

L’échec est intellectuel avant d’être stratégique, s’il s’agit de la France : on ne peut pas dire que la gauche y ait joué à fond une telle carte. Mais aux États-Unis, la défaite de Hilary Clinton face à Donald Trump en 2016 y renvoie : elle avait tablé sur les femmes et les minorités, là où son adversaire séduisait un électorat blanc inquiet pour son revenu, l’emploi, son statut social. En France, la question sociale a été insuffisamment prise en charge par la gauche, et le débat s’est construit autrement, dans la radicalité des « gilets jaunes » ou en visant l’islam. Et avec un Rassemblement national (RN) s’adressant aux « invisibles » et aux « oubliés ». Hier, on aurait dit : « aux prolétaires ».

En France, peut-on dire que le RN a réussi son pari de la « dédiabolisation » ? La droite dite de « gouvernement » est-elle condamnée à disparaître ?

Quand une force populiste se rapproche du pouvoir de façon démocratique, en jouant le jeu des élections et de la respectabilité, diverses évolutions peuvent se produire. Une partie de l’électorat est prête à voter pour le RN qui donne des gages de supposée « dédiabolisation » – références appuyées à la République et à ses valeurs, amour effréné de la laïcité, abandon proclamé de tout antisémitisme, appel à l’égalité des hommes et des femmes, etc., sans oublier le comportement dans l’espace public : cravate pour les parlementaires hommes du RN ! Même si ceci est de l’ordre de l’affichage et de la communication, et ne dit rien de la réalité des orientations de l’électeur de base, ou des militants et cadres du parti. À droite de cette extrême droite, ou en dessous, ceux qui s’écartent de cette « dédiabolisation » trouvent un espace dans ce qu’elle rejette : violences, actes antisémites, menaces anonymes, expressions de haine raciste sur les réseaux sociaux, etc. Et, à sa gauche, l’espace se rétrécit puisqu’elle l’occupe en partie. Son message, c’est : la droite de gouvernement, désormais, en France, c’est le RN ! Aux Pays-Bas, peut-être en Scandinavie, on observe des phénomènes comparables.

Faut-il anticiper le prolongement d’une configuration politique avec un espace central occupé aujourd’hui par le macronisme en France, avec des oppositions à droite et à gauche ?

Mieux vaut être prudent dans les anticipations. Il est possible qu’une gauche se reconstruise, en tension avec la France Insoumise et non pas en s’y associant comme dans la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Que le « macronisme », avec l’abandon du « en même temps » et une droitisation accélérée, disparaisse à l’approche de 2027, et qu’une nouvelle droite s’installe dans ses débris. Mais d’autres scénarios sont également possibles.

Le discours populiste sur l’Europe a évolué ces dernières années : la sortie de l’Union européenne a par exemple disparu des programmes et l’euro n’est quasiment plus remis en cause. Comment l’expliquer ?

J’ai publié en 2016 une fiction, « Le séisme. Marine Le Pen présidente » (éditions Robert Laffont) où je montre qu’une fois élue, il lui faudrait mettre de l’eau dans son vin anti-européen et anti-euro, tant un « Frexit » et un abandon de l’euro devenaient une absurdité. Les discours populistes ne s’embarrassent pas du réel. Mais lorsque l’acteur populiste se rapproche du pouvoir, il lui faut bien l’affronter, ce réel. Il y a là une explication à l’effondrement de Marine Le Pen dans son face-à-face avec Emmanuel Macron en 2017 lors de l’entre-deux-tours : il lui aurait fallu indiquer sérieusement comment piloter l’économie dans les mois à venir, et non pas produire une protestation idéologique.

Que nous apprend l’action, depuis septembre 2022, de la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni, cheffe de l’organisation d’extrême droite Fratelli d’Italia (« frères d’Italie »), sur ce à quoi pourrait ressembler l’exercice du pouvoir de la droite populiste en France ?

Que cet exercice lui impose des contorsions pour rester elle-même – l’expression extrémiste à l’immigration, les promesses d’un programme économique et d’une vision de l’Europe peu réalistes -, tout en tenant son rang dans un environnement international, pas seulement européen, qu’elle découvre, et en œuvrant de façon réaliste. Mais nos institutions donnent plus de pouvoir au chef de l’État qu’en Italie, ce qui est très préoccupant.

Que risque-t-il de se passer en cas d’un parlement européen composé à majorité de députés eurosceptiques ?

L’horreur ! Un mélange de paralysie, de destruction, et d’innovations dangereuses moralement et économiquement. L’encouragement à l’abandon relativiste des valeurs universelles et aux égoïsmes nationaux. Et la violence des déçus de cette institutionnalisation des extrêmes droites.

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Par Michel Wieviorka, Sociologue, membre Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS, EHSS-CNRS), Auteurs historiques The Conversation France

 

Poussée des extrêmes : pourquoi ?

Poussée des extrêmes : pourquoi ? 

 La montée des populismes est-elle inéluctable en Europe ? Peut-elle transformer l’UE après les élections de juin prochain ? Le sociologue Michel Wieviorka livre son analyse.

Près de la moitié de la population mondiale en âge de voter est appelée aux urnes d’ici la fin 2024. Ce chiffre illustre une certaine vigueur de la démocratie. Mais une vague populiste semble déferler en Europe (récemment aux Pays-Bas, en Suède, en Italie) ou encore aux États-Unis avec le retour de Donald Trump dans la course à la Maison Blanche. Comment expliquer ce paradoxe ?

Ces élections sont à démocratie variable ! Parfois, il s’agit d’une caricature sans contenu – les dictatures et les régimes totalitaires aiment arborer les attributs de la démocratie, souvenez-vous du contenu réel des « démocraties populaires » à l’époque soviétique. Parfois, la démocratie est illibérale. Le populisme propose au peuple de rester lui-même tout en se transformant. Il peut être de droite, de gauche, ou encore ambivalent, comme le Mouvement 5 étoiles italien. Quand il se rapproche du pouvoir, ou qu’il y accède, il se transforme : les uns tendent au rapprochement avec des logiques politiques de gauche ou de droite, d’autres se durcissent – extrémisme, nationalisme pur et dur, autoritarisme, éventuellement lestés de religion.

Effectivement, elle est mondiale, globale, mais chaque pays présente ses spécificités - y compris au sein de l’Union européenne (UE). Parler d’un paradoxe en termes politiques, c’est y voir une crise de la démocratie. Mais le populisme existe aussi dans des situations non démocratiques. Acceptons néanmoins l’image d’une impuissance croissante des partis classiques à assurer le traitement non violent de diverses demandes sociales et culturelles, et celle de difficultés à inventer ou renouveler d’autres formules que représentatives – citoyennes (participatives, délibératives) ou directes (referendum notamment).

Quelles sont les causes de cette montée en puissance des populismes ? Peut-on la lier à la construction de l’UE qui peut donner le sentiment d’éloigner les citoyens du pouvoir ?

Ses sources politiques sont plurielles. La construction européenne joue, notamment à travers ce sentiment qu’elle affaiblit la capacité d’action des sociétés nationales. Les institutions européennes seraient lointaines, technocratiques, coupées des attentes populaires, au service, disent certains, d’un capitalisme brutal, ou de telle ou telle nation seulement. En France, les élites politiques ont renforcé ce sentiment en enjambant un résultat démocratique – le « non » au référendum constitutionnel européen de 2005 - pour ratifier en 2008 le traité de Lisbonne. Pour les oppositions, nationalistes, ou à gauche de la gauche, il y aurait un diktat de l’Europe, et les élites trahiraient en s’y soumettant.

 

Oui, les évolutions technologiques façonnent globalement un univers numérique favorable à toute sorte de dérives, à commencer par le complotisme et les « fake news » qui alimentent cette poussée, et s’en nourrissent. Ce populisme s’est développé avec la fin du communisme réel, et une poussée de l’individualisme comme légitimée par le néo-libéralisme et les idéologies chantant le marché : la « mondialisation heureuse » chère au conseiller politique et essayiste Alain Minc, la synthèse du marché et de la démocratie que vantait le politologue américain Francis Fukuyama parlant en 1989, lors de la chute du mur de Berlin, de « fin de l’Histoire ».

L’effondrement des partis dits hier « de gouvernement » (Parti socialiste et Les Républicains en France) est-il une cause ou une conséquence du populisme ?

Les deux ! Mais ne réduisons pas le populisme à cet effondrement, qui n’est pas vrai partout - l’Espagne y résiste, la Pologne aussi. Les partis sont souvent le produit d’une modernité qui valorise deux thématiques : celle des valeurs universelles (le droit, la raison), et celle du conflit social qui a structuré les sociétés industrielles avec l’opposition du mouvement ouvrier et des maîtres du travail. En France, notre système politique résulte de la construction de la République – pour les valeurs universelles – et de celle de partis et de syndicats parlant au nom du prolétariat ouvrier. Jean Jaurès, à gauche, en a incarné la synthèse. Or, la République est aujourd’hui en crise. Voyez l’école publique, la santé publique, etc. Et nous sortons de la société industrielle. Dès lors, les partis fondés sur ces registres sont en difficulté, et les extrêmes prolifèrent.

En 2011, une note du think tank Terra Nova recommandait à la gauche de délaisser les catégories populaires, et notamment la classe ouvrière, pour cibler un électorat plus jeune, plus urbain ou encore issu des minorités. Peut-on acter l’échec de cette stratégie ?

L’échec est intellectuel avant d’être stratégique, s’il s’agit de la France : on ne peut pas dire que la gauche y ait joué à fond une telle carte. Mais aux États-Unis, la défaite de Hilary Clinton face à Donald Trump en 2016 y renvoie : elle avait tablé sur les femmes et les minorités, là où son adversaire séduisait un électorat blanc inquiet pour son revenu, l’emploi, son statut social. En France, la question sociale a été insuffisamment prise en charge par la gauche, et le débat s’est construit autrement, dans la radicalité des « gilets jaunes » ou en visant l’islam. Et avec un Rassemblement national (RN) s’adressant aux « invisibles » et aux « oubliés ». Hier, on aurait dit : « aux prolétaires ».

En France, peut-on dire que le RN a réussi son pari de la « dédiabolisation » ? La droite dite de « gouvernement » est-elle condamnée à disparaître ?

Quand une force populiste se rapproche du pouvoir de façon démocratique, en jouant le jeu des élections et de la respectabilité, diverses évolutions peuvent se produire. Une partie de l’électorat est prête à voter pour le RN qui donne des gages de supposée « dédiabolisation » – références appuyées à la République et à ses valeurs, amour effréné de la laïcité, abandon proclamé de tout antisémitisme, appel à l’égalité des hommes et des femmes, etc., sans oublier le comportement dans l’espace public : cravate pour les parlementaires hommes du RN ! Même si ceci est de l’ordre de l’affichage et de la communication, et ne dit rien de la réalité des orientations de l’électeur de base, ou des militants et cadres du parti. À droite de cette extrême droite, ou en dessous, ceux qui s’écartent de cette « dédiabolisation » trouvent un espace dans ce qu’elle rejette : violences, actes antisémites, menaces anonymes, expressions de haine raciste sur les réseaux sociaux, etc. Et, à sa gauche, l’espace se rétrécit puisqu’elle l’occupe en partie. Son message, c’est : la droite de gouvernement, désormais, en France, c’est le RN ! Aux Pays-Bas, peut-être en Scandinavie, on observe des phénomènes comparables.

Faut-il anticiper le prolongement d’une configuration politique avec un espace central occupé aujourd’hui par le macronisme en France, avec des oppositions à droite et à gauche ?

Mieux vaut être prudent dans les anticipations. Il est possible qu’une gauche se reconstruise, en tension avec la France Insoumise et non pas en s’y associant comme dans la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Que le « macronisme », avec l’abandon du « en même temps » et une droitisation accélérée, disparaisse à l’approche de 2027, et qu’une nouvelle droite s’installe dans ses débris. Mais d’autres scénarios sont également possibles.

Le discours populiste sur l’Europe a évolué ces dernières années : la sortie de l’Union européenne a par exemple disparu des programmes et l’euro n’est quasiment plus remis en cause. Comment l’expliquer ?

J’ai publié en 2016 une fiction, « Le séisme. Marine Le Pen présidente » (éditions Robert Laffont) où je montre qu’une fois élue, il lui faudrait mettre de l’eau dans son vin anti-européen et anti-euro, tant un « Frexit » et un abandon de l’euro devenaient une absurdité. Les discours populistes ne s’embarrassent pas du réel. Mais lorsque l’acteur populiste se rapproche du pouvoir, il lui faut bien l’affronter, ce réel. Il y a là une explication à l’effondrement de Marine Le Pen dans son face-à-face avec Emmanuel Macron en 2017 lors de l’entre-deux-tours : il lui aurait fallu indiquer sérieusement comment piloter l’économie dans les mois à venir, et non pas produire une protestation idéologique.

Que nous apprend l’action, depuis septembre 2022, de la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni, cheffe de l’organisation d’extrême droite Fratelli d’Italia (« frères d’Italie »), sur ce à quoi pourrait ressembler l’exercice du pouvoir de la droite populiste en France ?

Que cet exercice lui impose des contorsions pour rester elle-même – l’expression extrémiste à l’immigration, les promesses d’un programme économique et d’une vision de l’Europe peu réalistes -, tout en tenant son rang dans un environnement international, pas seulement européen, qu’elle découvre, et en œuvrant de façon réaliste. Mais nos institutions donnent plus de pouvoir au chef de l’État qu’en Italie, ce qui est très préoccupant.

Que risque-t-il de se passer en cas d’un parlement européen composé à majorité de députés eurosceptiques ?

L’horreur ! Un mélange de paralysie, de destruction, et d’innovations dangereuses moralement et économiquement. L’encouragement à l’abandon relativiste des valeurs universelles et aux égoïsmes nationaux. Et la violence des déçus de cette institutionnalisation des extrêmes droites.

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Par Michel Wieviorka, Sociologue, membre Centre d’analyse et d’intervention sociologiques (CADIS, EHSS-CNRS), Auteurs historiques The Conversation France

Chaleurs extrêmes encore attendues dans le midi

Climat- Chaleurs extrêmes encore attendues dans le midi

Le climat en France se caractérise par des températures particulièrement élevées dans le sud et plus modérées dans la partie nord. Des tendances qui si elle devaient s’installer durablement pourraient un jour provoquer des mouvements démographiques et pas seulement durant les vacances. Les températures ont déjà dépassé les 30°C ce mercredi dans plusieurs villes, alors que cinq départements sont placés en vigilance orange canicule. Celle-ci s’étend à deux nouveaux départements jeudi: la Loire et la Haute-Loire.

Et pourrait potentiellement gagner d’autres territoires. « Dès jeudi, les 35°C seront régulièrement dépassés de l’Occitanie à la Provence en passant par la vallée du Rhône », annonce Météo-France.

Des pointes à 38°C sont même attendues localement dans le sud-est et dans le sud-ouest, selon les cartes publiées par l’agence. Au-dessus de la Loire, les températures ne devraient en revanche pas dépasser les 30°C sur une bonne partie du territoire.

Dans l’ouest et le nord-ouest, les températures devraient flirter avec les 30°C. Du côté de la Bretagne en revanche, comme jeudi et vendredi, le littoral devrait être épargné par les fortes chaleurs: le thermomètre ne devrait pas dépasser 25°C.

Climat-Régions menacées par les températures extrêmes

Climat-Régions menacées par les températures extrêmes

par
Nicholas Leach
Postdoctoral Researcher, Climate Science, University of Oxford dans the Conversation


Au cours de l’été de 2021, le Canada a vu son record historique de chaleur être pulvérisé de près de 5 °C. Cette température maximale était alors de 49,6 °C. Plus chaud que celles jamais enregistrées en Espagne, en Turquie ou même n’importe où en Europe à l’époque. Ce record canadien a été établi à Lytton, un petit village situé à quelques heures de route de Vancouver, dans une région où l’on ne s’attendait pas vraiment à subir de telles températures.

Lytton a pourtant connu le point culminant d’une vague de chaleur qui a frappé tout le littoral pacifique nord-ouest des États-Unis et du Canada cet été-là et qui a laissé de nombreux scientifiques sous le choc. D’un point de vue purement statistique, cela aurait dû être impossible.

Je fais partie d’une équipe de climatologues qui a cherché à savoir si cette invraisemblable vague de chaleur était unique, ou si d’autres régions avaient connu des événements aussi anormaux d’un point de vue statistique. Nous voulions également déterminer les régions les plus exposées à l’avenir et nos résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.

Suivre ces vagues de chaleur exceptionnelles est capital. D’abord parce qu’elles sont dangereuses en elles-mêmes, mais aussi parce que les pays ont tendance à ne se préparer qu’aux températures retenues comme les plus extrêmes dans la mémoire collective. Une vague de chaleur sans précédent génère donc souvent des réponses politiques visant à réduire les risques futurs de canicule.

On estime par exemple que la canicule européenne de 2003, pendant laquelle le thermomètre a atteint 47,4 °C à Alentejo au sud du Portugal et 44,1 °C dans le Gard, en France, a causé 50 000 à 70 000 décès. Bien qu’il y ait eu des vagues de chaleur plus intenses depuis en Europe, aucune n’a entraîné un nombre de décès aussi élevé, grâce aux plans de gestion mis en œuvre à la suite de l’année 2003.

L’une des questions les plus importantes à se poser lorsqu’on étudie ces vagues de chaleur extrême, comme celles qui sévit actuellement sur l’ensemble de la planète, est donc la suivante : combien de temps devrons-nous attendre avant de connaître un autre événement d’une intensité similaire ?

C’est une question difficile mais heureusement, il existe une branche des statistiques, appelée théorie des valeurs extrêmes, qui permet de répondre à cette question précise en utilisant les événements passés.

Pourtant, la canicule qu’a subie le Canada en 2021 fait partie des nombreux événements récents qui ont remis en question cette méthode car cette vague de chaleur n’aurait pas dû être possible selon la théorie des valeurs extrêmes.

Cette « rupture » des statistiques est due au fait que la théorie conventionnelle des valeurs extrêmes ne tient pas compte de la combinaison spécifique de mécanismes physiques inédits que nous subissons désormais et qui était absente des événements passés archivés.

En examinant les données historiques de 1959 à 2021, nous avons constaté que 31 % de la surface terrestre avait déjà connu de telles chaleurs, statistiquement invraisemblables (bien que la vague de chaleur de l’Amérique du Nord de 2021 soit exceptionnelle même parmi ces événements). Ces régions sont réparties sur l’ensemble du globe, sans schéma spatial clair.

Une vague de chaleur exceptionnelle en septembre 2022 a fondre les calottes glaciaires du Groenland pendant un mois de plus que d’habitude. muratart/Shutterstock
Nous avons également tiré des conclusions similaires en analysant les données des « grands ensemble » produites par les modèles climatiques, qui impliquent de nombreuses simulations par ordinateurs du climat à l’échelle mondiale. Ces modélisations nous sont extrêmement utiles, car la durée effective de ce « registre historique » simulé est beaucoup plus grande et produit donc beaucoup plus d’exemples d’événements rares.

Cependant, si cette analyse des événements les plus exceptionnels est intéressante et met en garde contre l’utilisation d’approches purement statistiques pour évaluer les vagues de chaleur extrêmes, les conclusions les plus importantes de notre travail proviennent de l’autre extrémité du spectre : les régions qui n’ont pas connu d’événements particulièrement extrêmes.

Nous avons identifié un certain nombre de régions, là encore réparties sur l’ensemble du globe, qui n’ont pas connu de chaleur particulièrement extrême au cours des six dernières décennies (par rapport à leur climat « attendu »). Par conséquent, ces régions sont plus susceptibles de connaître un événement record dans un avenir proche. Et comme elles n’ont pas l’expérience d’une telle anomalie et qu’elles sont moins incitées à s’y préparer, elles peuvent être particulièrement touchées par une vague de chaleur record.

Les facteurs socio-économiques, notamment la taille de la population, la croissance démographique et le niveau de développement, exacerberont ces impacts. C’est pourquoi nous tenons compte des projections démographiques et de développement économique dans notre évaluation des régions les plus exposées au niveau mondial.

L’Amérique centrale n’a pas encore été touchée par une vague de chaleur vraiment sévère.
Ces régions à risque comprennent notamment l’Afghanistan, plusieurs pays d’Amérique centrale et l’Extrême-Orient russe. Cette liste peut surprendre, car ce ne sont pas les pays auxquels on pense généralement lorsqu’on évoque les effets du dérèglement climatique sur la chaleur extrême, comme l’Inde ou le golfe Persique. Mais ces derniers pays ont récemment connu de graves vagues de chaleur et font donc déjà ce qu’ils peuvent pour se préparer.

L’Europe centrale et plusieurs provinces chinoises, y compris la région de Pékin, semblent également vulnérables si l’on tient compte du caractère extrême des données et de la taille de la population, mais en tant que régions plus développées, elles sont susceptibles d’avoir déjà mis en place des plans visant à atténuer les effets graves.

Dans l’ensemble, nos travaux soulèvent deux points importants :

Premièrement, des vagues de chaleur statistiquement invraisemblables peuvent se produire n’importe où sur la Terre, et nous devons être très prudents lorsque nous utilisons les seules données historiques pour estimer la vague de chaleur « maximale » possible. Les décideurs politiques du monde entier doivent donc se préparer à des vagues de chaleur exceptionnelles qui seraient jugées invraisemblables sur la base des relevés actuels.

La deuxième raison est qu’il existe un certain nombre de régions dont le record historique n’est pas exceptionnel et donc plus susceptible d’être battu. Ces régions ont eu de la chance jusqu’à présent, mais elles risquent d’être moins bien préparées à une vague de chaleur sans précédent dans un avenir proche. Il donc est particulièrement important que ces régions anticipent des températures anormalement chaudes.

Les régions menacées par les températures extrêmes

Les régions menacées par les températures extrêmes

par
Nicholas Leach
Postdoctoral Researcher, Climate Science, University of Oxford dans the Conversation


Au cours de l’été de 2021, le Canada a vu son record historique de chaleur être pulvérisé de près de 5 °C. Cette température maximale était alors de 49,6 °C. Plus chaud que celles jamais enregistrées en Espagne, en Turquie ou même n’importe où en Europe à l’époque. Ce record canadien a été établi à Lytton, un petit village situé à quelques heures de route de Vancouver, dans une région où l’on ne s’attendait pas vraiment à subir de telles températures.

Lytton a pourtant connu le point culminant d’une vague de chaleur qui a frappé tout le littoral pacifique nord-ouest des États-Unis et du Canada cet été-là et qui a laissé de nombreux scientifiques sous le choc. D’un point de vue purement statistique, cela aurait dû être impossible.

Je fais partie d’une équipe de climatologues qui a cherché à savoir si cette invraisemblable vague de chaleur était unique, ou si d’autres régions avaient connu des événements aussi anormaux d’un point de vue statistique. Nous voulions également déterminer les régions les plus exposées à l’avenir et nos résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.

Suivre ces vagues de chaleur exceptionnelles est capital. D’abord parce qu’elles sont dangereuses en elles-mêmes, mais aussi parce que les pays ont tendance à ne se préparer qu’aux températures retenues comme les plus extrêmes dans la mémoire collective. Une vague de chaleur sans précédent génère donc souvent des réponses politiques visant à réduire les risques futurs de canicule.

On estime par exemple que la canicule européenne de 2003, pendant laquelle le thermomètre a atteint 47,4 °C à Alentejo au sud du Portugal et 44,1 °C dans le Gard, en France, a causé 50 000 à 70 000 décès. Bien qu’il y ait eu des vagues de chaleur plus intenses depuis en Europe, aucune n’a entraîné un nombre de décès aussi élevé, grâce aux plans de gestion mis en œuvre à la suite de l’année 2003.

L’une des questions les plus importantes à se poser lorsqu’on étudie ces vagues de chaleur extrême, comme celles qui sévit actuellement sur l’ensemble de la planète, est donc la suivante : combien de temps devrons-nous attendre avant de connaître un autre événement d’une intensité similaire ?

C’est une question difficile mais heureusement, il existe une branche des statistiques, appelée théorie des valeurs extrêmes, qui permet de répondre à cette question précise en utilisant les événements passés.

Pourtant, la canicule qu’a subie le Canada en 2021 fait partie des nombreux événements récents qui ont remis en question cette méthode car cette vague de chaleur n’aurait pas dû être possible selon la théorie des valeurs extrêmes.

Cette « rupture » des statistiques est due au fait que la théorie conventionnelle des valeurs extrêmes ne tient pas compte de la combinaison spécifique de mécanismes physiques inédits que nous subissons désormais et qui était absente des événements passés archivés.

En examinant les données historiques de 1959 à 2021, nous avons constaté que 31 % de la surface terrestre avait déjà connu de telles chaleurs, statistiquement invraisemblables (bien que la vague de chaleur de l’Amérique du Nord de 2021 soit exceptionnelle même parmi ces événements). Ces régions sont réparties sur l’ensemble du globe, sans schéma spatial clair.

Une vague de chaleur exceptionnelle en septembre 2022 a fondre les calottes glaciaires du Groenland pendant un mois de plus que d’habitude. muratart/Shutterstock
Nous avons également tiré des conclusions similaires en analysant les données des « grands ensemble » produites par les modèles climatiques, qui impliquent de nombreuses simulations par ordinateurs du climat à l’échelle mondiale. Ces modélisations nous sont extrêmement utiles, car la durée effective de ce « registre historique » simulé est beaucoup plus grande et produit donc beaucoup plus d’exemples d’événements rares.

Cependant, si cette analyse des événements les plus exceptionnels est intéressante et met en garde contre l’utilisation d’approches purement statistiques pour évaluer les vagues de chaleur extrêmes, les conclusions les plus importantes de notre travail proviennent de l’autre extrémité du spectre : les régions qui n’ont pas connu d’événements particulièrement extrêmes.

Nous avons identifié un certain nombre de régions, là encore réparties sur l’ensemble du globe, qui n’ont pas connu de chaleur particulièrement extrême au cours des six dernières décennies (par rapport à leur climat « attendu »). Par conséquent, ces régions sont plus susceptibles de connaître un événement record dans un avenir proche. Et comme elles n’ont pas l’expérience d’une telle anomalie et qu’elles sont moins incitées à s’y préparer, elles peuvent être particulièrement touchées par une vague de chaleur record.

Les facteurs socio-économiques, notamment la taille de la population, la croissance démographique et le niveau de développement, exacerberont ces impacts. C’est pourquoi nous tenons compte des projections démographiques et de développement économique dans notre évaluation des régions les plus exposées au niveau mondial.

L’Amérique centrale n’a pas encore été touchée par une vague de chaleur vraiment sévère.
Ces régions à risque comprennent notamment l’Afghanistan, plusieurs pays d’Amérique centrale et l’Extrême-Orient russe. Cette liste peut surprendre, car ce ne sont pas les pays auxquels on pense généralement lorsqu’on évoque les effets du dérèglement climatique sur la chaleur extrême, comme l’Inde ou le golfe Persique. Mais ces derniers pays ont récemment connu de graves vagues de chaleur et font donc déjà ce qu’ils peuvent pour se préparer.

L’Europe centrale et plusieurs provinces chinoises, y compris la région de Pékin, semblent également vulnérables si l’on tient compte du caractère extrême des données et de la taille de la population, mais en tant que régions plus développées, elles sont susceptibles d’avoir déjà mis en place des plans visant à atténuer les effets graves.

Dans l’ensemble, nos travaux soulèvent deux points importants :

Premièrement, des vagues de chaleur statistiquement invraisemblables peuvent se produire n’importe où sur la Terre, et nous devons être très prudents lorsque nous utilisons les seules données historiques pour estimer la vague de chaleur « maximale » possible. Les décideurs politiques du monde entier doivent donc se préparer à des vagues de chaleur exceptionnelles qui seraient jugées invraisemblables sur la base des relevés actuels.

La deuxième raison est qu’il existe un certain nombre de régions dont le record historique n’est pas exceptionnel et donc plus susceptible d’être battu. Ces régions ont eu de la chance jusqu’à présent, mais elles risquent d’être moins bien préparées à une vague de chaleur sans précédent dans un avenir proche. Il donc est particulièrement important que ces régions anticipent des températures anormalement chaudes.

Les optimistes pour Macron, les pessimistes pour les extrêmes

  • Les optimistes  pour Macron, les pessimistes  pour les extrêmes

 

 

 

 

Les clivages en France sont sans doute moins politiques que sociaux. D’après une étude  réalisée avant le premier tour des présidentielles d’ Ipsos / Sopra Steria,  il ressort que ce sont surtout les couches aisées et optimistes qui se sont prononcées pour Macron  tandis que les déclassés affichaient  leur pessimisme en votant pour les extrêmes.  Marine Le Pen arrive nettement en tête chez les ouvriers (37%), devant Jean-Luc Mélenchon (24%). Les retraités, rétifs au programme du représentant de la France insoumise (12%), préfèrent François Fillon (36%) et les cadres optent pour Emmanuel Macron (33%), qui réalise son plus mauvais score chez les ouvriers (12%). La candidate du Front national et le représentant de la France insoumise sont les deux candidats les plus soutenus par les chômeurs, mais cette fois Jean-Luc Mélenchon devance Marine Le Pen (36% contre 21%). Elle obtient un meilleur score chez les salariés, du privé (26%) comme du public (27%). Emmanuel Macron, boudé par les chômeurs (14%), fait son meilleur score chez les Français à leur compte (24%)… qui placent Jean-Luc Mélenchon au même niveau (24%). Les Français qui ont le sentiment que leur profession est sur le déclin optent plus pour Marine Le Pen (30%). En revanche, la sensation de travailler dans un secteur en expansion va de pair avec le vote Macron (27%). Le niveau de revenu aussi a un impact sur le bulletin glissé dans l’urne. Plus il augmente, plus le vote pour les extrêmes reflue. Emmanuel Macron convainc 32% des ménages au revenu mensuel supérieur à 3000 euros, tandis qu’il obtient 14% parmi ceux qui disposent de moins de 1250 euros par mois. Le vote Fillon suit la même évolution. Les foyers les plus défavorisés leur préfèrent largement Jean-Luc Mélenchon (25%) et surtout Marine Le Pen (32%). La tendance s’accentue encore si l’on considère les foyers où l’on éprouve la sensation que les fins de mois sont difficiles. La candidate du Front national obtient la préférence de 43% des ménages où elles sont même «très difficiles», loin devant Jean-Luc Mélenchon (22%). Les Français se sentant plus à l’aise financièrement optent davantage pour François Fillon (25%) et, encore plus, pour Emmanuel Macron (32%).

Elisabeth Badinter : les extrêmes qui menacent la France

Elisabeth Badinter : les extrêmes qui menacent la France

Dans une interview dans Marianne, Élisabeth Badinter  s’inquiète du danger des extrêmes représentés d’un côté par l’extrême-gauche Islamophile et l’extrême droite Islamophobe qui menacent les valeurs républicaines. Elle propose une troisième voie. – Sipa

.Pourquoi soutenez-vous le manifeste pour un Printemps républicain ?

Elisabeth Badinter. – Car le texte de ce manifeste reflète mes convictions profondes. J’y ai retrouvé l’expression politique de ce que j’appellerais la troisième voie.

 

Qu’est-ce que vous appelez la « troisième voie » ?

Cette voie étroite qui rejette dos à dos les deux écueils de l’heure, c’est-à-dire, d’un côté, le racisme qui diabolise les Arabo-musulmans, et, de l’autre, le déni pratiqué par les islamo-gauchistes à l’égard de la montée en puissance de l’islamisme radical. Aujourd’hui, nous sommes en butte à une instrumentalisation par deux extrêmes qui se nourrissent l’un et l’un autre de l’absence de l’option républicaine, et le Manifeste desserre cet étau pesant. Ce qui pèse, dans la France actuelle, c’est l’intimidation des extrêmes à l’endroit de ces millions de Français qui n’attendent qu’une chose : pouvoir exprimer librement leurs convictions républicaines.

Le courant républicain est quand même représenté au sein du gouvernement – heureusement !

Oui, car une personnalité comme celle du Premier ministre, Manuel Valls, défend la même République que les signataires du Manifeste. Je n’entends rien de tel chez le président de la République, qui paraît absent du débat sur la laïcité et dont nous ignorons sa définition.

 

A quelle mobilisation des esprits peut contribuer, d’après vous, le Manifeste ?

J’espère que le Manifeste va aider nos compatriotes à prendre parti sans crainte en faveur des valeurs authentiques de la République. Le panel de signataires très variés qu’ont rassemblé les organisateurs témoigne que la défense de la République est l’affaire de tous. Dans un moment où l’extrême gauche islamophile ne représente pas grand chose, mais où l’extrême droite capte tous les antirépublicains, c’est un geste capital.




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