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Santé- Progression des virus exotiques

Santé- Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Maladies- Progression des virus exotiques

Maladies- Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Santé -Progression des virus exotiques

Santé -Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Biodiversité: la menace des Les espèces exotiques envahissantes

Biodiversité: la menace des Les espèces exotiques envahissantes

Elles accaparent les ressources, dévorent les espèces locales et représentent parfois même une menace directe pour l’homme… La rapide prolifération des espèces exotiques envahissantes inquiètent les experts de la biodiversité, qui l’ont érigée parmi les sujets prioritaires

Cette menace figure parmi les cinq causes majeures de l’érosion de la biodiversité, avec l’exploitation humaine des terres et des mers, la surexploitation des ressources biologiques, le changement climatique et la pollution.

Si les territoires insulaires, qui concentrent 20 % de la biodiversité mondiale, sont particulièrement menacés, les espèces exotiques envahissantes représentent un problème bien plus large. En Europe, leur nombre a augmenté d’au moins 76 % au cours des 35 dernières années.

Les espèces exotiques envahissantes rassemblent les espèces et sous-espèces introduites par l’homme hors de leur espace naturel et qui menacent l’écosystème.

Certaines d’entre elles accaparent une part trop importante des ressources naturelles au détriment des espèces locales, et se reproduisent ou se multiplient trop rapidement pour le milieu en question. Parfois, elles consomment directement les espèces environnantes et menacent leur existence.

« C’est une catégorie d’espèces très large qui pose une multitude de problèmes » explique Marilou Mottet, membre de l’Observatoire des espèces à enjeux sur la santé à Fredon France. « Elle inclut la renouée asiatique, une plante aux grosses racines qui grandit très vite et pose des problèmes de visibilité aux abords des routes, ou bien encore le ragondin, importé d’Amérique du Sud, qui transporte des maladies dangereuses pour l’homme, prend la place de certaines espèces et cause des dégâts sur les infrastructures ».

Selon les experts, la propagation de ces espèces est due à la progression des échanges commerciaux à travers le monde, ainsi qu’au réchauffement climatique qui, en accentuant les épisodes météorologiques extrêmes, favorise les migrations d’espèces.

Ces espèces peuvent être introduites de manière volontaire, pour l’agriculture, l’élevage ou encore la chasse, ou bien involontaire, par exemple lors des chantiers de construction qui peuvent déstabiliser le milieu naturel et favoriser leur implantation. Parfois elles sont transportées par inadvertance dans des colis, comme le frelon asiatique, arrivé en France dans une poterie chinoise au début des années 2000, avant de provoquer une invasion dans la moitié Ouest du pays.

Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics s’inquiètent de la rapide progression de ces espèces à travers le monde. Car ce problème environnemental représente également un coût économique important, notamment dans le domaine de l’agriculture, et parfois une menace directe pour l’homme, provoquant des allergies, des brûlures ou des vapeurs toxiques.

Le sujet est pris très au sérieux en France. Le pays figure parmi les plus touchés d’Europe, selon le ministère de la transition écologique, « du fait de sa diversité de climats et de milieux, et de sa position de carrefour entre l’est et le sud de l’Europe ».

En mars 2022, la France a lancé un plan national d’action pour prévenir l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes sur le territoire. Celui-ci s’appuie sur une stratégie globale, mise en place en 2017, pour lutter contre cette menace.

« Ces dernières années, il y a eu une réelle prise de conscience sur cette question », salue Madeleine Freudenreich, chargée de mission au Centre de ressources des espèces exotiques envahissantes. « Depuis 2016, la liste européenne des espèces exotiques envahissantes réglementées est passée de 37 à 88. La prévention est un facteur clé car, une fois implantées, la lutte contre ces espèces est compliquée et peut coûter très cher. Dans le cas du frelon asiatique, nous connaissons aujourd’hui son processus de colonisation et son cycle de vie mais nous n’avons toujours pas trouvé de méthode pour le combattre efficacement, sans affecter d’autres espèces ».

Si les experts s’accordent sur l’importance de la prévention, il n’est pas toujours facile de détecter les espèces à risque. « Seule une petite minorité des espèces exotiques importées deviennent envahissantes, il s’agit d’une sur 1 000 environ », rappelle Marilou Mottet. ‘Pour les détecter en amont, il est important de les observer d’abord dans leur habitat naturel pour voir comment elles se comportent. Mais certaines ne prolifèrent qu’une fois sorties de leur milieu car elles ne sont plus exposées aux prédateurs qui régulaient leur population. Malgré les progrès de la recherche, la surveillance des espèces potentiellement envahissantes demeure une tâche très complexe ».

Climat etSanté -Progression des virus exotiques

Climat et Santé -Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Santé -Progression des virus exotiques

Santé -Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Climat-Progression des virus exotiques

Climat-Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Progression des virus exotiques

Progression des virus exotiques

Virus Usutu, virus Zika, virus du chikungunya ou de la dengue… Au cours des dernières années, ces noms aux consonances exotiques se sont fait une place dans les médias français. Et pour cause : responsables de maladies qui ne sévissaient jusqu’à présent que dans des régions éloignées, ces virus sont en train de s’extraire des régions où ils ont longtemps été endémiques pour partir à la conquête de notre planète. La France n’est pas à l’abri de cette menace, ni dans les outre-mer ni dans les régions métropolitaines, comme en témoignent les implantations en cours de certains de ces virus autour de l’arc méditerranéen.

par Yannick Simonin
Virologiste spécialiste en surveillance et étude des maladies virales émergentes. Professeur des Universités, Université de Montpellier dans the conversation

Alors que l’année 2022 a vu exploser en France métropolitaine les cas de dengue « autochtones » (autrement dit contractée en métropole), et qu’une infection – elle aussi autochtone – par le virus du Nil occidental a été détectée pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine, où en est la situation ? Quels sont les virus à surveiller en priorité ?

Bon nombre de maladies infectieuses émergentes sont transmises à l’être humain par l’intermédiaire d’un animal «vecteur», souvent un arthropode suceur de sang tels que les moustiques, les moucherons culicoides, les phlébotomes ou encore les tiques.

Dans un tel cas, si la maladie est causée par un virus, on parle d’«arbovirose», et le virus impliqué est décrit comme un «arbovirus» (de l’anglais «arthropod-borne virus», «virus transmis par les arthropodes»).

Dans la liste des maladies prioritaires que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) établit chaque année depuis 2015, ne figurent que des maladies virales, parmi lesquelles trois arboviroses (sur neuf maladies recensées) : maladie à virus Zika, fièvre hémorragique de Crimée-Congo et fièvre de la vallée du Rift.

Un point important à souligner concernant les arboviroses est qu’il s’agit pour la plupart de zoonoses. Autrement dit, elles proviennent initialement d’animaux domestiques ou sauvages porteurs de l’agent de la maladie. Celui-ci est transmis dans un second temps à l’être humain, lorsque ce dernier est piqué par un arthropode vecteur qui a auparavant prélevé le sang d’un animal infecté. Ce qui se passe ensuite dépend notamment de l’arbovirus transmis.

Certains peuvent passer d’un être humain à l’autre, toujours par l’intermédiaire d’un vecteur. D’autres pourront aussi se propager en parallèle grâce à d’autres modes de transmission (le virus Zika peut être transmis par les moustiques et par voie sexuelle, par exemple). Il arrive aussi que certains arbovirus ne se transmettent pas entre êtres humains : on dit alors que l’humain est une «impasse épidémiologique». C’est le cas par exemple du virus West Nile ou du virus de la vallée du Rift.

Parmi les principaux acteurs de la propagation des arboviroses figurent les moustiques, en particulier le moustique tigre (Aedes albopictus). Parti récemment à l’assaut de notre territoire, il s’y est rapidement installé. Or, à lui seul, il est en mesure de propager plusieurs virus «exotiques».

Catalysée par le commerce international, l’expansion du moustique tigre (Aedes albopictus), vecteur de plusieurs virus «exotiques» s’est avérée très rapide.

Originaire d’Asie, ce petit moustique noir au corps et aux pattes rayés de blanc à été détecté pour la première fois dans le sud de la France en 2004, à Menton. Moins de vingt ans plus tard, il est présent dans 71 départements métropolitains sur 96 (contre 64 en 2021 et 58 en 2020). Dans les années à venir, l’extension de son territoire sera inexorable.

En moins de deux décennies, le moustique tigre a envahi la majeure partie du territoire français métropolitain. Ministère des Solidarités et de la Santé – Direction générale de la Santé

Une des particularités de ce moustique est sa capacité à transmettre divers virus responsables de maladies, dont les plus connus sont probablement le virus Zika, celui du chikungunya, ou encore celui de la dengue.

La dengue : une tendance à la hausse des cas autochtones
Le virus de la dengue semble avoir trouvé dans les régions du sud de notre pays un terrain de jeu propice. En effet, si le nombre de cas de dengue reste limité en France métropolitaine, estimé à moins d’une trentaine ces dernières années, la tendance à la hausse se confirme néanmoins.

En témoigne la multiplication des cas dits «autochtones», ce qui signifie que la maladie a été contractée sur notre territoire, contrairement aux infections importées, qui se déclarent en France mais ont été contractés à l’étranger, lors d’un voyage. Les départements du sud et du sud-est de la France tels que l’Hérault, le Gard, le Var ou les Alpes-Maritimes sont les plus exposés à la maladie notamment en raison de la conjonction d’une forte densité de moustiques tigres et de zones fortement urbanisées.

L’année 2022 a été exceptionnelle en termes de circulation de la dengue dans l’hexagone : 66 cas ont été identifiés au cours de neuf épisodes de transmission autochtone ayant touché 6 départements.

Le moustique tigre Aedes albopictus est reconnaissable aux bandes blanches qui strient ses pattes. Il est notamment le vecteur des virus de la dengue et du chikungunya ainsi que du virus Zika.

Mais ce nombre de cas est certainement largement sous-estimé, car la dengue est largement asymptomatique (dans 50 % à 90 % des cas selon les épidémies). Par ailleurs, chez les personnes symptomatiques, les symptômes de la maladie (fièvre, maux de tête, douleurs musculaires…) peuvent facilement être confondus avec ceux de la grippe ou plus récemment du Covid.

Si l’affection provoquée par le virus de la dengue est le plus souvent bénigne, celui-ci peut néanmoins entraîner une forme potentiellement mortelle, dans environ 1 % des cas. Cette forme de dengue est dite «hémorragique», car s’accompagnant de saignements au niveau de multiples organes. Par ailleurs, certaines atteintes neurologiques ont également été rapportées.

Identifié pour la première fois en Tanzanie en 1952, le virus du chikungunya a circulé pendant plusieurs décennies en Afrique, en Inde et en Asie, ainsi que dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs l’épidémie qui a frappé la Réunion, l’Île Maurice, Mayotte et les Seychelles en 2005 qui a participé à le faire connaître du public français.

La «maladie de l’homme courbé» (traduction possible de «chikungunya», un terme issu du Makondé, langue bantoue parlée en Tanzanie) se caractérise notamment par l’apparition de fièvre et de douleurs articulaires sévères. Très invalidantes, ces dernières touchent souvent les mains, les poignets, les chevilles ou les pieds. Des maux de tête et des douleurs musculaires, ainsi que des saignements des gencives ou du nez ont été fréquemment décrits. La convalescence peut durer plusieurs semaines, et les douleurs peuvent persister parfois pendant plusieurs années.

Les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été détectés en France en 2010, dans le Var. Depuis, une trentaine de cas autochtones ont été répertoriés dont deux foyers importants, un dans la ville de Montpellier en 2014 (11 cas confirmés et 1 cas probable) et le second dans le var en 2017 avec 17 cas répertoriés.

Le virus du chikungunya se fait discret en France ces dernières années, avec 3 cas importés en 2021 et 5 pour l’année en cours, selon le décompte de Santé publique France. Cependant, ce virus reste très surveillé, notamment parce que sa dissémination par le moustique tigre dans les régions européennes tempérées n’est pas à exclure.

Le virus Zika avait quant à lui a défrayé la chronique en 2015-2016. Il avait été à l’origine d’une épidémie de très grande ampleur, principalement en Amérique latine. Plus d’un million de personnes avaient été infectées. L’atteinte la plus grave associée à ce virus est le développement d’une microcéphalie (réduction du périmètre crânien du fœtus) chez les femmes enceintes infectées.

En France deux cas autochtones avaient été identifiés en 2019, dans le département du Var, sans que les chaînes de transmission, notamment vectorielles, n’aient pu être clairement établies.

Figurant toujours sur la liste des 10 maladies les plus à risque établie par l’Organisation mondiale de la santé, ce virus a cependant mystérieusement quasiment disparu des radars depuis quelques années. Son retour sur le devant de la scène virale est toutefois très loin d’être exclu : il a notamment fait à nouveau parler de lui très récemment en Thaïlande, et 5 voyageurs ont développé la maladie en Allemagne, Royaume-Uni et Israël, après avoir visité ce pays d’Asie du Sud-Est.

Même si les mécanismes favorisant l’émergence du virus Zika sont peu connus, des études de séroprévalence (présence d’anticorps dans le sang) montrent qu’il circule toujours activement dans certains territoires (notamment sur le continent africain).

Sa surveillance nécessite une vigilance particulière de la communauté scientifique, afin de se préparer à une réapparition potentielle.

Un de nos moustiques «traditionnels», Culex pipiens, présent sur l’ensemble du territoire français, est également capable de nous transmettre des virus «exotiques». C’est notamment le cas des virus West Nile (virus du Nil occidental) et Usutu, deux virus très proches pouvant occasionnellement engendrer des atteintes neurologiques sévères telles qu’encéphalites (inflammation du cerveau), méningites (inflammation des méninges) ou encore méningo-encéphalites (inflammation des méninges et du cerveau) chez l’humain.

Une étude menée par notre équipe et publiée en 2022, en collaboration avec l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a montré que ces deux virus sont en train de s’installer durablement sur certaines zones de notre territoire, plus particulièrement dans la grande région camarguaise.

On les retrouve en effet de façon régulière non seulement dans des échantillons de sang humain, mais aussi chez des animaux tels que les oiseaux (leurs réservoirs naturels), les chiens, les chevaux et les moustiques.

De nombreux moustiques, y compris ceux du genre Culex classiquement présents en France, peuvent transmettre des virus « exotiques ». Shutterstock
Jusqu’à présent, leur impact sur la santé humaine demeure faible : deux infections par le virus Usutu ont été identifiées en France, à Montpellier en 2016 et dans les landes en 2022, tandis qu’une trentaine de cas de West Nile ont été dénombrés sur les cinq dernières années.

Il est néanmoins important de surveiller la dynamique de propagation de ces virus, car plusieurs lignées possédant des degrés de virulence plus ou moins importants circulent actuellement, ce qui incite à la prudence. D’autant plus qu’une épidémie importante a frappé l’Europe en 2018, avec plus de 2 000 cas identifiés et plus de 180 décès rapportés. En 2022 le sud de l’Europe a été à nouveau touché : l’Italie a notamment répertorié 723 cas et 51 décès associés.

En France, fin juillet 2023, un premier cas d’infection par le virus West Nile a été détecté en Nouvelle-Aquitaine, plus précisément dans la région de Bordeaux, ce qui témoigne d’une tendance à la propagation de ce virus plus au nord de l’Hexagone. En effet, les précédents cas d’infection de ce virus avaient été détectés uniquement sur le pourtour méditerranéen (en régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie).

Le passage d’une maladie de l’animal à l’être humain n’est pas forcément synonyme de flambée épidémique, ni d’épidémie à large échelle, de pandémie ou d’implantation dans de nouveaux territoires. Pour que cela se produise, de nombreux événements doivent entrer en conjonction.

Le problème est que les échanges commerciaux ou touristiques, qui progressent de façon exponentielle dans notre monde hyperconnecté, peuvent faciliter la dissémination de certains vecteurs et donc le risque de propagation des maladies.

Ce risque est encore augmenté par les changements environnementaux et climatiques. Les conditions météorologiques, en particulier la température, l’humidité de l’air et les précipitations, affectent la répartition géographique, l’activité, le taux de reproduction et la survie de ces vecteurs, notamment des moustiques.

Par ailleurs les modifications du climat et l’impact de l’être humain sur son environnement influencent parfois le comportement animal, en modifiant par exemple l’aire de répartition de certaines espèces, ce qui peut favoriser les interactions entre animaux et humains.

De tels changements environnementaux ont été à l’origine d’épidémies de fièvre hémorragique argentine, due au virus Junin. Dans les années 1950, pour intensifier la culture du maïs, des défrichages massifs ont été effectués grâce, notamment à l’emploi d’herbicides. Ce changement d’environnement a entraîné une prolifération de rongeurs dont certains étaient porteurs du virus, faisant passer la maladie au stade épidémique, notamment parmi les travailleurs agricoles. Des milliers de personnes ont alors été contaminées. Une situation similaire a aussi été observée en Asie de l’Est lors de la conversion de terres pour la culture du riz, avec le virus Hantaan responsable de la «fièvre hémorragique de Corée».

Parmi les autres facteurs favorisant les émergences de nouvelles maladies, citons notamment les facteurs socio-économiques, tels que l’augmentation des transports de bien et de personnes, notamment via le transport aérien intercontinental, ou encore l’essor toujours croissant des zones urbaines. Les fortes densités de population, qui favorisent la transmission rapide de maladies, ainsi que les difficultés d’adduction d’eau liées à l’urbanisation rapide, contribuent notamment à la prolifération de moustiques potentiellement porteurs de virus.

Preuve de l’importance de ces facteurs, durant la pandémie de Covid-19, le nombre de cas d’infections «exotiques» importés (autrement dit, rapportées de voyage) a considérablement diminué, essentiellement en raison de la baisse drastique du transport aérien international. Avec la nette reprise dudit trafic, une hausse de ces cas est en revanche attendue en 2023.

Cette situation pourrait avoir un impact sur l’apparition de foyers de cas en France, car une personne infectée arrivant sur notre territoire peut en effet transmettre à son tour la maladie à d’autres personnes, notamment si les vecteurs transmetteurs de la maladie sont présents.

En l’absence d’antiviral efficace ou de vaccin, comme dans le cas du chikungunya ou du Zika, ou lorsque le vaccin présente certaines limites (comme dans le cas de la dengue, contre laquelle le seul vaccin actuellement homologué présente l’inconvénient d’augmenter le risque d’hospitalisation et de dengue grave chez les personnes non antérieurement infectées par le virus de la dengue), la seule solution est d’anticiper l’émergence de ces pathogènes.

Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre en place des réseaux adaptés et réactifs, au plus près du terrain, afin d’étudier efficacement les interactions entre les animaux, les humains et leurs divers environnements, selon une approche qualifiée de One Health («Une seule santé», humaine et environnementale).

Depuis la pandémie de Covid-19, les réseaux de surveillance des maladies virales nationaux et internationaux se sont développés. Leurs capacités restent malheureusement bien en deçà de ce qui est nécessaire pour effectuer un suivi efficace de la circulation des virus à risque, non seulement dans les pays endémiques, mais aussi dans les pays où ils émergent.

L’émergence, puis la propagation rapide en 2020, du coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la pandémie de Covid-19, a eu un impact majeur sur notre santé, nos comportements et nos vies quotidiennes. Cette situation nous a fait brutalement prendre conscience de l’importance de surveiller et d’étudier les «nouveaux» virus.

Au-delà de ces virus jusque-là «inédits», il est aussi essentiel de se pencher sur les virus «négligés» car responsables de maladies sévissant loin de nos territoires. La propagation hors du continent africain, et en particulier en Europe, du virus Mpox, anciennement appelé variole du singe, est venu nous rappeler les enjeux liés à une telle surveillance…

Arbres : Protéger les essences exotiques


Arbres : Protéger les essences exotiques 

 

Doit-on financer à la fois les causes et les conséquences de plantations forestières inadaptées, se demandent, dans une tribune au « Monde », les responsables de la Société botanique de France, Guillaume Decocq, Elisabeth Dodinet et Pierre-Henri Gouyon.

 

Tribune.

 L’année 2020, la plus chaude depuis 1900, a un peu plus révélé la fragilité de la forêt française. Les politiques publiques s’attèlent, avec raison, au défi de l’adaptation de nos forêts aux changements climatiques. Toutes les régions de France se sont dotées d’un Programme régional de la forêt et du bois. Le « Plan national de relance » mobilisera 200 millions d’euros sur deux ans pour reboiser 45 000 hectares.

L’Office national des forêts (ONF) crée des milliers d’« îlots d’avenir » dans les forêts publiques. L’Etat et les collectivités subventionnent la plantation d’arbres sur la base de listes régionales. Mais si le reboisement par des essences plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse est pertinent, l’utilisation d’espèces exotiques, ne poussant pas naturellement sur notre (sous-)continent, pose problème.

La plantation d’essences exotiques en forêt remonte à François Ier, tout comme les premiers échecs : l’introduction de pins maritimes à Fontainebleau, peu productifs, s’accompagna de celle d’insectes exotiques ravageurs. Bien que de telles plantations, en particulier de résineux, aient augmenté sous le Second Empire puis après la seconde guerre mondiale, bien peu d’espèces acclimatées se sont révélées effectivement utilisables en foresterie.

La forêt est un écosystème complexe

Certaines espèces ont même causé bien des déboires… Alors que l’ingénieur forestier Ernest Guinier (1837- 1908) écrivait en 1902 « le cerisier tardif mérite d’être propagé et d’entrer dans la composition de nos forêts », cette espèce nord-américaine, largement plantée au XXe siècle, est devenue l’espèce envahissante la plus nocive des forêts européennes ! L’allié d’un jour du forestier peut ainsi devenir son pire ennemi le lendemain.

Trois stratégies permettent d’adapter une forêt aux changements climatiques. Tout d’abord, favoriser l’adaptation génétique en utilisant des arbres d’autres régions, comme des hêtres méridionaux dans les hêtraies septentrionales. Ensuite, devancer l’adaptation écologique en introduisant des essences différentes qui migreraient spontanément avec le temps, comme remplacer les chênes pédonculé et sessile du Bassin parisien par des chênes vert ou pubescent. Enfin utiliser des essences exotiques.




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