Projet de “communauté politique européenne”: Une proposition qui a déjà échoué
La création d’une nouvelle structure politique sur le continent, proposée par Emmanuel Macron, ne convainc pas les Vingt-Sept. Comme le projet mort-né qu’avait lancé François Mitterrand, rappelle l’historienne Laurence Badel, dans une tribune au « Monde ».
Le projet confus de Macron a rencontré peu d’enthousiasme aussi bien des pays candidats à l’union européenne qu’auprès des grandes nations qui voient à juste titre une sorte de double emploi avec l’union européenne voire une concurrence si la nouvelle institution prend un sens fédéraliste. NDLR
En juin 1991, à l’initiative de François Mitterrand, s’étaient tenues à Prague les assises de la Confédération européenne. Elles avaient pour but de définir une structure destinée à accueillir les Etats d’Europe centrale et orientale libérés de la tutelle soviétique. Le projet fut un échec, sapé par les réticences des Etats-Unis, de l’Allemagne et de la Tchécoslovaquie. En s’inscrivant dans la continuité de cette proposition mais en l’habillant d’une expression propre aux années 1950, celle de « communauté politique européenne », Emmanuel Macron sème le trouble malgré lui. Il paraît donner à la notion de confédération un sens fédéraliste, aux antipodes de ses intentions.
Rappelons-le à ceux qui l’ont oublié : un projet de « communauté politique européenne » a déjà existé, et son histoire est aussi celle d’un échec. Ce projet, aussi appelé « autorité politique européenne » à l’époque, a émergé au lendemain de la signature des accords de Paris sur la Communauté européenne de défense (CED), le 27 mai 1952, d’une initiative franco-italienne portée par Robert Schuman et Alcide de Gasperi. L’Assemblée de la seule communauté européenne alors existante, la Communauté européenne du charbon et de l’acier, avait été invitée à élaborer, avant le 10 mars 1953, un projet de traité instituant une « communauté politique européenne ».
Question séculaire
Celle-ci serait venue coiffer les communautés déjà existantes, assortie d’une fonction de coordination des politiques extérieures des Etats membres et porteuse du germe d’un marché commun, soutenu par les Pays-Bas. Consubstantiellement liée à l’idée de CED, elle s’ancrait dans ce que l’historien Georges-Henri Soutou a qualifié de période « très audacieuse, très supranationale et intégrationniste » [L’Alliance incertaine, Fayard, 1996] de toute l’histoire de la construction européenne. L’idée resurgit au début des années 1960 comme « union politique » avec les plans Fouchet, mais selon une dynamique intergouvernementale. Elle connut, au début des années 1970, une réalisation limitée au domaine de la politique étrangère, avec la naissance de la coopération politique européenne, processus de coordination politique et administrative des ministères des affaires étrangères établi en dehors du processus communautaire.
La « confédération » que le président Macron a en tête est tout autre. Elle propose aux Etats aux marges de la Russie (Ukraine, Moldavie, Géorgie), désireux d’intégrer l’Union européenne, une structure politique qui les associe pleinement à la famille européenne pour des coopérations essentiellement économiques et sociales, tout en leur donnant le temps de mettre au niveau, en premier lieu, le fonctionnement de leur administration et de leur marché. Au-delà, l’enjeu est de stabiliser l’ensemble des frontières de l’Europe et d’établir une relation nouvelle avec ces grands Etats que sont le Royaume-Uni, la Turquie et, un jour, la Russie.