Loi séparatisme : un ersatz de principes républicains
En débat au Parlement, ce texte élaboré en réponse à la menace islamiste comporte des dispositions inutiles et des concessions hors de propos aux associations cultuelles, estime un collectif de personnalités connues pour leur attachement à la laïcité.( Le Monde extrait)
Tribune. Le projet de loi, hier contre le « séparatisme », aujourd’hui « confortant le respect des principes de la République » est en débat au Parlement. Ce texte n’est pas réellement une réponse à la menace islamiste, comme le prétend le gouvernement. Loin de renforcer les principes de la République, il ne promeut pas la liberté de conscience, et apparaît comme une remise en cause de la séparation des Eglises et de l’État telle qu’elle est instaurée par la loi de 1905.
Bavard, rappelant certaines dispositions existantes, purement déclaratif sur d’autres points, ce texte est inapplicable et parfois dangereux. Il semble avoir pour but d’étendre à toute la France l’esprit du Concordat, cet accord signé entre la France et le Vatican, encore en vigueur en Alsace-Moselle et qui fait peser sur l’État la charge de l’entretien de l’Église.
Renforcement des avoirs des cultes
Si le texte affirme la soumission des associations cultuelles à la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, au lieu de celle de 1901 relative au contrat d’association, cela ne se fait pas sans que le gouvernement ait lâché une contrepartie importante : la possibilité pour les associations cultuelles d’avoir des immeubles de rapport, à condition que ceux-ci soient acquis gratuitement par dons et legs. Ce qui va permettre à certains cultes déjà bien dotés en immobilier (notamment l’Église catholique) de renforcer leur position patrimoniale et financière et d’en distribuer à volonté les bénéfices.
Cette nouvelle disposition va permettre aux écoles privées confessionnelles, très majoritairement d’obédience catholique, de faire don aux associations loi de 1905 de leur patrimoine immobilier. Largement financées par l’argent public depuis la loi Debré (1959) et la loi Carle (2009), ces écoles contribueront au financement des cultes.
Corrélativement, des transferts pourront être effectués des biens immobiliers de l’Eglise, jusqu’ici exclusivement réservés au culte, en faveur des écoles privées catholiques. Celles-ci vont pouvoir se multiplier au détriment de l’école laïque. Tout cela en bénéficiant des exonérations de taxe foncière et de taxe d’habitation prévues par la loi de 1905.
Instaurée par la loi Blanquer de 2019 et rappelée dans ce texte, l’obligation d’instruction dès l’âge de 3 ans, dans le contexte actuel et du fait des dispositions de la loi Carle, est également favorable à l’Eglise catholique.
Certaines dispositions sont bienvenues, comme le contrôle du caractère réellement cultuel des associations, la déclaration des dons éligibles à des déductions fiscales, et la nécessité de faire certifier, chaque année, les comptes de l’association par un commissaire aux comptes, ainsi que l’accroissement des moyens et pouvoirs donnés à l’organisme ministériel Tracfin pour contrôler la provenance des dons.