Territoire zéro chômeur : conception et calculs erronés »
Professeur d’économie à Sciences Po, Pierre Cahuc dénonce, dans une tribune au « Monde », les arguments des promoteurs en faveur de l’extension du dispositif de lutte contre le chômage, actuellement en discussion au Parlement
Tribune. La chronique « Territoire zéro chômeur : pour la généralisation d’un dispositif d’utilité sociale », publiée le 19 septembre dans « Le Monde », plaide pour la généralisation du dispositif d’utilité sociale « Territoires zéro chômeur de longue durée » qui fait l’objet d’un projet de loi actuellement en débat au Parlement, en reprenant à son compte les arguments de ses promoteurs.
Cette initiative crée des entreprises à but d’emploi (EBE) dont la finalité est d’embaucher en CDI des chômeurs de longue durée, rémunérés au smic, afin de répondre à des besoins non satisfaits, car peu rentables. Leurs activités ne doivent pas concurrencer l’emploi existant. L’expérimentation concerne 10 territoires, qui emploient environ 800 personnes. Le projet de loi propose de l’étendre à 50 territoires supplémentaires.
La chronique soutient tout d’abord que le coût de ce dispositif est somme toute modique, de l’ordre de 6 000 euros annuels par équivalent temps plein. Cette évaluation est étonnante : deux rapports, rédigés par l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales (pages 28 et 35) d’une part, et un comité scientifique d’autre part, montrent que le coût annuel net d’un emploi créé par ce dispositif s’élève à 25 000 euros et non 6 000 euros.
Le texte affirme aussi qu’il faut tenir compte de « la valeur proprement incalculable que représentent la dignité et l’utilité retrouvées » grâce à l’accès à l’emploi des personnes qui en sont durablement exclues. On ne peut qu’être d’accord : la privation d’emploi est une atteinte à la dignité, source de souffrance, dont les effets délétères sur la santé et l’espérance de vie sont bien documentés.
Il n’y a aucun doute sur ce sujet. Il faut donc financer des dispositifs qui accompagnent vers l’emploi. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut donner de véritables emplois avec des perspectives d’avenir. Et c’est là que le bât blesse avec cette expérimentation, qui suppose qu’obtenir un emploi rémunéré à vie au Smic est suffisant pour retrouver sa dignité.