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Climat : surveiller l’empreinte carbonique de la France (Aurélien Boutaud, Environnementaliste)

Climat : surveiller l’empreinte carbonique de la France  (Aurélien Boutaud, Environnementaliste

 

Dans une tribune de Libération, Aurélien Boutaud, Environnementaliste met en cause l’impact carbonique de la France. Une France qui s’enorgueillit un peu vite de ses performances dans ce domaine. D’abord parce que les résultats et les objectifs ne peuvent être rendus possibles sans le rôle du nucléaire pour la production d’électricité. Ensuite parce que la France connaît un phénomène de délocalisation de l’industrie et en même temps d’externalisation géographique de ses émissions polluantes. Pour parler simple la France avance le fait qu’elle pollue moins dans l’hexagone alors que cette réduction de la pollution doit beaucoup à l’exportation des les émissions polluantes.

 

 

Notoirement absente de la campagne électorale d’Emmanuel Macron, la question climatique est bizarrement apparue après son élection comme un élément central de son discours de chef d’Etat. Visiblement affecté par la décision des Etats-Unis de se retirer de l’accord de Paris, on se souvient que le président français n’avait pas hésité alors à s’ériger en donneur de leçon. L’épisode fut d’ailleurs marqué par ce tweet rageur que chacun garde en mémoire : «Make our planet great again» – paraphrase du «Make America great again» du président des Etats-Unis. Le slogan eut alors l’effet d’une véritable bombe médiatique, se répandant à une vitesse telle qu’il devint en quelques heures le tweet français le plus relayé de l’histoire des réseaux sociaux. Mais comme chacun sait, il faut parfois se méfier des bombes : il arrive qu’elles vous sautent à la figure. C’est ce qui pourrait arriver à Emmanuel Macron s’il venait à oublier que la France est encore loin de pouvoir donner des leçons au reste du monde en matière de transition post-carbone. Car si notre pays peut s’enorgueillir d’être parvenu à réduire d’environ 15 % ses émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, il faut se souvenir que la marche à gravir est d’une tout autre hauteur. Pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés à l’horizon 2050, la France devra en effet réduire de 75 % ses émissions, ce qui suppose d’accélérer considérablement le rythme de la transition : d’une modeste réduction des rejets de 1 % par an, il faut urgemment passer à un rythme annuel de 3 à 4%… et maintenir cette cadence pendant plus de trente ans ! Autant dire une véritable révolution. Et comme si le défi à relever n’était pas suffisamment immense, voilà que les réductions d’émissions affichées jusque-là par la France apparaissent en réalité comme largement factices. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est le secteur de l’industrie qui a le plus diminué ses rejets de gaz à effet de serre au cours des décennies passées. Or cette baisse est en grande partie due à la délocalisation massive de la production dans les pays en développement. Et comme les Français n’ont pas pour autant réduit leurs consommations de biens manufacturés, cela revient à dire que les émissions de ce secteur ont été, elles aussi, délocalisées. C’est ce dont témoigne l’empreinte carbone de la France. Cet indicateur, qui mesure les émissions incorporées dans la consommation finale des ménages, nous apprend que le mode de vie des Français génère sur l’ensemble de la planète plus de 10 tonnes de CO2par habitant, par an, soit 45 % de plus que les émissions nationales. Autrement dit, la France délocalise près d’un tiers des émissions nécessaires à la consommation finale de ses habitants. Une étude menée en 2010 montrait même qu’entre 1990 et 2007, alors que la France réduisait ses émissions directes de gaz à effet de serre, son empreinte carbone continuait de croître. Evidemment, cette nuance n’aura pas pu échapper à un Président dont on sait qu’il revendique publiquement la complexité de sa pensée. Reste alors à faire de la France un pays réellement exemplaire, capable de réduire drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre sans pour autant les reporter sur le reste du monde. Sans quoi il sera probablement plus difficile à l’avenir pour Emmanuel Macron d’inviter les autres nations à faire de la planète un endroit… «great again». En matière de transition écologique, peut-être encore plus que dans d’autres domaines, il est décidément temps de passer des petites phrases assassines aux actions d’envergure.

Aurélien Boutaud et Natacha Gondran sont les auteurs de l’Empreinte écologique, éditions La Découverte, 2009.

 




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