Archive pour le Tag 'entreprise'

Une entreprise de démolition des « Républicains » par Sarkozy et Macron( Retailleau)

Une entreprise de démolition des « Républicains » par Sarkozy et Macron ( Retailleau)

« Il y a clairement une entreprise de déstabilisation de la droite par Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron », a estimé, Retailleau, le patron des sénateurs LR dans une interview au Parisien, lundi 5 décembre. Bruno Retailleau, finaliste face à Eric Ciotti, a indiqué vouloir « y mettre un terme très rapidement ».

Le sénateur s’est engouffré dans la fenêtre ouverte par l’ancien président de la République. Dimanche, pendant la Convention nationale du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), Nicolas Sarkozy a rappelé son souhait d’une alliance avec l’actuel chef de l’Etat.

Second tour. « Moi, je pense qu’il pourrait l’avoir (la majorité parlementaire, NDLR). Je pense que le gouvernement devrait tenir compte de tous ceux qui n’ont pas voté les motions de censure. [...] Il ne s’agit pas de dire “avec Monsieur Macron, est-ce que je suis d’accord à 100%, 80%…?”. Il s’agit de la France », a déclaré Nicolas Sarkozy. Fin octobre, Emmanuel Macron avait évoqué une « alliance » possible avec LR, ce à quoi s’oppose le patron des sénateurs LR.

Pour trancher face à cette « entreprise [qui] vise à détruire et à disloquer la droite française », Bruno Retailleau veut, en cas d’élection à la tête de LR, soumettre aux militants du parti « un référendum interne, avant la fin de l’année ». La question : « Oui ou non, souhaitez-vous une alliance avec Emmanuel Macron ? ». Une fois la question tranchée, en cas de non, le sénateur de Vendée veut « élaborer une charte d’engagement à ne pas s’allier » avec le chef de l’État qui devra être « signé[e] par tous ».

Alors que les militants sont appelés samedi et dimanche prochain à départager le favori du second tour, entre Eric Ciotti (42,73 % au premier tour) et Bruno Retailleau (34,46 % au second tour), la menace pour LR est de devenir un parti coupé en deux.

Le Pen: Le soutien de nouvelles couches sociales

 

 Le Pen: Le soutien de nouvelles couches sociales

 

La candidature d’Eric Zemmour n’a pas constitué un handicap insurmontable pour la tête de liste du Rassemblement national, qui a progressé de près de deux points par rapport à son score de 2017, analyse le politiste Florent Gougou, dans une tribune au « Monde »

 

Tribune.

 

 Ce n’est plus une surprise. Pour la deuxième fois consécutive, Marine Le Pen participera au second tour de l’élection présidentielle. Pour la troisième fois sur les cinq dernières présidentielles, la droite radicale [terme consacré dans le champ des sciences sociales] sera en situation d’accéder à l’Elysée. Le 21 avril 2002, la sidération dominait. Le 23 avril 2017, la banalité se profilait. Le 10 avril 2022, l’ordinaire s’est imposé.

Les contours d’un nouveau monde politique se dessinent. Pour la deuxième fois consécutive, Marine Le Pen retrouvera Emmanuel Macron au second tour. L’opposition entre « mondialistes » et « nationaux », pour reprendre les termes de la candidate du Rassemblement national (RN), entre « progressistes » et « nationalistes », pour reprendre les termes du président de la République sortant, semble être devenue la principale ligne d’affrontement dans la vie politique française au niveau national. Imposer ce nouveau dualisme était un objectif assumé (et partagé) par les deux protagonistes depuis 2017. Les résultats du premier tour ont brutalement rappelé aux forces de gauche, une nouvelle fois écartées du second tour, qu’ils sont en passe d’y parvenir.

Avec plus de 23 % des suffrages, Marine Le Pen réalise la meilleure performance d’une candidature de droite radicale à l’élection présidentielle, progressant de près de 2 points par rapport à son score de 2017. Surtout, en ajoutant les quelque 7 % rassemblés par Eric Zemmour (Reconquête !), les forces de droite radicale franchissent les 30 %, seuil qu’elles n’avaient jamais atteint en France, tous types de scrutins confondus. Le premier tour de la présidentielle de 2022 constitue un nouveau point haut dans la dynamique ouverte depuis les européennes de 2014, quand les listes Front national avaient, pour la première fois, dépassé la barre des 20 %.

La dynamique de la droite radicale s’appuie sur trois mouvements principaux, qui indiquent une forme de complémentarité entre la candidature de Marine Le Pen et celle d’Eric Zemmour. Premier mouvement, l’accentuation de la domination de Marine Le Pen dans ses fiefs ouvriers situés dans le nord et dans l’est du pays. En 2017, l’Aisne, le Pas-de-Calais et la Haute-Marne étaient les trois départements les plus favorables à Marine Le Pen ; en 2022, elle progresse encore dans ces départements pour atteindre respectivement 39,3 % (+ 3,6 points), 38,7 % (+ 4,4) et 36,6 % (+ 3,4). Deuxième mouvement, des transferts significatifs de la fraction rurale de l’électorat Fillon de 2017, notamment dans l’ouest du pays. Dans la Sarthe, en Mayenne et en Vendée, où François Fillon avait systématiquement obtenu plus de 25 % en 2017 et où Valérie Pécresse s’effondre autour de 5 %, Marine Le Pen progresse respectivement de 6,9 points (27,7 %), de 5,5 points (22,4 %) et de 4,7 points (23,2 %), tandis qu’Eric Zemmour y obtient entre 5 et 6 %. Troisième mouvement, l’attraction Zemmour au sein de la fraction aisée de la droite classique. La dynamique est particulièrement évidente dans le 16e arrondissement de Paris, où le candidat de Reconquête ! obtient 17,5 %, alors que Marine Le Pen y reste marginalisée à 5,8 %.

 

Ecologie politique : Entreprise de déconstruction de la civilisation occidentale

Ecologie politique : Entreprise de déconstruction de la civilisation occidentale

 

Selon Bérénice Levet, derrière la nécessité de préserver notre environnement, l’écologie politique s’est lancée dans une vaste entreprise de déconstruction de notre civilisation. ( dans le Figaro)

 Dans son nouvel essai, L’Écologie ou l’Ivresse de la table rase, la philosophe dénonce l’écologie telle qu’elle s’incarne aujourd’hui chez les Verts et dans les mouvements associatifs ou militants.

Dans votre dernier livre, vous dénoncez une victoire à la Pyrrhus des écologistes. Qu’entendez-vous par là?

Victoire à la Pyrrhus, en effet. Victoire parce que l’écologie a gagné la bataille des idées et des esprits. La maison Terre brûle et nous ne regardons plus jamais ailleurs. Films, expositions, festivals, la réquisition est perpétuelle. Vous empruntez le réseau ferroviaire et au terme de votre trajet l’agent de la SNCF se mue en grand prêtre assermenté: «La planète vous remercie d’avoir pris le train.» Mais à la Pyrrhus, c’est-à-dire défaite, parce que, préemptée par la gauche, l’écologieest, avec le féminisme et l’antiracisme décolonial ou indigéniste, de ces grandes machines à fabriquer des dogmes, des slogans, des hashtags, ces hallalis numériques du XXIe siècle, des imprécations propres à terroriser, une langue exsangue, sans couleur, sans saveur, sans parfum, un récit accusatoire et une jeunesse instituée en tribunal de l’inquisition, ânonnant catéchisme vert et sentences comminatoires…

Entreprise : quelle recherche de sens ?

Entreprise : quelle recherche  de sens ?  

 

 

Dans la Tribune, Denis Lafay évoque la recherche de sens dans l’entreprise notamment de la part de la jeunesse. Un article très intéressant mais qui insiste aussi sur le fait que cette quête de sens ne saurait être satisfaite uniquement dans l’enceinte du travail.

 

« La grande démission » : c’est ainsi qu’est baptisé le tsunami des démissions outre-Atlantique. Ils sont en effet 38 millions d’Américains à avoir quitté leur emploi en 2021. La pandémie a constitué un facteur démultiplicateur, mais la vague avait commencé à prendre forme auparavant. Une vague composée majoritairement de jeunes, certains n’hésitant pas à scander leur décision émancipatrice voire libératrice sur les réseaux sociaux. Et ce qui est symptomatique du désarroi et/ou de la détermination de ces démissionnaires, à l’égard en premier lieu de l’entreprise et des employeurs, c’est que 40% d’entre eux ont « claqué la porte » sans nouveau point de chute ; au pays des couvertures sociales, chômage et santé anémiques, ce chiffre énoncé par le cabinet Mc Kinsey revêt une dimension encore plus spectaculaire.

En tête des raisons culminent le sentiment d’être insuffisamment valorisé par l’organisation et par les managers, et celui, déliquescent, d’appartenance au travail. Des motifs spécifiques que la propagation du télétravail exacerbe : nonobstant d’indéniables atouts, le télétravail est synonyme d’éloignement physique et « affectif », d’éclatement des cellules de travail et d’intelligence collective, de pression productiviste, de dilution conjuguée des sphères privée et professionnelle, de défi (ou plutôt de péril) managérial… bref, toutes « bonnes raisons » d’éprouver ces sentiments de non-reconnaissance et de distanciation.

« Notre génération doit écrire une nouvelle page de l’histoire du salariat. On doit forcer les entreprises à être meilleures, à nous traiter en êtres humains, à tenir leur parole ». Ainsi, rapporte Le Monde, s’exprime Gabby Ianniello, jeune New-Yorkaise qui « croyait être heureuse » en ayant « remboursé [ma] sa dette étudiante, perçu un salaire annuel de 100 000 dollars, obtenu un beau logement », ceci au service marketing d’une entreprise pour laquelle elle a « sacrifié santé physique et mentale ». Tout un symbole.

« A quoi ça (me) sert ? »

Face à cette déflagration, qui déstabilise le marché du travail et consacre le retournement du rapport de force historiquement dévolu aux employeurs, ces derniers rivalisent de louables intentions. Ils clament être désormais « pleinement déterminés » d’assurer à leurs collaborateurs équilibre des vies privée et professionnelle, rémunération revalorisée, bien-être psychique et physique. Une condition pour séduire les meilleurs candidats, une condition pour espérer les conserver. Mais une condition bien insuffisante, tant elle dissone des particularismes moraux, des réelles aspirations, des véritables exigences de cette jeunesse. Nombre d’entreprises sont désarmées, et les pansements qu’elles proposent sont loin de soulager durablement les doléances, encore moins de cautériser les plaies – en premier celles que ces générations Y et Z ont vu endolorir l’existence de leurs (grands-)parents lorsqu’ils étaient victimes d’indicibles pratiques managériales et sociales. Il est compréhensible que la population « baby-boom » regrette le désinvestissement quantitatif des jeunes générations ; mais outre qu’elle l’a conditionné par ses errements, ne doit-elle pas souligner avant tout l’investissement qualitatif qui les caractérise… lorsque les conditions sont réunies ? Et réveiller le goût du travail ?

Exemple savoureux, celui d’une Française expatriée au Canada. Recrutée par un « big four » (l’un des quatre grands cabinets mondiaux d’audit), elle s’est vue offrir une surenchère d’avantages : doublement du nombre de semaines de congés, multiples services « santé » (soutien psychologique, accès aux salles de sport, cours de yoga, etc.), promesse d’horaires de travail décents. Et avant même d’avoir débuté son contrat, de percevoir à sa grande surprise une substantielle augmentation de salaire – pour « s’aligner » sur ceux de la concurrence. Est-elle pour autant comblée ? Non. Trop de questions la tourmentent, qu’aucune réponse matérielle ne peut apaiser. En tête de ces interrogations : « Ce que j’accomplis chaque jour, à quoi ça me sert » ?  « A quoi ça me sert, et à quoi ça sert ? », s’inquiète, en écho à sa propre situation, l’une de ses amies qui imbrique avec clairvoyance l’intérêt intime et l’intérêt exogène – général et altruiste – de son métier.

 

« Sens » : cette quête, cette obsession est devenue un fourre-tout, un lieu commun, et pourtant un objet cardinal, capital, sur toutes les lèvres d’une jeunesse qui a engagé avec le travail et avec l’entreprise une relation d’une grande tension. Selon une étude du cabinet Yougov réalisée en septembre 2021, 78% des 18-24 ans interrogés « n’accepteraient pas un emploi qui n’a pas de sens pour eux ». Aligner le choix de leur travail sur leur corpus de valeurs n’est pas négociable. Il faut s’en réjouir. Il faut aussi en examiner les ressorts et les limites. Il faut, surtout, comprendre.

Jeunesse. Sens. Et valeurs – terme à manier avec précaution, tant il est désormais galvaudé voire instrumentalisé. Les mots sont lâchés. En préambule, il est déterminant de rappeler que la jeunesse est extraordinairement hétérogène ; elle est un kaléidoscope d’origines ou de marqueurs (sociaux, ethniques, culturels, territoriaux, scolaires), un archipel de trajectoires, et au final elle compose une « mosaïque de jeunesses ». Qu’ont de commun le fils de professeur d’université ou de chef d’entreprise « préparé » aux grandes écoles, le fils d’aide-soignante cloîtré dans sa cité d’Aubervilliers, le fils d’artisan élevé dans la campagne aveyronnaise ?

Ensuite, il faut distinguer l’origine ou l’objet du « sens » que traque cette jeunesse. Or domine souvent la confusion : le sens de l’activité de l’entreprise est indépendant du sens du métier exercé, du sens de la fonction occupée, du sens de la responsabilité accomplie. « Ces » sens peuvent s’agglomérer dans une dynamique vertueuse, ils peuvent aussi s’annihiler, ils peuvent enfin combiner une redoutable descente aux enfers. Quel sens affecte-t-on à son travail dans une ONG riche de sens et dont l’organisation ou le management dessèchent le sens des emplois ? Ne peut-on pas revendiquer, grâce à un climat social, une politique managériale, une culture entrepreneuriale, une authentique considération humaine vertueuse, un travail plein de sens au sein d’une entreprise dont l’activité est dépourvue de sens ? D’ailleurs, s’il est aisé de maquiller l’absence de sens de l’entreprise d’un vernis respectable – l’habile communication des fondations et des actions philanthropiques l’atteste -, il est impossible de camoufler et de travestir durablement les manquements managériaux et sociaux qui dissolvent le sens que l’exercice de l’emploi est censé fournir.

 

Enfin, il faut décortiquer la racine et la nature des motivations de cette jeunesse, il faut déchiffrer la substantifique moelle d’une dissidence qui peut effrayer, qui doit surtout questionner le cœur des entreprises : leur ADN, leur gouvernance, leur stratégie, leur fameuse « raison d’être ». Car s’il est un dénominateur commun à « toutes les jeunesses », c’est leur lucidité quant à la cohérence des discours et des actes, des promesses et des réalités diffusés par l’entreprise. Ces jeunesses observent l’entreprise d’un même œil exigeant : celui du consommateur et celui du salarié. Et si parfois elles poursuivent un cheminement duplice au gré des circonstances, elles ne sont dupes de rien et s’échappent sans scrupule lorsque l’opportunité survient. Les générations Y et Z ont appris de leurs aînés, ou plus précisément des précipices sociaux et environnementaux que ces derniers ont méthodiquement creusés, une disposition particulière : le cynisme.

Il existe pléthore d’études, d’enquêtes, de livres disséquant les propriétés intimes de cette jeunesse, qui font si peur aux entreprises encore sourdes ou dans l’incapacité, volontaire ou subie, d’accomplir la transformation nécessaire. Car là aussi le rapport de force s’est inversé, à leur détriment.

De ces travaux, que ressort-il ? Cette jeunesse est avide de liberté et d’exercer ses choix, elle est aussi particulièrement sensible à certaines scories de la société contemporaine : inégalités, discriminations, hyper-matérialisme, et rupture du « pacte générationnel de progrès social » que leur ascendance avait promise et devait cimenter. Des scories auxquelles l’entreprise, par essence, participe.

D’autre part, phagocytée par les nouvelles technologies de communication, d’information, de relations sociales et de travail, cette jeunesse cultive un rapport inédit au temps, au futur et au réel : son temps est immédiat, erratique, urgent, son futur a pour horizon le… présent, et son réel est, en partie, virtuel. Ce triple focus hypothèque un investissement durable et fidèle dans l’entreprise – investissement auquel elle n’est de toute façon plus disposée à associer de sacrifice ni de renoncement personnel et familial.

Cette tendance à la désaffiliation vis-à-vis de l’entreprise n’annonce en revanche aucun désengagement dans l’exercice du métier. Au contraire même, dès lors que la mission s’effectue dans un cadre culturel, social, managérial qui nourrit le sens espéré. « Les jeunes ne font plus du travail une obligation morale, confie au Monde le sociologue Olivier Galland. En cela, ils se démarquent des autres générations. Ils sont plus qu’avant motivés par l’intérêt du poste lui-même, par leur mission ». Et, faut-il ajouter, par le comportement de l’entreprise en matière environnementale.

 

C’est là le point central et universel de leurs revendications : la cause climatique et écologique. Dans son essai La Révolte (Seuil, 2021), la journaliste Marine Miller met en exergue et avec grande acuité le défi que se livrent la jeunesse hautement diplômée et les mondes de la formation et de l’entreprise. Où apparaît une vive contestation de cette jeunesse : à l’égard des modèles économiques enseignés (traditionnels, conservateurs et insuffisamment perturbés ou enrichis par les disciplines des sciences sociales), à l’égard d’une culture de la critique atrophiée, à l’égard d’une place ridicule réservée aux enjeux environnementaux et climatiques. Or cette jeunesse a soif de politiser son itinéraire professionnel, et exige que l’entreprise qui l’emploiera ne malmène pas ses valeurs écologiques. C’est, chez nombre de jeunes et cela quel que soit leur niveau d’études, un critère déterminant, même capital de leur orientation professionnelle.

Et cette vérité devenue évidence, Frédéric Dabi, directeur général Opinion de l’IFOP, et Stewart Chau en font la démonstration dans La fracture (Les Arènes, 2022). De cette étude Nouvelle vague conduite en février 2021 et mise en perspective de celles réalisées par l’institut de sondages à chaque décade depuis les années soixante et jusqu’en 1999, il ressort en effet que « l’environnement constitue assurément le sujet majeur qui alimente l’engagement des plus jeunes générations et devient un de ses marqueurs forts. Leur conscience écologique s’est nourrie de la crise sanitaire pour consacrer l’idée de vulnérabilité. Une sorte de « génération Paul Valéry » se fait jour, clamant d’une même voix : « Nous autres, civilisations, savons que nous sommes mortelles » ».

Au-delà, quelles aspérités cette jeunesse révèle-t-elle ? Un déficit abyssal d’idéal (42% déclarent nécessaire d’avoir un idéal pour vivre, ils étaient 82% à l’aube du XXIe siècle), un doute omniprésent et tentaculaire – y compris à l’endroit de la France, de l’Etat et de la démocratie -, une vive défiance à l’égard de la chose politique (élus comme élections), un désenchantement criant ; un séparatisme sur les enjeux de société - ces « indignés permanents », « profondément insatisfaits du fonctionnement de la société », expriment une très vive sensibilité aux thèmes de l’inégalité et des discriminations, terreau favorable aux postures wokistes, et « font bande à part ». Enfin, une éco-anxiété d’une soudaineté et d’une violence inédites : en septembre 2021, dans une enquête réalisée auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans de dix pays du Nord et du Sud, The Lancet énonçait que 75% d’entre eux jugent le futur « effrayant », 56% estiment l’humanité « condamnée », et 39% « hésitent à avoir des enfants ».

 

Mais cette jeunesse aussi – et surtout ? – « a toujours foi en elle, en sa force et en sa capacité d’intégration dans l’univers professionnel » ; elle demeure « optimiste, et bien davantage que dans le reste de la population » ; la crise pandémique n’a pas découragé son « goût du risque » ; elle confère à son avenir de grandes ambitions et un potentiel d’épanouissement très élevé – selon des niveaux d’adhésion nettement supérieurs à ceux observés en 2013 - ; et au final, elle démontre une « remarquable résilience ». « Ces jeunes croient en eux-mêmes, bien davantage que leurs aînés », soulignent les auteurs. Et ils croient en l’entreprise.

Effectivement, et ce n’est pas là le moindre des paradoxes, 80% des jeunes interrogés la plébiscitent, quelles que soient leur trajectoire personnelle et leurs convictions politiques. La « décrispation idéologique » s’est imposée, le goût d’entreprendre domine, et il faut s’en réjouir. Cette jeunesse a foi en l’entreprise. Mais pas n’importe laquelle. La « condition sine qua none » est son « comportement exemplaire sur le terrain environnemental et sociétal ». Il n’est pas inutile d’insister sur ce point… et de se féliciter que cette génération soit tout à la fois « lanceuse d’alerte et soldat au front, déterminée à inscrire dans la durée ses valeurs, son rapport au travail, sa vision de la politique, ses usages en matière d’information, ses aspirations pour les enjeux écologiques et ses nouvelles façons de commencer ». Reste une question fondamentale : est-il du devoir de l’entreprise de fournir du sens ? N’est-il pas audacieux voire périlleux de lui confier cette responsabilité ? N’est-ce pas en dehors de l’entreprise, dans sa vie familiale, amicale, culturelle, sportive, associative, qu’il faut approfondir sa quête sens ? Et d’ailleurs, est-ce en dehors de soi que l’on cultive le sens de son existence ? Dans le magnifique film d’animation Le Sommet des Dieux (Patrick Imbert, 2021) un alpiniste en marche vers son destin regarde la civilisation avec ironie. Il moque cette « quête de sens » collective à laquelle il se confronte : sa propre existence est sens.

Denis Lafay

Electricité-EDF : entreprise ou administration ?

Electricité-EDF : entreprise ou administration ?

 

La plupart des orientations d’EDF se décident dans les couloirs politiques avec toutes leurs contradictions. Ainsi l’orientation nucléaire découle d’une décision d’État ancienne. Il en sera de même pour le renouvellement de la filière avec notamment la décision de construire six nouveaux réacteurs EPR nouvelle génération. Un cout de l’ordre  de 50 milliards dont on ne sait pas très bien comment il sera financé. Cela d’autant plus que c’est l’État qui régule les prix de cette énergie. Témoin cette dernière décision de limiter l’augmentation des prixà 4 % au lieu des 25 à 30 % prévus. Bilan pour EDF une perte sèche d’une bonne douzaine de milliards.Une bonne nouvelle évidemment pour les clients (ménages et entreprises) ; une orientation catastrophique financièrement pour EDF qui accessoirement finance aussi ses concurrents.

À ces éléments conjoncturels,  il faut ajouter des aspects plus structurels relatifs aux financements déjà indiqués des  six EPR ( pour l’instant), environ 50 milliards. 50 milliards aussi pour l’opération du grand carénage qui consiste à renforcer la sécurité du parc actuel. Plus encore une cinquantaine de milliards sans doute pour la gestion des déchets et un endettement d’un peu plus de 40 milliards. Au total donc un besoin de financement de l’ordre de 200 milliards. Impossible d’amortir la dette avec l’augmentation des tarifs et la question sera sans doute réglée par une nouvelle augmentation de capital en provenance de l’État.

Energie-EDF : entreprise ou administration ?

Energie-EDF : entreprise ou administration ?

 

La plupart des orientations d’EDF se décident dans les couloirs politiques avec toutes leurs contradictions. Ainsi l’orientation nucléaire découle d’une décision d’État ancienne. Il en sera de même pour le renouvellement de la filière avec notamment la décision de construire six nouveaux réacteurs EPR nouvelle génération. Un cout de l’ordre  de 50 milliards dont on ne sait pas très bien comment il sera financé. Cela d’autant plus que c’est l’État qui régule les prix de cette énergie. Témoin cette dernière décision de limiter à 4 % au lieu des 25 à 30 % prévus. Bilan pour EDF une perte sèche d’une bonne douzaine de milliards.

À ces éléments conjoncturels,  il faut ajouter des aspects plus structurels relatifs aux financements déjà indiqués des  six EPR ( pour l’instant), environ 50 milliards. 50 milliards aussi pour l’opération du grand carénage qui consiste à renforcer la sécurité du parc actuel. Plus encore une cinquantaine de milliards sans doute pour la gestion des déchets et un endettement d’un peu plus de 40 milliards. Au total donc un besoin de financement de l’ordre de 200 milliards. Impossible d’amortir la dette avec l’augmentation des tarifs et la question sera sans doute réglée par une nouvelle augmentation de capital en provenance de l’État.

Difficile dans ces conditions pour EDF d’avoir la maîtrise de sa gestion.

EDF : entreprise ou administration ?

EDF : entreprise ou administration ?

 

La plupart des orientations d’EDF se décident dans les couloirs politiques avec toutes leurs contradictions. Ainsi l’orientation nucléaire découle d’une décision d’État ancienne. Il en sera de même pour le renouvellement de la filière avec notamment la décision de construire six nouveaux réacteurs EPR nouvelle génération. Un cout de leur de 50 milliards dont on ne sait pas très bien comment il sera financé. Cela d’autant plus que c’est l’État qui régule les prix de cette énergie. Témoin cette dernière décision de limiter à 4 % au lieu des 25 à 30 % prévus. Bilan pour EDF une perte sèche d’une bonne douzaine de milliards.

À ces éléments conjoncturels,  il faut ajouter des aspects plus structurels relatifs aux financements déjà indiqués des  six EPR ( pour l’instant), environ 50 milliards. 50 milliards aussi pour l’opération du grand carénage qui consiste à renforcer la sécurité du parc actuel. Plus encore une cinquantaine de milliards sans doute pour la gestion des déchets et un endettement d’un peu plus de 40 milliards. Au total donc un besoin de financement de l’ordre de 200 milliards. Impossible d’amortir la dette avec l’augmentation des tarifs et la question sera sans doute réglée par une nouvelle augmentation de capital en provenance de l’État.

Difficile dans ces conditions pour EDF d’avoir la maîtrise de sa gestion.

 

 

Pass sanitaire en entreprise : FO se réjouit de son absence

Pass sanitaire en entreprise : FO se réjouit de son absence

 

Sur franceinfo mardi, le secrétaire confédéral FO, Michel Beaugas,  ,  chargé de l’emploi et des retraites, se réjouit que le pass sanitaire n’est pas été imposé en entreprise. Une prise de position assez ambiguë concernant l’avenir de la part de Force ouvrière dont le secrétaire général n’a pas voulu pendant longtemps se prononcer à propos de la vaccination considérant que ce n’était pas une problématique syndicale .À noter d’ailleurs que ce n’est pas le secrétaire général de FO qui s’exprime mais un secrétaire confédéral

 

Franceinfo : Le pass sanitaire en entreprise est absent du projet de loi qui sera présenté lundi en Conseil des ministres. Est-ce le signe que vous, les partenaires sociaux, avez été entendus ?

 

Michel Beaugas : Il nous semble qu’effectivement, c’est le signe que nous avons été entendus parce que c’est très complexe à mettre en œuvre. L’ensemble des organisations syndicales, dont Force ouvrière, ont dit à la ministre du Travail que l’on n’était pas favorables à une telle mesure parce que ça viendrait contrarier les mesures qui ont déjà été mises en place, notamment dans les entreprises qui reçoivent du public, puisqu’un certain nombre de salariés sont déjà dans l’obligation d’avoir le pass sanitaire. Et quand ils n’avaient pas le pass sanitaire, quand ils n’étaient pas vaccinés, les entreprises se sont arrangées pour les changer de poste. Et si jamais, demain, le pass sanitaire était obligatoire pour tous, un grand nombre de salariés, deux millions selon la ministre du Travail, qui ne sont pas encore vaccinés, verraient probablement leur contrat de travail suspendu. Et là, ça serait vraiment un problème.

 

D’après les informations de franceinfo, le gouvernement envisage tout de même d’introduire plus tard cette disposition par décret. Mais ça n’est pas ce qui vous a été dit ce lundi ?

 

Non. On nous a bien dit que pour les entreprises, c’était le pass sanitaire et pas un pass vaccinal. Mais je pense que ça deviendra, à terme, pratiquement une obligation, quand le pass vaccinal sera obligatoire en France. Et puis surtout, ce que j’ai entendu dire, c’est qu’à l’Assemblée nationale, le pass sanitaire en entreprise, même s’il n’est pas dans le projet de loi demain, pourrait revenir par voie d’amendement.

 

Face à l’émergence du variant Omicron, quelles mesures à mettre en place dans les entreprises avez-vous pu proposer à la ministre du Travail ?

Dans un premier temps, il faut informer les salariés. Je rappelle que sur 19 millions de salariés dans le privé et six millions de fonctionnaires, deux millions de personnes ne sont pas vaccinées. Donc il faut les convaincre du bienfait de la vaccination. À Force ouvrière, nous ne sommes pas opposés à la vaccination, bien au contraire. Il faut protéger le citoyen. Il faut protéger les salariés. Maintenant, il faut convaincre plutôt que contraindre. Et là, avec les mesures qui sont mises en œuvre, on va plutôt vers la contrainte. Alors nous, on a proposé à la ministre du Travail que le gouvernement écrive à tous les salariés pour mettre en exergue les bienfaits de la vaccination. Ce sont des choses comme ça qui permettent d’informer au mieux. Même si le gouvernement, jusqu’à présent, a fait preuve de pédagogie, je le reconnais. Il faut aller un peu plus loin. Il faut toucher personnellement tous les salariés pour qu’ils prennent conscience de l’importance de se faire vacciner pour se protéger soi-même et sa famille.

 

Dette entreprise : l’URSSAF pour un étalement

Dette entreprise : l’URSSAF pour un étalement

Le directeur général des Urssaf annonce dans l’Opinion un nouveau plan d’étalement des dettes sociales qui pourra durer jusqu’à trois ans pour éviter un maximum de faillites Bruno Le Maire et Éric Dupond-Moretti ont présenté la semaine dernière un plan de contingence pour aider les entreprises surendettées mais viables, à passer le mauvais cap de la sortie de crise. Parmi les solutions avancées, un nouvel étalement des dettes fiscales et sociales. Yann-Gaël Amghar, directeur des Urssaf, en détaille les contours.

 

Quel rôle a joué l’Urssaf durant la crise ?

Un rôle d’amortisseur économique et social. Quelques jours seulement après l’allocution du président de la République du 12 mars 2020, nous avons mis en place ce que nous n’avions jamais fait auparavant : des reports d’échéance sans procédure ni pénalité pour les employeurs et une suspension des cotisations des indépendants pour six mois. En quelques jours, 4 milliards d’euros de trésorerie ont été offerts aux entreprises. Très vite, nous sommes arrivés à plus de 20 milliards d’euros de reports. Parallèlement, des aides financières ont été versées à plus d’un million d’indépendants. Depuis quinze mois, nous sommes en première ligne pour soutenir les employeurs et les travailleurs indépendants.

Et sur le volet social ?

En quinze jours, nous avons mis en place un système d’activité partielle pour les employés à domicile qui n’existait pas le 15 mars. Nous avons bien sûr contribué à financer le système de santé et de sécurité sociale, confronté à une forte hausse des dépenses. Les Urssaf ont été un amortisseur économique et social dans la crise. Nous serons moteur dans la sortie de crise.

A combien se montent les reports de charge aujourd’hui ?

Aujourd’hui, nous avons reporté 11,5 milliards d’euros pour les employeurs et 7 milliards pour les indépendants. Nous atteindrons bientôt les 20 milliards. Notre objectif est d’éviter au maximum les défaillances d’entreprises. Pour cela, nous allons leur proposer un dispositif nouveau de plan d’apurement de dette.

En quoi va-t-il consister ?

Ce dispositif sera novateur à plusieurs égards. D’abord nous allons être proactifs. Les entreprises n’auront aucune démarche à faire. Toutes les entreprises en dette avec les Urssaf vont recevoir un plan d’étalement exceptionnel, qui en fonction de la taille de la dette sociale pourra durer jusqu’à trois ans, quand ces facilités ne sont accordées en temps normal que pour quelques mois. Ensuite, nous ferons du cas par cas en fonction du niveau d’endettement de l’entreprise. Enfin, le chef d’entreprise ou le travailleur indépendant pourra éventuellement négocier ce plan, qui n’est qu’une proposition de notre part. Nous sommes dans un dialogue avec l’entreprise.

Quand enverrez-vous les premières propositions ?

Nous en avons déjà envoyé à 240 000 entreprises. Nous enchaînerons à partir de juillet avec les travailleurs indépendants. Nous commençons par les dossiers les plus simples, les entreprises les moins fragilisées par la crise. Pour les autres, nous attendons de voir comment se passe la reprise et comment vont se stabiliser leurs dettes avant de proposer quoi que ce soit. Ce volet préventif est essentiel. Il doit nous permettre d’éviter à un maximum d’entreprise de passer par des plans de continuité plus contraignants.

Combien d’entreprises sont concernées ?

Toutes celles qui ont une dette vis-à-vis de l’Urssaf, soit plus de 800 000 employeurs et près de 1,5 million d’indépendants. Je rappelle que nous n’avons rien prélevé sur les indépendants de mars à août 2020. Quand nous avons repris les prélèvements en septembre/octobre, c’était avec des échéances divisées par deux. Puis en novembre/décembre, nous avons à nouveau suspendu les paiements pour tous. Nous avons repris depuis début 2021, à l’exception des secteurs en difficulté et des entreprises qui nous ont signalé être en difficulté.

Les faillites d’entreprises ont baissé de 40 % l’année dernière en partie parce que les Urssaf ont arrêté de lancer des procédures de recouvrement devant les tribunaux de commerce. Allez-vous continuer ?

Nous continuerons de suspendre les procédures de recouvrement forcé tant que l’économie ne se sera pas remise sur pied. Bien sûr, nous surveillerons les effets d’aubaines et les distorsions de concurrence. La lutte contre le travail dissimulé continue, et dans ce cas le recouvrement forcé s’applique.

La crise a-t-elle modifié votre façon de travailler, d’appréhender les entreprises ?

La crise a été pour nous un accélérateur de transformation, tant en interne avec le télétravail qu’avec les entreprises. En quelques jours, nous avons basculé l’essentiel de nos 16000 collaborateurs en télétravail. Et ça a très bien marché. Nous allons tirer les enseignements de cette expérience avec davantage d’autonomie pour les collaborateurs, ce qui donnera aussi plus de souplesse dans la relation avec les usagers.

Qu’avez-vous fait des contrôleurs si les procédures ont été suspendues ?

Nous avons procédé à des changements temporaires de postes, plus orientés vers le conseil et l’accompagnement. Nos collaborateurs, qui sont en temps normal devant les tribunaux ou les contrôles, ont mené pendant le premier confinement d’autres missions. Ainsi, 90 % des appels ont été pris en charge en 2020, un taux supérieur aux années précédentes. Tout le monde à l’Urssaf a été fier d’assurer la survie des entreprises dans la crise.

Les Urssaf sont devenus pro-business ? On a du mal à le croire !

Il y a pourtant eu une véritable prise de conscience collective. Aider les chefs d’entreprise au téléphone, gérer l’action sociale des travailleurs indépendants a changé le regard de collaborateurs. La crise a été un facteur d’accélération de la transformation culturelle en interne. Nous avons aussi ce retour des entreprises : la crise a changé leur regard sur l’Urssaf.

Il faut donc s’attendre à moins de contrôle et plus d’accompagnement à l’avenir ?

Soyons clairs : il n’est pas question de relâcher le contrôle. Notre mission est de protéger le financement de la protection sociale des salariés. Mais dans le cadre de la relation de confiance, nous avons par exemple lancé la « visite conseil » qui s’adresse aux jeunes entreprises, en général un an après leur création. Un agent se déplace dans l’entreprise pour faire un diagnostic des erreurs qui ont pu être commises, sans redressement. Cela permet à l’entreprise de se sécuriser et nous permet, si nous revenons trois ans plus tard et que nous constatons les mêmes manquements, de prouver que l’entreprise était au courant.

Entreprise et Nouveau contrat social

Entreprise et Nouveau contrat social 

Coronavirus oblige, c’est la première fois que le pouvoir de l’Etat est relayé, en temps de paix, par le pouvoir des entreprises. Ces dernières, notent Christian Pierret et Philippe Latorre dans leur ouvrage, peuvent prendre en charge une part plus ou moins importante des responsabilités sociale et environnementale.

 

Analyse du livre dans le monde

 

. Avec la pandémie, les entreprises se sont retrouvées au premier rang dans la lutte contre le coronavirus. Les filières agroalimentaire et pharmaceutique, la distribution et les transports nous ont rappelé leur place stratégique. « Il y a là une novation historique de grande portée. C’est la première fois que le pouvoir de l’Etat est relayé, en temps de paix, par le pouvoir des entreprises », notent Christian Pierret et Philippe Latorre dans Le Nouveau Contrat social (Le Bord de l’eau).

« Le Nouveau contrat social. L’entreprise après la crise », de Christian Pierret et Philippe Latorre. Editions Le Bord de l’eau, 210 pages, 18 euros.

D’après les auteurs, cet ébranlement est fondateur d’un nouveau capitalisme, « tout aussi financier mais plus soutenable, tout aussi concurrentiel mais plus régulé, tout aussi tourné vers la croissance mais à moindre peine des hommes. » L’entreprise peut être le moteur de la transformation du capitalisme. L’ouvrage défriche cette voie originale.

Lorsqu’il a fallu rattraper en urgence le retard de l’Etat à trouver des masques de protection personnelle, ce sont les petites mains anonymes et volontaires de couturières et des PME de l’habillement qui ont fabriqué les dispositifs nécessaires.

L’agilité remarquable de groupes d’hommes et femmes a réussi à combler en quelques semaines le vide industriel de la sixième puissance industrielle du monde, devenue un pays de pénurie d’appareils médicaux tels que les respirateurs. La PME française MakAir a ainsi réussi, en un mois, à regrouper partenaires publics et privés, de grands groupes industriels, des universités, deux régions pour concevoir, développer et produire en urgence les appareils pour sauver des vies.

 

Il faut bien s’entendre sur l’interprétation de ces deux exemples, soulignent l’avocat et administrateur de jeunes entreprises innovantes et le cofondateur d’un fonds destiné aux PME françaises : il serait stupide de vouloir ignorer l’histoire républicaine et se passer de l’Etat, des entités publiques, des services publics qui, dans tout lendemain de crise, se révèlent indispensables au fonctionnement normal de notre pays.

Il ne s’agit pas non plus de porter aux nues l’entrepreneuriat privé qui n’est pas sans défauts ni raideurs idéologiques. « Pour nous, il est indispensable de considérer Etat et entreprises comme deux pôles complémentaires et non, comme la tradition française l’a établi, comme deux adversaires ou concurrents. Chaque entité doit bénéficier des fonctions opérationnelles de l’autre et leur coopération devrait être la règle. »

Le modèle Essilor pour devenir une entreprise de stature mondiale

Le modèle Essilor pour devenir une entreprise de stature mondiale

 

 

Xavier Fontanet, son PDG de 1991 à 2010, raconte l’aventure de l’entreprise Essilor, devenue un leader mondial du marché du verre ophtalmique. La Tribune évoque le récit de cette réussite.

 

Onze ans après avoir quitté ses fonctions de président directeur-général, Xavier Fontanet a pris la plume pour expliquer dans un ouvrage (1) l’essor fulgurant d’Essilor au cours des deux décennies pendant lesquelles l’entreprise se mondialise et devient un leader incontesté du marché du verre ophtalmique. Cela ne s’est pas fait sans gros efforts, nous dit l’auteur, mais ce qui émane avant tout de ce livre, c’est un enthousiasme sans limite pour l’exploration et la conquête de parts de marché qui alimenteront une croissance industrielle durable, capable d’aligner les intérêts de toutes les parties prenantes : clients, collaborateurs, partenaires, fournisseurs, et actionnaires.

Essilor est une entreprise provinciale devenue leader mondial. En cette période difficile qui pose question sur la capacité française de préserver sa souveraineté, cet ouvrage est rafraîchissant. Il n’est sans doute pas possible de bien comprendre l’entreprise Essilor si on ne comprend pas bien les intérêts qu’elle sert. Elle est au service des personnes qui ne voient pas bien. Globalement, les Asiatiques sont assez myopes, en particulier les Chinois qui ont des yeux trop longs. A l’inverse, les Indiens auraient plutôt les yeux trop courts, c’est-à-dire qu’ils sont hypermétropes et deviennent presbytes. Partout, il faut pouvoir traiter les différents problèmes de vue qui varient aussi en fonction de l’âge. Or, nous explique Xavier Fontanet, des technologies différentes répondent à ces problèmes qui obéissent, qui plus est, à des structures de marché distinctes selon les pays.

A partir de la décision de recentrer l’activité d’Essilor autour du verre ophtalmique en abandonnant les contacts et les montures, l’entreprise va se focaliser exclusivement sur les verres. Elle va investir massivement dans le remplacement du verre minéral (celui de nos vitres) par des verres organiques et le verre progressif. Ce que l’on voit bien dans le livre, c’est comment ces innovations augmentent le service rendu aux individus. Le verre CR39 inventé par René Granperret, co-fondateur d’Essilor, « ne cassait pas, était beaucoup plus léger et coupait mieux les UV que les verres minéraux. » Ce sont eux qui ont rendu possible la réduction de l’épaisseur des verres des personnes souffrant de myopie. Quant aux progressifs, il va sans dire que le service rendu par ces verres qui permettent de voir de près, de loin et de manière intermédiaire est lui aussi indéniable.

C’est autour de ces atouts qu’a pu s’exprimer le génie de personnes comme Xavier Fontanet et celui de cette multitude de collaborateurs que l’ancien PDG nous fait découvrir, dans un hommage qui donne presque le tournis. Cela enfonce bien l’idée dans la tête du lecteur que la réussite d’Essilor est avant tout celle d’un collectif. Comme le précise Fontanet: « On vous dit souvent : ‘Attention, personne n’est irremplaçable… ’ Je ne suis absolument pas d’accord, les personnes sont clés. »

Et effectivement, la conquête par Essilor des marchés américains, chinois, indien, coréen, japonais, australien sud-américain reposait, au-delà des joint-ventures et acquisitions, sur les personnes que l’entreprise a su s’attacher. La description de l’embauche de He Yi pour la direction en Chine est particulièrement savoureuse. Il avait implanté les yaourts Danone dans l’Empire du milieu et semblait ouvert à de nouveaux défis. Fontanet raconte, qu’informé de l’opportunité un vendredi soir alors qu’il est en voiture avec toute sa famille pour aller passer un week-end en Normandie, il n’hésite pas à faire demi-tour sur l’autoroute pour prendre un avion pour Hong-Kong le soir même et boucler l’embauche le lendemain. Quand Fontanet parle de travailler dur, il sait et incarne et ce dont il parle.

Et c’est d’ailleurs une des marques de fabrique de la maison, dont on peut espérer qu’elle est toujours à l’ordre du jour, celle d’être véritablement capable de pratiquer la méritocratie. Comme l’écrit l’auteur : « ce qui compte, c’est d’avoir contribué [...] Cela me rappelle mon arrivée en 1991… On ne me présentait pas les gens en me donnant leur poste – directeur de ceci ou directrice de cela, on me disait : ‘celui que vous allez rencontrer, c’est celui qui a démarré l’usine de Manaus’, ‘c’est celle qui a conçu le soft qui a permis dans les années 2000 de gagner un jour sur les livraisons’… Essilor est une vraie méritocratie. »

Le livre passe en revue nombre d’éléments qui ont contribué au succès de l’entreprise. Qu’il s’agisse d’un marketing très créatif en Chine « le verre Essilor coule la concurrence » ou porter des lunettes c’est avoir de meilleures notes, du programme de « marketing rural » en Inde à partir d’une caravane capable d’équiper 200 personnes par jour avec des verres de prescription, de l’actionnariat salarié autour d’une association d’actionnaires salariés très impliqués, l’auteur résume les choses en deux clés essentielles. Il se dit convaincu « que les deux clés de la bonne marche d’une entreprise sont la confiance et la stratégie. La confiance, c’est la confiance en soi et la confiance en l’autre, parce que rien ne renforce plus la confiance en soi que la confiance que vous portent les autres. [...] Il faut, aussi, avoir confiance dans la stratégie. C’est là que c’est difficile, car il faut que la stratégie soit bonne, faute de quoi, les gens intelligents ne suivront pas. »

La saga Essilor est un ouvrage de stratégie décrivant les enjeux liés à la mondialisation d’une entreprise. Mais, c’est aussi l’histoire d’une entreprise industrielle allant à l’encontre de l’idée dévastatrice d’une « société sans usine », où la valeur se créerait avant tout dans la recherche, la communication et le marketing. Comme le montre bien le livre, la créativité opérationnelle, financière, marketing, informatique, juridique et technologique se nourrissent mutuellement. Séparer la production du reste, c’est se couper les ailes de la créativité. La France est aujourd’hui l’un des trois pays les plus désindustrialisés d’Europe et n’arrive pas à organiser une décrue massive de ses impôts de production, en dépit des ravages qu’ils font. Elle devrait méditer ce bel exemple français de création d’un champion industriel national devenu mondial et se demander comment faire en sorte d’en avoir plus.

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(1) Xavier Fontanet « Conquérir le monde avec son équipe », éditions Les Belles Lettres, collection Manitoba, 2021, 177 pages, 15 euros.

Menace de fermeture Ferropem, entreprise de production de silicium

Menace de fermeture Ferropem, entreprise de production de silicium

Cette usine était l’une des dernières en Europe à fabriquer du silicium, un matériau stratégique pour la transition énergétique. Une usine de 221 salariés du site savoyard de Ferropem, de Château-Feuillet, situé au pied des stations de la Tarentaise, sur la commune de La Léchère (Savoie).

La direction, le consortium américano–espagnol Ferroglobe, a décidé de mettre fin aux activités de cette entreprise fournissant des éléments pour la fabrication notamment des puces électroniques et des panneaux solaires, le silicium.

« Aujourd’hui, le site ne produit plus de silicium depuis 2018 mais nous restons le seul site européen à produire du Ferro Silico Calcium (Casi), issu d’un savoir-faire centenaire, ainsi que des ferroalliages pour les fonderies », précise Moustapha Haddou, secrétaire CSE central et délégué syndical CGT.

 

Car depuis l’arrêt d’un contrat commercial avec l’un de ses principaux clients en 2018, la direction avait choisi d’amorcer une mutation de la production de son site vers les ferroalliages, mais son plan de transformation avait été stoppé, suite à des problèmes de trésorerie.

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Leur employeur, le groupe Ferroglobe a justifié sa décision par « un programme d’optimisation des actifs » et par la perte de 74 millions d’euros ces deux dernières années pour un chiffre d’affaires moyen de 327 millions d’euros.

 

« Cette décision est difficile mais dans les conditions de marché actuelles et au vu des coûts de production en France, malgré tous les efforts, il n’est pas possible de faire autrement que de prévoir l’arrêt de production sur deux des sites français », affirmait-elle il y a quelques jours à la presse locale.

Loi Climat : la concertation en entreprise contestée !

Loi Climat : la concertation en entreprise contestée !

 

Etienne Forcioli-Conti et Olivier Mériaux, spécialistes des relations sociales en entreprise, expliquent, dans une tribune au « Monde », que les mesures contenues dans la loi Climat pour lutter contre le dérèglement climatique sont minées par le formalisme et vont aboutir à l’inverse du but recherché.( en fait une contestation de la concertation en entreprise ! NDLR)

 

Tribune. En prévoyant que l’employeur informe et consulte le comité social et économique (CSE) sur les conséquences environnementales de l’activité économique de l’entreprise et ses modes d’organisation, l’article 16 du projet de loi Climat semble ouvrir un nouvel espace pour le dialogue social, mis au service de la lutte contre le dérèglement climatique.

Les pouvoirs publics misent en tout cas sur ces mesures pour enclencher un mouvement progressif d’intégration des paramètres environnementaux dans l’agenda social des entreprises.

Pourtant, la déception domine, sur ce sujet comme sur d’autres, chez la plupart des militants de la cause environnementale et des organisations syndicales.

Un monde fantasmé

Notre vision d’observateurs et d’accompagnateurs des relations sociales nous amène aussi à un certain scepticisme, mais pour des raisons assez différentes : le problème n’est pas que ces mesures soient trop timides, c’est qu’elles prêtent au dialogue social à la française des facultés qui n’existent malheureusement que de manière localisée et exceptionnelle.

Même si nous sommes convaincus de l’impérieuse nécessité du dialogue social comme moyen de trouver les voies d’une performance durable, nous nous interrogeons : est-il raisonnable d’une nouvelle fois « charger la barque » du dialogue social sans envisager de changer radicalement un système de gouvernance de l’entreprise qui, globalement, n’a pas démontré sa capacité à prendre des décisions à la hauteur des enjeux sociétaux ?

Car que constate-t-on dans la pratique du dialogue social d’entreprise, dès lors que l’on quitte le monde fantasmé par le code du travail et les législateurs de tous bords ?

D’abord que les « bons acteurs », les vrais décideurs, ne sont pas sur la scène officielle des instances représentatives du personnel, qu’il s’agisse des actionnaires ou des donneurs d’ordre dont les décisions d’achats détermineront les conditions de la production. Notons que cette absence nourrit le procès en « irresponsabilité » de ceux qui, au sens étymologique, ne rendent pas compte de leurs décisions, et le sentiment d’inutilité d’instances qui semblent souvent « tourner à vide » (y compris pour ceux qui y participent).

 

Pire, les acteurs en scène doivent suivre un script rigoureux qui n’est pas forcément écrit dans une langue qu’ils maîtrisent : le cadre juridique impose aux entreprises de discuter de catégories d’action publique (« l’égalité professionnelle », « l’inclusion », et demain « l’impact environnemental »), qui sont tout à fait légitimes mais ne font pas immédiatement sens du point de vue de l’organisation du travail ou du rationnel économique. Et les protagonistes doivent s’approprier ce script dans des contraintes de temps qui permettent rarement d’identifier les sources des difficultés rencontrées et de valider toutes les implications des décisions à prendre.

« Pour une entreprise responsable » ( Karien van Gennip, CEO d’ING France)

« Pour une entreprise responsable » ( Karien van Gennip, CEO d’ING France)

 

Karien van Gennip est CEO d’ING France, ancienne vice-présidente de l’ICC (International Chamber of Commerce) et ancienne ministre du Commerce extérieur des Pays-Bas milite pour une entreprise responsable et un équilibre entre relocalisation et mondialisation (chronique dans l’Opinion)

 

 

« Nous avons longtemps pris la paix et la prospérité comme acquis. Nous avions des certitudes et nous sentions invulnérables. Il y a bien eu de graves alertes : le changement climatique, la polarisation politique, les migrations, le creusement des inégalités. Mais aucune de l’ampleur de la crise actuelle qui nous amène à reconsidérer notre modèle en profondeur et à penser « le monde d’après ». Celui-ci doit reposer sur un contrat social qui répond à de nouvelles questions :

- Comment concilier relocalisation et mondialisation ? Nos habitudes doivent changer et le temps où nous prenions l’avion pour aller à Barcelone un week-end semble déjà lointain. Le confinement a mis en lumière la nécessité de relocaliser certaines productions, à l’instar des équipements médicaux. Mais en tant qu’ancienne ministre du Commerce extérieur des Pays-Bas, je suis intimement convaincue que nous ne devons pas abandonner l’idée d’un monde ouvert, qui est porteur de stabilité, d’ouverture d’esprit de croissance économique et d’innovation.

- Comment concilier objectifs économiques et environnementaux ? La crise du Covid-19 représente une occasion unique de bâtir une économie sur des fondements plus sains, agiles et durables. On entend certains dire « nous n’avons pas d’argent pour financer une approche durable, il s’agit aujourd’hui de survivre ». Ils ont tort. La durabilité est la réponse à la crise.

- Comment éviter que la distanciation sociale ne crée de la distance sociale ? L’accès à l’éducation et à la santé pour tous sont les piliers de nos sociétés européennes. Nous n’hypothéquons pas notre logement lorsque nos parents tombent malades et nous ne débutons pas notre carrière avec une dette étudiante écrasante. Quelle que soit l’intensité de la crise qui frappe l’Europe, c’est un modèle à préserver pour garantir la stabilité et permettre une réelle mobilité sociale.

- Comment inventer le « Future of work » ? En termes de digitalisation, les derniers mois se sont apparentés à un bond en avant de 10 ans. Ce contexte doit permettre de réinventer nos modèles d’entreprises, de repenser le rôle du travail, d’être plus agiles face aux changements extérieurs et de mieux répondre aux attentes de nos employés et de nos clients.

Ces questions sont essentielles car nos enfants nous les poseront. Notre génération sera jugée à l’aune de ses décisions actuelles. Et nous avons plus que jamais besoin d’une véritable coopération : entre Etats et entreprises, entre entreprises elles-mêmes et avec l’ensemble des organisations pour trouver une nouvelle voie. Aux débuts de la crise, l’Etat français a joué son rôle en flexibilisant par ordonnance le travail et en apportant un soutien financier aux entreprises en difficulté. Désormais la question n’est pas tant ce que les entreprises peuvent attendre de l’Etat, mais bien ce qu’elles peuvent faire proactivement elles-mêmes pour assumer leurs responsabilités vis-à-vis de la société. Beaucoup appellent de leurs vœux le retour d’un « Etat stratège ». Je pense que nous avons avant tout besoin d’un « Etat responsable » et d’ « entreprises responsables », avec un dialogue renforcé pour affermir les principes fondateurs du monde d’après :

- La durabilité. La relance économique ne peut passer que par une croissante « verte ». Il ne peut y avoir aucun compromis sur ce point. Les entreprises doivent prendre l’initiative, comme le fait par exemple ING avec ses Sustainable Improvement Loans, des prêts dont le taux est indexé sur les performances en matière de développement durable. De son côté, l’Etat pourrait utiliser le levier du PGE pour accompagner cette transition.

- L’inclusion et l’égalité des chances. L’inclusion réelle est un des enjeux cruciaux de notre époque : où en sommes-nous ? Au rythme actuel, il faudrait plus de 250 ans pour combler le fossé existant entre les genres en matière d’opportunités économiques. La situation est encore plus préoccupante concernant le handicap ou la diversité ethnique, religieuse, LGBTQ+, etc. Soyons transparents et regardons la réalité en face. Pourquoi ne pas imaginer un équivalent d’index Pénicaud qui couvrirait toutes les formes de diversité ?

- La responsabilité financière. Les entreprises doivent bien entendu réaliser des profits et les réinvestir dans l’innovation, l’emploi, la formation, l’expérience client etc. Il est tout aussi important qu’elles payent leurs impôts et contribuent ainsi à la reprise. En tant que contribuables, nous pouvons exiger de l’Etat une gestion saine et efficace de l’argent public et la fourniture de services publics indispensables (éducation, santé, sécurité etc.).

- La responsabilité sociétale. Il est temps pour les entreprises de redéfinir leur raison d’être. Ce processus implique une réflexion honnête avec nos collègues, nos clients et les différentes parties prenantes, et ne peut être imposé par le haut. De cette raison d’être découle la définition de notre valeur ajoutée et de notre rôle en tant qu’acteur responsable de notre société.

Nous avons longtemps prétendu être trop occupés pour nous affranchir des schémas établis. Avec la crise, nous avons l’opportunité et le devoir de repenser notre contrat social. A l’obligation de moyens et de vision s’ajoute une obligation de résultat et de transparence. N’attendons pas que l’Etat donne des directives pour établir des règles du jeu équitables : saisissons aujourd’hui l’opportunité qui nous est présentée d’assumer ensemble nos responsabilités. »

Karien van Gennip est CEO d’ING France. Elle est l’ancienne vice-Présidente de l’ICC (International Chamber of Commerce) et ancienne ministre du Commerce extérieur des Pays-Bas. Elle intervient lors de la session «  L’État aux commandes de l’économie  » des Rencontres économiques d’Aix-en-seine

Entreprise: comment la faire durer

Entreprise:  comment la faire durer

Directeur du programme Entrepreneurs à HEC et professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), Alain Bloch est l’auteur de deux études qui interrogent la pérennité des organisations : La Stratégie du propriétaire : enquête sur la résilience des entreprises familiales face à la crise​ (PLUS, 2012), et Les secrets de la résilience des entreprises centenaires (Harvard Business Review, 2015). (Interview l’Opinion

Comment expliquer la longévité d’entreprises parfois plus que centenaires ?

En moyenne, une entreprise vit quarante ans. La résilience des entreprises centenaires peut paraître spectaculaire, mais elle est en fait très pragmatique. Déjà, elles dépensent mieux. Un des dirigeants d’Air liquide expliquait qu’il voyageait toujours en classe éco pour des vols de moins de quatre heures. En plus de cette frugalité, elles sont capables d’innover tout en exploitant leurs compétences actuelles. Deux concepts habituellement antagonistes. Elles privilégient aussi la reconnaissance et le droit à l’erreur de leurs collaborateurs, et leurs dirigeants sont particulièrement stables. Nous avons montré, dans nos travaux, que ces entreprises, tout comme les entreprises familiales, performent davantage en période de crise. Mais ce n’est pas en traversant les crises que l’on devient pérenne. La pérennité va au-delà de la résilience. Il faut y ajouter la transmission d’une tradition, de valeurs, d’une culture. Ces éléments qui transcendent les générations et se transmettent de l’une à l’autre donnent sa substance aux organisations.

Quelle est la place des patrons dans ces entreprises qui leur survivent ?

Les dirigeants des entreprises centenaires sont de vrais meneurs d’hommes. Mais cette question en soulève une autre : quand une entreprise vit aussi longtemps, reste-elle la même, ou bien n’est-ce qu’une succession d’entreprises différentes ? Ma réponse est qu’elle reste la même, notamment grâce au chef d’entreprise. La résilience se construit à travers la narrative de l’entrepreneur. Son travail n’est pas tant d’exploiter un marché que de construire et donner du sens. L’entreprise finit par dépasser le dirigeant puisqu’il la bâtit pour qu’elle lui survive. Cette vision est faussée par les dérives de la « start-up nation » où le seul but est de construire pour revendre au plus offrant. La pérennité doit être l’objectif affiché et privilégié des organisations. La première mission d’une entreprise, son devoir, c’est de durer. Non de faire de la performance à court terme.

Le court terme reste cependant nécessaire pour réagir aux crises…

Oui. Il ne faut pas opposer les deux, mais les hiérarchiser, trouver un équilibre. Peugeot, entreprise centenaire et familiale a par exemple toujours priorisé la pérennité et une vision de long terme, en oubliant les facteurs de performance. Quitte parfois à en subir les conséquences à certains moments, quand certains concurrents avaient beaucoup délocalisé pour réduire leurs coûts. Quant aux entreprises cotées en Bourse, on le sait, c’est la dictature du court terme qui domine. D’ailleurs, le discours que certains groupes tiennent autour de la « raison d’être » n’a aucune valeur si on ne sort pas de cette logique court-termiste. La loi Pacte, plutôt que de se centrer sur l’objet social, aurait dû privilégier la pérennité. J’ai milité, aux côtés de Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, pour que cette notion soit inscrite dans la loi. Cela aurait corrigé les dégâts engendrés par le prix Nobel Milton Friedman lorsqu’il assénait que la seule responsabilité de l’entreprise était celle d’assurer le profit.

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