Après des décennies de déni, un consensus s’est enfin imposé dans le débat public sur la nécessité de remettre de l’autorité à l’école. Seulement, il ne suffit pas de décréter un retour de l’ordre pour qu’il s’opère concrètement. Pour cela, il est impératif de provoquer une rupture dans les habitudes de nos enfants qui peuvent nuire à leur parcours scolaire. C’est le cas, en particulier, de leur relation aux écrans. Nos enfants passent dix fois plus de temps sur les écrans qu’à lire. En 2023, les jeunes de 7 à 19 ans ont lu 19 petites minutes par jour, contre 3 heures et 11 minutes passées devant un écran, selon une étude publiée par le Centre national du livre.
(par Agnès Evren, sénatrice de Paris, vice-présidente des Républicains) dans la Tribune
Et sans surprise ils ne privilégient que rarement les documentaires, les pépites du cinéma ou tout autre contenu qui les tireraient vers le haut : en 2022, dans le monde, les enfants ont passé en moyenne près de deux heures par jour sur… TikTok. Les jeunes sont victimes de la bataille de l’attention que se livrent les plateformes. Alors qu’auparavant l’école marquait une rupture dans leur journée, la vie scolaire se confond désormais avec la vie à la maison : scroller, poster, liker et partager du contenu.
Si les écrans sont à bien des égards porteurs de progrès et d’opportunités, l’hyper-connexion a des effets délétères sur nos enfants. Un usage abusif des écrans, en particulier chez les mineurs, a un impact sur la santé physique (déséquilibre alimentaire, mauvaises postures, troubles du sommeil, manque d’activité, fatigue visuelle) et mentale (repli sur soi et désocialisation, troubles dépressifs).
Les smartphones contribuent aussi à la baisse de niveau de nos enfants à l’école. Ils représentent une source majeure de perturbations et de distractions pour les élèves, nuisant à leur capacité de concentration. L’Unesco recommande d’interdire les smartphones dans les écoles, soulignant qu’un temps d’écran élevé a un effet négatif sur la stabilité émotionnelle des élèves. Or, l’école doit être le lieu de la transmission des savoirs et des apprentissages.
Sans l’attention pleine et entière de chaque élève, nous n’enrayerons pas l’effondrement du niveau scolaire. Enfin, l’hyperconnexion fragilise la vie de l’école : fragmentation communautaire, prolifération des fake news, harcèlement. Sur ce dernier point, les réseaux sociaux sont devenus un élément consubstantiel au cyberharcèlement, à la cyberintimidation et plus largement à la violence à l’école. Un nombre croissant de jeunes filment des bagarres à l’école, ou des conflits entre élèves et enseignants, et postent les vidéos sur les réseaux. L’éducation à un usage raisonnable et intelligent des écrans constitue donc une priorité. Exigeante, elle relève d’abord des parents, et il faut autant que possible accompagner les familles en ce sens.
Mais il y a une mesure simple à prendre immédiatement pour remettre les smartphones à leur juste place : les sortir des écoles et des collèges. Les téléphones portables n’ont pas leur place en classe.
En effet, l’élève n’a pas besoin d’un smartphone, ni en cours pour suivre un enseignement, ni pendant les pauses pour se reposer, se divertir ou socialiser. Le temps scolaire doit être préservé de ces comportements addictifs et consacré à d’autres sources de découverte du monde, au lien avec l’adulte enseignant, aux contenus plus longs, au travail collectif et aux interactions humaines.
L’interdiction de l’usage du téléphone portable, prévue dans une loi de 2018, n’est pas appliquée dans les faits. En effet, malgré cette interdiction « dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges et pendant toute activité liée à l’enseignement qui se déroule à l’extérieur de leur enceinte », de nombreux élèves continuent en pratique à utiliser leurs smartphones au sein de leur établissement, y compris sur leur temps d’étude.
Or, l’efficacité d’une interdiction véritablement suivie d’effets a déjà été étayée par l’exemple de l’Espagne, les deux régions de Galice et de Castille-León ayant interdit l’utilisation de téléphones portables dans les écoles à partir de 2014. Une étude espagnole a établi en 2022 des réductions notables de l’incidence de cyberharcèlement dans les deux régions, et l’Espagne est le pays présentant le plus bas niveau de cyberharcèlement par les garçons.
Éclairés par ces résultats et face à l’urgence, ne tergiversons pas : interdisons le port du téléphone portable à l’intérieur des établissements scolaires.