Macron : la descente aux enfers ?
Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde » S’interroge sur la pérennité du macronisme et sur la capacité de Macron à sortir de sa superbe isolement monarchique.
Un grand scepticisme a accueilli la décision du président de la République de réunir au lendemain des élections législatives un Conseil national de la refondation dans l’espoir de mener à bien les grands chantiers du quinquennat. Il est assez compréhensible. On ne croit pas sur parole un homme qui pendant cinq ans a incarné la verticalité et fait si peu de cas des forces vives et des corps intermédiaires que ces derniers apparaissent amortis, pour ne pas dire hors jeu. Or, Emmanuel Macron a, cette fois, une bonne raison de jouer le jeu en tentant d’associer à son projet un maximum de bonnes volontés politiques, associatives et citoyennes. Ce qu’il joue est sa trace dans l’histoire et celle-ci ne peut plus tourner exclusivement autour de sa personne.
Tous les chefs d’Etat qui sont parvenus à se faire réélire ont vécu la malédiction du dernier mandat. De Gaulle a dû démissionner trois ans et demi après avoir été réélu, désavoué par les Français après l’explosion de mai 1968. Du dernier septennat de François Mitterrand on retient la maladie, la guerre des héritiers, la multiplication des affaires et l’effondrement électoral de la gauche. Des réformes importantes ont pourtant été conduites, comme la création du revenu minimum d’insertion (RMI) et un moment historique a été vécu à travers le débat passionné autour du référendum sur Maastricht (1992) qui s’est soldé, à l’arraché, par un oui très court.
Jacques Chirac a terminé son second mandat en 2007 physiquement affaibli et politiquement acculé par Nicolas Sarkozy, qui le comparait à Louis XVI occupé à « démonter tranquillement les serrures à Versailles pendant que la France gronde ». Tout avait basculé deux ans plus tôt lorsque les Français avaient, par 55 % des suffrages exprimés, répondu non au référendum sur le traité constitutionnel européen. La coupure entre le peuple et les élites qui s’était spectaculairement révélée lors de la présidentielle de 2002 n’avait fait que se creuser, à rebours des promesses d’un président réélu avec plus de 82 % des suffrages exprimés face à Jean-Marie Le Pen.
Tous ces présidents restaient cependant encore protégés par le respect dû à la fonction et l’aura relative dont bénéficiaient encore les politiques. La quasi-disparition de ces deux ingrédients rend cette fois l’exercice du dernier mandat particulièrement périlleux. Réélu avec 58 % des suffrages exprimés, ce qui n’est pas rien, Emmanuel Macron apparaît en même temps extraordinairement vulnérable. A 44 ans, ce n’est pas l’affaiblissement physique qui le guette mais le côté éruptif de la société, la montée de la violence, l’affaissement de toutes les intermédiations et la prime à la radicalité qui sert de carburant à Jean-Luc Mélenchon d’un côté, à Marine Le Pen de l’autre.