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Plan de sobriété énergétique du gouvernement : « C’est dérisoire » (Laignel,vice pésident de de l’Association des maires de France

Plan de sobriété énergétique du gouvernement : « C’est dérisoire » (Laignel,vice pésident de de l’Association des maires de France)


« C’est dérisoire par rapport à la situation dans laquelle nous nous trouvons », fustige mercredi 5 octobre sur franceinfo, André Laignel, maire d’Issoudun et premier vice-président délégué de l’Association des maires de France, alors que le gouvernement a développé jeudi son plan de sobriété. Il il prévoit de couper l’eau chaude dans les toilettes des administrations, inciter au télétravail ou encore baisser le chauffage à 18° dans les bâtiments administratifs alors qu’il est déjà théoriquement limité à 19. Ces mesures ne sont « pas suffisantes », pour André Laignel.

franceinfo : Pensez-vous que ces mesures annoncées par le gouvernement sont suffisantes ?
André Laignel : Suffisantes, certainement pas. Nous sommes toujours preneurs de conseils mais nous n’avons pas attendu ceux du gouvernement dans la plupart des domaines dans lesquels il les profère. C’est dérisoire par rapport à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le gouvernement parle de 10% d’économie mais tous les contrats que nous sommes en train de passer pour les énergies sont entre 200 et 500% d’augmentation.
Vous auriez préféré des mécanismes pour réduire les coûts plutôt que des conseils d’économie ?
Évidemment et ça fait des mois et des mois que nous faisons des propositions au gouvernement. Nous sommes devant un mur financier que nous ne serons pas capables de franchir. Il y a des centaines de communes qui ne seront pas en capacité de faire face aux nouveaux tarifs qui nous sont proposés chaque fois que nous sommes obligés de changer de contrat. Ce que nous demandons c’est qu’il y ait un bouclier énergétique comme il en existe un pour les entreprises et les particuliers, les communes n’ont aucun bouclier aujourd’hui. La ville de Mulhouse a passé des appels d’offres et elle doit faire face à des augmentations de 478%, en Bretagne c’est 225% d’augmentation. Nous proposons que l’Etat, les collectivités, les syndicats d’énergie soient réunis d’urgence, à l’initiative du gouvernement.

Baisser la température dans les gymnases, dans les piscines municipales c’est utile ?
On n’a pas attendu ces recommandations pour prendre ces mesures. A Issoudun dans ma ville, c’est le cas depuis de très nombreuses semaines, nous avons prévu au moment du passage à l’heure d’hiver d’éteindre un certain nombre d’éclairages publics. Le catalogue qui est présenté c’est en définitive des suggestions avancées par les maires eux-mêmes. Nous n’avons pas de désaccord avec le gouvernement sur tout cela parce que c’est du bon sens mais ce n’est pas à la hauteur de la situation que nous rencontrons aujourd’hui. Il faut des engagements financiers. Faire de la communication sur un certain nombre de mesures et de mesurettes, ne correspond pas à l’ampleur du sujet.

Plan de sobriété énergétique du gouvernement: Anecdotique et superficiel

Plan de sobriété Énergétique du gouvernement: Anecdotique et superficiel

Comme il fallait s’y attendre le plan du gouvernement est aussi anecdotique que superficiel.En effet, la plupart des mesures sont évidemment déjà pratiquées par les ménages et les entreprises? En cause, essentiellement évidemment une politique énergétique complètement incohérente concernant aussi bien l’électricité que le gaz ou d’une certaine manière nous avons organisé notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Même chose d’ailleurs avec les énergies alternatives à peu près toutes fabriquées en Chine !

La Première ministre souhaite «baisser de 10 % notre consommation d’ici 2024», selon Élisabeth Borne. Le Figaro fait le point sur les principales mesures contenues dans le plan, qui a mobilisé neuf ministères et représente «un potentiel de réduction de consommation de l’ordre de 50 TWh».

Le gouvernement reprend son slogan fétiche à savoir d’abord le souhait de voir la température était à 19° dans les bâtiments. Le seul problème c’est que cette température est déjà en moyenne à 19° voir moins. Bref encore une décision prise sans analyse des réalités. Et pour enfoncer le clou le gouvernement recommande aussi de moins chauffer les pièces temporairement non ocupées ou la redécouverte du thermostat !

Le gouvernement souhaite aussi à nouveau mettre l’accent sur le télétravail, Une manière habile de transférer les charges de chauffage des sociétés sur les particuliers. Sans parler des frais d’électricité et d’équipement et d’abonnement informatique

On va aussi promouvoir le vélo. ( Le covoiturage sera aussi encouragé, avec un «soutien spécifique» aux opérateurs pour «chaque nouveau client», en échange de moyens incitatifs pour les Français qui souhaiteraient s’y essayer. Pour les déplacements professionnels, les employeurs devront privilégier le train plutôt que la voiture ou l’avion, recourir à la visioconférence et préférer les déplacements «regroupés par zones».

La chasse aux dépenses énergétiques superflues va fortement concerner les commerces et leurs pratiques publicitaires. Les cafés et restaurants à la fin du service ou encore les hôtels devront s’engager à éteindre leurs enseignes entre minuit et 6h du matin.

Plus largement, les publicités lumineuses seront désormais interdites entre 1h et 6h du matin en France, exception faire des aéroports, gares ou stations de métro, conformément à un arrêté paru ce jeudi matin au Journal officiel.

Le gouvernement va étendre l’obligation d’installer un programmateur de chaudière intelligent à tous les bâtiments : si les nouveaux bâtiments résidentiels étaient concernés d’ici 2025, ce sera bientôt aussi le cas pour tout le résidentiel ou tertiaire existant. Les immeubles chauffés collectivement, et dont la période de chauffe s’étend traditionnellement du 15 octobre au 15 avril sont aussi encouragés à décaler celle-ci de quinze jours.

Les consommateurs sont invités à réduire leur consommation d’eau chaude sanitaire.

Autre mesure, l’exécutif invite à individualiser les frais de chauffage, dans les immeubles chauffés collectivement. Une mesure d’équité, justifie-t-on : «Les syndicats de copropriété seront sensibilisés à l’intérêt de programmer l’individualisation des frais de chauffage à l’occasion de l’élaboration des plans pluriannuels de travaux (PPT), dont l’élaboration sera obligatoire dans toutes les copropriétés entre 2023 et 2025». Le gouvernement veut aussi accélérer le changement des chaudières à fioul chez les particuliers, en prolongeant les aides accordées jusqu’au 31 mars 2023.

Les entreprises seront pour leur part encouragées à travailler sur une quinzaine de mesures d’économie d’énergie différentes, à l’issue d’un travail réalisé par les partenaires sociaux et dont le Medef a rendu les conclusions. Parmi elles, éteindre l’éclairage intérieur «des bâtiments dès l’inoccupation, réduire l’éclairage extérieur, notamment publicitaire, et l’éteindre au plus tard à 1h, piloter chauffage, climatisation et ventilation ou encore regrouper les déplacements et supprimer ceux inutiles».
Les entreprises qui s’engagent à mettre en œuvre ces mesures seront référencées sur un site internet dédié. Selon le gouvernement, «plus de 30 entreprises» du CAC40 s’y sont d’ores et déjà engagées.

L’État employeur s’engage à limiter ses températures, y compris le chauffage, qui pourra passer à 18 degrés les jours Ecowatt rouge, lorsque la tension sera extrême sur le réseau.

Une «task force opérationnelle» d’énergéticiens et de techniciens va aussi être déployée pour «améliorer la gestion énergétique des sites et bâtiments de l’État». Objectif : accompagner les opérateurs et baisser la consommation. L’État mobilisera aussi des “ambassadeurs sobriété”, dans chaque bâtiment.

D’autres mesures touchent les déplacements professionnels des agents : la vitesse sera limitée à 110km/h sur l’autoroute et à 100km/h sur les voies rapides, l’utilisation du vélo sera encouragée par des «stationnements sécurisés» près des bâtiments publics, et l’avion devra être évité «pour les trajets allers inférieurs à 4 h par voie ferroviaire (ou inférieur à six heures de trajet aller-retour si le déplacement se fait dans la même journée)».

Un guide de «10 actions» a été publié par l’Association des maires de France (AMF). Parmi les mesures proposées, les édiles sont invités à éteindre l’éclairage public entre 23h et 5h30, à chauffer les bâtiments à 19 degrés maximum, à éteindre l’éclairage des monuments et à réduire la saison de chauffe des locaux. L’éclairage Led doit aussi être généralisé et les élus sont mis à profit pour faire respecter l’interdiction des publicités lumineuses et enseignes, la nuit. L’État va aussi accompagner financièrement les acteurs publics locaux pour rénover les bâtiments.

Sobriété énergétique : un slogan de bobo

Sobriété énergétique : un slogan de bobo/strong>
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Aujourd’hui l’ actualité va encore faire état de discours interminables du gouvernement sur la nécessité de la sobriété énergétique et cela jusqu’au ridicule avec par exemple des responsables politiques en col roulé juste le temps de passer devant les caméras. Dans les couches sociales défavorisées et même les couches moyennes, il y a longtemps que l’objectif de 19° comme température moyenne a été adoptée.

Au lieu d;en faire un slogan, le pouvoir aurait été bien inspiré de faire une enquête approfondie des pratiques dans ce domaine en fonction des catégories sociologiques. Il est clair qu’on ne se conduit pas de la même manière dans ce domaine selon qu’on réside dans un appartement de 80 m² ou 250 et plus. Les revenus sont différents, les pratiques aussi.

En moyenne jusque-là les Français dépensaient autour de 1500 € pour le chauffage avec beaucoup de dispersion autour de cette moyenne. L’;augmentation sera salée notamment pour ceux qui se chauffent au gaz ou au fioul et même électricité après les différentes augmentations qui interviendront.

Comme dans le même temps les revenus seront amputés par l’inflation, on voit mal comment les ménages évoqués pourraient s’affranchir d’une sobriété qui est entrée dans les mœurs.Quand Macron déclare que des Français doivent considérer que nous entrons dans une période de fin d’abondance c’est moins pour des questions écologiques que pour tenter de s’excuser sur les erreurs stratégiques en matière de politique énergétique ( faut-il encore rappeler qu’il y a à peine quelques semaines ou quelques mois Macron a fermé la centrale de Fessenheim est préconisé la suppression de 14 réacteurs ! Maintenant il envisage de créer six centrales EPR, suivi de six autres ! Conséquence la France qui exportait de l’électricité en apporte désormais.Heureusement les particuliers bénéficient d’une certaine protection avec le bouclier tarifaire ( Très coûteux mais pour les entreprises c’est un véritable massacre qui aura des conséquences sur la croissance)

Transition énergétique : une volonté politique pour un nouveau type d’aménagement de nos milieux de vie

 Transition énergétique :  une volonté politique pour  un nouveau type d’aménagement de nos milieux de vie 

 

 

 

La démarche de paysage valorise les potentiels locaux dans des projets de territoires résilients et beaux. Mais une politique nationale de communication pour sensibiliser l’opinion publique à l’urgence de la transition s’impose ainsi qu’une formation des élus locaux, estiment dans une tribune au « Monde » Odile Marcel et Jean-Pierre Thibault, responsables du collectif Paysages de l’après-pétrole.

 
Un article intéressant et des préoccupations légitimes mais des propos insuffisamment éclairants et trop vagues NDLR

Des canicules d’intensité inédite ont menacé notre intégrité physique cet été, tandis que le spectacle dantesque de milliers d’hectares de forêts incendiées matérialisait le sinistre oracle du président Chirac « notre maison brûle ». Etat, entreprises, particuliers, chacun prendra sa part dans l’évolution à prévoir. Pour l’engager et la réaliser au mieux, un nouveau type d’aménagement de nos milieux de vie jouera un rôle moteur.

Les différents scénarios prospectifs publiés par la société Réseau de transport d’électricité (RTE), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’association négaWatt ont décrit quels défis industriels, fondés sur la recherche scientifique et technique, pourront assurer la transition énergétique. Quand la représentation nationale aura choisi parmi ces options d’équipement, les pouvoirs régionaux et locaux les traduiront en autant de politiques d’aménagement des territoires pour en utiliser et valoriser les potentialités et singularités locales.

Le premier et urgent pilier d’un programme d’aménagement reste l’adoption d’une politique de sobriété adaptée aux métiers et aux situations de chacun. Ce programme sera mené avec la même ambition et la même rigueur que celui qui assurera la production énergétique décarbonée.

L’aménagement post-pétrole de nos territoires mobilisera les compétences des métiers correspondants en urbanisme, architecture, paysage, agriculture et forêt. Il suscitera la mobilisation citoyenne indispensable à sa réussite.

Pour rendre nos villes apaisées et verdoyantes, pour restaurer la biodiversité dans les campagnes mises à mal par l’agriculture intensive et l’étalement urbain, une approche pluridisciplinaire, couramment identifiée dans de nombreux pays, sinon toujours en France, comme une démarche de paysage, est pratiquée avec succès dans de nombreux territoires.

La démarche de paysage valorise les potentiels locaux dans des projets de territoires résilients et beaux. Recherche d’un équilibre entre l’économique, le social et l’environnemental, elle est la clef pour réussir l’urgente durabilité de nos projets de société.

Celle-ci a été mise à mal par la promotion aveugle d’un modèle économique mondial fait de compétition pour le profit et de pillage consumériste.

La mise en œuvre de la transition écologique appelle donc une politique de communication et de formation de l’opinion publique. Nos concitoyens ont-ils tous entendu et compris l’alerte, en avril, du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ? Il importe de montrer que la sobriété n’est pas une pénalité infligée à certains, mais un principe qui régira les entreprises privées comme les pouvoirs publics et les citoyens, quelle que soit leur place dans la hiérarchie sociale.

Soutien énergétique en Europe : Une aide peut-être dangereuse

Soutien énergétique en Europe : Une aide peut-être dangereuse

Les Etats européens annoncent des mesures d’ampleur pour limiter l’impact de la crise énergétique. Avec deux risques à souligner : rendre plus durable l’inflation (hors énergie) à court terme et rencontrer des difficultés pour financer ces mesures à moyen terme. Par Clémentine Gallès, Cheffe Économiste et Stratégiste de Société Générale Private Banking ( la Tribune)

 

Une crise qui fait grimper les prix du pétrole, puis du gaz et de l’électricité. Les tensions sur les prix de l’énergie ont commencé avec la reprise post-covid, soutenus par des demandes fortes et simultanées dans les principales économies. Elles se sont ensuite accélérées très nettement avec le début de la Guerre en Ukraine, avec une focalisation de ces tensions sur les prix du gaz européens, déstabilisant enfin les marchés de l’électricité.

Au total, les prix du pétrole en euros ont progressé de près de 40% par rapport à leur moyenne de 2019 (année de référence avant Covid), les prix du gaz de plus de 1000% et les prix de l’électricité de 700% sur le marché de gros à terme.

Un coût déjà bien visible sur le pouvoir d’achat des ménages

L’énergie représente environ 8% du panier de consommation moyen des ménages en Zone euro. Si son coût pour les ménages se stabilisait à celui observé en août, sa progression par rapport à 2019 pourrait représenter au total une perte de leur revenu disponible de l’ordre de 3,3%[1] pour 2022. Ce coût observé varie d’un pays à l’autre, selon les spécificités des marchés de l’énergie ou du fait de limites de prix mises en place par certains gouvernements. En France, par exemple, la hausse des prix de l’énergie a été contenue, permettant à la hausse des prix de l’énergie de représenter une ponction de « seulement » 2,2% du revenu disponible des ménages en 2022 par rapport à 2019.

Un coût déjà bien visible sur la balance commerciale

Une autre façon d’évaluer le coût de la crise énergétique à l’échelle d’un pays ou d’une région est de constater l’alourdissement de la facture de ses importations. Ainsi, au total de la Zone euro, la balance commerciale s’est rapidement dégradée en 2022 pour s’afficher déficitaire pour la première fois de son histoire (cf graphique 1). Si le déficit énergétique se stabilise au niveau de fin juillet, la facture additionnelle, par rapport à 2019, représenterait 450 milliards d’euros, soit près de 4% du PIB de la Zone euro.

Des aides substantielles annoncées par les Etats

L’institut Bruegel (cf.graphique2) évalue à 450 milliards d’euros l’ensemble des aides annoncées depuis un an au niveau national par les pays européens (près de 3% du PIB pour l’ensemble de Europe, en y intégrant le Royaume-Uni). Ces aides incluent les dépenses liées aux nationalisations, aux renflouements ou à l’octroi de prêt, alors qu’elles excluent les mesures supranationales, par ailleurs en cours de discussion au niveau de l’Europe. Ces mesures paraissent d’ampleurs nécessaires pour limiter l’impact de la crise énergétique pour les mois à venir.

Deux risques semblent cependant importants à souligner : (i) si le choc est temporaire, les mesures permettront aux économies de résister mais encourageraient les pressions inflationnistes en permettant les effets de second tour sur les prix hors énergie. Les banques centrales seraient alors incitées à renforcer le resserrement de leur politique ; (ii) si le choc dure, les Etats Européens rencontreront des difficultés à financer leurs mesures, surtout dans un contexte où les banques centrales commenceraient à réduire le soutien qu’elles leur apportent.

 

 

 

Sobriété énergétique: Les économies possibles

Sobriété énergétique: Les économies possibles 

 La mise en œuvre de la sobriété énergétique, indispensable à divers égards, implique de combiner changements de comportements individuels et investissement dans des infrastructures adaptées. Par Patrick Criqui, Université Grenoble Alpes (UGA) et Carine Sebi, Grenoble École de Management (GEM)

 

 

La crise énergétique, singulièrement accentuée par la guerre en Ukraine, pousse les États membres de l’UEdont la France à prendre des engagements forts pour conserver les bases du fonctionnement de leurs économies, tout en réduisant les importations énergétiques en provenance de Russie.

À l’horizon du prochain hiver, il leur faut donc baisser drastiquement la consommation d’énergie, jusqu’à -15% au niveau de l’UE pour le gaz naturel, et en France entre 5 % et 15 % la consommation d’électricité en fonction de la rigueur de l’hiver.

Mais la sécheresse extrême de l’été rappelle aussi l’urgence climatique et la nécessité de diminuer les consommations d’énergies fossiles de manière vigoureuse et surtout durable. Sur ces deux horizons, le court terme de la guerre en Ukraine et le long terme de la lutte contre le changement climatique, il faut à la fois réduire et décarboner notre consommation énergétique.

Dans l’immédiat, les dirigeants font appel à la sobriété « en solidarité » avec l’Ukraine (et pour passer l’hiver), et demain pour sauver le climat. Mais parle-t-on des mêmes actions ? Et comment inscrire la sobriété dans le temps de façon à ce qu’elle soit durable

La sobriété énergétique, dont il est tant question aujourd’hui, n’est pas un concept nouveau. Au XIIIe siècle, Saint Thomas d’Aquin la référait déjà à notre capacité d’autolimitation.

Si l’on remplace dans la citation du philosophe et théologien le vin par l’énergie, sa définition indiquait que « l’usage de [l'énergie] est affaire de modération. La sobriété n’est pas une abstinence, c’est la mesure de [cet usage] ». Plus tard, à l’époque des chocs pétroliers, on parle de « chasse au gaspi ».

Pourtant, la référence à la sobriété (« sufficiency » en anglais) n’est décrite comme un pilier incontournable des politiques climatiques que dans le dernier rapport du GIEC, en 2022. Et elle n’apparaît que très récemment dans le discours officiel français.

La sobriété peut s’entendre au niveau des comportements et des choix individuels, mais aussi au niveau de la société dans son ensemble. On parle alors de sobriété collective et celle-ci se joue à travers les politiques d’aménagement, les infrastructures, les systèmes techniques, mais également les normes de comportement et l’imaginaire social.

Dans la mesure où les choix individuels sont en partie contraints, il s’agit de considérer la sobriété individuelle comme « encastrée » dans des structures collectives, matérielles ou immatérielles.

À cette articulation entre l’individuel et le collectif, il faut aussi associer le caractère réversible ou non de l’effort de sobriété : acheter un véhicule consommant 5 l/100km plutôt que 10 l/100km est une décision qui engage, au moins pour le temps de détention du véhicule ; en revanche, adopter la conduite économe au moment d’une hausse des prix de l’essence ne garantit pas le maintien de cette conduite sur le long terme…

Le logement et le transport routier de passagers (voitures et véhicules utilitaires légers) représentent chacun environ 21 % de la consommation finale en 2019, mais aussi des dépenses énergétiques similaires et chiffrées par ménage à 1 600 euros/an chacune en 2019. Les ménages disposent de marges de manœuvre pour limiter leur consommation. En appliquant à court terme les 10 % d’économies d’énergie escomptés par le gouvernement pour ces gestes, cela représenterait a minima, c’est-à-dire au prix de 2019, un gain annuel de l’ordre de 320 euros pour le logement et le transport.

Les trois leviers de la sobriété

Pour les deux secteurs, on peut distinguer trois leviers principaux :

À un 1er niveau, on trouve la quantité de service énergétique demandée : dans le logement, il s’agit d’assurer le confort de vie pour un nombre de m2 correspondant à la taille du logement ; dans les transports, il s’agit du kilométrage parcouru en automobile chaque année par le ménage. On pourra alors parler de sobriété « dimensionnelle ».

Au 2e niveau, on identifie la consommation spécifique de l’équipement, respectivement la consommation annuelle par m2 de logement, telle que mesurée par le DPE (diagnostic de performance énergétique), et pour les transports la consommation normalisée de carburant du véhicule (en l/100km). Ces indicateurs font référence à l’efficacité énergétique.

Enfin, le 3e niveau renvoie strictement au comportement du consommateur et à l’intensité d’usage de l’équipement ; dans le logement, la consommation dépendra bien sûr de la consigne de température, à 19 ou à 22 °C ; tout comme dans les transports de la vitesse de déplacement, 130 ou 110 km/h sur autoroute, 90 ou 80km/h sur route.

Les courbes d’isoconsommation mettent en évidence des arbitrages possibles entre les deux premiers leviers : un petit logement très mal isolé peut consommer autant qu’un grand logement BBC ; inversement pour les transports, on peut consommer peu en roulant beaucoup, si l’équipement automobile est très performant.

 

Les objectifs français et européen

La « feuille de route » pour la neutralité carbone en France est explicitée dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), dont la dernière version de 2020 est en cours d’actualisation.

Cette feuille de route s’inscrit dans la perspective de la neutralité carbone et est donc a priori compatible avec le paquet « Fit for 55 » de l’Union européenne. Elle pointe la nécessité de diminuer les consommations finales d’au moins 20 % en 2030 (par rapport à 2015), tant pour le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire) que pour celui des transports (routier et autres), il s’agit bien ici des consommations et non des émissions de gaz à effet de serre.

Cet objectif est par ailleurs cohérent avec la réduction d’au minimum 40 % de la consommation totale en 2050 intégrée dans la SNBC.

À l’horizon des prochains mois, les premiers gestes renvoient à une « sobriété de comportement ». Ils consisteraient à réduire de 1 à 2 °C la température de chauffage et à chauffer uniquement les pièces occupées. Si cette mesure était appliquée de manière générale, elle permettrait de réduire de près de 10 % la consommation de chauffage des logements.

Pour le transport automobile, la généralisation d’une réduction de la vitesse de 10 à 20 km/h et de l’écoconduite permettraient de gagner environ 15 % de la consommation de carburants.

Mais pour atteindre les objectifs intermédiaires de 2030, il faudra passer à la « sobriété par l’investissement », un investissement dans des équipements et des infrastructures permettant de limiter les besoins. Pour les logements il faudra accélérer encore les actions de rénovation globale : celle-ci consiste à rénover au minimum trois postes (par exemple, l’isolation toiture, le remplacement des ouvertures et le chauffage) – pour un quart du parc (soit 7,3 millions) : l’économie additionnelle serait de 15 %.

Pour le transport, en plus de la généralisation de la conduite douce, il conviendrait de convertir 10 % du parc de véhicule à l’électrique (contre 1 % aujourd’hui), ce qui ajouterait 6 % d’économie d’énergie (le rendement d’un véhicule électrique est de 90 % contre moins de 40 % pour un véhicule thermique).

Pour réduire de 40 à 50 % la consommation d’énergie finale en 2050, la sobriété collective sera essentielle. Elle nécessitera à la fois des actes réglementaires forts – limitant par exemple les vitesses de circulation par décret ou bannissant les véhicules thermiques – et des efforts massifs d’investissements dans de nouvelles infrastructures. Cela pour amplifier le transfert modal dans le transport (convertir un trajet en voiture en bus/train permet une économie d’énergie de 40 %) et pour garantir le niveau de consommation BBC à tous les logements.

Une sobriété énergétique forte et durable doit donc impérativement combiner la mobilisation générale des comportements écoresponsables et un investissement massif. Cela suppose aussi, à court et plus long terme, la mise en œuvre de politiques cohérentes en matière de prix de l’énergie et de normes légales de comportement et de performance.

Celles-ci devront cibler en priorité les institutions publiques et les organisations privées (à l’instar des mesures d’urgence proposées en Allemagne ou en Espagne). Une condition pour que les ménages ne soient pas les seuls à porter l’effort de sobriété et qu’ils soient ainsi embarqués de manière durable.

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Par Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA) et Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM).

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Sobriété énergétique: Limiter aussi le ralentissement de la croissance.

 Sobriété énergétique: Limiter aussi le ralentissement de la croissance.

 

Gérer en même temps la sobriété énergétique mais sans limiter le ralentissement de la croissance c’estpossible pour Alain Di Crescenzo est président de CCI France. ( dans l’Opinion)

 

Face à l’augmentation inédite depuis 1973 des prix de l’énergie, le virage de la sobriété énergétique est pris. Le gouvernement nous engage à réduire de 10 % nos consommations d’énergie. La mobilisation générale est décrétée et les entreprises sont en première ligne.

La crise énergétique durable que subissent notre société et notre économie laisse planer sur nos entreprises de toutes tailles un risque majeur, au-delà des difficultés d’approvisionnement de l’électricité ou du gaz. L’horizon noir de l’hiver qui vient, c’est la baisse, voire l’arrêt de certaines activités, sachant cette période correspond à un pic d’activité où de très nombreuses entreprises réalisent entre 30 % et 40 % de leur chiffre d’affaires.

Déjà voilà quelques mois, la spirale tant redoutée a été enclenchée avec les entreprises électro-intensives. A titre d’exemple, les verriers sont contraints aux ralentissements d’activité, voire à la mise en veille de leurs fours pour plusieurs mois. Selon les premières analyses, ce sont 2 300 à 5 000 entreprises grosses consommatrices de gaz et d’électricité (notamment des secteurs de la chimie, de l’agroalimentaire et de la métallurgie) qui sont dans l’œil du cyclone. Mais la hausse des prix de l’énergie est tellement forte que c’est l’ensemble du tissu entrepreneurial et commerçant qui est concerné par la nécessité de réduire sa consommation.

 

Tout doit être fait pour limiter le ralentissement de l’activité économique, et l’hypothèse même d’avoir des coupures d’énergie est insupportable. C’est dans ce contexte que les chambres de commerce et d’industrie de France se sont mobilisées pour éviter l’inacceptable et pour, à plus long terme, accompagner des entreprises dans un processus durable d’économie d’énergie.

Ainsi, le réseau des CCI, dans le prolongement d’une campagne ciblée sur l’efficacité énergétique des entreprises qui avait permis, il y a deux ans, de diminuer les factures d’électricité de 5% à 10%, lance un plan d’action d’envergure articulant temps court et temps long, afin d’apporter la boussole dont les chefs d’entreprise ont besoin en temps de crise aiguë.

Ce plan comprend une campagne de communication nationale pour engager massivement les entreprises dans une démarche concrète de sobriété énergétique. Communication à laquelle s’ajoute une dynamique de sensibilisation et d’accompagnement avec des webinaires, des témoignages de bonnes pratiques, des diagnostics énergétiques digitaux, des coachings personnalisés et un dispositif de mentorat « sobriété énergétique » pour un accompagnement « pair à pair » sur les secteurs à forts besoins énergétiques (commerce, hôtellerie, restauration, services aux entreprises, établissements de formation…). En parallèle, un benchmark international viendra consolider le plan d’actions en s’inspirant des meilleures pratiques, notamment européennes.

Suite à la catastrophe de Fukushima, les Japonais ont réussi à diminuer de 20 % la consommation d’électricité sans que leur industrie ne s’effondre. Dix pourcent, c’est donc possible ! Alors soyons donc tous des acteurs engagés de l’économie… d’énergie.

Alain Di Crescenzo est président de CCI France.

Sobriété énergétique : les moyens pour y parvenir

 Sobriété énergétique : les moyens pour y parvenir

La mise en œuvre de la sobriété énergétique, indispensable à divers égards, implique de combiner changements de comportements individuels et investissement dans des infrastructures adaptées. Par Patrick Criqui, Université Grenoble Alpes (UGA) et Carine Sebi, Grenoble École de Management (GEM)

 

 

 

À l’horizon du prochain hiver, il leur faut donc baisser drastiquement la consommation d’énergie, jusqu’à -15% Sobriété énergétique : les moyens pour y parvenirau niveau de l’UE pour le gaz naturel, et en France entre 5 % et 15 % la consommation d’électricité en fonction de la rigueur de l’hiver.

Mais la sécheresse extrême de l’été rappelle aussi l’urgence climatique et la nécessité de diminuer les consommations d’énergies fossiles de manière vigoureuse et surtout durable. Sur ces deux horizons, le court terme de la guerre en Ukraine et le long terme de la lutte contre le changement climatique, il faut à la fois réduire et décarboner notre consommation énergétique.

Dans l’immédiat, les dirigeants font appel à la sobriété « en solidarité » avec l’Ukraine (et pour passer l’hiver), et demain pour sauver le climat. Mais parle-t-on des mêmes actions ? Et comment inscrire la sobriété dans le temps de façon à ce qu’elle soit durable ?

Pour répondre à ces problématiques, nous illustrons notre analyse sur les principaux usages énergétiques d’un ménage français à partir des données de la base Odyssee/Mure, qui permet une description fine des consommations d’énergie. Ces usages représentent déjà plus de 40 % de la consommation finale. Pour être exhaustif, l’exercice devrait être étendu au secteur tertiaire (public et privé), au transport de marchandises et à l’industrie.

Sobriété énergétique : de quoi parle-t-on ?

La sobriété énergétique, dont il est tant question aujourd’hui, n’est pas un concept nouveau. Au XIIIe siècle, Saint Thomas d’Aquin la référait déjà à notre capacité d’autolimitation.

Si l’on remplace dans la citation du philosophe et théologien le vin par l’énergie, sa définition indiquait que « l’usage de [l'énergie] est affaire de modération. La sobriété n’est pas une abstinence, c’est la mesure de [cet usage] ». Plus tard, à l’époque des chocs pétroliers, on parle de « chasse au gaspi ».

Pourtant, la référence à la sobriété (« sufficiency » en anglais) n’est décrite comme un pilier incontournable des politiques climatiques que dans le dernier rapport du GIEC, en 2022. Et elle n’apparaît que très récemment dans le discours officiel français.

Un enjeu individuel et collectif

La sobriété peut s’entendre au niveau des comportements et des choix individuels, mais aussi au niveau de la société dans son ensemble. On parle alors de sobriété collective et celle-ci se joue à travers les politiques d’aménagement, les infrastructures, les systèmes techniques, mais également les normes de comportement et l’imaginaire social.

Dans la mesure où les choix individuels sont en partie contraints, il s’agit de considérer la sobriété individuelle comme « encastrée » dans des structures collectives, matérielles ou immatérielles.

À cette articulation entre l’individuel et le collectif, il faut aussi associer le caractère réversible ou non de l’effort de sobriété : acheter un véhicule consommant 5 l/100km plutôt que 10 l/100km est une décision qui engage, au moins pour le temps de détention du véhicule ; en revanche, adopter la conduite économe au moment d’une hausse des prix de l’essence ne garantit pas le maintien de cette conduite sur le long terme…

Le logement et le transport routier de passagers (voitures et véhicules utilitaires légers) représentent chacun environ 21 % de la consommation finale en 2019, mais aussi des dépenses énergétiques similaires et chiffrées par ménage à 1 600 euros/an chacune en 2019. Les ménages disposent de marges de manœuvre pour limiter leur consommation. En appliquant à court terme les 10 % d’économies d’énergie escomptés par le gouvernement pour ces gestes, cela représenterait a minima, c’est-à-dire au prix de 2019, un gain annuel de l’ordre de 320 euros pour le logement et le transport.

Les trois leviers de la sobriété

Pour les deux secteurs, on peut distinguer trois leviers principaux :

À un 1er niveau, on trouve la quantité de service énergétique demandée : dans le logement, il s’agit d’assurer le confort de vie pour un nombre de m2 correspondant à la taille du logement ; dans les transports, il s’agit du kilométrage parcouru en automobile chaque année par le ménage. On pourra alors parler de sobriété « dimensionnelle ».

Au 2e niveau, on identifie la consommation spécifique de l’équipement, respectivement la consommation annuelle par m2 de logement, telle que mesurée par le DPE (diagnostic de performance énergétique), et pour les transports la consommation normalisée de carburant du véhicule (en l/100km). Ces indicateurs font référence à l’efficacité énergétique.

Enfin, le 3e niveau renvoie strictement au comportement du consommateur et à l’intensité d’usage de l’équipement ; dans le logement, la consommation dépendra bien sûr de la consigne de température, à 19 ou à 22 °C ; tout comme dans les transports de la vitesse de déplacement, 130 ou 110 km/h sur autoroute, 90 ou 80km/h sur route.

Les courbes d’isoconsommation mettent en évidence des arbitrages possibles entre les deux premiers leviers : un petit logement très mal isolé peut consommer autant qu’un grand logement BBC ; inversement pour les transports, on peut consommer peu en roulant beaucoup, si l’équipement automobile est très performant.

 

Les objectifs français et européen

La « feuille de route » pour la neutralité carbone en France est explicitée dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), dont la dernière version de 2020 est en cours d’actualisation.

Cette feuille de route s’inscrit dans la perspective de la neutralité carbone et est donc a priori compatible avec le paquet « Fit for 55 » de l’Union européenne. Elle pointe la nécessité de diminuer les consommations finales d’au moins 20 % en 2030 (par rapport à 2015), tant pour le secteur du bâtiment (résidentiel et tertiaire) que pour celui des transports (routier et autres), il s’agit bien ici des consommations et non des émissions de gaz à effet de serre.

Cet objectif est par ailleurs cohérent avec la réduction d’au minimum 40 % de la consommation totale en 2050 intégrée dans la SNBC.

Sobriété de comportement

À l’horizon des prochains mois, les premiers gestes renvoient à une « sobriété de comportement ». Ils consisteraient à réduire de 1 à 2 °C la température de chauffage et à chauffer uniquement les pièces occupées. Si cette mesure était appliquée de manière générale, elle permettrait de réduire de près de 10 % la consommation de chauffage des logements.

Pour le transport automobile, la généralisation d’une réduction de la vitesse de 10 à 20 km/h et de l’écoconduite permettraient de gagner environ 15 % de la consommation de carburants.

 

Sobriété par l’investissement

Mais pour atteindre les objectifs intermédiaires de 2030, il faudra passer à la « sobriété par l’investissement », un investissement dans des équipements et des infrastructures permettant de limiter les besoins. Pour les logements il faudra accélérer encore les actions de rénovation globale : celle-ci consiste à rénover au minimum trois postes (par exemple, l’isolation toiture, le remplacement des ouvertures et le chauffage) – pour un quart du parc (soit 7,3 millions) : l’économie additionnelle serait de 15 %.

Pour le transport, en plus de la généralisation de la conduite douce, il conviendrait de convertir 10 % du parc de véhicule à l’électrique (contre 1 % aujourd’hui), ce qui ajouterait 6 % d’économie d’énergie (le rendement d’un véhicule électrique est de 90 % contre moins de 40 % pour un véhicule thermique).

Combiner petits gestes et gros investissements

Pour réduire de 40 à 50 % la consommation d’énergie finale en 2050, la sobriété collective sera essentielle. Elle nécessitera à la fois des actes réglementaires forts – limitant par exemple les vitesses de circulation par décret ou bannissant les véhicules thermiques – et des efforts massifs d’investissements dans de nouvelles infrastructures. Cela pour amplifier le transfert modal dans le transport (convertir un trajet en voiture en bus/train permet une économie d’énergie de 40 %) et pour garantir le niveau de consommation BBC à tous les logements.

Une sobriété énergétique forte et durable doit donc impérativement combiner la mobilisation générale des comportements écoresponsables et un investissement massif. Cela suppose aussi, à court et plus long terme, la mise en œuvre de politiques cohérentes en matière de prix de l’énergie et de normes légales de comportement et de performance.

Celles-ci devront cibler en priorité les institutions publiques et les organisations privées (à l’instar des mesures d’urgence proposées en Allemagne ou en Espagne). Une condition pour que les ménages ne soient pas les seuls à porter l’effort de sobriété et qu’ils soient ainsi embarqués de manière durable.

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Par Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA) et Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM).

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

La définition de la précarité énergétique

La définition de la précarité énergétique 

Par Adèle Sébert, Doctorante en sciences économiques, Université de Lille

 

Traduite de l’anglais « fuel poverty », la précarité énergétique est définie officiellement en France dans la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 de la façon suivante :

« Est en situation de précarité énergétique [...] une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat. »

Cette définition fait ainsi se croiser question sociale et question écologique, mais ne précise pas ce que recouvrent les « besoins élémentaires ».

De la suspension de la hausse de la taxe carbone en réponse aux « gilets jaunes » en 2018 aux mesures du gouvernement pour faire face à la hausse des prix de l’électricité et du gaz à l’automne 2021 (bouclier tarifaire, prime bonus au chèque énergie), en passant par la loi énergie-climat de 2019 signant la fin des tarifs réglementés de vente de gaz pour 2023 et loi climat et résilience de 2021 modifiant le classement de performance énergétique des logements, l’actualité énergétique de ces dernières années met le consommateur d’énergie sur le devant de la scène politique, et en particulier le consommateur « précaire énergétique ».

 

L’impact du prix des énergies

 

Outre leur place dans la politique énergétique, les prix de l’énergie constituent l’un des trois éléments usuellement pris en compte pour caractériser la précarité énergétique, aux côtés des ressources des ménages et de l’état du bâti, car ils ont des effets sur les dépenses énergétiques.

En regardant les 30 dernières années et en prenant 1990 comme année de référence, il apparaît que là où le RMI/RSA est resté plutôt stable, les prix des énergies ont eu tendance à augmenter mais de manière différenciée et dans des proportions différentes. Les variations des prix permettent de distinguer d’un côté les prix des énergies fossiles et d’un autre côté les prix de l’électricité. Les prix constants du propane ont doublé par rapport à ceux de 1990, ceux du gaz et fioul ont été multipliés par 1,5, là où ceux de l’électricité ont d’abord diminué puis augmenté pour rattraper l’indice du RMI/RSA en 2020.

Quelles dépenses énergétiques pour les ménages ?

 

Au moment où la précarité énergétique a été définie, en 2010, la part des dépenses énergétiques des ménages octroyée au logement était de 51 % contre 49 % pour les carburants. En 2019, la répartition par poste de dépense est identique. Elle est restée plutôt stable depuis dix ans, malgré une hausse des dépenses courantes TTC moyennes.

Par Adèle Sébert, Doctorante en sciences économiques, Université de Lille

Précarité énergétique 20 % concernés ?

Précarité énergétique 20 % concernés ?

 

La notion de « précarité énergétique » est présente dans le débat depuis plus d’une décennie. Ce à quoi elle renvoie est bien sûr plus ancien, mais l’expression a été popularisée en France par son inscription dans la loi en 2010.

Par Adèle Sébert, Doctorante en sciences économiques, Université de Lille

L’actualité des dernières années et la crise énergétique actuelle ont rappelé l’importance qu’elle occupe dans l’espace public, avec la fin du tarif de première nécessité pour l’électricité (TPN) et du tarif spécial de solidarité pour le gaz (TSS), deux mécanismes qui ont été remplacés par le chèque-énergie en 2018. À la suite du mouvement des gilets jaunes à l’automne, le gouvernement décide d’élargir le dispositif.

En février 2020, le hashtag #LesMalChauffés était lancé par franceinfo dans le cadre d’une opération. À la même période, la trêve hivernale est prolongée par ordonnance dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire due à la Covid-19.

Pourtant, qualifier et quantifier ce phénomène n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît. Traduite de l’anglais « fuel poverty », la précarité énergétique est définie officiellement en France dans la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 de la façon suivante :

« Est en situation de précarité énergétique [...] une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat. »

Cette définition fait ainsi se croiser question sociale et question écologique, mais ne précise pas ce que recouvrent les « besoins élémentaires ».

Cependant, les actions privées ou publiques autour de la prise en charge du phénomène (que ce soit sur le plan de la pauvreté, des difficultés de paiement ou encore de la rénovation du bâti) sont antérieures à cette inscription dans la loi. Mais celle-ci ouvre une période de à la fois des questionnements sur les outils disponibles pour qualifier et quantifier ce phénomène et des questionnements sur la possibilité d’y répondre dans le cadre d’une politique de transition énergétique.

En 2011 est créé l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) auquel il est confié une triple mission : observer la précarité énergétique et analyser les politiques publiques associées, contribuer à l’animation du débat sur la précarité énergétique, valoriser et diffuser les travaux sur le phénomène. Il se compose d’organisations publiques et privées, et fait ainsi se rencontrer des acteurs étatiques de différents domaines, des acteurs du marché de l’énergie et du logement, des organisations du monde de l’ESS…

Il publie deux fois par an un tableau de bord de la précarité énergétique afin de mettre à jour les données disponibles sur le phénomène et les indicateurs… et c’est précisément là que les choses se complexifient.

Mesurer la précarité énergétique, oui, mais avec quelles données et à partir de quels indicateurs ? C’est une des premières questions auxquelles l’ONPE a dû répondre… et la question reste d’actualité.

Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, le signalait dès la publication du premier rapport de l’ONPE en 2014 :

« Rien ne semble a priori plus simple que de mesurer la « précarité énergétique ». Ne dispose-t-on pas d’ailleurs d’un indicateur robuste, le taux d’effort énergétique ? [...] Pourtant, si l’on prend vraiment au sérieux les multiples situations réelles de précarité énergétique, une telle approximation est insuffisante, voire contreproductive. Elle fera regarder comme précaires des habitants qui ne se soucient pas vraiment de leur facture et négligera d’autres dont l’effort n’est réduit qu’au prix d’une auto restriction qui menace leur bien-être. »

La précarité énergétique se mesure actuellement en combinant trois indicateurs :

  • Le taux d’effort énergétique : il calcule le niveau des dépenses en énergie pour le logement sur l’ensemble des dépenses d’un ménage et positionne le résultat par rapport à un seuil de 8 %.
  • L’indicateur bas revenu dépense élevé, décliné par unité de consommation ou par mètre carré : il rapporte les dépenses en énergie au revenu d’un ménage.
  • L’indicateur de froid : il étudie le froid ressenti par un ménage à partir de différents critères.

Ces indicateurs sont étudiés sur les trois premiers déciles de niveau de vie de la population.

Les données utilisées proviennent des Enquêtes nationales logement (ENL) dont la dernière édition date de 2013 (une ENL 2020 est en cours), de résultats d’actualisation de ces ENL à partir de modèles statistiques, et ponctuellement d’autres enquêtes de la statistique publique. Étant donné le caractère multidimensionnel de la précarité énergétique, d’autres données sont également retenues : des fichiers administratifs, des fichiers clients, des données de terrain…

En combinant les trois indicateurs avec l’ENL de 2013, l’ONPE établissait ce nombre de ménages à 5,1 millions, c’est-à-dire 12 millions de Français, soit une personne sur cinq.

Au regard du Tableau de bord de la précarité énergétique publié par l’ONPE pour le 1er semestre 2020, on constate une stabilité du nombre de ménages en précarité énergétique, stabilité existante depuis plusieurs années : 11,7 % pour le seul taux d’effort énergétique, c’est-à-dire 3,4 millions de ménages (soit 6,7 millions de personnes).

Cette stabilité masque des données contrastées. Ainsi, le montant annuel des dépenses énergétiques par ménage, pour le logement et pour le carburant, est passé de 2491 euros en 2009 à 3121 euros en 2018 alors que, dans le même temps, la consommation énergétique du parc résidentiel entre ces deux années est passée de 203,9 kWh par m2 à 171,3 kWh par m2.

Face à ces données, celles issues « du guichet » invitent à questionner le contexte institutionnel dans lequel la prie en charge est menée. D’un côté, le nombre d’interventions des fournisseurs pour impayés est passé de 623 599 en 2014 à 671 546 en 2019 mais d’un autre côté le nombre de dossiers « Habiter mieux » déposés à l’Anah pour bénéficier d’une aide à la rénovation est passé de 62 510 en 2018 à 117 093 en 2019…

Mais de qui parle-t-on finalement ? Dans les indicateurs utilisés, la personne dite « précaire énergétique » est d’abord un « ménage », que celui-ci soit qualifié de « (très) modeste » ou de « pauvre » au regard de ses conditions de ressources, ou non.

Dans les organisations impliquées dans la prise en charge de la « lutte contre la précarité énergétique », la personne en situation de précarité énergétique est d’abord un client, un bénéficiaire, un usager, un administré, un citoyen, un habitant (parfois propriétaire, parfois locataire, voire même bailleur). À ce niveau, « la » précarité énergétique est peut-être plus une catégorie d’action publique qu’une caractéristique identifiant une personne ou à laquelle une personne peut s’identifier. Cela contribue ainsi à créer un décalage entre ce que reflètent les indicateurs et ce que prennent en charge les organisations « sur le terrain ».

De là à en conclure que nous ne sommes pas plus avancés aujourd’hui qu’il y a dix ans, certainement pas. La connaissance de la précarité énergétique s’est développée et la législation l’intègre aux côtés de problématiques sociales et écologiques.

Toutefois, elle interroge toujours la pertinence de l’action collective, publique ou privée, mise en place pour la prendre en charge. Le chèque-énergie, par exemple, est attribué non pas en fonction du niveau de dépenses en énergie d’un ménage, d’une situation d’impayés d’énergie ou des caractéristiques de son logement mais à partir du nombre de parts et du revenu fiscal.

La dernière décennie a surtout été le théâtre de multiples formes de coordination entre des acteurs aux statuts et missions variés. S’articulent ainsi des actions de SA, SARL, associations, mutuelles, fondations, coopératives, autorités publiques indépendantes, établissements publics… Plus que sa réalité, c’est peut-être l’apparition de nouveaux acteurs et la multiplication de textes, normes et dispositifs qui font le succès de la notion de précarité énergétique et contribuent à créer ses paradoxes.

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Par Adèle Sébert, Doctorante en sciences économiques, Université de Lille

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Société-Incompatibilité de la croissance et de la transition énergétique ?

Société-Incompatibilité de la croissance et de la transition énergétique  ?

Alors que le Conseil national de la refondation abordera notamment les adaptations nécessaires de l’économie, le coût de la transition sera considérable. Le débat doit porter sur la manière de rendre le changement désirable, et donc acceptable estime un papier du Monde. 

 

Travail, transition écologique, éducation, santé… Les thèmes qui seront traités par le Conseil national de la refondation (CNR) – qui s’ouvre jeudi 8 septembre – ressemblent à ceux étudiés en profondeur par la commission internationale menée, en 2020, par les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard, à la demande, déjà, du président Macron.

Les données sur le plan économique sont donc largement sur la table, même si l’inflation et la crise énergétique rajoutent une couche de complexité. Pour l’économiste Jean Pisani-Ferry, nous entrons dans une « économie d’externalités », c’est-à-dire percutée par des impératifs extérieurs, comme le climat, la santé, la biodiversité, la rareté ou la souveraineté. Des chocs qui peuvent remettre en cause la manière dont nos sociétés fonctionnent et limiter les moyens à leur disposition. Et le premier est la croissance, qui permet de dégager plus de ressources pour servir de nouveaux impératifs de dépense sans sacrifier les actuels.

Or, la question de la compatibilité de cette croissance avec la transition énergétique est probablement la plus grande inconnue. Derrière les déclarations ronflantes des dirigeants français, européens ou américains sur la croissance verte, le coût de cette transformation effraie un peu tout le monde. Un certain consensus des économistes au niveau international évalue à deux points de produit intérieur brut (PIB) par an le coût supplémentaire à fournir pour investir dans la production d’énergie verte, décarboner l’industrie et les transports et rénover les logements, si l’on veut être au rendez-vous des échéances de 2030 fixées par l’accord de Paris. Ce qui, pour la France, représenterait une cinquantaine de milliards d’euros de plus à trouver, soit l’équivalent de ce que l’on dépense déjà actuellement dans ce domaine.

Selon les calculs du conseiller économique de Natixis Patrick Artus, la moitié de cette somme pourrait être engagée par les acteurs privés, ménages et entreprises, et l’autre moitié par l’Etat. Pour l’industrie et les transports, cela nécessite de remplacer des machines en bon état par d’autres, donc de détruire du capital. Où trouver cet argent ? Du côté de l’Etat, les pistes d’économies de fonctionnement sont faibles. Il y a, bien sûr, le chantier inflammable des retraites et celui du travail. Aujourd’hui, comme le relève Jean Pisani-Ferry, les pouvoirs publics dépensent un total de 145 milliards d’euros par an en aides de toutes sortes à l’emploi. C’est plus que le budget de l’enseignement, de la maternelle à l’université (125 milliards). L’amélioration du nombre d’actifs au travail (taux d’emploi) permettrait de réduire la facture. D’où l’obsession présidentielle sur le sujet. Du côté du privé, le coût serait absorbé notamment par la baisse de rentabilité des entreprises, si elles n’augmentent pas leurs prix, et une ponction sur les particuliers. Patrick Artus en est sûr, en dépit des déclarations rassurantes, les impôts ne peuvent qu’augmenter face à ce mur de dépenses qui attend l’Etat. « Ce sera équivalent à un choc pétrolier interne », estime Jean Pisani-Ferry, avec pour seul avantage que l’argent et l’activité resteront sur le territoire. De quoi passer de la croissance à la récession.

Incompatibilité de la croissance et de la transition énergétique ?

Incompatibilité de la croissance et de la transition énergétique  ?

Alors que le Conseil national de la refondation abordera notamment les adaptations nécessaires de l’économie, le coût de la transition sera considérable. Le débat doit porter sur la manière de rendre le changement désirable, et donc acceptable estime un papier du Monde. 

 

Travail, transition écologique, éducation, santé… Les thèmes qui seront traités par le Conseil national de la refondation (CNR) – qui s’ouvre jeudi 8 septembre – ressemblent à ceux étudiés en profondeur par la commission internationale menée, en 2020, par les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard, à la demande, déjà, du président Macron.

Les données sur le plan économique sont donc largement sur la table, même si l’inflation et la crise énergétique rajoutent une couche de complexité. Pour l’économiste Jean Pisani-Ferry, nous entrons dans une « économie d’externalités », c’est-à-dire percutée par des impératifs extérieurs, comme le climat, la santé, la biodiversité, la rareté ou la souveraineté. Des chocs qui peuvent remettre en cause la manière dont nos sociétés fonctionnent et limiter les moyens à leur disposition. Et le premier est la croissance, qui permet de dégager plus de ressources pour servir de nouveaux impératifs de dépense sans sacrifier les actuels.

Or, la question de la compatibilité de cette croissance avec la transition énergétique est probablement la plus grande inconnue. Derrière les déclarations ronflantes des dirigeants français, européens ou américains sur la croissance verte, le coût de cette transformation effraie un peu tout le monde. Un certain consensus des économistes au niveau international évalue à deux points de produit intérieur brut (PIB) par an le coût supplémentaire à fournir pour investir dans la production d’énergie verte, décarboner l’industrie et les transports et rénover les logements, si l’on veut être au rendez-vous des échéances de 2030 fixées par l’accord de Paris. Ce qui, pour la France, représenterait une cinquantaine de milliards d’euros de plus à trouver, soit l’équivalent de ce que l’on dépense déjà actuellement dans ce domaine.

Selon les calculs du conseiller économique de Natixis Patrick Artus, la moitié de cette somme pourrait être engagée par les acteurs privés, ménages et entreprises, et l’autre moitié par l’Etat. Pour l’industrie et les transports, cela nécessite de remplacer des machines en bon état par d’autres, donc de détruire du capital. Où trouver cet argent ? Du côté de l’Etat, les pistes d’économies de fonctionnement sont faibles. Il y a, bien sûr, le chantier inflammable des retraites et celui du travail. Aujourd’hui, comme le relève Jean Pisani-Ferry, les pouvoirs publics dépensent un total de 145 milliards d’euros par an en aides de toutes sortes à l’emploi. C’est plus que le budget de l’enseignement, de la maternelle à l’université (125 milliards). L’amélioration du nombre d’actifs au travail (taux d’emploi) permettrait de réduire la facture. D’où l’obsession présidentielle sur le sujet. Du côté du privé, le coût serait absorbé notamment par la baisse de rentabilité des entreprises, si elles n’augmentent pas leurs prix, et une ponction sur les particuliers. Patrick Artus en est sûr, en dépit des déclarations rassurantes, les impôts ne peuvent qu’augmenter face à ce mur de dépenses qui attend l’Etat. « Ce sera équivalent à un choc pétrolier interne », estime Jean Pisani-Ferry, avec pour seul avantage que l’argent et l’activité resteront sur le territoire. De quoi passer de la croissance à la récession.

Crise énergétique: Des factures qui deviennent insupportables des millions

Crise énergétique: Des factures qui deviennent insupportables  pour des millions

 

 

 

La Confédération européenne des syndicats (CES) tire la sonnette d’alarme. Face à la hausse du prix de l’électricité et du gaz, les factures énergétiques de millions de travailleurs européens sont devenues « impayables », alerte la CES dans un communiqué publié mardi 6 septembre, selon les informations du Figaro.

Avant que l’inflation n’atteigne, dans la zone euro, un niveau de 9,1 % sur un an en août, « quelque 9,5 millions d’actifs avaient déjà des difficultés à acquitter leurs factures d’énergie », écrit la CES dans son communiqué. La confédération explique se baser sur une étude de l’Institut syndical européen.

Le coût du gaz et de l’électricité a connu une hausse de 38 % en Europe, de juillet 2021 à juillet 2022, d’après la confédération. Selon la CES, dans seize Etats membres de l’Union européenne (UE), notamment la France, « les travailleurs payés au salaire minimum doivent mettre de côté l’équivalent d’un mois de salaire voire plus pour continuer à s’éclairer et se chauffer à domicile ». A titre de comparaison, en 2021, seulement huit Etats membres étaient concernés par ces difficultés. « La facture moyenne d’énergie annuelle représente désormais plus d’un mois de salaire pour un actif payé au salaire moyen » en Slovaquie, en Grèce, en République tchèque et en Italie, précise la CES. « Quand votre facture annuelle coûte plus d’un mois de salaire, il n’existe pas d’astuces pour économiser de l’argent. Ces prix sont aujourd’hui tout simplement impayables pour des millions de gens », alerte Esther Lynch, la secrétaire générale adjointe de la CES, dans ce communiqué.

Le CES appelle donc les gouvernements de l’UE à « mettre un terme aux hausses de prix insoutenables ». La publication de ce communiqué intervient alors qu’une réunion d’urgence des ministres européens de l’Energie se tiendra vendredi à Prague, en République tchèque. Les syndicats européens demandent, entre autres, une augmentation des salaires, et plus particulièrement celle des salaires minimaux. La CES appelle également à un plafonnement des factures d’énergie et à une taxe sur les « bénéfices exceptionnels » des entreprises énergétiques.

 

 

Le pouvoir d’achat repousse la transition énergétique

 

 

Le pouvoir d’achat repousse la transition énergétique

Un papier du monde critique la politique du pouvoir qui , au moins provisoirement, enterre la transition énergétique au profit du pouvoir d’achat. En défendant le pouvoir d’achat sans cibler les ménages les plus modestes, les oppositions mettent en péril le nécessaire désengagement des énergies fossiles et font preuve d’une coupable myopie.

 

L’urgence de la transition énergétique s’est encore manifestée au niveau européen, mardi 26 juillet, avec l’adoption d’un objectif coordonné des Vingt-Sept d’une réduction de 15 % de leur consommation de gaz d’ici à mars 2023. Cet accord vise à répondre à l’imminence d’une coupure des approvisionnements en provenance de Russie. Il s’agit clairement d’un geste de solidarité, alors que tous les pays ne sont pas dépendants au gaz russe dans les mêmes proportions. L’économie allemande fait partie de celles qui seraient les plus vulnérables à des pénuries. Mais, au regard de son poids au sein des échanges de l’UE, son affaiblissement aurait d’importantes répercussions dans les autres pays.

Dès lors, même si la Hongrie n’a pas signé l’accord, le principe d’une coordination des efforts à l’échelle européenne s’imposait, aussi bien sur le plan politique, pour faire bloc face à Vladimir Poutine, que sur le plan économique, pour limiter autant que possible l’impact d’une coupure totale de gaz russe.

La crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine doit être abordée comme une occasion d’accélérer la transition énergétique, qui, au-delà des impacts géopolitiques du conflit, s’impose à l’UE pour lutter contre le réchauffement climatique. C’est cet objectif qui doit maintenant primer. La France semble malheureusement avoir du mal à s’y résoudre. Par crainte de casser une croissance devenue très fragile, son gouvernement s’est tardivement converti à la sobriété, en affichant l’objectif de réduire de 10 % en deux ans sa consommation d’énergie. La première ministre, Elisabeth Borne, vient tout juste d’adresser une circulaire aux administrations pour leur demander de faire preuve d’exemplarité. Mais le gros de la bataille concerne les Français eux-mêmes, et rien, en l’état actuel, ne les prépare à la révolution, nécessairement douloureuse, qu’ils vont devoir accomplir.

Les débats tendus à l’Assemblée nationale autour des mesures destinées à préserver le pouvoir d’achat et à leur financement en sont une flagrante illustration. Pour atténuer l’impact de la flambée du prix du fuel et de l’essence, le gouvernement avait imaginé des dispositifs ciblés sur les ménages les plus modestes. Son but était de limiter le coût des subventions aux énergies fossiles, au moment où toutes les politiques publiques doivent tendre vers les économies et le développement des énergies propres.

Or, la droite a obtenu qu’une ristourne, portée à 30 centimes par litre d’essence, continue de s’appliquer à tous les consommateurs, quels que soient leurs revenus, à la rentrée. Avec l’appui du RN et de la Nupes, elle a également fait voter, contre l’avis du gouvernement, une aide de 230 millions d’euros destinée à aider les foyers à remplir leur cuve de fioul, sans distinction de revenus.

Après une campagne électorale presque exclusivement axée sur le pouvoir d’achat, on peut comprendre que chaque groupe d’opposition soit incité à faire assaut de surenchère sur le sujet. Les difficultés rencontrées par les ruraux sont indéniables, qu’ils soient actifs ou retraités, gros rouleurs ou non. Tout comme celles des bas revenus, qu’il faut aider. Mais la transition écologique est une affaire trop sérieuse pour être à ce point négligée. Plus les aides au pétrole perdureront, plus les habitudes de consommation seront difficiles à changer. Il est regrettable que, pour des raisons purement électoralistes, la représentation nationale ait fait à ce point mine de l’ignorer, ratant l’occasion d’un moment essentiel de pédagogie.

Politique énergétique: L’aveuglement écologique de l’Allemagne

Politique énergétique: L’aveuglement écologique de l’Allemagne

 

La guerre en Ukraine a mis en évidence le danger de la dépendance énergétique des pays européens à la Russie, résultat de choix relevant davantage de calculs politiques que de stratégie de long terme. Le renoncement au nucléaire en Allemagne le montre aujourd’hui, et doit pousser l’Europe à réintégrer l’énergie atomique pour s’assurer une production électrique indépendante. Par Didier Julienne, Président de Commodities & Resources (*). ( la Tribune)

 

Il y a 9 ans déjà que nous envisagions qu’Angela Merkel réatomise l’Allemagne, car sa stratégie semblait déjà intenable. Il y a 2 ans nous écrivions ici même dans un second « et si Angela Merkel réatomisait l’Allemagne » que « sans ressources, avec une diplomatie fragile parce qu’également dé-mondialisée mais sans désir de souveraineté énergétique, l’Europe et l’Allemagne seront dans une position gazière difficile. »

Aujourd’hui, c’est Vladimir Poutine qui jette aux yeux de l’Europe l’erreur nucléaire allemande. Sans gaz russe, il n’existe plus d’industrie allemande, et Berlin doit donc ou bien conserver ses centrales à charbon et lignite pour adosser son électricité renouvelable, ou bien ses centrales nucléaires.

Justement, quelle vision de l’atome pouvons-nous discerner sachant que les marchés énergétiques se ressemblent tous, mais que les marchés énergétiques nucléaires sont différents chacun à leur façon?

Il y a premièrement l’intumescence de l’histoire et l’ubris. L’Allemagne commet la faute d’abandonner le nucléaire à cause de son aveuglement écologique. 40 ans plus tard, car l’énergie c’est le temps long, le ministre allemand des Finances reconnait que cette stratégie énergétique allemande est une erreur, car basée sur la dépendance du renouvelable adossée et sécurisée de façon illusoire par du gaz, du charbon et du pétrole russes, et non pas sur une énergie décarbonée nationale, comme le nucléaire.

Notons au passage une autre vérité cachée par le dogme écologique : les fameux 400.000 emplois énergétiques verts allemands dans l’éolien et le solaire sont bien adossés à des emplois noirs dans le charbon, le lignite ou le gaz. Si ces derniers tombent, les premiers tombent également, comme le démontre le retour de l’électricité charbonnière cette semaine outre-Rhin, en Autriche et aux Pays-Bas pour adosser les renouvelables privées du back-up du gaz russe.

La France a préféré l’indépendance énergétique du nucléaire à toute autre considération. C’est-à-dire qu’en ce qui concerne le carbone, elle a déjà réalisé sa transition énergétique il y a 50 ans, dans les années 1970. Mais, curieusement, la génération de boomers qui voyait du haut de ses vingt ans cette souveraineté se construire aura tout fait pour la déconstruire pendant les 50 années suivantes, à l’aide d’une doxa sous domination de l’écologie allemande. L’échec énergétique berlinois actuel est donc le moteur puissant qui replace le nucléaire parisien sur sa trajectoire d’il y a 50 ans, c’est-à-dire le cycle fermé.

La Russie ou l’Ukraine n’ont jamais remis en cause l’électricité nucléaire malgré le drame de Tchernobyl. Au contraire, Moscou n’a cessé de progresser dans ce domaine au point que Rosatom conquière le leadership mondial, profitant du vide laissé par la calamiteuse gestion d’Areva puis de sa faillite à cause de la désastreuse opération Uramin. Si Areva n’avait pas été société nationale, elle aurait sans doute été découpée, vendue et désindustrialisée comme Alstom, créant là aussi des fortunes.

La Chine a également profité des 20 dernières années pour considérablement progresser et bâtir une future énergie électrique moins charbonnée indépendante et basée sur l’hydraulique, l’éolien et le nucléaire.

Enfin les États-Unis, anciens leaders mondiaux, se sont remis au travail pour revenir aux premières places de l’énergie nucléaire.

Ces stratégies mettent en évidence que l’ubris, la souveraineté, l’indépendance, la conquête sont les moteurs des Doctrines Énergétiques et des Solidarités Stratégiques des pays qu’ils soient des démocraties fonctionnant sous des contraintes économiques et environnementales ou bien des régimes non démocratiques sans ces mêmes contraintes.

Le temps qui s’est écoulé en France depuis les années 1990 correspond au temps politique pour qu’une erreur antinucléaire « à la mode » d’une ancienne génération soit reconnue comme une erreur sternutatoire par la suivante et que celle-ci la dissolve dans la solution: le retour du nucléaire.

Le temps est long dans l’énergie, il ne faut donc pas se tromper.

C’est pourquoi Berlin peut dire avec exactitude que soudainement, le temps d’une guerre, les prix de l’électricité actuels permettent aux renouvelables d’être rentables, mais l’erreur est de ne pas voir qu’ils sont hors de prix pour les consommateurs.

En d’autres termes, des renouvelables rentables parce que les prix de l’électricité sont élevés à cause du prix du gaz russe, c’est d’autant moins la solution que cette Doctrine énergétique aura facilité la catastrophe russo-ukrainienne.

Se tromper dans l’énergie en Allemagne c’est également être obligé de rouvrir des centrales à lignite lorsque le gaz russe n’est plus livré.

Se tromper dans l’énergie en Allemagne, et en France aussi, c’est prendre le risque, d’une part, de protestations dont Paris a connu les affres il y a 4 ans à cause d’amateurisme politique et, d’autre part, le risque d’un déclassement économique à cause d’une électricité chère et plus coûteuse que celle de pays concurrents, face à laquelle des taxes carbone aux frontières ne pèseront pas lourd.

Désormais, compte tenu des interdépendances électriques européennes, la nouvelle politique énergétique de Berlin ne peut pas se permettre de se tromper, en s’imposant à elle-même et à l’Europe une deuxième stratégie énergétique catastrophique en moins de 50 ans.

Au contraire, l’Allemagne doit faire sa révolution des idées, re-nucléariser son électricité et la coupler avec ses renouvelables plutôt que de compter sur son lignite ou le gaz russe. Révolution des idées, car ce nucléaire moderne doit faire office de nettoyeur de nos déchets nucléaires actuels. Il doit brûler dans des réacteurs à neutrons rapides (RNR) des charges atomiques qui seront formées du combustible usagé d’aujourd’hui. La France doit également s’engager résolument sur ce chemin, car l’intérêt est que là où 140 tonnes d’uranium minier sont nécessaires dans une centrale actuelle pour produire 1GWatt d’électricité, il suffit de 1,4 tonne (100 fois moins) de déchet gratuit pour produire la même quantité d’électricité dans un RNR. La Chine, le Japon l’Inde et la Russie sont en avance dans ce domaine, le RNR Brest-OD-300 de Rosatom est ainsi prévu d’être achevé en 2026.

Gratuit en effet, puisque ces déchets recyclés en nouveau carburant dans l’économie circulaire européenne du nucléaire sont déjà stockés en Allemagne ou en France ! Ils nous assurent donc une indépendance vis-à-vis de l’uranium minier et d’autres fournitures et donc une réelle souveraineté, car nous disposons de quantités de combustible usagé capable de produire notre électricité pendant 3. 000 ans à 10 .000 ans.

L’imprécision des chiffres est ici un avantage, car une durée si longue transforme l’électricité nucléaire en renouvelable vertueux puisque cette économie circulaire du nucléaire assure une quantité d’électricité sans déchets, pilotable, abondante et à un prix européen maîtrisé pour toujours.

Maîtrisé en effet, puisque la matière première, le combustible recyclé, est déjà chez nous. Pour toujours également, car après 3 000 ans à 10 000 ans, cette électricité pilotable, non intermittente, nous aura permis de découvrir une nouvelle forme d’énergie.

Cette dernière sera peut-être celle du thorium ou l’abandon de la fission nucléaire et l’embarquement pour ITER et la fusion nucléaire, l’énergie des étoiles. Là, deux seaux d’eau de mer permettront à chaque Français d’avoir de l’électricité pour une vie entière, sans engendrer de déchets.

La difficulté de cette perspective n’est pas technique, mais politique, car cette indépendance électrique anéantit un dogme écologiste commun à l’Allemagne et la France. Dès lors qu’ils sont brûlés en produisant de l’électricité, le problème des déchets est supprimé. Nous sommes donc bien face à un choix qui nécessite des personnels politiques qui comprennent vraiment la technique plutôt que la communication.

Comme l’écrivait une philosophe des manœuvres politiques : « Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le mensonge possède le grand avantage de savoir d’avance ce que le public souhaite entendre ou s’attend à entendre. »

La fermeture programmée de tous les réacteurs allemands (mais peut-être leur prolongement après 2022), la fermeture de Fessenheim (c’est bien dommage), l’abandon du programme Astrid sur les RNR (regrettable), les petits réacteurs modulaires (sans commentaire), les EPR et demain les réacteurs à neutrons rapides ou Iter: la souveraineté électrique ne peut s’établir dans l’inconstance politique zigzagante en fonction de vogues électorales.

Elle peut en revanche se durcir à cause d’une guerre. C’est pourquoi ce ne sera ni Angela Merkel ni son successeur qui seront les responsables d’une électricité allemande et européenne réatomisée, mais Vladimir Poutine et c’est bien là tout le paradoxe.

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(*) Didier Julienne anime un blog sur les problématiques industrielles et géopolitiques liées aux marchés des métaux. 

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