Sommet européen : Merkel-Hollande, en désaccord sur tout
Merkel qui joue son avenir électoral sur sa fermeté vis-à-vis de l’Europe et Hollande qui lui joue sa popularité actuellement en berne se sont affrontés et finalement sont en désaccord sur tout. La partie a commencé devant le Bundestag. Juste avant son départ, la chancelière a vigoureusement relancé son ambition de confier à Bruxelles un droit de veto sur les budgets et les déficits des États de l’euro, France comprise. Dans la foulée, elle a fait savoir qu’elle n’attend «pas de décision concrète» du sommet sur la priorité de François Hollande: une avancée décisive vers une supervision européenne des banques, d’ici à la fin de l’année. Elle insiste: «Il s’agit de poser les bonnes questions.» La réplique du président français n’a pas tardé: «Le sujet, c’est l’union bancaire et pas l’union budgétaire», a lâché le chef de l’État lors d’un déjeuner avec les dirigeants du Parti socialiste européen. À ses yeux, «la seule décision à prendre» concerne la mise en place de la supervision des 6 000 banques de la zone euro, engagée lors du dernier rendez-vous européen, le 29 juin. Après ce bruyant dialogue de sourds, Angela Merkel et François se sont retrouvés pour une explication en tête à tête. Souriants mais tendus, ils ont ensuite rejoint ensemble leurs vingt-cinq collègues de l’UE. Le fossé qui s’est creusé en 48 heures fait craindre un sommet pour rien. L’union bancaire, étape cruciale vers une consolidation de l’euro et un règlement de la crise espagnole, semble menacée de paralysie. «Les marchés financiers et les investisseurs y ont cru, confie un responsable européen. Ils craignent aujourd’hui d’être déçus. Tout le monde est aux aguets.» Le chef de l’État a reconnu les divergences franco-allemandes, en les attribuant à des calendriers politiques décalés: la France sort d’une présidentielle, alors qu’Angela Merkel «a ses propres rendez-vous», avec une bataille décisive pour le Bundestag en septembre 2013. Mais quelle que soit l’explication, François Hollande insiste sur le respect des décisions prises, avec en arrière-plan «un environnement très dur sur le plan social et économique». Le président, soutenu par l’Italie, l’Espagne et d’autres pays du Sud, veut sortir du sommet avec en poche un calendrier précis de mise en route de la supervision bancaire. Le projet est très technique. C’est pourtant le sésame qui autoriserait des interventions massives de la BCE et du nouveau Mécanisme européen de stabilité (MES) au bénéfice de Madrid et d’autres capitales endettées. Le président a tracé une ligne rouge mercredi, dans une interview à six quotidiens européens: «Je veux que toutes ces questions soient réglées d’ici à la fin de l’année.» La chancelière, elle, semble de moins en moins pressée de tenir l’échéance. L’Allemagne craint d’être sollicitée financièrement dès que les vannes seront ouvertes. Jeudi matin, devant le Bundestag, son discours était plutôt celui d’un général en campagne. «Au bout du compte, dit-elle, les pays de l’euro ne pourront pas faire l’impasse sur une nouvelle architecture politique, permettant d’instaurer plus de stabilité. C’est la condition pour que l’Europe du XXIe siècle reste compétitive. L’enjeu est de préserver notre prospérité et notre style de vie.» Balayant les réticences de Paris, Angela Merkel a plaidé pour «un véritable droit d’ingérence sur les budgets nationaux quand ils ne respectent pas les limites fixées» au niveau européen. Sous les applaudissements, elle a aussi rejeté l’un des projets fétiches de François Hollande: les euro-obligations: «L’Assemblée nationale française devrait alors décider de notre budget et le Bundestag du budget italien, assure-t-elle. Cela n’aurait pas de sens.»