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Critique de la théorie effrondiste

Critique de la théorie effrondiste

Sans déni ni naïveté, le nouvel essai des deux spécialistes de philosophie de la nature et d’éthique environnementale, Catherine et Raphaël Larrère critique la collapsologie et son « innocuité politique ».(par David Zerbib dans le  Monde)

« Le pire n’est pas certain. Essai sur l’aveuglement catastrophiste », de Catherine et Raphaël Larrère, Premier Parallèle, 208 p., 18 €, numérique 12 €.

Faut-il croire en l’effondrement prochain de notre civilisation ? Plusieurs auteurs à succès, scientifiques, essayistes ou politiques, ont popularisé l’idée que cette conséquence des dérèglements de l’écosystème planétaire serait inéluctable. Certains, comme l’ancien ministre de l’environnement Yves Cochet, vont jusqu’à dater cette fin du monde imminente, autour de 2030. C’est toutefois Pablo Servigne qui, en France, a défendu avec le plus de retentissement la thèse de l’effondrement, preuves chiffrées et courbes vertigineuses à l’appui, en particulier dans Une autre fin du monde est possible (avec Gauthier Chapelle et Raphaël Stevens, Seuil, 2018).

Voilà pourquoi ses prises de position font l’objet, dans Le pire n’est pas certain, des critiques les plus systématiques. Respectivement philosophe et ingénieur agronome, Catherine et Raphaël Larrère veulent en effet dénoncer dans ce livre l’idéologie « effondriste », qui s’est vu attribuer, à la suite des théories de l’Américain Jared Diamond, le nom scientifique de « collapsologie » (de l’anglais collapse, « effondrement »).

Spécialistes de philosophie de la nature et d’éthique environnementale, les Larrère ne veulent pas pour autant verser de l’eau polluée au moulin des défenseurs du business as usual, ni boire les paroles consensuelles du « développement durable » ou de la « croissance verte ». Pas plus de déni que de naïveté : il y a bien urgence. Puisqu’une croissance illimitée dans un monde fini est impossible, puisque la crise écologique annoncée depuis le début des années 1970 est désormais avérée, si les Etats n’agissent pas, notre système, aussi complexe que vulnérable, est de fait menacé. Comment donc ne pas adhérer à la prophétie de malheur des collapsologues, ni reconnaître sa vertu mobilisatrice ? C’est là toute la difficulté théorique et politique à laquelle se confrontent les auteurs.

Deux types de catastrophisme

Au-delà de l’effet de sidération et de fascination exercé par la catastrophe annoncée, il faut distinguer deux types de catastrophisme. Le premier serait « ontologique », c’est-à-dire qu’il décrirait une réalité nécessaire, absolue, certaine, comme le font les collapsologues. Le second serait « méthodologique » et relèverait du « catastrophisme éclairé » défendu par le philosophe Jean-Pierre Dupuy. Selon cette approche, il ne s’agit pas de proclamer quel serait le sens de l’histoire mais de définir un futur probable afin de créer les conditions pour qu’il ne survienne pas.




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