EDF lâche le solaire
EDF va sans doute céder sa filiale Photowatt.
Après avoir investi, depuis sa reprise en 2012, près de 360 millions d’euros dans une filiale toujours jugée comme « structurellement déficitaire », la branche EDF Renouvelables (dont dépend Photowatt) aurait ainsi annoncé à ses salariés la semaine dernière qu’un nouveau projet de rachat est en cours de discussions, auprès d’un consortium d’acteurs européens.
Si sur le terrain, la perspective d’une solidification de l’entreprise en faisant rentrer de nouveaux actionnaires semblerait, en elle-même, plutôt bien accueillie par une portion des salariés, la perspective d’un possible désengagement total d’EDF au sein du capital de la filiale fait cependant bondir.
Un tel retrait constituerait en effet une « grave erreur stratégique pour EDF, comme pour l’Etat », selon la CFE-CGC, qui rappelle que dans un contexte « ultra favorable » au développement de l’industrie solaire, « il est incompréhensible qu’EDF décide de se retirer totalement de l’actionnariat de Photowatt ».
EDF Renouvelable ne souhaite pas confirmer l’information à ce stade.
La CFE-CGC, l’un des trois syndicats présents chez Photowatt, estime que « malgré des investissements de la part d’EDF pour maintenir l’outil de production à l’état de l’art, EDF ne montre aucune volonté pour ramener l’entreprise sur le chemin de la rentabilité ».
Le syndicat brandit notamment en exemple le projet de la ferme solaire annoncée au sein de la centrale nucléaire de Creys-Malville, en Isère. Un exemple jugé emblématique, pour lequel « EDF a préféré utiliser des panneaux asiatiques, plutôt que ceux de sa filiale, Photowatt, située à 26 km de là, alors que nous avions remporté un appel d’offres pour un projet voisin, situé à Saint-Savin par un autre développeur », explique à La Tribune Emilie Brechbuhl, ingénieure et déléguée syndicale CFE-CGC.
Depuis 2019, le nombre de projets remportés par Photowatt auprès de sa maison-mère se serait ainsi tari drastiquement, affirment les représentants du personnel. Questionné à ce sujet, le groupe EDF Renouvelables justifie quant à lui ses choix par les critères présents au sein des appels d’offres de la CRE, ainsi que son engagement de consulter, à chaque reprise, sa filiale Photowatt, tout comme l’ensemble des acteurs du marché.
Et Barbara Bazer-Bachi, élue CGE-CGC du CSE, d’abonder : « Nous répondons aux appels d’offres, mais le critère principal est toujours en premier lieu celui du prix », rappelle-t-elle. « Le critère carbone ne pèse pas encore assez », abonde également à la commission Mines et Energie de la CGT, Cédric Thuderoz.
« EDF justifie sa position en disant qu’il n’est pas un industriel chargé de développer la filière photovoltaïque, mais il est important selon nous que l’Etat, à travers EDF, reste présent au capital d’un acteur comme Photowatt, afin de conserver une souveraineté sur des approvisionnements amenés à être critiques », reprend Barbara Bazer-Bachi.
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Comment sauver EDF ?
Comment sauver EDF ?
Un papier de la Tribune pose la question de savoir comment sauver financièrement EDF après la décision du gouvernement de limiter la hausse du prix de l’électricité.
L’ ‘Etat est intervenu cette semaine pour limiter à 4% la flambée en France du prix de l’électricité. En décidant d’augmenter unilatéralement de 20 TWh (térawattheures) la part de l’électricité revendue « à prix d’ami » (le fameux Arenh) à ses concurrents par EDF, Bruno Le Maire vient de prendre une décision de pays collectiviste que ne renierait pas un Mélenchon, favorable à un retour à des prix administrés pour certains biens essentiels, comme c’est le cas de l’électricité. La facture sera de plus de 8 milliards d’euros pour l’électricien public français dont le cours de Bourse (il est détenu à 81% seulement par l’Etat) s’est effondré au cours d’un « vendredi noir ».
En réalité c’est bien une semaine noire qu’a vécu EDF, et l’électricien français vit, après la bonne nouvelle de l’accord en cours de négociation à Bruxelles sur le classement du nucléaire dans la « taxonomie » des énergies vertes, à l’heure d’un désalignement des planètes, raconte Marine Godelier, notre journaliste Énergie avec l’annonce successive de problèmes de corrosion et de sûreté dans plusieurs centrales nucléaires puis le choc d’un énième report de la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, à au moins 2023…
Au total, en associant les baisses de taxes sur les prix de l’énergie et la revente à prix cassé de la production d’EDF, l’Etat aura mis pas loin de 14 milliards d’euros sur la table pour freiner seulement la morsure de la flambée des prix de l’énergie sur le pouvoir d’achat des ménages. Qui doute encore après qu’Emmanuel Macron est un président-candidat ? Valérie Pécresse lui reprochera-t-elle à nouveau de « cramer la caisse » ? Mais que ferait-elle de différent face à la brutalité de la hausse de l’inflation via les prix de l’énergie qui ont poussé les prix en décembre à 2,8%, au plus haut depuis 2018 ?
En réalité, même tempéré par des interventions étatiques comme en France, c’est à l’équivalent du choc pétrolier de 1973 auquel on assiste et les banquiers centraux ont bien du mal à rassurer en affirmant telle Christine Lagarde la présidente de la BCE vendredi que « les moteurs de l’inflation vont ralentir en 2022 » après un pic hivernal autour de 5% en moyenne dans la zone euro. La BCE pourrait agir en prévention pour empêcher le dérapage d’une inflation au plus haut depuis 25 ans en Europe.
Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale a moins de pudeur et prépare les investisseurs à un resserrement monétaire. La perspective de hausse des taux commence déjà à calmer l’exubérance boursière et la spéculation sur les crypto-monnaies avec un bitcoin sous les 40.000 dollars, loin des 100.000 escomptés par la banque américaine Goldman Sachs. Année de la consécration pour le bitcoin ? Pas si sûr.
Une autre banque américaine, très présente en France via son siège historique de la place Vendôme, met les pieds dans le plat en affirmant que la prochaine étape pour EDF sera une recapitalisation financée par l’Etat. Si le consommateur français peut se réjouir à court terme, il doit s’inquiéter comme contribuable car la facture, non seulement de ces 8 milliards mais plus globalement, celle de la remise en ordre des comptes du géant français de l’électricité confronté à une équation impossible – financer le nucléaire, de la rénovation du parc existant à la construction éventuelle de nouveaux réacteurs plus modernes comme annoncé par Macron, financer aussi la diversification dans les énergies renouvelables-, finira par arriver. Et il faudra bien que les pouvoirs publics s’expliquent devant les consommateurs, contribuables et électeurs français pour dire comment et par qui elle sera payée.
La chute du titre EDF pose à nouveau la question de sa place en Bourse. L’éléphant dans la pièce, c’est évidemment la restructuration pour l’instant avortée d’EDF, le fameux projet Hercule d’un EDF « bleu » pour le nucléaire restant public et « vert » pour les énergies renouvelables privatisées. Abandonné l’an dernier faute de trouver un accord entre EDF, les syndicats de l’électricien et la commission de Bruxelles, la question va revenir en boomerang, plus vite qu’on ne le pense, ne serait-ce que parce que Bruno Le Maire a dû négocier un accord de Bruxelles pour faire accepter la limitation de la hausse des prix de l’électricité annoncée jeudi… Selon notre chroniqueur Marc Endeweld, Jean-Bernard Lévy, le bouillant PDG d’EDF, convoque le Top 200 des cadres de l’électricien lundi pour affronter la crise. Et si c’était le moment de relancer Hercule, ou Ulysse. Il faudra bien un demi-dieu grec pour sauver EDF et le sujet de l’avenir de l’électricien et des prix de l’énergie pourrait bien s’inviter au cœur de la présidentielle.