Alstom-GE-EDF: Réémergence de l’affaire sulfureuse
Compte tenu des risques qui pèsent sur le carnet de commandes de turbines Arabelle, constitué aux deux tiers de commandes du géant russe Rosatom, EDF veut réviser la valorisation de cette acquisition. À la suite de l’invasion russe en Ukraine, la Finlande a rompu son contrat avec Rosatom pour la livraison d’une nouvelle centrale nucléaire.
L’ affaire des achats ventes et revente des ex turbine Alstom risque de revenir à la surface de l’actualité. On se souvient que Macron avait en quelque sorte imposé avec les Américains la vente des turbines d’Alstom à general electric dans des conditions plus que troubles. Conditions sans doute également liées au financement de la campagne de Macron ( affaire enterrée par la justice).
Aujourd’hui c’est EDF qui s’interroge. EDF qui déjà est dans une situation financière particulièrement délicate et qui a du obéir à la demande de Macrno de racheter les fameuses turbines vendues précédemment par Alstom à GE.
Et l ‘offensive russe en Ukraine relance l’affaire des ex-turbines Alstom. Près de quatre mois après s’être félicité à Belfort du retour sous le pavillon français des célèbres turbines Arabelle, cédées il y a sept ans de façon très controversée à General Electric, EDF est sur le point de rouvrir la boîte de Pandore. En cause : le prix jugé aujourd’hui surévalué face aux risques de désistement de grands clients qui ont signé la construction de centrales avec le principal client de ces turbines, le géant du nucléaire russe Rosatom.
La Finlande a donné le signal. Le 2 mai, le consortium à majorité finlandaise, Fennovoima, a annoncé annuler son contrat avec le russe Rosatom pour construire le réacteur Hanhikivi-1, dans le nord du pays. Il invoque des risques « aggravants provoqués par la guerre en Ukraine », en plus des retards significatifs et de l’incapacité de Rosatom à délivrer la centrale.
Vente de la branche énergie à General Electric (Wikipedia )
Le 23 avril 2014, alors que Patrick Kron et Jeffrey Immelt, PDG de General Electric, discutent confidentiellement aux États-Unis les derniers détails de la vente de la branche énergie du groupe, l’agence Bloomberg publie une dépêche révélant les négociations entre les deux PDG.
Le rachat partiel d’Alstom par General Electric, est proposé pour un montant de 13 milliards de dollars.
Le 27 avril, une offre alternative est faite par Siemens, par laquelle ce dernier exprime son souhait d’acquérir les activités énergétiques d’Alstom, contre une partie des activités ferroviaires de Siemens.
Patrick Kron doit accepter l’offre de rachat de la branche énergie d’Alstom par le groupe américain General Electric (GE) face aux pressions du gouvernement américain (cf. infra) et à l’emprisonnement abusif d’employés stratégiques d’Alstom comme Frédéric Pierucci . La branche restante d’Alstom, c’est-à-dire les activités de transport qui ne représentent alors qu’un tiers du chiffre d’affaires du groupe, serait chargée du paiement de l’amende liée à un procès de corruption intenté aux États-Unis sur une base d’extraterritorialité des lois anticorruption .
Le 30 avril, le conseil d’administration d’Alstom accepte l’offre de 12,35 milliards d’euros de General Electric, pour ses activités énergétiques. Les actionnaires approuvent cette offre à 99,2 %. General Electric confirme son offre de 16,9 milliards de dollars.
Le 5 mai 2014, General Electric annonce son souhait d’acquérir 25 % de la filiale énergétique indienne d’Alstom pour environ 389 millions de dollars, si son offre globale réussit.
Le même jour, le gouvernement français s’oppose à l’offre de General Electric, s’inquiétant des activités turbine de la filière nucléaire française civile et militaire, des emplois et du futur de ses activités ferroviaires, invitant General Electric à regrouper ses activités ferroviaires avec celles d’Alstom.
L’état tente de renforcer son poids dans la négociation. Le 16 mai, Il promulgue le décret no 2014-479 qui étend à de nouveaux secteurs de l’énergie, de l’eau, des transports, des télécommunications et de la santé publique les pouvoirs du décret no 2005-1739, qui portent sur la possibilité donnée au gouvernement de mettre un veto sur des investissements étrangers qui portent atteintes aux intérêts stratégiques.
Le 16 juin, Siemens et Mitsubishi Heavy Industries émettent une nouvelle offre commune alternative à celle de General Electric. Siemens souhaite acquérir les activités d’Alstom dans les turbines à gaz pour 3,9 milliards de dollars et Mitsubishi Heavy Industries formerait des co-entreprises avec Alstom sur ses activités du nucléaire, de la distribution électrique et de l’hydroélectricité, pour 3,1 milliards de dollars5.
Le 19 juin 2014, General Electric annonce une variation de son offre initiale, sur la même valeur, mais avec davantage d’échanges d’actifs par la création d’une co-entreprise sur les activités électriques renouvelables, sur les réseaux de distributions d’énergies, sur les activités de turbines à vapeur et sur les activités nucléaires. General Electric s’engage également à vendre son activité dans la signalisation ferroviaire à Alstom5
Le 20 juin 2014, Siemens et Mitsubishi Heavy Industries modifient leur offre regroupant les co-entreprises proposées en une seule entre Alstom et Mitsubishi et augmentent la partie de l’offre en liquide de Siemens de 400 millions d’euros à 4,3 milliards d’euros.
Le même jour, le gouvernement français annonce soutenir dorénavant l’alliance entre Alstom et General Electricet vouloir prendre 20 % des actions d’Alstom (rachetés à Bouygues). Mais les tractations entre Bouygues et l’État semblent difficiles, les parties prenantes du dossier ne s’entendant pas sur le prix.
Le 4 novembre 2014, le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron (successeur d’Arnaud Montebourg), autorise l’investissement de General Electric dans Alstom.
Comment sauver EDF ?
Comment sauver EDF ?
Un papier de la Tribune pose la question de savoir comment sauver financièrement EDF après la décision du gouvernement de limiter la hausse du prix de l’électricité.
L’ ‘Etat est intervenu cette semaine pour limiter à 4% la flambée en France du prix de l’électricité. En décidant d’augmenter unilatéralement de 20 TWh (térawattheures) la part de l’électricité revendue « à prix d’ami » (le fameux Arenh) à ses concurrents par EDF, Bruno Le Maire vient de prendre une décision de pays collectiviste que ne renierait pas un Mélenchon, favorable à un retour à des prix administrés pour certains biens essentiels, comme c’est le cas de l’électricité. La facture sera de plus de 8 milliards d’euros pour l’électricien public français dont le cours de Bourse (il est détenu à 81% seulement par l’Etat) s’est effondré au cours d’un « vendredi noir ».
En réalité c’est bien une semaine noire qu’a vécu EDF, et l’électricien français vit, après la bonne nouvelle de l’accord en cours de négociation à Bruxelles sur le classement du nucléaire dans la « taxonomie » des énergies vertes, à l’heure d’un désalignement des planètes, raconte Marine Godelier, notre journaliste Énergie avec l’annonce successive de problèmes de corrosion et de sûreté dans plusieurs centrales nucléaires puis le choc d’un énième report de la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, à au moins 2023…
Au total, en associant les baisses de taxes sur les prix de l’énergie et la revente à prix cassé de la production d’EDF, l’Etat aura mis pas loin de 14 milliards d’euros sur la table pour freiner seulement la morsure de la flambée des prix de l’énergie sur le pouvoir d’achat des ménages. Qui doute encore après qu’Emmanuel Macron est un président-candidat ? Valérie Pécresse lui reprochera-t-elle à nouveau de « cramer la caisse » ? Mais que ferait-elle de différent face à la brutalité de la hausse de l’inflation via les prix de l’énergie qui ont poussé les prix en décembre à 2,8%, au plus haut depuis 2018 ?
En réalité, même tempéré par des interventions étatiques comme en France, c’est à l’équivalent du choc pétrolier de 1973 auquel on assiste et les banquiers centraux ont bien du mal à rassurer en affirmant telle Christine Lagarde la présidente de la BCE vendredi que « les moteurs de l’inflation vont ralentir en 2022 » après un pic hivernal autour de 5% en moyenne dans la zone euro. La BCE pourrait agir en prévention pour empêcher le dérapage d’une inflation au plus haut depuis 25 ans en Europe.
Aux Etats-Unis, la Réserve fédérale a moins de pudeur et prépare les investisseurs à un resserrement monétaire. La perspective de hausse des taux commence déjà à calmer l’exubérance boursière et la spéculation sur les crypto-monnaies avec un bitcoin sous les 40.000 dollars, loin des 100.000 escomptés par la banque américaine Goldman Sachs. Année de la consécration pour le bitcoin ? Pas si sûr.
Une autre banque américaine, très présente en France via son siège historique de la place Vendôme, met les pieds dans le plat en affirmant que la prochaine étape pour EDF sera une recapitalisation financée par l’Etat. Si le consommateur français peut se réjouir à court terme, il doit s’inquiéter comme contribuable car la facture, non seulement de ces 8 milliards mais plus globalement, celle de la remise en ordre des comptes du géant français de l’électricité confronté à une équation impossible – financer le nucléaire, de la rénovation du parc existant à la construction éventuelle de nouveaux réacteurs plus modernes comme annoncé par Macron, financer aussi la diversification dans les énergies renouvelables-, finira par arriver. Et il faudra bien que les pouvoirs publics s’expliquent devant les consommateurs, contribuables et électeurs français pour dire comment et par qui elle sera payée.
La chute du titre EDF pose à nouveau la question de sa place en Bourse. L’éléphant dans la pièce, c’est évidemment la restructuration pour l’instant avortée d’EDF, le fameux projet Hercule d’un EDF « bleu » pour le nucléaire restant public et « vert » pour les énergies renouvelables privatisées. Abandonné l’an dernier faute de trouver un accord entre EDF, les syndicats de l’électricien et la commission de Bruxelles, la question va revenir en boomerang, plus vite qu’on ne le pense, ne serait-ce que parce que Bruno Le Maire a dû négocier un accord de Bruxelles pour faire accepter la limitation de la hausse des prix de l’électricité annoncée jeudi… Selon notre chroniqueur Marc Endeweld, Jean-Bernard Lévy, le bouillant PDG d’EDF, convoque le Top 200 des cadres de l’électricien lundi pour affronter la crise. Et si c’était le moment de relancer Hercule, ou Ulysse. Il faudra bien un demi-dieu grec pour sauver EDF et le sujet de l’avenir de l’électricien et des prix de l’énergie pourrait bien s’inviter au cœur de la présidentielle.