Taxe carbone, écotaxe : l’imposture fiscale, économique et environnementale française
L’ingénierie fiscale française est sans limite, une pathologie qui touche toutes les sensibilités politiques, tous les technocrates, tous les écolos. Pour résumer, il s’agit de soigner le monde carboné par la saignée fiscale. Le remède radical des médecins de Molière qui guérissaient les malades, lesquels mourraient de la thérapie de choc. Il est évident qu’en tuant l’économie française on aura aussi fait disparaitre le carbone, à un détail près : on aura reporté les émissions polluantes sur d’autres pays car il faudra bien toujours consommer… (Et accessoirement payer mais avec quelle richesse ?). La première et principale imposture est écologique. La taxe carbone et l’écotaxe à l’ origine sont théoriquement destinées à réduire les flux de marchandises en renchérissant le coût du transport. Une belle intention mais malheureusement contredite par la réalité de la politique des transports et la complexité des processus de production. On oublie un peu vite que l’augmentation fiscale pèsera essentiellement sur les produits français (chaque élément du processus de production sera taxé tandis que les importations ne subiront qu’une fois cette fiscalité). Par ailleurs et surtout le renchérissement du coût du transport va constituer une aubaine supplémentaire pour les transporteurs étrangers qui déjà pillent le marché national grâce au cabotage (le droit pour des camions étrangers de faire du transport interne en France). Or ce sont les camions des ex pays de l’Est qui pullulent en France car ils pratiquent des prix de dumping et contournent la législation française. Surtout des pavillons bulgares, roumains, polonais. Or ces pays ont des niveaux de coûts très inférieurs aux coûts français et les prix qu’ils offrent peuvent être de 30 à 50 inférieurs aux tarifs des entreprises françaises. Du coup avec l’écotaxe et la taxe carbone, c’est la mort du pavillon routier français qui a déjà disparu à international et est attaqué de toutes parts en France. Ces pavillons étrangers ne modifieront qu’à la marge leur prix et seront encore plus compétitifs que les pavillons français. Par ailleurs dans une période de crise comme actuellement, les chargeurs (clients du transport) vont exiger de revoir les tarifs routiers pour annuler l’effet de l’écotaxe. De ce fait, l’écotaxe n’aura plus aucun sens environnemental. Pour le transport pour compte propre (transport privé,) c’est un handicap supplémentaire pour la compétitivité surtout pour des zones éloignées come la Bretagne (mais il y en a d’autres). Cette taxe est une imposture écologique car elle devait être utilisée pour développer le rail et autres mode alternatifs au rail. Hélas, les hausses de fiscalités n’ont jamais permis le développement du fer car l’offre est obsolète, de qualité médiocre et non compétitive du fait du niveau et de la structure de ses coûts. Malheureusement le fret ferroviaire est à l’agonie surtout en France. Et ce ne sont pas les dernières grèves des cheminots qui vont améliorer son image auprès des clients. La France vient à peine de décider d’une taxe carbone que renaît le spectre de l’écotaxe en région parisienne pour le transit, ensuite pour les autres trafics et sans doute progressivement pour toutes les régions. L’exécutif politique de la région parisienne par démagogie sans doute veut limiter dans un premier temps l’écotaxe au transit et espère en tirer 100 millions de nouvelles ressources. On se demande comment on peut atteindre 100 millions quand la défunte écotaxe prévoyait un taux de 0.14cmes au km. Il faudrait passer à près de 5 euros du km pour atteindre ces 100 millions en région parisienne. Ces taxes sont des impostures économiques car elles vont encore plomber une compétitivité française déjà très malade. Faut-il rappeler, et rappeler encore, que la France détient le triste record des prélèvements obligatoires qui représente plus de 56% du PIB en 2015 (richesse nationale). Comme déjà indiqué on vient aussi de décider d’une taxe carbone. Cette nouvelle taxe veut se distinguer de la composante carbone progressive instaurée par la loi de finances 2014 dans la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui vise les émissions diffuses de CO2 par le biais, essentiellement, de la consommation de carburants, par exemple pour le chauffage ou dans les transports. De sept euros par tonne de CO2 en 2014, cette « contribution climat énergie » a été portée à 14,5 euros en 2015 et 22 euros en 2016. La loi de transition énergétique prévoit de porter cette composante de la TICPE à 56 euros la tonne en 2020 et 100 en 2030, en passant par 30,5 en 2017, 39 en 2018, 47,5 en 2019. En réalité la nouvelle taxe carbone risque de se cumuler (voire d’être fondue avec l’actuele). En clair, c’est un impôt supplémentaire On peut se poser la question de la pertinence économique et environnementale de ce nouvel impôt. En effet il ne s’agit ni plus ni moins que de mettre une taxe supplémentaire sur la pollution. Est-ce que cette taxe sera ou non de nature à peser sur le choix du consommateur afin de réduire les émissions polluantes ? Rien n’est sûr car tout dépendra de l’offre alternative dont peut disposer le consommateur ; or en l’état actuel des technologiques le choix est relativement réduit. Pour le transport par exemple, dans les grandes villes, certains voyageurs peuvent faire le choix des transports collectifs mais pas les résidents en banlieue ou a fortiori dans les zones rurales. L’offre est également très réduite entre les différentes techniques concernant le chauffage ou alors il convient de procéder à des investissements qui ne sont accessibles qu’aux plus hauts revenus. La plus grosse critique qu’on peut émettre concernant la taxe carbone, c’est son utilisation. Pour le fret, on a déjà vu que malheureusement le fer était en voie d’extinction. En réalité, il n’est nullement prévu que le produit de cette taxe carbone contribue à la réduction des émissions polluantes, on compte seulement sur son caractère incitatif ; le produit financier sera affecté pour réduire le déficit budgétaire. Autrement dit, il s’agira d’une fiscalité en plus. Contrairement à ce que pensent certains écolos la taxe carbone n’est pas la martingale qui permet de résoudre la question des les émissions polluantes. D’abord cette taxe ne sera pas un niveau suffisamment dissuasif sauf à amputer brutalement le pouvoir des consommateurs ce qui socialement est difficilement envisageable. Du point de vue économique, c’est une imposture car faute d’harmonisation fiscale au plan mondial, les effets de cette fiscalité fiscale spécifique seront sans effet sur la décarbonation à échelle internationale. Mais nombre économistes en mal existentiel trouvent là l’occasion de réinsérer dans le champ marchand et fiscal une problématique environnementale qu’ils ont longtemps ignorée. Or la taxation ne saurait constituer le réel remède miracle pour décarboner notre mode de production et de consommation ; la régulation ne peut être réduite aux taxes. Il convient de combiner une certaine taxation de la pollution avec un renforcement progressif des normes en réservant les énergies fossiles aux activités sans possibilité de substitution actuellement (notamment chimie, transport routier, de fret, transport aérien), en imposant la voiture électrique à échéance d’une vingtaine d’années, en développant les rééquilibrant le mix énergétique. . Le hic de la COP 21 c’est que c’est que le dispositif fiscal mondial n’est pas harmonisé. Conclusion : déjà affectée par un prélèvement obligatoire de près de 57%, la compétitivité française (la moins performante en Europe sur le plan social (coût et temps de travail) court le risque de mourir sous les coups répétés d’une trouble alliance des écolos, des fiscalistes, des économistes et des politiques. Une alliance pour des motifs contradictoires qui posent une sérieuse question d’éthique.