Société- Quelle transition écologique (Julien Dossier )
Avant son intervention au sommet Change Now, jeudi 30 janvier, au Grand Palais à Paris, franceinfo a interrogé Julien Dossier cet expert de la ville durable sur sa démarche. (extraits)
pourquoi la rationalité ne suffit-elle pas face au réchauffement climatique ?
C’est une question qu’on peut poser à tous les fumeurs, qui savent lire « Fumer tue » et qui pourtant prennent un paquet de cigarettes. Il y a un poids de l’habitude, une dépendance par rapport à un mode de vie qui fait qu’on ne change pas de manière radicale. Radicale, pas dans le sens violent, mais dans le sens d’aller à la racine, de toucher les fondements du système qu’on doit aujourd’hui faire bouger. Je pense qu’il y a en partie un problème d’imagination, de marge de manœuvre et d’émotion.
Nous sentons que les sujets sont graves, mais nous espérons ne pas être touchés. Nous nous sentons à l’abri, nous croyons que nous n’avons pas besoin de changer. Ce raisonnement-là est de moins en moins vrai parce que les ramifications des catastrophes climatiques finissent par nous toucher : qualité de l’air, sécheresses, inondations.
Dans votre livre, vous critiquez la vision communément admise du mur vers lequel nous nous dirigeons, ainsi que la notion d’effondrement soudain. Vous écrivez : « Comme dans une pièce de Beckett, nous attendons une forme d’effondrement qui ne viendra pas ». Pourquoi ces notions ne vous conviennent pas ?
Nous nous construisons une image de l’effondrement à la manière d’Hollywood, qui livre des films comme Blade Runner 2049, Mad Max ou Wall-E. Dans ces films, on nous montre un monde qui s’est effondré, qui ne marche plus du tout, une vision post-apocalyptique. Ces films disent qu’il y a eu une catastrophe planétaire, un événement unique, qui a eu des conséquences sur toute la planète. Cette vision hollywoodienne nous fait attendre une grande catastrophe, un événement qui va tout casser. Cet imaginaire nous empêche de regarder ce qui est en train de se passer, en Australie ou en Amazonie, ce qui s’est déjà passé et qui devrait nous alerter. Il ne s’agit pas d’attendre une crise ultime, parce qu’en attendant, nous ne sommes pas à l’œuvre pour résoudre les crises actuelles.
Votre livre enjoint le lecteur à se lancer dans une véritable transition écologique. Par où commencer ?
Il faut entrer dans une approche segmentée, pour ne pas proposer de solutions uniformes. Quelqu’un sous la contrainte d’une mobilité subie, qui manque de moyens pour investir, rénover sa maison ou se nourrir autrement ne va pas avoir la même réponse que quelqu’un qui a les moyens de faire tout cela. Nous avons besoin d’avoir une réponse diversifiée, adaptée aux circonstances de chacun.
Le point commun qui va peut-être réunir tout le monde, c’est de consacrer du temps à ce sujet. On peut l’utiliser pour s’informer ou pour changer ses habitudes de transport. Vous pouvez par exemple vous dire, au début, que vous consacrez 15 minutes pour la planète par semaine. Ce quart d’heure, vous pouvez l’allouer à des temps de trajet. Je peux accepter 15 minutes de plus sur mon temps de trajet, divisé par cinq jours actifs, cela fait 3 minutes que je peux consacrer à attendre que quelqu’un vienne me chercher si je fais du covoiturage.
Sur la question écologique, il y a un grand débat entre les gestes individuels et les actions collectives, d’associations ou d’entreprises. Certains se disent : « Cela ne sert à rien que je change mon comportement tant que telle entreprise continue d’extraire des énergies fossiles. » Dans votre ouvrage, vous plaidez pour l’action individuelle. Pourquoi ?
Nous avons besoin d’agir sur tous les fronts, de se saisir des moyens dont on dispose, là où on en dispose. Pour moi, l’objectif, c’est de rendre chaque instant que nous vivons dédié à cette urgence climatique. Quand ces choix se traduisent à l’échelle individuelle, agissons à l’échelle individuelle : le contenu de notre assiette, la façon dont on utilise notre temps… Chercher à s’informer sur ces questions-là plutôt que de regarder des vidéos de chats sur internet, c’est un choix individuel.
Ensuite, il y a des actions qui nous engagent dans notre capacité à être parent d’élève, électeur, employeur ou investisseur. C’est le fait de réunir l’action de plusieurs personnes et d’unir nos forces qui donne du sens à ce que chacun d’entre nous peut faire. A l’échelle d’un groupement d’entreprises, on peut parler de covoiturage, d’espace de coworking avec un impact significatif sur un bassin de vie de centaines de milliers de personnes. A plus petite échelle, nous pouvons agir à l’échelle d’un quartier, dans une cage d’immeuble, dans une fête d’école, dans une salle de spectacle. Tous ces leviers-là nous permettent de gagner en impact.
Pour vous, il n’y a donc pas de petits gestes ?
Il faut cibler l’efficacité, ne pas se tromper d’ordre de grandeur. Dans son livre L’énergie durable : Pas que du vent ! (De Boeck, 2015), David MacKay rappelle que quand on débranche un chargeur de téléphone pour éviter de consommer de l’électricité, on touche 0,5% de la consommation du foyer par jour. C’est très bien de le faire, mais l’essentiel est ailleurs. Il y a également une différence entre les « projets petits pas », qui nous font pédaler comme des hamsters dans une roue mais qui ne nous font pas avancer d’un pas, et les « actions premier pas ».
Après avoir fait cette matinée à la craie, l’étape suivante, c’est de trouver des solutions pour des enfants qui habitent à plus de 500 mètres de l’école. Là, nous avons besoin d’équipements, de vélos, de triporteurs, de trottinettes. Il faut le temps de les acheter, il faut libérer des moyens.
Il faut donc éviter de se dire : « C’est bon, je fais déjà des efforts, je peux m’arrêter là » ?
Il ne faut pas se mentir. J’ai reçu quelques semaines après les fêtes de Noël un message d’un ami, qui disait « Voilà, je suis parti à Oman, maintenant, j’aimerais compenser mon voyage en avion. Qu’est-ce que tu recommandes ? » Je lui ai recommandé un mécanisme de compensation, la location de parcelles forestières dans lesquelles du carbone est séquestré, mais surtout j’ai répondu en disant qu’il est urgent de lire le résumé pour décideurs du rapport spécial du Giec à 1,5°C. Puis, je l’ai invité à poser la question de savoir s’il fallait continuer aujourd’hui de planifier des voyages dans des destinations comme celle-là. N’avons-nous pas d’autres formes d’actions de loisir plus proches de nous qui permettent de se passer de l’avion ?
La compensation peut être un véritable outil. Mais si c’est une simple excuse pour se donner bonne conscience en prenant l’avion pour aller faire la fête à Marrakech, c’est honteux.
Il y a un autre discours, que l’on entend chez les personnes qui rechignent à changer leurs habitudes pour tenir compte de la crise climatique. C’est celui qui consiste à dire : « L’innovation technologique nous sauvera. » A l’inverse, dans votre fresque, vous ne proposez que des techniques qui existent déjà. Vous ne croyez pas à cet argument de l’innovation ?
Non. D’abord, parce que nous manquons de temps. …. Nous créons des complexités en allant vers des systèmes techniques qui supposent une extraction de matière première, de la consommation d’énergie pour les distribuer et des technologies, y compris numériques, pour en suivre la maintenance… Sur ces variables-là, il y a de forts risques d’approvisionnement : nous manquons de ressources minières en métaux et en terre. Il va y avoir des tas de blocages dans le déploiement de ces technologies. Par exemple, il faut prendre la mesure de la consommation de données de solutions automatisées. Quand on parle de la voiture autonome, c’est le patron d’Intel qui indiquait que les données pour un million de voitures sont équivalentes à celles de 3 milliards de personnes. Nous ne pouvons pas imaginer un déploiement à grande échelle de ces technologies-là. Nous ne ferions que transformer le problème du climat en un problème d’énergie. Nous devons être sobres dans les solutions qu’on utilise et augmenter nos chances de réussite en utilisant ce qu’on maîtrise.
Sur la gauche de votre fresque, vous avez dessiné votre ville durable. Quelles sont ses caractéristiques ?
Il y a une double urgence dans les villes. Nous ne sommes pas seulement dans une urgence d’atténuation des émissions, mais aussi d’adaptation. Quand il a fait 40 °C à Paris l’été dernier, nous pouvons imaginer que les étés prochains ne vont pas être tellement plus froids. Nous devons privilégier des solutions de végétalisation et de déminéralisation des villes pour réduire l’effet « îlot de chaleur ». Cela pose une question sur l’aménagement et sur la gestion du foncier. Aujourd’hui, on voit du foncier et on se dit : « Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir bâtir dessus ? ». Demain, il faudra regarder cela autrement. C’est sur ces espaces-là qu’on va devoir se poser la question de « Comment faire pousser des arbres ? » Nous avons besoin d’arbres : un arbre, c’est trois climatiseurs en ville. Une approche par le végétal a énormément de vertus : elle participe à l’adaptation au changement et réduit la consommation d’énergie.
……Cela crée aussi des débouchés pour des producteurs à proximité des villes qui, aujourd’hui, cherchent à améliorer leurs revenus en vendant en direct ou en réduisant les distances de transport.
Au centre de votre fresque, il y a une série de bâtiments que vous appelez « la membrane » et qui sépare la ville de la campagne. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?
…. Pour moi, il est essentiel d’avoir cela en tête, nous sommes dans un système mutuellement dépendant : la partie urbaine a besoin d’une partie naturelle pour produire à manger. C’est là où l’essentiel de l’alimentation des villes se passe. Sans campagne, il n’y a pas de céréales, de bétail, de fruits ou de légumes. Les villes ne peuvent pas fonctionner seules, elles ne disposent pas de la surface nécessaire intra-muros pour cultiver du blé ou de forêts permettant de créer des charpentes pour les ossatures bois.
Ensuite, la zone de frontière n’est pas une séparation, qui oppose l’un à l’autre, mais une zone qui construit l’alliance entre ces deux grands systèmes. Ces zones frontières sont des zones où l’on va retrouver des implantations industrielles, là où on va avoir la rencontre de la main-d’œuvre qui vient des villes et des matières premières acheminées de l’extérieur. C’est aussi là où on va stocker des réserves, qui vont être des silos à grains, des chambres froides… Ce sont des zones ressources qui sont dans des interfaces entre partie urbaine et partie rurale. On y voit également une gamme de solutions de transport : un tram-fret pour transporter passagers et marchandises, du covoiturage, des pistes cyclables aménagées pour des triporteurs, pour nous permettre de sortir de « l’autosolisme », cette façon d’être seul dans sa voiture à moteur thermique.
A droite, vous dessinez une campagne où l’on voit beaucoup de cultures et peu d’élevages. Dans votre monde durable, l’alimentation est donc moins carnée que dans le nôtre ?
Je me suis référé aux travaux de Solagro, un projet qui s’appelle Afterres 2050. C’est la traduction dans le milieu agricole des objectifs de l’accord de Paris. Nous savons que la bascule d’une alimentation d’origine carnée à une alimentation d’origine végétale est beaucoup plus sobre en ressources. Il faut sept fois plus de ressources en surface pour produire la même quantité de protéines animales que de protéines végétales. Nous devons donc réduire massivement les émissions en réduisant notre consommation de viande. Il s’agit d’accompagner cette bascule avec une émergence d’une alimentation qui utilise beaucoup plus les céréales et les légumineuses.
L’animal est présent dans cette fresque, pour rappeler qu’on a besoin de matière organique pour fertiliser le sol. Le réchauffement climatique pose la question du bon dimensionnement de la place de l’animal.
Il faut multiplier le nombre de bêtes pour faire le même nombre de côtes de bœuf, nous avons des pratiques alimentaires qui ne sont pas efficaces. Le mode d’élevage intensif, souvent hors-sol, dépend de l’importation de tourteaux de soja venant principalement du Brésil, sur des sols conquis sur la forêt primaire en Amazonie. Il y a des effets en cascade qui sont provoqués pour répondre à une tendance actuelle d’extension des élevages en stabulation [des élevages en espaces restreints et clos], avec des circuits d’animaux qui donnent le tournis. J’ai en tête, dans la Loire, des installations qui font venir des veaux d’Italie pour les faire pâturer quelque temps en France, puis les faire repartir. Ce sont des norias de camions derrière.
Ce n’est pas visible dans la fresque, mais vous défendez dans votre livre une agriculture sans pesticides. Que répondez-vous à ceux qui estiment que nous ne pouvons pas nourrir l’ensemble de la population sans l’agrochimie ?
Ce qui est frappant, c’est de constater que l’opposition entre pro et anti-pesticides est aujourd’hui très stérile. Nous avons d’un côté une mesure de la productivité à l’hectare sur une récolte : si je charge mon sol en engrais et que je mets tel traitement chimique, j’obtiens tel rendement. Mais ces gens-là oublient de calculer l’impact élargi de ce genre de techniques, comme le phénomène des algues vertes en Bretagne. Nous n’avons pas imputé aujourd’hui le coût et l’impact de pertes de biodiversité sur les pratiques agricoles. Nous n’imputons pas les externalités négatives au prix du kilo ou au prix à l’hectare.
De l’autre côté, nous avons une mesure de la valeur sur un temps long. Dans l’agroécologie, on a besoin de mesurer la stabilité des écosystèmes sur des temps plus longs, pas seulement sur une saison, mais sur cinq, dix, quinze saisons. On ne mesure pas la même chose sur des horizons de temps différents. J’espère qu’on pourra arriver à un débat apaisé en se mettant d’accord sur les termes du débat. Aujourd’hui, nous n’avons même plus les termes du débat en commun, donc nous avons, forcément, deux visions du monde.
Dans votre fresque, on voit des panneaux solaires en ville, des éoliennes à la campagne, un barrage, un méthaniseur agricole… Est-ce que vous croyez à un scénario 100% énergies renouvelables ? Nous en sommes très éloignés aujourd’hui.
Nous en sommes très loin. Mais, en même temps, nous avons de très nombreuses sources, dont l’Ademe, qui ont fait des modélisations de scénarios 100% énergies renouvelables. On a tendance dans le débat français à se concentrer sur les débats du côté de l’offre et à minimiser le potentiel de la transformation de la demande. Or la proximité est un facteur d’efficacité énergétique. Nous allons réduire les distances et simplifier les outils qu’on va utiliser. Si on se déplace en marchant ou à vélo, le déplacement est beaucoup moins consommateur d’énergie.
Mais ce n’est pas une vision de décroissance : dans cette fresque, il y a énormément de choses à faire. C’est une vision de plein-emploi, de production pour mettre en œuvre cette transition.
Par exemple, dans cette fresque, il y a un mur à pêches, qui est un véritable réservoir d’efficacité énergétique. C’est un mur de briques qui permet de stocker la chaleur du soleil dans la journée et de la restituer sur une plage élargie. On optimiste la captation du rayonnement solaire, chaque fruit bénéficie d’un maximum d’apport d’énergie du soleil et on coupe le vent, on protège la plante des effets des vents froids en hiver. Cela permet de produire des fruits plus au nord et de ne pas en faire venir de loin. Le cumul de ces actions montre qu’on a un réservoir de réduction de consommation d’énergie considérable.
Dans votre livre, vous plaidez pour un « strict encadrement » de l’économie de marché et pour « une puissance publique forte ». Un changement qui risque d’être combattu par les milieux économiques. Comment opérer cette transition ?
Il y a aujourd’hui une tension qui se crée entre des pratiques d’un ancien temps et celles qui sont largement souhaitées et portées par la société. Mais nous avons des alliés économiques qui sont en train de faire basculer les décisions, notamment les investisseurs de long terme, comme les fonds de pension ou les caisses de retraite, qui doivent prendre en compte le climat dans l’impact de leurs investissements, à horizon dix, vingt ou trente ans. Ce sont ces acteurs qui ont été les premiers à peser sur les décisions de désinvestissement dans le charbon. Nous sommes aujourd’hui en train d’élargir le périmètre aux hydrocarbures.
Transition écologique agricole : comment en finir avec la chimie ?
Transition écologique agricole : comment en finir avec la chimie ?
Justine Lipuma, CEO & Cofondatrice de Mycophyto. start-up basée à Sophia Antipolis commercialise une technique unique au monde. Associés aux tomates ou à la lavande, des champignons microscopiques permettent d’accroître la production tout en protégeant la plante. (chronique la Tribune)
« A l’occasion de la remise des prix du concours d’innovation i-Lab, le 4 juillet dernier, Justine Lipuma était sur un petit nuage. Non seulement Mycophyto, la start-up deeptech qu’elle a lancée en 2017 pour commercialiser le résultat de ses recherches était reconnue, mais en plus, le prix lui était remis par Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. « Elle a été l’une des enseignantes qui a le plus compté dans le choix de mon parcours universitaire », confie Justine Lipuma. Et surtout, « elle a souligné dans son discours l’importance du retour de la science à la société. C’est exactement ma vision ».
Avec, pour la jeune scientifique, une passion particulière, celle de la vulgarisation. « J’ai toujours aimé rallier des partenaires sur des projets, et pour cela, il faut faire beaucoup de pédagogie », dit-elle. Que ce soit pendant son parcours de thèse, à l’occasion des recherches collectives qu’elle a ensuite menées à l’université de Turin, ou en tant que présidente de l’association des doctorants de l’université Nice-Sophia-Antipolis, et même lorsqu’elle participait, toute jeune, à des fêtes de la science, Justine Lipuma aime parler, en termes simples, de la science, des recherches qui y sont associées et de leurs implications pour le monde. Un exercice qui lui a bien servi lorsqu’il s’est agi de convaincre des investisseurs…
Son parcours, d’abord
Une fois sa thèse de doctorat en biologie sur les interactions entre les bactéries fixatrices d’azote et les légumineuses fourragères, de type luzerne, soutenue à l’INRA, en 2015, Justine Lipuma cherche, pour son travail post-doctoral, « à trouver de vraies solutions, accessibles à tous », insiste-t-elle.
En sélectionnant la meilleure association possible de plantes et de champignons microscopiques, elle découvre qu’il est possible d’augmenter la surface d’échange des plantes, ce qui maximise la production tout en protégeant les végétaux. Un concept qu’elle a validé sur la tomate, grâce à un programme de pré-maturation à l’Université Côte-d’Azur, dont elle a été lauréate, après son passage à l’université de Turin.
Les implications, ensuite
Il s’agit ni plus ni moins « d’en finir avec la chimie et de donner les outils aux producteurs agricoles pour effectuer la transition vers une activité durable. Nos solutions s’appuient sur la biodiversité augmentée », dit-elle. Elles sont actuellement disponibles pour les tomates et les plantes médicinales et odorantes, comme la lavande.
Les enjeux, enfin
« La méthode fonctionne bien en zones arides », souligne Justine Lipuma. Alors que le réchauffement climatique menace le pourtour méditerranéen, il s’agit donc, en l’appliquant, de préserver le gagne-pain des producteurs et de dynamiser l’économie territoriale. Se greffent donc sur la transition agricole des enjeux sociaux et sociétaux.
La création de la start-up deeptech, maintenant
Une fois le concept d’interaction plante et champignons validé, Justine Lipuma trouve en Christine Poncet, de l’Unité Inra Institut Sophia Agrobiotech, l’associée idéale. Et pour cause, « Christine est spécialiste de recherche appliquée et planchait sur la conception de systèmes agricoles plus durables », dit-elle. Le transfert de la recherche vers une structure, incubée pendant 18 mois à l’incubateur public Paca-Est, et qui commercialisera à terme la technique d’association plantes et champignons, se fait donc naturellement. Par le biais d’une bourse French Tech Emergence, Bpifrance l’épaule également. Et Mycophyto voit le jour en 2017.
Premiers contrats et première levée de fonds
Les premiers contrats sont signés dans la foulée avec des coopératives et des industriels qui utilisent les plantes comme matière première. Grâce à l’intégration de la filière, les méthodes de Mycophyto devraient progressivement se diffuser aux producteurs. Cet automne, pour poursuivre la R&D, Mycophyto a levé 1,4 million d’euros auprès de Créazur (Crédit Agricole), deux family offices, Olbia et Obsidian, ainsi que Région Sud Investissement. La jeune pousse a déjà pu embaucher quatre personnes, dont une responsable R&D, une responsable de production, une assistante technique de serre et un technicien de laboratoire. « Les femmes sont en majorité chez nous ! », rit la dirigeante de Mycophyto. Les recrutements suivants porteront sur des commerciaux. De fait, une deuxième levée de fonds servira à industrialiser la méthode et à la vendre en masse. Rompue à l’exercice qui consiste à expliquer ce qu’elle fait, et surtout, pourquoi, il est évident que Justine Lipuma saura, une fois de plus, embarquer talents et financiers avec elle, afin d’apporter sa contribution à la révolution agricole.