Une transition écologique pour tous
Comme Secrétariat général à la planification écologique (SGPE, Un organisme de plus qui ne servira sans doute pas grand-chose et ui fait double emploi avec d’autres institutions notamment le commissariat au plan ! ), Antoine Pellion Rappel cependant des enjeux essentiels de la transition écologique (dans la » Tribune »)
France.
e complexe et difficile ?
ANTOINE PELLION – Pour plusieurs raisons : premièrement, c’est un poste très tourné vers l’action et les résultats sur le sujet de la transition écologique. Pour moi, c’était important d’avoir un impact et de construire une action qui relie toutes les dimensions de l’écologie.
Concrètement, en quoi consiste votre travail et celui des équipes du SGPE ? Êtes-vous le « Monsieur écologie » de l’État ?
La planification écologique concerne l’ensemble du gouvernement ( et le commissariat au Plan ? NDLR). Il y a plusieurs autres dimensions que l’environnement à proprement parler, comme le social, l’économie ou l’emploi. Le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) est le bras droit de la Première ministre sur ces questions.
Notre point de départ est l’objectif environnemental global : baisser de 55% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, s’adapter au changement climatique, lutter contre l’effondrement de la biodiversité, gérer les ressources naturelles, qui sont limitées, comme l’eau, par exemple et réduire les pollutions.
Pour construire le puzzle avec les pièces de chaque politique publique, nous avons mobilisé dans un premier temps des équipes composées d’experts thématiques (mobilité, agriculture, biodiversité, industrie, etc). Intégrés au sein du pôle « ambition », ils ont travaillé pendant plusieurs mois avec les différents ministères et en s’appuyant sur de nombreuses consultations, à synthétiser les besoins de ce plan.
Sur la base de ces travaux, de janvier à juin de cette année, nous avons organisé des réunions autour de la Première ministre et avec l’ensemble des ministres concernés. L’idée est que chaque sujet soit endossé politiquement par le Gouvernement.
Ensuite, vient le moment de la mise en œuvre, de la déclinaison du plan sur le terrain – la mission du pôle « Territoires et filières économiques ». L’idée est de mettre tout le monde autour de la table, entreprises, collectivités territoriales, citoyens et État pour aboutir à une action commune et concertée. Si je prends l’exemple des voitures électriques, les départements déploient les bornes de recharge, les constructeurs automobiles fabriquent les nouveaux modèles de voitures, et l’État apporte des subventions.
Enfin, la troisième équipe cherche à embarquer les ménages dans la transition. Soit un travail d’engagement des citoyens et de communication, notamment au travers des dispositifs de formations pour les fonctionnaires et les étudiants. Le dernier pôle, baptisé « impact », a pour mission d’évaluer les actions via des suivis de terrains, des indicateurs et revues de projet avec l’ensemble des ministères.
Cela fait deux mois que le plan d’action du SGPE a été présenté. Quels sont les premiers retours du terrain ? Avez-vous déjà rencontré des difficultés ?
Le plan a en effet été lancé il y a peu, donc c’est peut-être un peu court pour un premier bilan. Mais nous avons d’ores et déjà de premiers retours positifs. Un certain nombre d’acteurs (entreprises, collectivités et services de l’État) m’ont dit qu’avec ce plan, ils voyaient mieux la vision d’ensemble de leurs actions en vue d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris pour le climat en 2015.
Certaines collectivités territoriales nous ont d’ailleurs témoignés que notre démarche leur permettait d’être mieux alignées avec l’action de l’État, de tirer dans le même sens en quelque sorte. Il y a une forme de consensus.
Viendra enfin la question des financements que chaque acteur apportera à ce plan de transition. Ce n’est pas un sujet simple. L’État a déjà alloué 10 milliards d’euros supplémentaires en 2024, c’est une première grosse marche, mais il faut que les autres acteurs fassent leur part, notamment les collectivités territoriales.
Quel est le coût de ce plan pour l’économie française ?
Pour comprendre l’ampleur de l’investissement, il faut regarder les différents scénarios devant nous. Si on ne fait rien pour opérer cette transition, les conséquences du changement climatique seront très coûteuses pour la société.
Baisser les émissions des gaz à effet de serre, demande de diminuer considérablement notre consommation d’énergies fossiles. Si nous ne faisons rien, les prix de ces énergies vont devenir de plus en plus chers, entamant le pouvoir d’achat des ménages.
Selon le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz sur le sujet, il faut augmenter de 60 milliards d’euros par an environ l’investissement dans la transition écologique en France. C’est 50% de plus que ce qu’on faisait déjà. L’investissement dans cette transformation est certes important au départ, mais à long terme, le coût de fonctionnement est moindre dans la plupart des cas. Par exemple, la voiture électrique est plus chère à l’achat, mais faire la recharge en l’électricité, c’est moins cher que l’essence, et l’entretien est moins coûteux aussi.
Par ailleurs, même si l’investissement est important, si l’État met une partie et que les collectivités font de même, ce n’est pas inaccessible. Il faut arriver à équilibrer tout cela.
Votre plan d’action prévoit de l’efficacité et de la sobriété dans différents secteurs. Mais envisagez-vous aussi d’aller jusqu’à la « décroissance » ?
Au SGPE, nous ne défendons pas la décroissance. Dans notre plan d’action, nous comptons sur la sobriété : 20% des baisses d’émission de CO2 en France seront obtenues via celle-ci.
L’innovation technologique prend, elle, en charge 20% des efforts. L’autre partie revient au déploiement des technologies vertes existantes. Ce qui veut dire que l’on met autant de sobriété que d’innovation. N’en déplaise à nos critiques qui jugent notre plan trop « technophile ».
Si en 2030, des changements dans notre modèle global vont s’opérer, il n’y aura pas un bouleversement majeur de la société, que l’on prévoit plutôt à horizon 2050. Nous y travaillons aussi au SGPE mais nous restons concentrés sur les sept prochaines années.
La réduction des élevages fait-elle partie de votre feuille de route pour décarboner l’agriculture ?
Dans notre plan d’action il n’est pas prévu de réduire le cheptel car nous ne voulons pas augmenter les importations de viande, c’est important de le rappeler. La transition écologique dans l’agriculture passera plutôt par la manière dont on élève les bovins en adaptant leur alimentation et le mode de gestion des troupeaux. Le changement des modes de consommation alimentaires sera le levier le plus opérant pour rendre l’agriculture plus résiliente au niveau environnemental.
En quoi consistent les « COP régionales » que vous avez lancées ?
Lorsque nous avons lancé la planification écologique, de nombreuses collectivités locales ont répondu à l’appel pour contribuer activement à leur échelle. Il est important pour nous que chacun prenne sa part, visualise sa contribution. L’échelon national est lointain pour elle. Le régional est déjà plus proche.
On a baptisé ces rencontres avec le mot « COP » pour Conférences des Parties, en référence aux COP de l’ONU pour le climat. Cette année, la COP28 doit faire le bilan des efforts des pays effectués depuis l’Accord de Paris en 2015. Avec la planification écologique, nous sommes dans ce même état d’esprit : nous définissons un chemin et nous faisons le point au fur et à mesure du temps.
Dans ces « COP régionales », on ne parle pas qu’aux acteurs politiques, mais à tous les acteurs de chaque territoire : administrations et élus des départements et communes, entreprises, chambres d’agriculture, chambres de commerce et d’industrie, associations environnementales, etc.
La COP28 est sur le point de se clôturer à Dubaï avec un sujet brûlant : la fin ou la la réduction progressive du pétrole. Quelles sont vos premières impressions des débats ?
On voit aujourd’hui des incendies et des vagues de chaleur plus fréquentes et fortes, mais aussi des phases anormales de gel et des inondations. Il est donc clair que le climat change, c’est indéniable. On le mesure, on le vit. Cette réalité montre qu’il faut accélérer la baisse des émissions mais aussi s’adapter.
Ces changements nous obligent à nous reconnecter à la nature, avec des solutions sur mesure. Par exemple, en agriculture, cela veut dire passer de la monoculture à des cultures plus diversifiées. Dans la gestion des inondations, il va falloir retrouver des zones d’expansion de crues naturelles.
En tant qu’architecte principal de l’Accord de Paris pour le climat en 2015, la France est aussi une voix écoutée dans les négociations climatiques. L’ancienne ministre de la Transition écologique Barbara Pompili est présente à la COP28 en tant que conseillère spéciale à l’international du Secrétariat général à la planification écologique. De nombreux représentants de pays lui ont demandé d’échanger nos méthodes et pratiques pour opérer cette transition.
Avec un climat qui se dérègle de plus en plus rapidement, envisagez-vous d’aller plus loin que ce qui est prévu sur le développement des énergies renouvelables et le nucléaire ?
Nous avons déjà anticipé ce scénario. Les projets de construction de six réacteurs EPR, plus huit autres, sont dimensionnés sur notre besoin. Et on accélère aussi le déploiement des énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque et l’éolien en mer. On n’a pour l’instant pas réévalué cette feuille de route car elle est encore en train de se déployer.
Comment allez-vous concilier transition écologique et réindustrialisation de la France ?
Au SGPE, nous sommes convaincus que réindustrialiser avec des activités plus vertes, c’est réduire l’empreinte carbone française. En installant ce genre d’usines en France, il y aura, certes, des émissions de CO2 supplémentaires. Mais nous les avons déjà prévus dans notre plan, de manière à ce que celles-ci soient maîtrisées. On assume ce fait, car, à terme, les industries vertes seront en définitive meilleures pour l’environnement.
Par ailleurs, le président de la République a été clair sur le sujet : opérer la transformation écologique de la France nécessite de changer de nombreux équipements (création de nombreuses giga-usines pour les batteries des voitures électriques, lancement d’une nouvelle filière française de pompes à chaleur, fabrication d’électrolyseurs pour produire hydrogène vert, etc.). Si on ne veut pas être dépendant de la Chine pour ces biens, cela nécessite de renforcer notre base industrielle. La planification comporte aussi un enjeu de souveraineté.
Allier transition écologique et justice sociale, n’est pas chose aisée. Comment travaillez-vous sur cette question au SGPE ?
Cette question est intégrée dans le mandat du SGPE. Il faut en effet que cette transition soit juste, qu’elle ne laisse personne dans l’impasse. Pour y arriver, il y a plusieurs formes d’action.
Sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France, nous avons fait une répartition des efforts pour être le plus juste possible. La moitié du chemin est entre les mains des entreprises, un quart dans celles des collectivités locales et de l’État, et le dernier quart pour les citoyens. En bref, 75% du travail est à la charge des grands acteurs économiques et institutionnels, et 25% pour les ménages. C’est important de le rappeler car c’est pour nous un facteur d’acceptabilité sociale.
Sur la partie dévolue aux citoyens, nous ne demandons pas à tout le monde de tout faire tout de suite. Par exemple, on ne demande pas à tous les Français d’avoir une voiture électrique d’ici 2030. Ce serait inaccessible. L’objectif de 15% de véhicules électriques dans l’Hexagone d’ici sept ans est, selon nous, adapté. Même esprit pour l’objectif des 10% de rénovation énergétique des logements sur le territoire. On est proportionné sur l’effort qu’on demande.
Dans le budget 2024 de l’État, on a décidé d’accompagner les ménages modestes dans cet effort. Notamment sur les travaux d’isolation des logements en situation de passoir thermique. La prise en charge de l’État dans la facture a été augmentée dans le dispositif MaPrimRenov’. Le dispositif d’achat de voitures électriques en leasing à hauteur de 100 euros par mois est aussi un exemple concret de cette prise en compte d’une transition juste.
Les citoyens français sont globalement conscients des enjeux écologiques. Mais comment l’État peut-il les embarquer dans l’action ?
J’en reviens à cette répartition juste des efforts. Je pense que les individus agissent à partir du moment où ils constatent que leurs gestes sont efficaces et ont un impact. Le deuxième point important est que tout le monde fasse sa part. Si mon voisin ne fait pas la sienne, c’est démotivant. Il faut s’assurer qu’aucun acteur ne se planque et que chacun sache ce qu’il a à faire.
Après, il faut aussi être très explicite sur les progrès accomplis. Lorsqu’on voit que les actions commencent à générer des résultats, cela donne envie de continuer. Il y a un effet d’entraînement qui s’opère. En physique du climat, il y a des points de bascule qui produisent des changements majeurs sur la planète. Et bien je pense qu’il y a la même mécanique dans les processus organisationnels. Lorsqu’on arrive à fédérer les individus, il y a une sorte de fierté collective qui se crée, quelque chose d’ultra positif s’enclenche. C’est comme ça qu’on va y arriver.
Faire un premier petit pas, constater qu’il est utile, voir son voisin faire l’effort, cette démarche-là embarque les personnes. Finalement, la transition écologique est quelque chose de très collectif. Au SGPE, nous avons lancé un plan d’action, mais c’est en réalité un mode d’action.