Brexit : un accord essentiellement de libre échange
Dans une tribune au « Monde », l’économiste Stéphane Madaule analyse les termes de l’accord de commerce et de coopération qui régit, depuis le 1er janvier, les relations économiques entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Tribune. L’accord de commerce et de coopération est enfin signé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE). C’était le dernier texte majeur en négociation en vue de conclure le Brexit. Son entrée en vigueur est effective depuis le début janvier.
Au-delà des déclarations rassurantes des uns et des autres sur l’issue de ces négociations, personne ne sait si l’application de ce texte se fera dans la douleur ou engendrera une véritable coopération entre deux entités qui se séparent mais restent liées dans la durée.
Les deux protagonistes ont choisi d’un commun d’accord de continuer à échanger librement, sans taxes ni droits de douanes, pourvu que s’établissent des « conditions équitables pour une concurrence ouverte et loyale et un développement durable ».
Alors tentons de décrypter les quelques parties les plus emblématiques de ce texte de 1 354 pages, afin d’en analyser l’originalité et l’applicabilité.
Exigences apparemment contradictoires
Tout d’abord, il y a ce qui ne change pas. Pour les deux partenaires, ce sont toutes les dispositions qui concernent le non-subventionnement des activités productives et de services, l’interdiction de fausser la concurrence sur les appels d’offres publics ou par des appuis indus aux entreprises publiques, en ligne avec les règles habituelles prônées par l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Et puis, il y a ce qui change et innove.
Si l’Union européenne a accepté de continuer à échanger librement sans taxes ni droits avec le Royaume-Uni, elle a souhaité que ce ne soit pas un libre-échange déréglementé mais un libre-échange encadré par les règles de son marché intérieur. Toutefois, il était hors de question pour les Britanniques de ne pas recouvrer leur pleine souveraineté.
Afin de rendre compatible ces deux exigences apparemment contradictoires, les protagonistes de cet accord ont chacun fait un pas vers l’autre. Au titre X de cet accord (page 202), il est bien spécifié que « chaque partie est libre de définir son approche des bonnes pratiques réglementaires dans le cadre du présent accord d’une manière compatible avec son propre cadre juridique… ».
Le Royaume-Uni y trouve ainsi matière à recouvrer effectivement la pleine maîtrise de ses lois et de ses règlements, sur le plan commercial notamment. Toutefois, pour l’UE, ces évolutions réglementaires ne doivent guère être susceptibles de créer des distorsions de concurrence.
Un tribunal d’arbitrage
En conséquence au point 4 (page 208) du titre XI, il est prévu que « les parties affirment convenir l’une et l’autre que leur partenariat économique ne peut générer des bénéfices de manière mutuellement satisfaisante que si les engagements en matière de conditions équitables pour une concurrence ouverte et loyale résistent à l’épreuve du temps, en empêchant les distorsions du commerce et de l’investissement, et en contribuant au développement durable ».