Le gouvernement veut empêcher le vote de l’assemblée contre la réforme des retraites (Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale)
La présidente de l’Assemblée nationale-souvent dépassée par les événements lors des débats houleux et politiquement un peu juste- prend position- sur la loi LIOT visant à abroger la retraite à 64 ans. Ce texte, qui sera examiné le 8 juin prochain, « contrevient très clairement à l’article 40 de notre Constitution qui interdit aux parlementaires d’aggraver les charges de l’Etat ». Il faut tourner la page et « avancer sur les sujets autour du travail ».( Interview dans la Tribune)
Le 8 juin doit être examinée la proposition de loi LIOT visant à abroger la retraite à 64 ans. Elisabeth Borne a qualifié ce texte d’inconstitutionnel, d’autres parlent d’arnaques. Y aura-t-il un vote ?
YAËL BRAUN-PIVET- Il est vrai que cette proposition de loi pose plusieurs difficultés. Elle contrevient très clairement à l’article 40 de notre Constitution qui interdit aux parlementaires d’aggraver les charges de l’Etat. La deuxième difficulté consiste pour des parlementaires à revenir immédiatement sur une loi qui vient d’être adoptée définitivement. Enfin, cette proposition de loi constitue un leurre pour les Français. Elle n’a aucune chance d’accomplir un chemin parlementaire complet et d’être adoptée par le Parlement. Certaines oppositions en instrumentalisant l’Assemblée nationale font croire à tort aux Français que l’on va revenir sur la réforme des retraites.
Laurent Berger dit que la contestation à la réforme ne s’arrêtera jamais. Que pensez-vous de son attitude ?
Je n’aime pas commenter les pensées et encore moins les arrière-pensées des uns et des autres. Pour autant, cette réforme, certes contestée par les organisations syndicales et par une partie de l’opinion publique, est maintenant adoptée et promulguée. Nous avons maintenant beaucoup de sujets autour du travail sur lesquels nous devons avancer ensemble.
Gérard Larcher a prévenu que la majorité sénatoriale ne voterait pas « en l’état » le projet de loi de programmation de finances publiques. Y a-t-il un risque que le projet de budget 2024 ne passe pas, y compris avec le 49.3 ?
Le vote du budget de l’État est toujours un moment très important et structurant pour les groupes politiques au Parlement. Dans le contexte de majorité relative, la Première ministre dispose de cet outil constitutionnel – le 49.3 – qui permet de sortir du blocage sur le vote du budget. Cela n’empêche pas de d’essayer de trouver les voies et moyens pour parvenir à un compromis, comme sur l’ensemble des autres textes.
Elisabeth Borne ne veut pas recourir au 49.3 hors textes financiers. Emmanuel Macron l’a désapprouvée. Faut-il bannir le recours au 49.3 ?
Le 49.3 est un outil constitutionnel. Il a été créé dès 1958 pour faire face à deux situations : la majorité relative et l’obstruction parlementaire. Je pense qu’il ne faut pas se priver d’un outil constitutionnel lorsque les circonstances de son emploi sont réunies.
Après les retraites, une nouvelle pomme de discorde avec la réforme de l’immigration. Les responsables des Républicains ont présenté leur plan pour réguler et durcir la répression contre les flux migratoires. Leurs deux textes peuvent-ils servir à élaborer un compromis ?
Le gouvernement a présenté un texte qui porte une position équilibrée. Il y a dans les deux propositions de loi des LR des points d’accord et de réels points de divergence. Il faut maintenant voir quels sont les points de convergence. Mais j’observe que chacun veut résolument avancer sur le sujet et si tel était profondément le cas, nous devrions pouvoir trouver la voie du compromis.
Mais les dirigeants de LR affirment que « ce n’est pas négociable »…
Rien n’est jamais à prendre ou à laisser. Penser cela, c’est nier le principe même du débat parlementaire et des avancées qu’il ne manque jamais d’apporter.
Eric Ciotti déclare qu’il y a trop d’immigrés en France. Etes-vous d’accord avec lui ?
L’immigration est un sujet complexe qui doit être abordé avec beaucoup de nuance. Elle a varié selon les époques et d’une certaine façon a participé de la construction de la France d’aujourd’hui. Il y a des difficultés à régler mais évitons les raccourcis !
L’image de l’Assemblée nationale s’est nettement dégradée dans l’opinion après les débats sur les retraites. Faites-vous le même constat ?
J’observe au contraire que l’Assemblée nationale retrouve petit à petit sa place dans l’espace public et dans le cœur des Français. Lorsque je vais sur le terrain, lorsque j’échange avec les Français, ils n’ont jamais autant suivi l’Assemblée nationale. Ils sont parfois en colère contre la tournure de certains débats. Ils déplorent le manque de tenue de certains parlementaires ou les scènes de chahut mais ils sont très attachés à l’institution. On ne peut pas résumer cette première année à quelques débats très agités.