Coronavirus: il faut une réunion d’urgence de l’ONU
Cette réunion est indispensable compte tenu de la dimension mondiale du Coronavirus, de la nécessité de coordonner l’action de tous les pays, aussi de protéger les pays les plus fragiles. Youssef Chahed, ex-chef du gouvernement tunisien, réclame cette réunion en « extrême urgence » du Conseil de sécurité de l’ONU pour aider les pays plus fragiles. Certes, on objectera que l’organisation mondiale de la santé, institution créée à l’initiative de l’ONU remplit cette mission. Mais force est de constater qu’elle ne dispose pas de l’autorité politique nécessaire pour décider d’une guerre coordonnée contre le virus. L’OMS est un effet surtout sorte d’organisation scientifique sans réel pouvoir politique.
Tribune dans le Monde
« .C’est très solennellement que je m’adresse à tous, gouvernants et décideurs. Je vous parle d’Afrique du Nord, du continent africain, je vous parle des pays du Sud, où l’heure est grave. Regardons les choses sans détour, car le temps nous est compté : le Conseil de sécurité des Nations unies doit se réunir sans délai pour aider le monde à lutter collectivement contre la propagation du coronavirus. Si prompt à réagir aux conflits de par le monde quand les enjeux sont géostratégiques, le Conseil de sécurité ne peut rester si longtemps silencieux quand l’humanité partout dans le monde se bat soudainement pour sa survie. Un virus particulièrement sournois frappe partout, aveuglément, sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de religion.
Oui, l’humanité entière est en guerre contre, c’est suffisamment rare pour être relevé, un seul et même ennemi. Beaucoup de leaders mondiaux l’ont affirmé, je partage ce constat. Mais la guerre, c’est disposer d’armes. Tenir nos positions face à ce virus mortel, c’est effectuer les gestes barrières. Empêcher que l’ennemi ne passe. Chacun peut être touché, et s’il ne l’est pas, il peut être vecteur. Aujourd’hui, nous sommes tous les soldats de la vie. Fermer les frontières physiques quand le virus se fait trop présent fait certainement partie de l’arsenal de guerre. Mais, en parallèle, il faut ouvrir les frontières financières. Car il n’y a pas de guerre gagnée sans moyens financiers.
L’humanité ne peut décemment concevoir que, dans une partie de la planète, on puisse subvenir aux besoins essentiels jusqu’à permettre aux familles de ne plus payer leurs factures et aux entreprises d’être assistées, le tout à coup de milliards de dollars ou d’euros débloqués et, qu’ailleurs, on demande aux Etats et à leurs citoyens souvent les moins riches, souvent les plus exposés, de continuer à survivre économiquement et rembourser leurs dettes aux institutions internationales. Des dettes odieuses contractées souvent sous la contrainte et qui oblitèrent tout combat. Il est de même impensable que sur une partie de la planète, on ne paie plus son loyer pour permettre aux hommes de se consacrer au combat pour leur survie, alors que dans d’autres parties du monde, entre coronavirus et se nourrir, l’homme devra choisir de se nourrir. Et de surcroît pas toujours à sa faim. Nous ne sommes pas égaux face à cette pandémie. L’Afrique, qui commence seulement à en sentir les effets, ne pourra se battre à armes égales.
Le moratoire doit être au bénéfice de tous les êtres humains. Les Etats ne doivent plus dépenser que pour sauver les hommes et leur permettre de se battre. Le rôle de l’Etat est de montrer à ses citoyens comment se battre, mais il est aussi de leur donner les moyens de le faire. Ce combat, qui induit aujourd’hui le confinement pour ne plus être vecteur, qui dicte de ne plus sortir, de ne plus être en contact physique les uns avec les autres, est antinomique avec une vie économique normale. Il faut continuer à travailler, mais pas au péril de sa vie. Même si, dans bien des pays, des gens travaillaient au péril de leur vie avant même que ce virus-là ne fasse son apparition. C’est un autre débat, mais qu’il faudra avoir très prochainement, car cette crise sanitaire majeure, mondiale, nous amènera inéluctablement à repenser le système dans lequel nous évoluons.
Le Conseil de sécurité de l’ONU doit déclarer le monde en guerre, et déployer partout les moyens pour donner un sens uniforme et symétrique à cette guerre.
Le virus est arrivé chez nous en Tunisie et se répand en Afrique, là où se trouvent les pays économiquement les plus fragiles au monde. Des pays qui ne peuvent pas avoir les mêmes réponses que les autres. Des pays qui ne pourront pas payer les factures d’eau, d’électricité ou les loyers de leurs citoyens. Des pays où le revenu minimal de subsistance n’existe pas, pas plus que l’aide au chômage, parce que l’Etat n’a pas les moyens du chômage, ni même celui du travail, et parfois pas même celui de la santé publique. Mon appel part de la Tunisie mais il s’adresse, au nom de l’Afrique et de tous les pays à faible revenu, au monde entier.
Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir en extrême urgence pour déclarer une guerre mondiale à ce virus et donner au monde les moyens de la gagner. En trois mois de crise sanitaire, les marchés ont déjà perdu ce qui aurait permis au monde entier de se confiner, de se battre plus efficacement, plus sereinement contre ce qui désormais tue aveuglément. Le Conseil de sécurité se doit d’agir au nom du droit d’ingérence humanitaire, lui qui a toujours su se dresser contre l’anarchie et les guerres en enrôlant les casques bleus pour maintenir la paix. Il doit savoir très rapidement lever des financements pour le maintien de la vie.
Il faut, pour chaque pays touché, définir urgemment un standard d’aides financières, sans contreparties, en fonction de chaque jalon franchi dans le combat contre le virus, un mode opératoire pour que ces aides arrivent aux citoyens, et un calcul solidaire pour que chaque homme sur Terre puisse ne pas mourir ni de faim ni du coronavirus. De cette solidarité entre les plus démunis et les mieux lotis, c’est la sécurité sanitaire de l’humanité tout entière qui s’en trouvera garantie.
Aujourd’hui, le Conseil de sécurité doit s’engager non pas uniquement dans le combat du maintien de la paix, mais aussi du maintien de la vie. »