«Sauver d’urgence nos forêts».
David Caillouel président du Syndicat des exploitants de la filière bois (SEFB) attire l’attention sur le danger de mort d’une partie de la forêt française menacée par un coléoptère xylophage.
« Alors que la France se trouve confrontée à la pandémie du Covid, les forêts françaises voient se propager de manière galopante, sous l’effet du réchauffement climatique, une épidémie de scolytes, un coléoptère xylophage qui, en s’attaquant à l’écorce des épicéas, empêche la circulation de la sève et entraîne leur mort. Dévastant, de manière alarmante, nos massifs sylvestres et entraînant la disparition de pans entiers. Commencé, il y a deux ans, dans le Grand Est et la Bourgogne-Franche Comté, ce drame sanitaire touchait fin juin 25 000 hectares et faisait passer, en six mois, les bois contaminés de 5 millions à 9 millions de m3.
En l’absence de traitement prophylactique efficace, l’abattage des bois dévorés par ces insectes mortifères puis leur évacuation des sous-bois constituent la seule façon de préserver les bois encore sains et de freiner la contamination. La capacité d’absorption par les transformateurs français (fabricants de panneaux agglomérés ou de pellets, papetiers, etc.) des résineux malades se limitant actuellement à 6 500 000 m3, l’exportation hors d’Europe en container du surplus d’épicéas scolytés reste le seul débouché. Avant tout pragmatiques, les Allemands ont, avec l’aide financière de leur gouvernement, expédié, depuis le 1er janvier, 2 258 000 m3 en Asie (contre 155 000 pour la France).
Pour avoir contribué, après les tempêtes Lothar et Martin en 1999 et Klaus en 2009, au renouvellement de nos forêts en évacuant et en exportant hors d’Europe les chablis, les exploitants forestiers sont aujourd’hui les mieux placés pour agir.
« L’Anses a autorisé depuis décembre 2019 une solution chimique pour laquelle le Ministère de l’Agriculture refuse toujours la délivrance de certificats phytosanitaires, sans donner d’explications crédibles »
Sens des responsabilités. Alors que les autorités chinoises acceptent un traitement phytosanitaire chimique, les autorités françaises imposent pour l’export un traitement thermique au prix exorbitant de 15 euros le m3, le plus souvent supérieur au coût d’achat des épicéas abattus. Pourtant, l’Anses, l’autorité en charge de l’évaluation des produits phytosanitaires, a autorisé depuis décembre 2019 une solution chimique (le Forester par brumisation en container et en zone portuaire protégée) pour laquelle le Ministère de l’Agriculture refuse toujours la délivrance de certificats phytosanitaires, sans donner d’explications crédibles. En divisant par cinq les frais phytosanitaires (de 3 euros par m3), le recours à ce traitement non-CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) et non-toxique rendrait pourtant l’exportation de nos épicéas malades compétitive, endiguerait la progression géométrique galopante des scolytes et assurerait aux propriétaires privés les revenus nécessaires au reboisement, tout en permettant de réduire d’autant les aides étatiques.
Plus grave, alors que les exploitants forestiers sont le principal rempart contre la propagation du scolyte, le SEFB, leur syndicat majoritaire, est actuellement écarté par le Ministère de l’Agriculture de la cellule de crise chargée de gérer cette pandémie, dont il a pourtant été le premier a demandé la création.
On ne peut à la fois vouloir s’opposer à un fléau sanitaire dramatique et refuser de se donner les moyens d’y mettre fin. A l’instar de la mobilisation générale contre le Covid et du sens des responsabilités prôné par le Président de la République, l’avenir de nos forêts et de la filière bois nécessite de faire appel au bon sens et à la raison et, pour ce faire, d’intégrer d’urgence tous les acteurs de l’amont de la filière bois dans une cellule de crise interministérielle (à commencer par les exploitants forestiers et les experts forestiers qui en sont exclus) et de mettre en œuvre toutes les réponses (y compris phytosanitaires) susceptibles d’endiguer cette épidémie dévastatrice. Au nouveau Ministre de l’Agriculture, M. Julien Denormandie, qui a été saisi de ces graves dysfonctionnements, de prendre ses responsabilités.