Archive pour le Tag 'droit'

Société-Modifier le droit d’asile

Société-Modifier le droit d’asile

Le ministre social-démocrate danois Kaare Dybvad Bek et le professeur à l’université de Copenhague Peter Nedergaard exhortent, dans une tribune au « Monde », l’Europe à revoir sa politique migratoire face au mécontentement croissant des populations européennes.

Les réfugiés et les migrants en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’autres régions du monde participent chaque année à une course souvent tragique pour rejoindre l’Europe. Après la pandémie de Covid-19, l’afflux vers notre continent s’est violemment intensifié : l’année dernière, près d’un million de demandes d’asile ont été déposées dans l’Union européenne (UE), le rythme s’accélérant encore cette année.

Un tel phénomène est extrêmement inquiétant à plusieurs niveaux. D’une part parce que des milliers de personnes se noient en Méditerranée dans leur périple, mais aussi parce qu’une grande partie de la population européenne a de plus en plus le sentiment que l’immigration est hors de contrôle.

La plupart des pays de l’UE possèdent aujourd’hui des décennies d’expérience en matière d’immigration. Si de nombreux entrants non occidentaux se comportent de manière exemplaire, nombre de nos concitoyens rencontrent des frictions et des conflits culturels dans leur vie quotidienne. Les statistiques mettant en évidence un taux de criminalité élevé et un faible niveau d’emploi parmi les immigrés sont bien connues, et de nombreuses personnes ont le sentiment que leurs préoccupations concernant la radicalisation et la formation de ghettos ne sont pas prises au sérieux, à en juger par les flux de migrants se poursuivant sans relâche vers l’Europe.

Cet état de fait est en partie dû à notre système d’asile, qui est à l’origine de certaines dynamiques catastrophiques. En effet, bien que les pays européens acceptent un nombre record de demandeurs d’asile, nous abandonnons les réfugiés les plus vulnérables du monde – femmes, enfants, personnes handicapées ou en mauvaise condition physique. Ces laissés-pour-compte n’ont souvent ni l’argent ni la force nécessaire pour entreprendre le voyage dangereux vers l’Europe, et se retrouvent dans des camps de réfugiés sous-financés.

Au contraire, nous dépensons d’énormes ressources pour traiter des cas, notamment de jeunes hommes, dont beaucoup n’ont aucun motif légal d’asile, mais qui essaient d’aller en Europe pour des raisons financières, afin d’obtenir de meilleures conditions de vie.

Chaque année, les pays de l’UE examinent des milliers de demandes d’asile. L’année dernière, plus de la moitié ont fait l’objet d’un refus en première instance.

Modifier le droit d’asile

Modifier le droit d’asile

Le ministre social-démocrate danois Kaare Dybvad Bek et le professeur à l’université de Copenhague Peter Nedergaard exhortent, dans une tribune au « Monde », l’Europe à revoir sa politique migratoire face au mécontentement croissant des populations européennes.

Les réfugiés et les migrants en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et d’autres régions du monde participent chaque année à une course souvent tragique pour rejoindre l’Europe. Après la pandémie de Covid-19, l’afflux vers notre continent s’est violemment intensifié : l’année dernière, près d’un million de demandes d’asile ont été déposées dans l’Union européenne (UE), le rythme s’accélérant encore cette année.

Un tel phénomène est extrêmement inquiétant à plusieurs niveaux. D’une part parce que des milliers de personnes se noient en Méditerranée dans leur périple, mais aussi parce qu’une grande partie de la population européenne a de plus en plus le sentiment que l’immigration est hors de contrôle.

La plupart des pays de l’UE possèdent aujourd’hui des décennies d’expérience en matière d’immigration. Si de nombreux entrants non occidentaux se comportent de manière exemplaire, nombre de nos concitoyens rencontrent des frictions et des conflits culturels dans leur vie quotidienne. Les statistiques mettant en évidence un taux de criminalité élevé et un faible niveau d’emploi parmi les immigrés sont bien connues, et de nombreuses personnes ont le sentiment que leurs préoccupations concernant la radicalisation et la formation de ghettos ne sont pas prises au sérieux, à en juger par les flux de migrants se poursuivant sans relâche vers l’Europe.

Cet état de fait est en partie dû à notre système d’asile, qui est à l’origine de certaines dynamiques catastrophiques. En effet, bien que les pays européens acceptent un nombre record de demandeurs d’asile, nous abandonnons les réfugiés les plus vulnérables du monde – femmes, enfants, personnes handicapées ou en mauvaise condition physique. Ces laissés-pour-compte n’ont souvent ni l’argent ni la force nécessaire pour entreprendre le voyage dangereux vers l’Europe, et se retrouvent dans des camps de réfugiés sous-financés.

Au contraire, nous dépensons d’énormes ressources pour traiter des cas, notamment de jeunes hommes, dont beaucoup n’ont aucun motif légal d’asile, mais qui essaient d’aller en Europe pour des raisons financières, afin d’obtenir de meilleures conditions de vie.

Chaque année, les pays de l’UE examinent des milliers de demandes d’asile. L’année dernière, plus de la moitié ont fait l’objet d’un refus en première instance.

Le concept d’Etat de droit en cause

Le concept d’Etat de droit en cause


Le professeur de droit public réagit, dans une tribune au « Monde », aux critiques formulées vis-à-vis de l’Etat de droit, rappelant qu’il est le produit de luttes souvent longues, et qu’il participe pleinement de la vie démocratique.

Il est très tendance dans certains milieux politiques, à droite comme à gauche, mais aussi dans certains cercles académiques, de critiquer l’Etat de droit, cette forme constitutionnelle où tous les pouvoirs – législatif compris – sont soumis au respect de la Constitution et en particulier des droits et libertés qu’elle énonce. Il serait la cause de tous les maux : l’économie de marché qu’il légitimerait, la dissolution des liens sociaux qu’il provoquerait et l’individualisme qu’il sacraliserait. Il serait même responsable de la crise des démocraties en affaiblissant l’Etat, en désagrégeant les identités nationales, en provoquant la colère des peuples et la montée des populismes. Au moment où cette pensée unique se diffuse dans toute l’Europe, il est urgent d’affirmer que l’Etat de droit est la forme qui garantit la qualité démocratique d’une société.

L’Etat n’est pas né « Etat de droit ». Il a fallu des siècles, écrivait la juriste Mireille Delmas-Marty, « pour inventer un Etat de droit caractérisé par la séparation des pouvoirs et la garantie des droits fondamentaux » (Le Monde du 24 octobre 2019). Ces droits ne sont pas tombés du ciel ; ils sont le produit des contradictions sociales et des luttes, politiques et intellectuelles, souvent longues, souvent violentes pour les obtenir. « Dans l’épreuve quotidienne qui est la nôtre, relevait Camus, la révolte joue le même rôle que le cogito dans l’ordre de la pensée : elle est la première évidence. Mais cette évidence tire l’individu de sa solitude. Elle est un lien commun qui fonde sur tous les hommes la première valeur. Je me révolte, donc nous sommes » (L’Homme révolté, Gallimard, 1951).

Les droits fondamentaux sont tous issus de la révolte et, en ce sens, ils portent le souci de tous les hommes, ils sont le lieu commun de tous les hommes, ils signent la solidarité de tous les hommes. De cela, ils sont une politique, soulignait le philosophe Claude Lefort. Et très précisément, une politique de la société contre l’Etat. Car l’expression « Etat de droit » prête à confusion ; elle donne à croire que le droit est l’ordre dans lequel l’Etat parle, alors que le droit n’est ni le principe qui le fonde, ni la rationalité qui le guide, ni le cadre qui le contraint. La langue de l’Etat est, pour reprendre une formule de Michel Foucault (Naissance de la biopolitique, Seuil, 2004), l’économie politique ou le calcul des intérêts.

Société-Pour une « réacculturation » des citoyens aux fondamentaux du droit

Société-Pour une « réacculturation » des citoyens aux fondamentaux du droit

Afin de retrouver le sens d’un intérêt général vacillant, le juriste Stéphane Braconnier plaide, dans un essai, pour une « réacculturation » des citoyens aux fondamentaux du droit. (dans le Monde)

Se dirige-t-on vers un « monde sans droit », mais soumis aux « droits », c’est-à-dire à une gamme hétéroclite de revendications émanant d’individus ou de groupes aux motivations et aux intérêts divers, changeants, contradictoires, imprécis ? En posant cette question cruciale et très actuelle, Stéphane Braconnier, président de l’université Paris-Panthéon-Assas et enseignant en droit public de l’économie, fait œuvre de juriste et non de pamphlétaire. Son ouvrage, Un monde sans droit (L’Aube, 136 pages, 16 euros), concis et parfaitement abordable – ce qui ne va pas toujours de soi pour une matière volontiers jugée rébarbative – repose sur ce constat : « Le droit avait encore, jusqu’à une époque assez récente, cette capacité à s’imposer » à tous, cette acceptabilité apparaissant consubstantielle au pacte social.

Or, note le professeur, cette évidence n’en est plus une, attaquée de toutes parts par des exigences uniquement motivées par la prise en considération d’intérêts particuliers. La réflexion n’est certes pas nouvelle mais, passée au tamis d’un solide argumentaire juridique en lieu et place des habituelles imprécations contre tel ou tel camp, elle prend une dimension nouvelle, nuancée, apaisée.

Stéphane Braconnier milite ainsi pour un nécessaire retour aux « fondamentaux », c’est-à-dire à la compréhension que « la règle de droit est acceptée à condition que les gouvernés, dans la collectivité qu’ils forment, en perçoivent la justesse en faisant abstraction de leur situation individuelle et particulière ». Car, selon lui, le mouvement de remise en cause de la notion même de norme partagée menace aujourd’hui un édifice patiemment stratifié par le travail de la doctrine, du législateur, de la jurisprudence.

Dès lors, la voie paraît ouverte à une « approche consumériste » du droit à travers laquelle chaque individu, chaque groupe, ne tient la règle pour juste que lorsqu’elle ne heurte ni sa sensibilité, ni ses convictions, ni ses intérêts propres.

Quels remèdes apporter à cette remise en cause « protéiforme » de la norme et du droit, « vus ici comme inefficaces, trop permissifs ou intervenant à contretemps, là comme illégitimes, injustes ou trop sévères » ? L’auteur retrouve ici les accents de l’enseignant. Selon lui, la « nécessité de réacculturer la société au droit et au principe d’intérêt

Pour une « réacculturation » des citoyens aux fondamentaux du droit

Pour une « réacculturation » des citoyens aux fondamentaux du droit

Afin de retrouver le sens d’un intérêt général vacillant, le juriste Stéphane Braconnier plaide, dans un essai, pour une « réacculturation » des citoyens aux fondamentaux du droit. (dans le Monde)

Se dirige-t-on vers un « monde sans droit », mais soumis aux « droits », c’est-à-dire à une gamme hétéroclite de revendications émanant d’individus ou de groupes aux motivations et aux intérêts divers, changeants, contradictoires, imprécis ? En posant cette question cruciale et très actuelle, Stéphane Braconnier, président de l’université Paris-Panthéon-Assas et enseignant en droit public de l’économie, fait œuvre de juriste et non de pamphlétaire. Son ouvrage, Un monde sans droit (L’Aube, 136 pages, 16 euros), concis et parfaitement abordable – ce qui ne va pas toujours de soi pour une matière volontiers jugée rébarbative – repose sur ce constat : « Le droit avait encore, jusqu’à une époque assez récente, cette capacité à s’imposer » à tous, cette acceptabilité apparaissant consubstantielle au pacte social.

Or, note le professeur, cette évidence n’en est plus une, attaquée de toutes parts par des exigences uniquement motivées par la prise en considération d’intérêts particuliers. La réflexion n’est certes pas nouvelle mais, passée au tamis d’un solide argumentaire juridique en lieu et place des habituelles imprécations contre tel ou tel camp, elle prend une dimension nouvelle, nuancée, apaisée.

Stéphane Braconnier milite ainsi pour un nécessaire retour aux « fondamentaux », c’est-à-dire à la compréhension que « la règle de droit est acceptée à condition que les gouvernés, dans la collectivité qu’ils forment, en perçoivent la justesse en faisant abstraction de leur situation individuelle et particulière ». Car, selon lui, le mouvement de remise en cause de la notion même de norme partagée menace aujourd’hui un édifice patiemment stratifié par le travail de la doctrine, du législateur, de la jurisprudence.

Dès lors, la voie paraît ouverte à une « approche consumériste » du droit à travers laquelle chaque individu, chaque groupe, ne tient la règle pour juste que lorsqu’elle ne heurte ni sa sensibilité, ni ses convictions, ni ses intérêts propres.

Quels remèdes apporter à cette remise en cause « protéiforme » de la norme et du droit, « vus ici comme inefficaces, trop permissifs ou intervenant à contretemps, là comme illégitimes, injustes ou trop sévères » ? L’auteur retrouve ici les accents de l’enseignant. Selon lui, la « nécessité de réacculturer la société au droit et au principe d’intérêt

Droit d’asile : un droit détourné (Jean-Pierre Chevènement)

Droit d’asile : un droit détourné (Jean-Pierre Chevènement)

L’ex-ministre de l’Intérieur pointe dans le JDD « un problème d’absence d’harmonisation des législations au niveau de l’UE » en matière de droit d’asile. Ancien ministre de la Défense et de l’Intérieur, candidat à la présidentielle en 2002, Jean-Pierre Chevènement, qui incarne depuis un quart de siècle le souverainisme de gauche, dénonce un droit d’asile « clairement détourné de son but initial».

Il est syrien, 31 ans, a obtenu l’asile politique en Suède, mais a été débouté début juin en France et se revendique comme chrétien : que nous apprend le profil de l’assaillant d’Annecy ?
L’enquête est en cours. Il faut sans doute considérer à ce stade qu’il s’agit d’un acte d’une personne qui n’a pas tout son entendement. Mais le fait que quelqu’un qui a le statut de réfugié dans un pays de l’Union depuis manifestement une décennie puisse, malgré tout, déposer une demande d’asile dans un autre pays souligne l’incohérence des mécanismes européens. Cela s’ajoute aux divergences d’appréciation qui amènent la France à être plus généreuse en matière de protection internationale pour des nationalités identiques. D’où le fait que ces dernières années, 30 % de ceux qui ont déposé une demande d’asile en France étaient déjà passés par un autre pays européen, et même avaient déjà été déboutés dans un autre pays. Comment comprendre qu’une décision prise en Allemagne n’ait pas d’effet en France, et qu’il y ait ainsi des cordes de rappel ? Cela donne le sentiment que c’est sans fin, ou pour le moins incohérent.

L’immigration zéro n’existe pas, l’intégration de peuples entiers non plus

La guerre en Syrie avait occasionné, à partir de 2015, l’arrivée en Europe de millions de réfugiés. Ce phénomène n’a-t-il pas donné une vigueur nouvelle aux partis d’extrême droite européens, en particulier en Allemagne ?

S’agissant des Syriens, l’accueil de 3 millions d’entre eux annoncé par Mme Merkel a été une erreur, d’autant que seulement la moitié s’est établie en Allemagne. L’effet politique de la décision a été désastreux, comme l’a montré l’élection d’une centaine de députés de l’AFD au Bundestag en 2017. Plus largement, on observe depuis 2015 un essor très vif des arrivées de demandeurs d’asile dans les pays européens, notamment la France. Ce droit d’asile, initialement réservé aux « combattants de la liberté », est aujourd’hui clairement détourné de son but initial.

Ces réfugiés ont-ils été correctement accueillis, intégrés, suivis ?L’intégration, qui suppose la formation à la langue, l’accès au travail, le logement, est rendue de plus en plus compliquée du fait des fractures qui traversent notre société et du mouvement de désindustrialisation à l’œuvre depuis les années 1980. On ne pourra pas intégrer les nouveaux venus sans relance de nos capacités industrielles, condition de notre rebond économique. J’ajoute à la question de la maîtrise des flux, la problématique de la distance culturelle – de plus en plus forte – de nombre d’immigrés qui arrivent aujourd’hui. L’immigration zéro n’existe pas, l’intégration de peuples entiers non plus. La République suppose une adhésion à des principes partagés et à une culture commune. Il en va de la capacité de notre pays à tenir. C’est un enjeu de civilisation.

Les procédures en matière de droit d’asile ne comportent-elles pas de nombreuses failles, au ​niveau européen comme en France ?

Il y a tout d’abord un problème d’absence d’harmonisation des législations au niveau européen. La France est aujourd’hui l’un des pays les plus facilitants en matière de regroupement familial, d’aide médicale, d’allocations et d’appui de l’État dans l’accès aux hébergements. Elle n’a pourtant pas vocation à accueillir tous les perdants du système européen de l’asile, et devrait a minima réaligner les critères évoqués ci-dessus sur ses voisins.

Le Conseil de l’Union européenne a approuvé jeudi deux textes qui prévoient de modifier la législation européenne en matière d’immigration. Approuvez-vous cette évolution ?

On nous annonce aujourd’hui un « accord historique » entre les Vingt-Sept sur la réforme de la politique migratoire européenne. Je crains fort que cette annonce soit encore une fois un trompe-l’œil. Les États membres auraient validé une solidarité obligatoire entre tous les pays accueillant des demandeurs d’asile. Dans la réalité, le protocole de Dublin, qui rend responsables les pays d’accueil de la gestion des flux, va continuer à s’appliquer pendant deux ans. Les pays de débarquement resteront responsables de la gestion des flux. Les pays qui ne voudront pas participer devront verser 20 000 euros pour chaque personne non accueillie. Mais les Vingt-Sept n’ont pas trouvé de solutions sur la question du retour des personnes déboutées. Ils devraient renvoyer ces personnes vers un pays tiers sûr, mais aucun accord n’a été dégagé sur la définition de ce qu’est un pays tiers sûr et la liste des pays concernés. N’oublions pas par ailleurs que l’accord ensuite trouvé en commission devra être négocié avec le Parlement européen. J’ai l’habitude de ces « parlotes », ces discussions qui durent depuis des années et risquent de durer encore longtemps. C’est pourquoi je préfère un système où c’est le pays d’accueil qui a le dernier mot. C’est lui qui doit rester maître de la décision. C’est la seule manière de fonder l’Europe sur le principe de responsabilité. À défaut, ça ne marche pas. C’est pourquoi je reste partisan d’une Europe qui reste en dernier ressort une Europe des nations.

Il est certainement souhaitable que les demandes d’asile soient faites en dehors du territoire national


Les responsables de LR proposent d’accorder une supériorité à la loi française, en matière d’immigration, par rapport aux règles européennes. Faut-il modifier la Constitution afin de restaurer notre souveraineté en matière migratoire, comme ils le proposent ?

Il ne me paraît pas choquant que les intérêts de la nation priment les traités et le droit européens. La législation sur le droit d’asile ne dépend pas que de la loi, mais aussi des directives européennes et de leur application, très variable selon la jurisprudence nationale ou européenne. Il faut rétablir la suprématie de la loi. Une claire hiérarchie des normes est le préalable de toute réforme. C’est sans doute ce qu’ont voulu dire les responsables de LR qui, pour autant, ne méconnaissent pas l’utilité d’un cadre européen plus général. Le problème de la Constitution est un problème plus vaste, mais il est certain que tout pays doit tenir à sa Constitution, qui est le fondement de son identité.

Les demandes d’asile doivent-elles être formulée en dehors du territoire national, comme le demande la droite ?
Il est certainement souhaitable que les demandes d’asile soient faites en dehors du territoire national. Ne serait-ce que pour ne pas donner une prime à ceux qui entrent illégalement en France et pour éviter que les déboutés du droit d’asile ne s’y maintiennent en dépit des mesures d’éloignement prises. Ce qui est le cas de 96 % des déboutés selon un rapport de la Cour des comptes paru en 2015 ! Mais cette règle doit tolérer certaines exceptions pour permettre de protéger effectivement les combattants de la liberté.

La réponse est-elle uniquement dans plus de fermeté, plus de contrôle ? À gauche, certains, comme Benoît Hamon, demandent aussi une meilleure inclusion…

La fermeté va de pair avec l’humanité. Celle-ci ne saurait être synonyme de faiblesse. Il en va par ailleurs du respect de la souveraineté populaire, une très large majorité de Français souhaitant aujourd’hui un contrôle plus ferme des flux migratoires.

L’immigration actuelle exacerbe la crise du commun et importe des chocs culturels au sein de notre société

« L’immigration massive incontrôlée tue », a expliqué Olivier Marleix, chef des députés LR. Cette expression vous choque-t-elle ?
La gravité du crime d’Annecy ne saurait prêter à des récupérations politiciennes. Celles-ci n’auraient néanmoins pas lieu d’être si l’on traitait plus efficacement les problèmes posés par l’immigration, et si l’on se donnait les moyens de mettre fin à la crise de l’intégration qui sévit, comme je l’ai expliqué dans un petit livre qui vient de paraître, Refaire la France*.

Éric Ciotti dit qu’aujourd’hui la France vit une « submersion migratoire » ? Etes-vous d’accord?

L’immigration est un problème en soi et ce problème doit être traité sérieusement, sans démagogie. De nombreux indicateurs sont aujourd’hui extrêmement inquiétants, à l’image des 320 000 primo-délivrances de titres de séjour en 2022 – contre 125 000 en 1999 lorsque j’étais ministre de l’Intérieur. À cette époque, j’avais régularisé plusieurs milliers d’étrangers en situation irrégulière, mais le contexte était très différent et ceux-ci répondaient tous à des critères d’intégration. J’ai toujours refusé une régularisation générale en l’absence de ces critères d’intégration. Nous sommes par ailleurs en droit d’interroger la nature de l’immigration, de plus en plus sous-diplômée, extra-européenne et antinomique à ce que nous sommes. Dans un contexte d’augmentation drastique des flux, l’immigration actuelle exacerbe la crise du commun et importe des chocs culturels au sein de notre société dont la France était auparavant préservée, même si celle-ci est depuis longtemps un pays d’accueil.

* « Refaire la France », Jean-Pierre Chevènement avec les contributions de Louis Gallois et Jean-Éric Schoettl, Paris, Éditions Bouquins, 159 pages, en librairies.

Droit d’asile : Les incohérences européenne (Jean-Pierre Chevènement)

Droit d’asile : Les incohérences européenne (Jean-Pierre Chevènement)

L’ex-ministre de l’Intérieur pointe dans le JDD « un problème d’absence d’harmonisation des législations au niveau de l’UE » en matière de droit d’asile. Ancien ministre de la Défense et de l’Intérieur, candidat à la présidentielle en 2002, Jean-Pierre Chevènement, qui incarne depuis un quart de siècle le souverainisme de gauche, dénonce un droit d’asile « clairement détourné de son but initial».

Il est syrien, 31 ans, a obtenu l’asile politique en Suède, mais a été débouté début juin en France et se revendique comme chrétien : que nous apprend le profil de l’assaillant d’Annecy ?
L’enquête est en cours. Il faut sans doute considérer à ce stade qu’il s’agit d’un acte d’une personne qui n’a pas tout son entendement. Mais le fait que quelqu’un qui a le statut de réfugié dans un pays de l’Union depuis manifestement une décennie puisse, malgré tout, déposer une demande d’asile dans un autre pays souligne l’incohérence des mécanismes européens. Cela s’ajoute aux divergences d’appréciation qui amènent la France à être plus généreuse en matière de protection internationale pour des nationalités identiques. D’où le fait que ces dernières années, 30 % de ceux qui ont déposé une demande d’asile en France étaient déjà passés par un autre pays européen, et même avaient déjà été déboutés dans un autre pays. Comment comprendre qu’une décision prise en Allemagne n’ait pas d’effet en France, et qu’il y ait ainsi des cordes de rappel ? Cela donne le sentiment que c’est sans fin, ou pour le moins incohérent.

L’immigration zéro n’existe pas, l’intégration de peuples entiers non plus

La guerre en Syrie avait occasionné, à partir de 2015, l’arrivée en Europe de millions de réfugiés. Ce phénomène n’a-t-il pas donné une vigueur nouvelle aux partis d’extrême droite européens, en particulier en Allemagne ?

S’agissant des Syriens, l’accueil de 3 millions d’entre eux annoncé par Mme Merkel a été une erreur, d’autant que seulement la moitié s’est établie en Allemagne. L’effet politique de la décision a été désastreux, comme l’a montré l’élection d’une centaine de députés de l’AFD au Bundestag en 2017. Plus largement, on observe depuis 2015 un essor très vif des arrivées de demandeurs d’asile dans les pays européens, notamment la France. Ce droit d’asile, initialement réservé aux « combattants de la liberté », est aujourd’hui clairement détourné de son but initial.

Ces réfugiés ont-ils été correctement accueillis, intégrés, suivis ?L’intégration, qui suppose la formation à la langue, l’accès au travail, le logement, est rendue de plus en plus compliquée du fait des fractures qui traversent notre société et du mouvement de désindustrialisation à l’œuvre depuis les années 1980. On ne pourra pas intégrer les nouveaux venus sans relance de nos capacités industrielles, condition de notre rebond économique. J’ajoute à la question de la maîtrise des flux, la problématique de la distance culturelle – de plus en plus forte – de nombre d’immigrés qui arrivent aujourd’hui. L’immigration zéro n’existe pas, l’intégration de peuples entiers non plus. La République suppose une adhésion à des principes partagés et à une culture commune. Il en va de la capacité de notre pays à tenir. C’est un enjeu de civilisation.

Les procédures en matière de droit d’asile ne comportent-elles pas de nombreuses failles, au ​niveau européen comme en France ?

Il y a tout d’abord un problème d’absence d’harmonisation des législations au niveau européen. La France est aujourd’hui l’un des pays les plus facilitants en matière de regroupement familial, d’aide médicale, d’allocations et d’appui de l’État dans l’accès aux hébergements. Elle n’a pourtant pas vocation à accueillir tous les perdants du système européen de l’asile, et devrait a minima réaligner les critères évoqués ci-dessus sur ses voisins.

Le Conseil de l’Union européenne a approuvé jeudi deux textes qui prévoient de modifier la législation européenne en matière d’immigration. Approuvez-vous cette évolution ?

On nous annonce aujourd’hui un « accord historique » entre les Vingt-Sept sur la réforme de la politique migratoire européenne. Je crains fort que cette annonce soit encore une fois un trompe-l’œil. Les États membres auraient validé une solidarité obligatoire entre tous les pays accueillant des demandeurs d’asile. Dans la réalité, le protocole de Dublin, qui rend responsables les pays d’accueil de la gestion des flux, va continuer à s’appliquer pendant deux ans. Les pays de débarquement resteront responsables de la gestion des flux. Les pays qui ne voudront pas participer devront verser 20 000 euros pour chaque personne non accueillie. Mais les Vingt-Sept n’ont pas trouvé de solutions sur la question du retour des personnes déboutées. Ils devraient renvoyer ces personnes vers un pays tiers sûr, mais aucun accord n’a été dégagé sur la définition de ce qu’est un pays tiers sûr et la liste des pays concernés. N’oublions pas par ailleurs que l’accord ensuite trouvé en commission devra être négocié avec le Parlement européen. J’ai l’habitude de ces « parlotes », ces discussions qui durent depuis des années et risquent de durer encore longtemps. C’est pourquoi je préfère un système où c’est le pays d’accueil qui a le dernier mot. C’est lui qui doit rester maître de la décision. C’est la seule manière de fonder l’Europe sur le principe de responsabilité. À défaut, ça ne marche pas. C’est pourquoi je reste partisan d’une Europe qui reste en dernier ressort une Europe des nations.

Il est certainement souhaitable que les demandes d’asile soient faites en dehors du territoire national


Les responsables de LR proposent d’accorder une supériorité à la loi française, en matière d’immigration, par rapport aux règles européennes. Faut-il modifier la Constitution afin de restaurer notre souveraineté en matière migratoire, comme ils le proposent ?

Il ne me paraît pas choquant que les intérêts de la nation priment les traités et le droit européens. La législation sur le droit d’asile ne dépend pas que de la loi, mais aussi des directives européennes et de leur application, très variable selon la jurisprudence nationale ou européenne. Il faut rétablir la suprématie de la loi. Une claire hiérarchie des normes est le préalable de toute réforme. C’est sans doute ce qu’ont voulu dire les responsables de LR qui, pour autant, ne méconnaissent pas l’utilité d’un cadre européen plus général. Le problème de la Constitution est un problème plus vaste, mais il est certain que tout pays doit tenir à sa Constitution, qui est le fondement de son identité.

Les demandes d’asile doivent-elles être formulée en dehors du territoire national, comme le demande la droite ?
Il est certainement souhaitable que les demandes d’asile soient faites en dehors du territoire national. Ne serait-ce que pour ne pas donner une prime à ceux qui entrent illégalement en France et pour éviter que les déboutés du droit d’asile ne s’y maintiennent en dépit des mesures d’éloignement prises. Ce qui est le cas de 96 % des déboutés selon un rapport de la Cour des comptes paru en 2015 ! Mais cette règle doit tolérer certaines exceptions pour permettre de protéger effectivement les combattants de la liberté.

La réponse est-elle uniquement dans plus de fermeté, plus de contrôle ? À gauche, certains, comme Benoît Hamon, demandent aussi une meilleure inclusion…

La fermeté va de pair avec l’humanité. Celle-ci ne saurait être synonyme de faiblesse. Il en va par ailleurs du respect de la souveraineté populaire, une très large majorité de Français souhaitant aujourd’hui un contrôle plus ferme des flux migratoires.

L’immigration actuelle exacerbe la crise du commun et importe des chocs culturels au sein de notre société

« L’immigration massive incontrôlée tue », a expliqué Olivier Marleix, chef des députés LR. Cette expression vous choque-t-elle ?
La gravité du crime d’Annecy ne saurait prêter à des récupérations politiciennes. Celles-ci n’auraient néanmoins pas lieu d’être si l’on traitait plus efficacement les problèmes posés par l’immigration, et si l’on se donnait les moyens de mettre fin à la crise de l’intégration qui sévit, comme je l’ai expliqué dans un petit livre qui vient de paraître, Refaire la France*.

Éric Ciotti dit qu’aujourd’hui la France vit une « submersion migratoire » ? Etes-vous d’accord?

L’immigration est un problème en soi et ce problème doit être traité sérieusement, sans démagogie. De nombreux indicateurs sont aujourd’hui extrêmement inquiétants, à l’image des 320 000 primo-délivrances de titres de séjour en 2022 – contre 125 000 en 1999 lorsque j’étais ministre de l’Intérieur. À cette époque, j’avais régularisé plusieurs milliers d’étrangers en situation irrégulière, mais le contexte était très différent et ceux-ci répondaient tous à des critères d’intégration. J’ai toujours refusé une régularisation générale en l’absence de ces critères d’intégration. Nous sommes par ailleurs en droit d’interroger la nature de l’immigration, de plus en plus sous-diplômée, extra-européenne et antinomique à ce que nous sommes. Dans un contexte d’augmentation drastique des flux, l’immigration actuelle exacerbe la crise du commun et importe des chocs culturels au sein de notre société dont la France était auparavant préservée, même si celle-ci est depuis longtemps un pays d’accueil.

* « Refaire la France », Jean-Pierre Chevènement avec les contributions de Louis Gallois et Jean-Éric Schoettl, Paris, Éditions Bouquins, 159 pages, en librairies.

Politique- Énergies renouvelables : le Sénat écarte justement le «droit de veto» des maires

Politique- Énergies renouvelables : le Sénat écarte justement le «droit de veto» des maires

Un invraisemblable amendement des « Républicains « a finalement été rejeté par le Sénat concernant l’éventuel droit de veto des maires en matière d’infrastructures d’énergie renouvelable. En apparence, ce droit de veto pouvait constituer une sorte de progrès démocratique. Le problème c’est qu’on ne développe pas une stratégie énergétique cohérente avec l’addition des positions de responsables locaux. Ou alors les énergies nouvelles comme les éoliennes ne sont que des gadgets accessoires pour faire plaisir aux écolos et donc soumis à l’avis des maires dans un souci de pseudo rééquilibrage démocratique.

Avec un tel dispositif, on n’ aurait jamais pu construire le réseau ferroviaire, le réseau routier, le réseau électrique, le réseau numérique ou le réseau d’eau.Pour faire Face à l’anarchie de d’implantation des éoliennes, Élisabeth Borne avait proposé un temps la création d’un schéma national. Mais il semble bien que la planification écologique demeurera une coquille vide.

Certes les élus locaux doivent être concertés mais ils le sont déjà quand ils définissent les plans locaux d’urbanisme où sont définies les affectations de chaque zone.

Le nouveau dispositif adopté reprend l’amendement voté, qui part de l’avis des territoires, complété par une autre proposition du gouvernement qui donne tout de même aux maires «le dernier mot» pour la mise en place de ces projets, comme des éoliennes.

Mais en réalité Chaque maire définit des zonages dans lesquels il peut ou souhaite recevoir des énergies renouvelables.

«On remet les maires au centre du développement des énergies renouvelables, on leur donne la possibilité de définir des zones propices pour l’implantation de ces énergies. (…). Ce qu’ils ne souhaitent pas, c’est d’être mis devant le fait accompli.» Selon elle, il ne s’agirait plus d’une validation «projet par projet», mais «à l’échelle d’une zone».

En réalité , la ministre redécouvre le fil à couper le beurre puisque les zones propices à l’implantation des énergies sont déjà définies par les collectivités locales dans les PLU.

Énergies renouvelables : le Sénat Écarte justement le «droit de veto» des maires

Énergies renouvelables : le Sénat Écarte justement le «droit de veto» des maires

Un invraisemblable amendement des « Républicains « a finalement été rejeté par le Sénat concernant l’éventuel droit de veto des maires en matière d’infrastructures d’énergie renouvelable.En apparence, ce droit de veto pouvait constituer une sorte de progrès démocratique. Le problème c’est qu’on ne développe pas une stratégie énergétique cohérente avec l’addition des positions de responsables locaux.Ou alors les énergies nouvelles comme les éoliennes ne sont que des gadgets accessoires pour faire plaisir aux écolos et donc soumis à l’avis des maires dans un souci de faux rééquilibrage démocratique.

Avec un tel dispositif, on n’ aurait jamais pu construire le réseau ferroviaire, le réseau routier, le réseau électrique, le réseau numérique ou le réseau d’eau.

Certes les élus locaux doivent être concertés mais ils le sont déjà quand ils définissent les plans locaux d’urbanisme où sont définies les affectations de chaque zone.

Le nouveau dispositif adopté reprend l’amendement voté, qui part de l’avis des territoires, complété par une autre proposition du gouvernement qui donne tout de même aux maires «le dernier mot» pour la mise en place de ces projets, comme des éoliennes.

Mais en réalité Chaque maire définit des zonages dans lesquels il peut ou souhaite recevoir des énergies renouvelables.

«On remet les maires au centre du développement des énergies renouvelables, on leur donne la possibilité de définir des zones propices pour l’implantation de ces énergies. (…). Ce qu’ils ne souhaitent pas, c’est d’être mis devant le fait accompli.» Selon elle, il ne s’agirait plus d’une validation «projet par projet», mais «à l’échelle d’une zone».

En réalité , la ministre redécouvre le fil à couper le beurre puisque les zones propices à l’implantation des énergies sont déjà définies par les collectivités locales dans les PLU.

Le droit comme moyen de régulation

Le droit comme moyen de régulation ( Raphaël Gauvain)

« Notre pays doit reprendre l’initiative sur ces enjeux de conformité pour mieux accompagner nos entreprises, renforcer nos dispositifs et les porter au niveau européen » estile Raphaël Gauvain, avocat

Un article intéressant mais qui doit prendre en compte le fait que le droit transcrit dans les lois représente déjà environ 12 000 textes dont la plupart sont mal ou pas du tout appliqués NDLR

Alors que la règle de droit est d’abord un instrument de régulation, elle est aujourd’hui devenue un important levier utilisé par certains Etats dans leur rapport de force avec d’autres pays. On a assisté ces dernières années à une prolifération de législations à portée extraterritoriale, permettant à une puissance d’imposer sa loi et ses priorités politiques au reste du monde. Les menaces sont nombreuses : le combat éthique des autorités américaines contre la corruption, les inquiétantes routes de la soie du géant chinois, ou encore la multiplication des régimes de sanctions dans un environnement international toujours plus fragmenté.

Dans cette guerre mondiale sourde et dévastatrice, nos entreprises sont dans une situation de grande vulnérabilité. J’avais alerté, dénoncé et proposé des réponses en 2019 pour mieux les protéger. Il n’y a pas de fatalité en la matière. Les solutions existent pour faire de notre droit un nouvel outil de puissance.
Tout d’abord, le renforcement de la loi dite « de blocage », qui n’a en réalité jamais été sérieusement mise en œuvre. C’est une véritable lacune. Nos entreprises se retrouvent démunies face aux demandes d’informations intrusives des autorités publiques étrangères. Une refonte a été amorcée en avril dernier par décret. C’est un premier pas. Il faudra sans doute passer par la voie législative pour une réforme plus ambitieuse et plus opérationnelle.

Arme offensive. Ensuite, la poursuite des réformes initiées par la loi Sapin 2 de 2016doit redevenir une priorité. Le recours à la pratique de la Conformité est un facteur de compétitivité et d’attractivité. Nos entreprises l’ont parfaitement compris. C’est surtout un instrument de puissance par laquelle nous exportons notre modèle social et de croissance au reste du monde. C’est une arme à valeur offensive. Le succès du Règlement général de protection des données (RGPD) l’illustre parfaitement. Notre pays doit reprendre l’initiative sur ces enjeux de conformité pour mieux accompagner nos entreprises, renforcer nos dispositifs et les porter au niveau européen.

La justice négociée, second pilier de Sapin 2, doit de la même façon se poursuivre. Il s’agit de prévenir toute atteinte à notre souveraineté au motif de notre incapacité à enquêter sur la délinquance en col blanc. À cet égard, la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a permis à notre pays de retrouver une partie de sa souveraineté judiciaire. L’équilibre reste fragile. Le législateur doit de nouveau intervenir pour faciliter davantage les règlements négociés et encourager les investigations internes.

La demande de protection de la réflexion juridique de nos entreprises fait partie des doléances des récents états généraux de la justice. Espérerons que la mesure sera intégrée au projet de loi annoncé pour l’année prochaine par le Garde des Sceaux.

Raphaël Gauvain est avocat, membre du comité scientifique du Forum Resiliens dédié à la nouvelle initiative pour la souveraineté économique, et ex-député (LREM) de Saône-et-Loire

Justice : La confusion entre État de droit et propagande

Justice : La confusion entre État de droit et propagande

Ghislain Benhessa avocat et docteur en droit dénonce la confusion entreÉtat de droit et propagande après que le Conseil d’État ait validé une circulaire permettant aux enfants transgenres d’utiliser leur nom d’usage à l’école. ( dans le Figaro, extrait)

Le Conseil d’État a validé la circulaire de Jean-Michel Blanquer . Résultat: les enfants transgenres ont désormais le droit d’utiliser leur prénom d’usage – c’est-à-dire de leur choix – au cours de leur vie scolaire. La plus haute juridiction de l’ordre administratif français sacralise ainsi l’inclusivité de l’école de la République «nouveau genre» – sans mauvais jeu de mots. De l’autre, la presse s’indigne de voir la Cour suprême des États-Unis détruire nombre d’acquis sociaux et «sociétaux» – pour reprendre le lexique en vogue.

En juin dernier, c’était l’avortement que les juges américains auraient décidé d’abolir, en même temps qu’ils homologuaient le droit de porter une arme hors de chez soi. Aujourd’hui, via des questions constitutionnelles relatives à l’organisation des élections et aux convictions religieuses, seraient à leur menu les droits des Afro-américains et des homosexuels, victimes toutes désignées de leur jurisprudence rétrograde. Vu de haut, le clivage saute aux yeux. Chez nous, des magistrats progressistes prompts à corriger toutes les discriminations. Outre-Atlantique, des juges au conservatisme suspect, voire scandaleux. Pour certains nommés – comme par hasard – par ce diable de Donald Trump.

Par-delà les distinctions de nature entre ces deux juridictions – la Cour suprême se rapproche davantage de notre Conseil constitutionnel –, et par-delà les critiques qui pleuvent à l’encontre de la composition de la plus haute juridiction des États-Unis, une telle lecture procède d’une erreur fondamentale: l’oubli de ce que signifie l’État de droit. De nos jours, il est courant d’assimiler l’État de droit à l’abolition des discriminations, à la reconnaissance des singularités de chacun, à la sanctification des doléances – individuelles ou communautaires. Changer de sexe à l’état civil sans opération chirurgicale préalable? Un droit au nom du respect de sa vie privée, dixit la Cour européenne des droits de l’Homme, suivie par la Cour de cassation. Porter le voile islamique en toutes circonstances? Une «liberté» promue par la «diversité», pour reprendre le lexique du Conseil de l’Europe.

Que le Parlement européen a d’ailleurs fait sien, rejetant l’amendement de François-Xavier Bellamy qui voulait que les institutions de Bruxelles cessent de financer les campagnes de promotion du hijab. Changer de prénom à l’école – c’est-à-dire dès l’enfance – au nom de sa transidentité? La marque d’une «scolarisation inclusive» de tous les élèves et le désir d’assurer le «bien-être des jeunes concernés», selon le Conseil d’État. La trame est claire, l’objectif affiché: biffer les différences de traitement, satisfaire les désirs, permettre à chacun d’être qui il veut, comme il l’entend, quand il le souhaite. L’État de droit mué en caisse enregistreuse des revendications, en somme. Et grand ordonnateur de l’éventail des droits brandi à tout bout de champ.
À lire aussiL’ancien juge de la Cour suprême Stephen Breyer: «La Constitution sert à maintenir l’unité des États-Unis»

La prudence du juge est la démonstration de sa sagesse. L’antidote au militantisme. Et le signe qu’il ne tente pas de s’improviser législateur occulte.
Aujourd’hui, au nom des « valeurs » de l’État de droit inscrites au frontispice des traités européens et balancées au visage des mauvais élèves comme la Pologne et la Hongrie, le juge est le bras armé de la déconstruction.

Cette leçon, plus personne ne la comprend. En confondant État de droit et propagande, acte de juger et béatification du progressisme, droit et moraline, le juge se mue chaque jour davantage en suppôt de l’air du temps. Il n’est plus l’exégète consciencieux des textes qui lui préexistent, le gardien des principes dont il a la charge discrète, mais le promoteur d’une révolution des consciences. Jadis, le juge devait être «la bouche de la loi», selon la vieille formule de Montesquieu. Le subordonné du législateur. Aujourd’hui, au nom des «valeurs» de l’État de droit – dont la sacro-sainte protection des minorités – inscrites au frontispice des traités européens et balancées au visage des mauvais élèves comme la Pologne et la Hongrie, il est le bras armé de la déconstruction favorisée par le «wokisme». Plutôt que d’importer ce courant mortifère, qui fissure la cohésion nationale, méditons la position de la Cour suprême. Essayons, pour une fois, de tirer des États-Unis le meilleur. Le mauvais juge n’est pas forcément celui qu’on croit.

Droit de l’environnement : La France en accusation

 

« La transition écologique n’est pas amorcée en France ». Telle est en substance la conclusion, cinglante et fondée, du rapport annuel de l’Autorité environnementale[2]. Pourtant, cette transition n’est pas une projection pour 2030 ou 2050, c’est une obligation. Immédiate. Tout ce qui n’est pas entrepris dès maintenant sera d’autant plus pénalisant et complexe dans les années qui suivent. ( dans la Tribune)

Les procédures environnementales ne sont pas suffisantes mais ont un rôle crucial à jouer

Les projets d’aménagement qui sont conçus, réfléchis, montés aujourd’hui, le sont pour fonctionner pendant 25 ou 50 ans. Financièrement, c’est ainsi qu’est calculé leur amortissement. Réglementairement, cela doit être la même chose ! Adopter cette logique de bon sens est autant une évidence sur le papier, qu’un défi âpre dans la réalité, impliquant des choix structurants à opérer et des politiques volontaristes à adopter en matière de mix énergétique, d’aménagement du territoire, de déplacements ou d’alimentation.

Là, les réglementations environnementales ont un rôle primordial à jouer. Pas suffisantes ni indépendantes – les données sont aussi politiques, techniques et financières – elles constituent un rouage central dans et dès la conception des projets. Avec leur lot de contraintes bien sûr, comme toute procédure, mais qui dressent des garde-fous aux vertus méthodologiques permettant d’aboutir à des projets impactant positivement et durablement.

Le renforcement de la réglementation environnementale est indispensable, pas la fuite en avant !

Les promesses de lutte contre le flux de normes n’auront pas empêché l’année 2021 de battre un record avec 67 lois promulguées, selon les chiffres du secrétariat général du gouvernement[3]. Cet appétit réglementaire ne fait pas vœu de sobriété s’agissant du droit de l’environnement, passant de 1 006 articles à 6 576 en vingt ans. Ce droit, encore récent et par essence technique et pluridisciplinaire, a nécessairement vocation à s’étoffer. Une saine croissance est normale et souhaitable. Sauf que l’inflation normative finit par étouffer sa portée et son efficacité, ne favorisant pas son intégration dans la gestation des projets. Sous couvert de simplification des normes – malgré la reconnaissance du principe de non-régression en droit de l’environnement[4]- on assiste à un amoncèlement contre-productif.

Une régression par petites touches : les normes qui protègent l’environnement sont amendées… et affaiblies

En 10 ans, la nomenclature de l’évaluation environnementale (qui détermine les catégories de projets concernés soit par une évaluation systématique, soit par un examen au cas par cas) a connu plus d’une quinzaine de modifications, toujours dans le sens d’exempter plus de projets des procédures. Quand elles n’affaiblissent pas purement et simplement le droit de l’environnement, les réformes récentes s’emploient plutôt à « rectifier le tir » à contretemps, qu’à renforcer l’efficacité du cadre normatif et partant, sa capacité à préserver l’environnement.

La « clause-filet » une occasion manquée ?

Pourtant, cette évolution était souhaitable : plus aucun projet, pas même les plus petits, n’est automatiquement dispensé d’évaluation environnementale.

Sans décortiquer les modalités techniques du dispositif, il a le mérite d’inciter tout porteur de projet à se poser la question de son impact sur l’environnement au plus tôt. Sauf que concrètement, le dispositif pose encore de (trop) nombreuses questions. Celle de l’objectivité de l’autorité chargée de sa mise en œuvre (Préfet ou maire et non autorité environnementale) ; celle du risque d’induire des interprétations divergentes sur le territoire ; celle de l’effectivité du dispositif pour garantir une meilleure protection de l’environnement (15 jours pour décider d’activer ou non cette clause via une réelle analyse, c’est louable mais trop court, faute de compétences et de moyens). Celle de la sécurité juridique enfin, la non-activation de la clause-filet par l’administration ne garantissant nullement que le juge administratif partagera la même analyse.

Surtout, on peut regretter que cette nouveauté n’ait été introduite en droit de l’environnement que sur injonction du Conseil d’Etat, à force d’affaiblissement des normes environnementales, la France s’étant placée en non-conformité avec une directive européenne[5]. Loin de la « surtransposition » des directives, ne serions-nous pas en train d’aligner notre droit environnemental sur les plus faibles standards européens ?

La transition écologique n’est pas une option. Les procédures environnementales peuvent et doivent y contribuer. Elles figurent même de puissants leviers, si, au-delà des effets d’annonces, elles sont suffisamment claires, lisibles et ambitieuses. Ces procédures sont là pour rendre les projets plus verts et vertueux et non pour les bloquer. Si elles sont intelligentes et intelligemment menées, elles permettent d’intégrer l’environnement dès la stratégie de création des projets, puis au long de leur planification et deviennent alors un véritable outil de conception à « moindre impact environnemental », et non une formalité à accomplir pour mieux s’en débarrasser.

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[1] INFR(2019)2021 : Avis motivé de la Commission Européenne, délivré le 15 juillet, laissant à la France deux mois pour éviter un recours devant la CJUE

[2] Rapport annuel 2021 de l’Autorité environnementale, publié le 5 mai 2022, tiré des 159 avis rendus par l’instance en 2021

[3] Indicateurs de suivi de l’activité normative, 5 avril 2022

[4] Article L.110-1 du code de l’environnement

[5] Directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011

Droit à l’avortement dans la Constitution: une priorité en France ?

Droit à l’avortement dans la Constitution: une priorité en France ?

Il est clair qu’il faut condamner avec force la décision de la Cour suprême des Etats-Unis de révoquer la jurisprudence qui avait ouvert la voie à la légalisation de l’IVG sur l’ensemble du territoire américain. « C’est une décision catastrophique pour les femmes dans le monde », a déclaré la députée des Yvelines, en ajoutant : « Dès aujourd’hui, avec mon groupe, nous allons déposer une proposition de loi constitutionnelle pour inscrire le respect de l’IVG dans notre Constitution ». De son côté, le Haut Conseil à l’Egalité, instance nationale consultative indépendante chargée de la protection des droits des femmes et de la promotion de l’égalité des sexes, a soutenu la démarche et a appelé à « inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », précise Le Monde.

La question se pose cependant de l’opportunité aujourd’hui de précipiter une démarche pour  inscrire le droit à l’IVG dans la constitution. En effet ce droit n’est nullement en cause en France et aucun parti n’en réclame officiellement la modification.

En prenant pour premier objet politique la question de l’IVG, le gouvernement tente sans doute de masquer un peu ses hésitations sur plusieurs problèmes prioritaires notamment le pouvoir d’achat, la santé et la question climatique.

Il se pourrait bien aussi qu’il y ait quelques intentions malveillantes pour mettre en exergue les divisions du Parlement. Peut-être la division entre l’Assemblée nationale et le Sénat mais surtout sans doute la division à l’intérieur même de l’Assemblée nationale récemment élue.

D’une façon générale ,ces intentions proclamées d’inscrire de plus en plus de problématiques dans la constitution, les questions écologiques par exemple, suscite des interrogations sur ce que doit être le contenu et la permanence du texte suprême. En France pour des questions d’opportunisme souvent politique, on ne cesse de triturer la constitution quand dans d’autres pays ce texte fondateur ne bouge pas d’un iota.

Quelle évolution du droit du travail depuis Macron ?

Quelle évolution du droit du travail depuis Macron  ?

 

Les ordonnances votées en début de quinquennat ont ouvert la voie à une individualisation de la négociation, affaiblissant ainsi le rôle des syndicats. Par David Sanson, ENS de Lyon

 

Les ordonnances Macron de 2017 ont profondément modifié le droit du travail en renforçant le « dialogue social » à l’échelle de l’entreprise, faisant de celle-ci le lieu central de la production des normes d’emploi.

Ce texte entérinait ainsi un changement inédit de hiérarchie des normes dans le droit du travail, en instaurant la primauté des accords d’entreprise sur les accords collectifs de branche professionnelle. Cette transformation radicale permet de faire de la loi non plus un outil de protection des travailleurs, mais, avant tout, un moyen de sécuriser la compétitivité des entreprises.

Cinq ans plus tard, nous vous proposons de revenir sur l’esprit, les raisons et les répercussions inédites de ces mesures phares qui ont fortement marqué le début du quinquennat du président Emmanuel Macron.

 

Rappelons tout d’abord que si ces trente dernières années ont été marquées en France par la consécration du « dialogue social » comme forme légitime des relations sociales en entreprise, la pratique de la négociation collective à l’échelle des organisations a été, pendant très longtemps, quasi inexistante en France.

En effet, ce sont seulement les lois Auroux de 1982 qui ont, pour la première fois, rendu obligatoires les négociations collectives en entreprise. Depuis, de nombreuses réformes législatives se sont succédé, toutes animées par une volonté d’étendre le périmètre et le contenu de ces négociations décentralisées.

Le développement d’un dialogue local est, depuis lors, présenté par le législateur comme une solution privilégiée pour désamorcer les velléités contestataires des syndicats et des salariés, qui reposeraient avant tout sur une incompréhension des réalités économiques et des contraintes managériales auxquelles sont confrontées leurs directions.

Derrière cette promotion d’un idéal démocratique de coopération entre les salariés et leur management, ces transformations de la législation attestent d’une réalité plus sombre. Notamment, ces mesures ont commencé récemment à remettre en question le « principe de faveur » sur lequel le droit du travail français est fondé afin de mieux protéger les travailleurs.

Selon ce principe historiquement ancré, un accord d’entreprise ne pouvait exister que s’il était plus favorable, pour les salariés, aux règles négociées dans la convention collective ou les accords de branche, afin d’éviter une course au « moins-disant » social.

La succession des lois Fillon de 2004 et Bertrand de 2008 sont les premières brèches symboliques qui ont ouvert progressivement des possibilités de dérogation aux conventions collectives pour les accords d’entreprise, mais seulement sur certains critères et dans certaines conditions. Plus récemment, les lois Rebsamen de 2015El Khomri de 2016 puis, surtout, les ordonnances Macron, en 2017, parachèvent cette (r)évolution discrète.

Les ordonnances Macron, tout particulièrement, ont des implications d’une ampleur sans précédent : elles permettent désormais de renégocier complètement les clauses des conventions collectives dans tous les domaines, en actant la primauté aux accords d’entreprise sur les accords collectifs de branche, y compris en cas d’accords moins favorables pour les travailleurs.

En inversant ainsi la hiérarchie des normes, ces décrets ont alors ouvert, pour la première fois, la possibilité d’une individualisation des négociations collectives à l’échelle des entreprises.

Si les ordonnances Macron ne défendent donc pas des idées nouvelles, elles actent cependant l’aboutissement concret de plus de trente ans de « tournant entrepreneurial » du droit du travail : en déconsidérant les notions de classes et de subordination qui en constituaient le fondement, elles interprètent ce droit non plus comme un outil de protection des travailleurs, mais comme un moyen de sécuriser la compétitivité des entreprises.

En ce sens, ces multiples réformes ont surtout permis de relayer les doléances patronales, fidèlement reprises dans les ordonnances Macron, qui, en plus de déplafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciements abusifs (hors cas de harcèlement), facilitent par exemple les procédures de licenciements économiques tout en flexibilisant davantage les accords de maintien dans l’emploi.

C’est également dans cette perspective que ces ordonnances viennent bouleverser les modalités des négociations collectives dans de multiples domaines. En particulier, le fonctionnement des instances de représentation du personnel (IRP) a été profondément remanié.

La fusion des trois instances traditionnelles (CE, CHSCT, DP) en une seule (le Comité social et économique, ou « CSE ») est l’une des mesures les plus emblématiques de ces décrets : présentée comme une manière de simplifier le dialogue dans l’entreprise, cette refonte contraint en réalité fortement les représentants des salariés, en diminuant leurs ressources, et en limitant la portée réelle de leur prérogatives.

Soulignons en ce sens la réduction du nombre de représentants du personnel - jusqu’à 50 % - pour une charge de travail plus importante, ou bien encore le délai raccourci pour les possibilités de recours à des experts extérieurs (dont le financement, jusqu’alors aux frais de l’employeur, doit désormais être pour partie pris en charge sur le budget du CSE).

Notons que la suppression des CHSCT ôte d’ailleurs aux représentants des salariés l’un des dispositifs qui leur était le plus favorable dans le jeu des négociations. Enfin, les modalités même de fonctionnement du CSE peuvent être directement négociées au cas par cas, laissant ainsi toute latitude aux entreprises de définir leurs propres modalités de négociations et faisant dès lors des droits syndicaux eux-mêmes un enjeu (central) de la négociation d’entreprise. C’est ainsi aux représentants des salariés de négocier… leurs propres ressources pour négocier.

Cette vision contractuelle des relations professionnelles, qui passe complètement sous silence la nature asymétrique des liens de subordination propre aux relations hiérarchiques, se trouve en décalage complet avec la réalité des rapports de force que les salariés et leurs représentants peuvent aujourd’hui construire face à leur direction.

La fragilisation des protections collectives confère alors au patronat une position particulièrement favorable pour imposer sans contreparties le contenu et l’issue des négociations. Avec le renversement du « principe de faveur » qui fragilise le droit des salariés, les ordonnances Macron offrent en effet aux équipes de direction des outils supplémentaires d’individualisation et de flexibilisation du travail et des rémunérations, comme l’ont récemment illustré plusieurs enquêtes approfondies.

De façon plus subtile que les anciennes pratiques de répression directe, ces outils du dialogue social peuvent aussi être investis comme des moyens habiles de sélectionner les « bons » représentants des salariés et les « bonnes formes » de contestation, en encourageant notamment un syndicalisme de concertation, plus consensuel et conciliant. À ce titre, les ordonnances Macron consacrent les efforts des représentants du patronat et du législateur pour, comme le soulignait le sociologue Étienne Penissat, « institutionnaliser, légitimer et soutenir un syndicalisme « gestionnaire » compatible avec les exigences du capitalisme contemporain », tout en marginalisant, de fait, les postures syndicales contestataires.

Alors que l’esprit de ces réformes tend à discréditer toute notion de conflits et de subordination, ces évolutions nous invitent ainsi, au contraire, à réfléchir aux manières dont les représentants des salariés peuvent continuer à bâtir un rapport de force favorable à la défense des travailleurs, dans un contexte où l’asymétrie sociale avec leur employeur se trouve renforcée par les nouvelles règles de négociations collectives d’entreprise.

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Par David Sanson, Professeur régulier (eq. MCF), Université du Québec à Montréal (UQAM), ENS de Lyon.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Boris Johnson ou le mépris du droit !

 Boris Johnson ou le mépris du droit  !

 

Aurélien Antoine, professeur de droit public et spécialiste du droit britannique, estime dans une tribune au « Monde » que le premier ministre britannique, empêtré dans le « partygate », s’est fait une règle de mépriser l’Etat de droit, une habitude contraire aux traditions des tories.

 

Boris Johnson n’est certainement pas un tory authentique. Par ses violations répétées du droit, il renie l’un des fondements de la doctrine conservatrice outre-Manche, largement partagé par les autres partis, qui réside en l’attachement profond au principe de l’Etat de droit.

L’actuel premier ministre a été qualifié de populiste par son rapport particulier à la réalité. Sans prétendre trancher le débat de la définition du populisme, le point commun entre Boris Johnson, le premier ministre hongrois Viktor Orban, le président polonais Andrzej Duda, Marine Le Pen ou Donald Trump est avant tout la relation presque pathologique qu’ils entretiennent avec la règle de droit. Arguant d’une légitimité issue d’un peuple dont l’unité est contestable, toutes ces personnalités pensent pouvoir s’abstraire des normes, y compris les plus fondamentales.

L’œuvre de Boris Johnson depuis qu’il est entré en fonction en juillet 2019 est édifiante sur le terrain du principe de l’Etat de droit, qui est l’une des valeurs cardinales de la société britannique. D’abord influencé par l’éminence sombre que fut l’ancien conseiller Dominic Cummings, le premier ministre a multiplié les atteintes à la Constitution et au droit international. En 2019, la décision de proroger le Parlement en pleine crise sur l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) a été sévèrement sanctionnée par la Cour suprême.

Toujours dans le cadre du Brexit, la tentative de Boris Johnson de s’extraire des contraintes du protocole nord-irlandais, notamment par le dépôt d’un projet de loi en septembre 2020 sur le marché intérieur britannique, avait conduit la Commission européenne à engager une procédure en manquement qui sera finalement abandonnée, comme d’autres. Dominic Cummings lui-même a dû quitter ses fonctions en raison des atteintes aux règles de confinement lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19.

Avec son départ, certains espéraient que Boris Johnson allait faire preuve de plus de pondération juridique. Force est d’admettre qu’il est tombé de Charybde en Scylla. Il est bien aidé en cela par deux ministres qui ne cachent pas leur admiration pour Margaret Thatcher, Priti Patel et Dominic Raab. La première brille par son manque d’humanisme et, bien que fille d’émigrés indiens, est plus royaliste que le roi dans le traitement de la question migratoire. En concluant un accord début avril avec le Rwanda pour « délocaliser » la gestion des flux d’immigrés clandestins, tout en le présentant comme une solution respectueuse de leurs droits, la ministre de l’intérieur a battu un record de cynisme sur ce sujet tragique. La conformité de tels dispositifs au droit international et à la Convention européenne des droits de l’homme est plus que discutable.

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