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Éric Zemmour : une coalition hétéroclite d’oppositions

Éric Zemmour : une coalition hétéroclite d’oppositions

 

Les nouveaux leaders populistes ne visent pas à unir autour du plus petit dénominateur commun mais à surexciter les passions du plus grand nombre possible de groupuscules pour les additionner, analyse, dans une tribune au « Monde », Giuliano da Empoli, politiste et dirigeant du think tank Volta, à Milan.

 

Tribune.

« En matière politique, les possibles ne sont pas infinis, mais beaucoup plus larges que l’on croit. » Sa longue fréquentation du laboratoire italien a appris à l’historien Patrick Boucheron à manier avec prudence les innombrables soubresauts de la politique dont il a l’habitude de retracer l’histoire dans ses livres.

Au contraire, les observateurs qui considèrent le presque candidat Eric Zemmour comme « trop extrême », ou « trop clivant » pour aspirer au second tour de la présidentielle ou même à l’Elysée, paraissent avoir oublié que, au sud des Alpes, un mouvement fondé par un comique et un webdesigner est toujours le premier parti au Parlement.

Il fut un temps où le jeu démocratique avait une tendance centripète. A cette époque, le candidat qui voulait réunir une majorité devait s’adresser à l’électeur moyen avec des messages modérés, vers lesquels pouvait converger le plus grand nombre d’électeurs possible. Au niveau des médias, c’était le temps du « Journal de 20 heures », des tribunes politiques et du silence électoral.

Aujourd’hui, les règles du jeu ont changé. Une nouvelle génération de leaders nationaux-populistes a importé en politique la logique des grandes plates-formes Internet, qui ne s’intéressent pas à la véracité ou à la cohérence de l’ensemble des contenus qu’elles véhiculent, mais uniquement à l’impact immédiat qui se traduit en clics et en likes. Et qui récompensent les contenus les plus incendiaires, pénalisant systématiquement la fadeur des modérés.

 

Pour ces nouveaux entrepreneurs politiques, le jeu ne consiste plus à unir les gens autour du plus petit dénominateur commun mais, au contraire, à surexciter les passions du plus grand nombre possible de groupuscules pour ensuite les additionner. Afin de conquérir une majorité, ils ne cherchent pas à converger vers le centre, mais bien à enflammer les extrêmes, parce qu’ils savent que, à certains moments, il arrive que des minorités intolérantes fassent l’histoire.

Comme l’a bien vu l’auteur du Cygne noir (Les Belles Lettres, 2012), Nassim Nicholas Taleb, une minorité intolérante est totalement inflexible et ne peut changer d’idée, tandis qu’une partie significative du reste de l’opinion est plus malléable. Si les conditions sont favorables et que le prix n’est pas trop élevé, cette dernière peut décider de s’aligner sur la minorité intolérante et le basculement peut s’opérer à une vitesse incroyable, comme cela fut le cas en Italie à l’occasion de la fermeture des ports décrétée par le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, en juin 2018.




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