Archive pour le Tag 'domination'

Territoires- La domination de la concentration urbaine

Territoires- -La domination de la concentration urbaine


Le géographe Jacques Lévy et le spécialiste des mobilités Jean Coldefy présentent, dans une tribune au « Monde », une étude inédite qui mesure, à une échelle très fine, la présence réelle de la population sur le territoire français. Ils décryptent la force d’attraction de certaines villes, ainsi que des zones touristiques et de loisirs.

Qui habite où ? La réponse à cette question élémentaire était, jusqu’ici, loin d’être simple. On sait où les gens résident, grâce aux recensements. On sait aussi dans quelles communes ils travaillent, mais les déplacements professionnels, le temps partiel et le télétravail ne sont pas encore bien mesurés, tout comme les rythmes journaliers. Les enquêtes de mobilité donnent, sur des échantillons restreints, des informations à des échelles très larges. Ainsi, nous sommes incapables aujourd’hui de connaître précisément les déplacements, ce qui rend, par exemple, les politiques de mobilité particulièrement difficiles à élaborer.

Les enquêtes sont riches mais souvent floues dans le détail. Les données numériques massives sont, elles, plus précises et représentatives à des échelles fines mais moins riches. La rencontre de ces deux critères – richesse et précision – permet aujourd’hui d’assurer une rupture majeure dans la connaissance de la géographie de l’occupation des lieux. C’est ce que le projet La France habitée, porté par une équipe pluridisciplinaire, a permis de réaliser depuis le début de l’année 2022, en conjuguant le traitement de données des réseaux téléphoniques et des données statistiques.

Les informations des réseaux mobiles permettent de dire, avec une fiabilité d’un très bon niveau et une grande précision spatiale et temporelle, comment sont peuplées à tout instant les milliers de localités qui constituent un pays comme la France. Et ce, bien sûr, en respectant l’anonymat et la vie privée de ces habitants.

Pour tirer le maximum de ces données, qui couvrent la période août 2019-février 2023, notre équipe a défini un indicateur, l’« habitant.année », qui équivaut à la présence effective des personnes sur un lieu. On calcule, dans chacune des 50 000 petites unités géographiques (donc à une échelle bien plus précise que les communes dans les zones les plus denses), combien de personnes y ont séjourné en moyenne sur toute l’année. En effet, habiter, ce n’est pas seulement résider.

Aménagement du territoire -La domination croissante-des très-grandes-villes

Aménagement du territoire -La domination croissante-des très-grandes-villes


Le géographe Jacques Lévy et le spécialiste des mobilités Jean Coldefy présentent, dans une tribune au « Monde », une étude inédite qui mesure, à une échelle très fine, la présence réelle de la population sur le territoire français. Ils décryptent la force d’attraction de certaines villes, ainsi que des zones touristiques et de loisirs.

Qui habite où ? La réponse à cette question élémentaire était, jusqu’ici, loin d’être simple. On sait où les gens résident, grâce aux recensements. On sait aussi dans quelles communes ils travaillent, mais les déplacements professionnels, le temps partiel et le télétravail ne sont pas encore bien mesurés, tout comme les rythmes journaliers. Les enquêtes de mobilité donnent, sur des échantillons restreints, des informations à des échelles très larges. Ainsi, nous sommes incapables aujourd’hui de connaître précisément les déplacements, ce qui rend, par exemple, les politiques de mobilité particulièrement difficiles à élaborer.

Les enquêtes sont riches mais souvent floues dans le détail. Les données numériques massives sont, elles, plus précises et représentatives à des échelles fines mais moins riches. La rencontre de ces deux critères – richesse et précision – permet aujourd’hui d’assurer une rupture majeure dans la connaissance de la géographie de l’occupation des lieux. C’est ce que le projet La France habitée, porté par une équipe pluridisciplinaire, a permis de réaliser depuis le début de l’année 2022, en conjuguant le traitement de données des réseaux téléphoniques et des données statistiques.

Les informations des réseaux mobiles permettent de dire, avec une fiabilité d’un très bon niveau et une grande précision spatiale et temporelle, comment sont peuplées à tout instant les milliers de localités qui constituent un pays comme la France. Et ce, bien sûr, en respectant l’anonymat et la vie privée de ces habitants.

Pour tirer le maximum de ces données, qui couvrent la période août 2019-février 2023, notre équipe a défini un indicateur, l’« habitant.année », qui équivaut à la présence effective des personnes sur un lieu. On calcule, dans chacune des 50 000 petites unités géographiques (donc à une échelle bien plus précise que les communes dans les zones les plus denses), combien de personnes y ont séjourné en moyenne sur toute l’année. En effet, habiter, ce n’est pas seulement résider.

Economie-Automobile : la domination des entreprises chinoises incontournable

Economie-Automobile : la domination des entreprises chinoises incontournable

D’après le cabinet AlixPartners sur le marché mondial de l’automobile en 2023, les marques automobiles chinoises dépasseront toutes les autres marques sur leur territoire cette année et représenteront 65 % du marché chinois en 2030.

Or, ce dernier est le plus important au monde, avec plus de 20 millions de véhicules vendus par an et une croissance qui pourrait aller jusqu’à 50 millions par an en 2050. Selon le cabinet : « Les entreprises automobiles chinoises sont en passe de devenir la force motrice de l’industrie automobile mondiale dans les années à venir ».

Lorsque l’on regarde les classements de ventes de véhicules électriques dans le monde en 2022, difficile de ne pas remarquer l’hégémonie des constructeurs chinois aux côtés de l’américain Tesla. La clé du succès ? « Les marques chinoises se sont concentrées sur l’intégration des technologies CASE (connectées, autonomes, à mobilité partagée, électriques) dans les véhicules à des prix attractifs et à un rythme plus rapide que les constructeurs automobiles traditionnels », analyse Mark Wakefield, responsable mondial de la pratique automobile et industrielle chez AlixPartners, dans le communiqué de l’étude.

Selon le cabinet, les constructeurs traditionnels mondiaux, notamment européens, se focalisent trop sur la conduite et la maniabilité du véhicule, en particulier la réduction du bruit, des vibrations et de la rudesse (NVH). Or, si ces qualités sont appréciées, elles ne correspondent pas aux attentes des consommateurs, plutôt friands de technologies, d’aides à la conduite mais surtout d’attractivité du prix. Les constructeurs traditionnels ont également une approche « trop prudente » du marché et devraient davantage prendre de risque, estime AlixPartners.

Territoires-La domination croissante-des très-grandes-villes

Territoires-La domination croissante-des très-grandes-villes


Le géographe Jacques Lévy et le spécialiste des mobilités Jean Coldefy présentent, dans une tribune au « Monde », une étude inédite qui mesure, à une échelle très fine, la présence réelle de la population sur le territoire français. Ils décryptent la force d’attraction de certaines villes, ainsi que des zones touristiques et de loisirs.

Qui habite où ? La réponse à cette question élémentaire était, jusqu’ici, loin d’être simple. On sait où les gens résident, grâce aux recensements. On sait aussi dans quelles communes ils travaillent, mais les déplacements professionnels, le temps partiel et le télétravail ne sont pas encore bien mesurés, tout comme les rythmes journaliers. Les enquêtes de mobilité donnent, sur des échantillons restreints, des informations à des échelles très larges. Ainsi, nous sommes incapables aujourd’hui de connaître précisément les déplacements, ce qui rend, par exemple, les politiques de mobilité particulièrement difficiles à élaborer.

Les enquêtes sont riches mais souvent floues dans le détail. Les données numériques massives sont, elles, plus précises et représentatives à des échelles fines mais moins riches. La rencontre de ces deux critères – richesse et précision – permet aujourd’hui d’assurer une rupture majeure dans la connaissance de la géographie de l’occupation des lieux. C’est ce que le projet La France habitée, porté par une équipe pluridisciplinaire, a permis de réaliser depuis le début de l’année 2022, en conjuguant le traitement de données des réseaux téléphoniques et des données statistiques.

Les informations des réseaux mobiles permettent de dire, avec une fiabilité d’un très bon niveau et une grande précision spatiale et temporelle, comment sont peuplées à tout instant les milliers de localités qui constituent un pays comme la France. Et ce, bien sûr, en respectant l’anonymat et la vie privée de ces habitants.

Pour tirer le maximum de ces données, qui couvrent la période août 2019-février 2023, notre équipe a défini un indicateur, l’« habitant.année », qui équivaut à la présence effective des personnes sur un lieu. On calcule, dans chacune des 50 000 petites unités géographiques (donc à une échelle bien plus précise que les communes dans les zones les plus denses), combien de personnes y ont séjourné en moyenne sur toute l’année. En effet, habiter, ce n’est pas seulement résider.

La domination croissante-très-grandes-villes

La domination croissante-très-grandes-villes


Le géographe Jacques Lévy et le spécialiste des mobilités Jean Coldefy présentent, dans une tribune au « Monde », une étude inédite qui mesure, à une échelle très fine, la présence réelle de la population sur le territoire français. Ils décryptent la force d’attraction de certaines villes, ainsi que des zones touristiques et de loisirs.

Qui habite où ? La réponse à cette question élémentaire était, jusqu’ici, loin d’être simple. On sait où les gens résident, grâce aux recensements. On sait aussi dans quelles communes ils travaillent, mais les déplacements professionnels, le temps partiel et le télétravail ne sont pas encore bien mesurés, tout comme les rythmes journaliers. Les enquêtes de mobilité donnent, sur des échantillons restreints, des informations à des échelles très larges. Ainsi, nous sommes incapables aujourd’hui de connaître précisément les déplacements, ce qui rend, par exemple, les politiques de mobilité particulièrement difficiles à élaborer.

Les enquêtes sont riches mais souvent floues dans le détail. Les données numériques massives sont, elles, plus précises et représentatives à des échelles fines mais moins riches. La rencontre de ces deux critères – richesse et précision – permet aujourd’hui d’assurer une rupture majeure dans la connaissance de la géographie de l’occupation des lieux. C’est ce que le projet La France habitée, porté par une équipe pluridisciplinaire, a permis de réaliser depuis le début de l’année 2022, en conjuguant le traitement de données des réseaux téléphoniques et des données statistiques.

Les informations des réseaux mobiles permettent de dire, avec une fiabilité d’un très bon niveau et une grande précision spatiale et temporelle, comment sont peuplées à tout instant les milliers de localités qui constituent un pays comme la France. Et ce, bien sûr, en respectant l’anonymat et la vie privée de ces habitants.

Pour tirer le maximum de ces données, qui couvrent la période août 2019-février 2023, notre équipe a défini un indicateur, l’« habitant.année », qui équivaut à la présence effective des personnes sur un lieu. On calcule, dans chacune des 50 000 petites unités géographiques (donc à une échelle bien plus précise que les communes dans les zones les plus denses), combien de personnes y ont séjourné en moyenne sur toute l’année. En effet, habiter, ce n’est pas seulement résider.

Automobile : la domination des entreprises chinoises incontournable

Automobile : la domination des entreprises chinoises incontournable

D’après le cabinet AlixPartners sur le marché mondial de l’automobile en 2023, les marques automobiles chinoises dépasseront toutes les autres marques sur leur territoire cette année et représenteront 65 % du marché chinois en 2030.

Or, ce dernier est le plus important au monde, avec plus de 20 millions de véhicules vendus par an et une croissance qui pourrait aller jusqu’à 50 millions par an en 2050. Selon le cabinet : « Les entreprises automobiles chinoises sont en passe de devenir la force motrice de l’industrie automobile mondiale dans les années à venir ».

Lorsque l’on regarde les classements de ventes de véhicules électriques dans le monde en 2022, difficile de ne pas remarquer l’hégémonie des constructeurs chinois aux côtés de l’américain Tesla. La clé du succès ? « Les marques chinoises se sont concentrées sur l’intégration des technologies CASE (connectées, autonomes, à mobilité partagée, électriques) dans les véhicules à des prix attractifs et à un rythme plus rapide que les constructeurs automobiles traditionnels », analyse Mark Wakefield, responsable mondial de la pratique automobile et industrielle chez AlixPartners, dans le communiqué de l’étude.

Selon le cabinet, les constructeurs traditionnels mondiaux, notamment européens, se focalisent trop sur la conduite et la maniabilité du véhicule, en particulier la réduction du bruit, des vibrations et de la rudesse (NVH). Or, si ces qualités sont appréciées, elles ne correspondent pas aux attentes des consommateurs, plutôt friands de technologies, d’aides à la conduite mais surtout d’attractivité du prix. Les constructeurs traditionnels ont également une approche « trop prudente » du marché et devraient davantage prendre de risque, estime AlixPartners.

GUERRE EN UKRAINE: La Russie de plus en plus sous la domination chinoise

GUERRE EN UKRAINE: La Russie de plus en plus sous la domination chinoise

Pour une fois Macron a sans doute raison quand il constate que la Russie se metde plus en plus en posture de vassal vis-à-vis d’une Chine dominante. Il n’y a d’ailleurs aucune comparaison entre la puissance économique russe à peu près équivalente à celle de l’Espagne et la puissance économique chinoise désormais première mondiale. La Russie est d’ailleurs contrainte de vendre à bas prix et même de solder ses richesses à la Chine et de se mettre sous son parapluie militaire.

Avec le temps la Chine va développer là comme ailleurs une stratégie d’influence progressive pour grignoter la Russie, sa richesse et même sa souveraineté.

Le président français Emmanuel Macron a estimé ce dimanche, dans un entretien au journal L’Opinion, que la Russie avait déjà « perdu géopolitiquement » la guerre en Ukraine, et entrait dans une « forme de vassalisation à l’égard de la Chine ».

« La Russie a d’ores et déjà perdu géopolitiquement », a-t-il déclaré, évoquant les relations de Moscou avec ses alliés traditionnels, avec la Chine, ou encore l’élargissement de l’Otan à la Suède et à la Finlande.

ChatGPT : outil de rupture ou de domination ?

ChatGPT : outil de rupture ou de domination ?

par Marion Trommenschlager
Chercheure en sciences de l’information-communication, laboratoire PREFics, Université Rennes 2 dans the Conversation


Alors que l’impact de l’intelligence artificielle (IA) dans le monde du travail ou en matière de désinformation fait couler beaucoup d’encre, des dirigeants du secteur, dont Elon Musk, appellent à décélérer. Une intelligence artificielle ultra-médiatisée a tenu un rôle majeur dans l’ouverture de ces débats : ChatGPT. Mais a-t-elle vraiment créé une rupture ?

Il n’y a pas de réelle nouveauté technique dans ChatGPT. Son ancêtre, Eliza, date de 1966. La technique de codage, aussi sophistiquée soit-elle, s’inscrit dans une continuité des conceptions de langage de programmation. Par ailleurs, dans une approche sociologique, rappelons que nous sommes une humanité numérique, une société artefactuelle (puisque nous évoluons à travers le progrès technique), dans laquelle toute innovation s’inscrit dans une continuité.

Peut-on alors réellement parler d’innovation de rupture pour ChatGPT ?

Et s’il fallait finalement se saisir de ce raz de marée médiatique pour comprendre la fulgurance de son déploiement, et plus encore, pour comprendre où nous en sommes, nous, utilisateurs, dans nos représentations, entre fantasmes et réalités, de l’intelligence artificielle ?

Ces logiciels d’intelligence conversationnelle nous ramènent à deux grandes tendances liées à la technicisation de la société. Tout d’abord celle de la servicisation, c’est-à-dire une normalisation de l’assistance personnalisée au quotidien. Cette tendance est arrivée avec le passage d’une économie basée sur des logiques de masse, vers une autre basée sur des logiques individuelles.

Le second grand levier est la plateformisation : créés au sein d’empires numériques (entre autres GAFAM), ces logiciels sont pensés pour être infusés dans tout l’écosystème. C’est le cas par exemple de ChatGPT, amené à investir Bing, Outlook, et autres services de Microsoft.

Et pour cause, le disgracieux « GPT » dans sa version francophone, renvoie au « general purpose technologies », soit technologies à usage général. Il est donc de par sa nature, un outil conçu pour être facilement transposé et utilisé dans différents domaines. Différent d’un moteur de recherche, il répond à des questions complexes et cherche à comprendre l’intention.

Comment expliquer l’appropriation si rapide de ChatGPT par les utilisateurs ?
L’impact médiatique relève du fait de ses utilisateurs. Comme souligné par l’anthropologue Lionel Obadia, il est difficile de parler d’invention. Néanmoins, la diffusion et l’appropriation remarquablement rapide font de ChatGPT une innovation marquante. Elle peut être utilisée par n’importe qui, initié ou non, gratuitement en ligne, et entraîne de ce fait autant de nouveaux usages, de contournements, que de business potentiels.


Trois forces expliquent la rapide intégration et appropriation sociale du logiciel.

Premièrement, ChatGPT est très accessible : ce qui lui permet un passage à l’échelle, autrement dit un déploiement, très rapide. L’accessibilité de l’outil et son appropriation généralisée massifient l’usage, mais également l’intérêt pour ce qui paraît « nouveau », voire « divertissant ».

Ensuite, ChatGPT nous ressemble. Le processus de machine learning en fait un outil d’auto-enrichissement continu, comme les humains. Le dialogue lui permet par exemple d’améliorer ses réponses avec un langage naturel. Ainsi, plus il est utilisé, plus il est performant. Autrement dit, nous nous « éduquons » mutuellement.

Enfin, ChatGPT est un champ des possibles : il laisse entrevoir de nouveaux scénarios. Nous sommes, en tant qu’utilisateurs, la condition pour la réussite du déploiement de ces innovations numériques. Chose faite pour ChatGPT qui compte à présent plus de 100 millions d’utilisateurs. Nous commençons à prendre conscience de « l’après » et de l’émergence d’autres innovations issues du modèle de ce logiciel.

La philosophe Marie Robert raconte son expérience lorsque le média Brut lui propose de corriger une copie rédigée par le logiciel :

« C’est avec un certain frisson que j’ai pris mon stylo rouge pour tenter de comprendre le raisonnement élaboré par une machine. Malgré une absence de citations, un manque cruel de nuances et une structure bien trop rigide, ma première remarque fut que ce n’était « pas si mal » […] C’est donc avec un mélange de fascination et d’effroi que j’ai terminé l’exercice, me demandant sincèrement ce que nous allions faire pour le monde à venir, pour ces générations qui n’auront pas à connaître l’effort. »


Des métiers de la cognition voués à disparaître ?

Ce qui diffère vraiment avec les précédentes évolutions liées à l’innovation, c’est que ChatGPT touche les métiers de la cognition, plutôt épargnés jusqu’alors. Il est d’ailleurs intéressant de rappeler que l’un des logiciels les plus (technologiquement) complexes, l’Autopilot de Tesla, a été pour 85 % fabriqué par l’intelligence artificielle. La dynamique d’hybridation entre métiers et intelligence artificielle est de plus en plus forte. Cependant, il serait fantasmé de parler de « grand remplacement ».

L’autonomie de l’intelligence conversationnelle n’est pas totale. Par exemple, ChatGPT développé par Open AI a été construit à partir de 175 milliards de paramètres, il s’appuie sur un jeu de données gigantesque. Gigantesque certes, mais sélectionné, donc faillible.

Récemment, des échanges et lectures sur l’art du codage m’ont permis d’éclairer plus encore les limites du mythe d’une autonomie de l’intelligence artificielle. Cela notamment à travers la dimension de labellisation dans les réseaux de neurones. Dans ce processus, il s’agit d’étiqueter des données, c’est-à-dire d’associer un label (une valeur prédéfinie) à un contenu (image, texte, forme, etc.). L’objectif est d’apporter un modèle d’apprentissage aux machines. Cette pratique rappelle la nécessité de paramétrage et de supervision dans l’interprétation des données, une réalité a (re) découvrir dans la mini-série documentaire Les travailleurs du clic de Antonio Casilli. Open AI a d’ailleurs différents contrats avec des travailleurs au Kenya pour ce travail de modération.

Nous voyons donc les limites d’un fantasme autour d’une intelligence artificielle parfaitement autonome.

Bien que l’intelligence artificielle ne comprenne pas ce qu’elle dit, ces implications humaines dans la supervision de l’apprentissage des machines nous montrent que les données qui nourrissent cette intelligence, elles, ne sont pas neutres. Elles reproduisent et amplifient les biais de ceux qui la supervisent, chariant un lot potentiel de stéréotypes, de désinformation, de contenus aspirés aux sources invisibles, de censure, ou encore de complotisme (Meta en a fait l’expérience avec Blender bot 3).

La question centrale est donc : qui paramètre ? Le professeur de droit Lawrence Lessig le souligne dans son clairvoyant « Code is law » : la personne qui paramètre est la personne qui a la possibilité d’orienter un système de pensée. Un outil comme ChatGPT est principalement conçu par et pour une cible nord-américaine. Son déploiement rapide, renforcé par sa dimension ludique, conduit à la normalisation de son utilisation. Une normalisation non pas sans effet, puisqu’elle vient renforcer l’impression d’un objet politiquement neutre chez les utilisateurs.

Or, c’est loin d’être le cas, pour les raisons évoquées précédemment, mais aussi parce que l’IA est avant tout un enjeu de domination tant entre empires du numérique, que dans la sphère géopolitique.

Un cloud souverain : Pour se libérer enfin de la domination américaine ?

Un cloud  souverain : Pour se libérer enfin de la domination américaine ?

Présents à Strasbourg à l’occasion de l’inauguration du nouveau datacenter d’OVHCloud, Thierry Breton, Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot ont annoncé une série de mesures de soutien à l’écosystème français du cloud, et désavoué les Gafam américains. (papier de la Tribune)

Exactement le contraire de la stratégie numérique qui avait été décidé jusqu’à la fière aux Gafam  le soin de gérer les données européennes ! NDLR

 

Changer de braquet sans avoir l’air de se renier : tel est l’exercice d’équilibriste hautement périlleux -pour ne pas dire impossible- auquel s’attèle le gouvernement dans le dossier très sensible de la stratégie cloud de l’Etat. Lundi 12 septembre, un trio de choc composé du commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, du ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, et du ministre délégué au Numérique et aux Télécommunications, Jean-Noël Barrot, s’est invité à l’inauguration du datacenter flambant neuf -sans mauvais jeu de mots- d’OVHCloud à Strasbourg. Ce même datacenter qui avait brûlé en février 2021, cramant avec lui une partie de la crédibilité médiatique de l’écosystème français du cloud. Quelques mois plus tard, en mai 2021, l’Etat annonçait sa doctrine cloud et sa stratégie Cloud de confiance, dans laquelle les acteurs américains dominants du marché, notamment Microsoft et Google, avaient pignon sur rue. Depuis, la fracture était profonde entre la macronie et les champions tricolores du cloud.

 

Dix-huit mois plus tard, changement drastique d’ambiance sous le ciel bleu de Strasbourg. Unie derrière OVHCloud, l’ensemble de la filière française tient enfin sa revanche. Devant un parterre d’élus (le député Philippe Latombe, la sénatrice Catherine Morin-Dessailly, le président de la Région Grand Est Jean Rottner…), d’entreprises du secteur (Jamespot, Wallix, Clever Cloud…) et de personnalités (le directeur de l’Anssi Guillaume Poupard, celui de la Direction générale des entreprises Thomas Courbe…), Bruno Le Maire, Thierry Breton et Jean-Noël Barrot ont affiché un soutien clair, massif et sans ambiguïté à la filière française du cloud. Une première. L’objectif : les mettre enfin au cœur de la stratégie nationale, et leur lever un certain nombre de freins.

Au-delà de son potentiel économique -le chiffre d’affaires du secteur est estimé à plus de 560 milliards d’euros en Europe en 2030 d’après une étude de KPMG-, impossible de rêver de souveraineté numérique et d’indépendance technologique sans maîtriser les clouds, à la fois au niveau des infrastructures et des logiciels, par lesquels passent toutes nos données.

Alors que l’Etat encourageait jusqu’à récemment le marché à souscrire aux offres Cloud de confiance avec les Gafam -qui n’arriveront pas avant 2024 et ne sont pas encore labellisées SecNumCloud par l’Anssi-, il pousse désormais les acteurs français à obtenir cette certification de sécurité, qui leur paraissait auparavant inaccessible en raison du coût nécessaire pour l’obtenir. Pour lever ce frein, Bruno Le Maire a annoncé que l’Anssi va mettre en œuvre un dispositif d’accompagnement à la qualification de 2,5 millions d’euros, dédié aux startups et aux PME « qui proposent des services de plateformes ou de logiciels pouvant contribuer à la modernisation et à la résilience des entreprises et des administrations ». L’objectif officieux : créer d’autres offres Cloud de confiance que celles actuellement dans les tuyaux avec les Gafam, donc corriger le choix politique effectué en 2021.

Autre annonce : la « clarification » de la doctrine cloud de l’Etat, qui passe par une définition plus fine de la notion de données sensibles qui doivent impérativement être traitées dans un cloud souverain. « Une circulaire sera publiée dans les semaines qui viennent pour clarifier le niveau de protection des données et garantir leur protection face à l’extraterritorialité américaine », a précisé Bruno Le Maire.

Les deux ministres ont aussi annoncé la création d’un Comité stratégique de filière (CSF) provisoirement intitulé « numérique de confiance »Cette « enceinte commune d’échanges avec l’Etat », qui sera présidée par le directeur général d’OVHCloud Michel Paulin, devra « encourager la coopération et participer à l’émergence d’une offre française compétitive dans les prochaines années », dixit Bercy. Autrement dit, unifier les acteurs français aujourd’hui éparpillés, pour qu’ils créent ensemble des offres communes aptes à rivaliser en nombre de services proposés avec celles des Gafam. Au nom de la souveraineté numérique, ce comité stratégique sera exclu aux Gafam. « Seuls les acteurs français du cloud pourront y être », nous confirme la Direction générale des entreprises (DGE). Orange, Capgemini et Thales, qui sont aussi des distributeurs et revendeurs de technologies, pourront y participer. De son côté, Michel Paulin devra rendre des comptes au gouvernement tous les six mois sur la composition, la gouvernance et les objectifs de ce nouveau CSF, en veillant à la bonne articulation avec les CSF existants (Industries de sécurité et Industrie du futur notamment).

Enfin, le gouvernement compte sur les réglementations en cours à Bruxelles pour « rééquilibrer le marché du cloud ». Il compte notamment sur le schéma européen de cybersécurité pour le cloud, sur le Data Act qui va règlementer les données industrielles, ou encore sur le Projet Important d’Intérêt Européen Commun (PIIEC) Cloud, un projet européen d’envergure de 5 milliards d’euros, impliquant plus de 180 entreprises pour que le cloud de demain soit inventé en Europe.

Si le gouvernement présente ces annonces comme la « réaffirmation » de la stratégie nationale pour le cloud, et revendique donc une forme de cohérence depuis l’annonce de la stratégie cloud en mai 2021, en réalité il n’en est rien.

L’inflexion stratégique annoncée par Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot est majeure et spectaculaire. En mai 2021, Bruno Le Maire et le secrétaire d’Etat au Numérique de l’époque, Cédric O, n’avaient pas un mot pour la filière française du cloud, sinon pour la dénigrer. Cédric O affirmait même que les Gafam proposent « les meilleurs services cloud » et assumait le discours selon lequel les Français ne sont « pas au niveau » et « ne proposent pas toutes les briques cloud indispensables à la transformation numérique des entreprises et de l’Etat ».

Dix-huit mois plus tard, son successeur, Jean-Noël Barrot, dit exactement l’inverse. « Les acteurs français du cloud et de la donnée maîtrisent toutes les briques technologiques essentielles pour proposer des solutions souveraines pour tous les acteurs stratégiques », affirme-t-il.  Le nouveau ministre du Numérique appelle même l’Etat à « s’appuyer sur eux » pour « gagner la bataille de la souveraineté numérique » face à des champions américains -Amazon, Microsoft, Google- dont il dresse un portrait peu flatteur. Selon lui, la force des Américains a été de proposer des « solutions globales », répondant à tous les besoins des clients sur une seule et même plateforme, ce qui leur a permis d’obtenir une « domination économique qui entraîne une dépendance technologique », avec son lot de « risques extraterritoriaux sur la sécurité de nos données ».

De son côté, le même Bruno Le Maire qui affirmait que les offres américaines peuvent être souveraines si elles sont vendues par des coentreprises de droit français (Bleu pour Microsoft avec Orange et CapgeminiS3ns pour Google avec Thales), dit aujourd’hui : « Je suis opposé au principe d’extraterritorialité américaine. Je ne vois pas au nom de quoi ils pourraient se saisir de données essentielles pour notre souveraineté et notre  indépendance. Personne, même nos alliés, ne peut avoir de droit de saisir nos données ». Pourtant, de plus en plus d’experts juridiques alertent sur le fait que les offres Cloud de confiance avec les Gafam seront soumises à la loi extraterritoriale FISA et que les Américains peuvent aussi estimer qu’elles tombent sous le coup du Cloud Act, nécessitant de créer une véritable barrière juridique à la fois coûteuse et incertaine que le label SecNumCloud est censé valider.

Il y a un an, les Gafam américains étaient présentés comme des « partenaires » indispensables, mais aujourd’hui ils n’ont été mentionnés que comme des prédateurs de données, bras armés d’un Etat, les Etats-Unis, qui s’arroge, grâce à ses lois extraterritoriales -Cloud Act et loi FISA-, l’accès à nos données stratégiques. Signe frappant du revirement gouvernemental, pas une seule fois les deux ministres n’ont ne serait-ce que nommé la stratégie Cloud de confiance dans leur discours. Celle-ci est également absente du communiqué de presse du gouvernement, comme si elle n’avait jamais existé. Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot n’ont pas non plus cité une seule fois le nom des acteurs français -Orange, Capgemini, Thales- au cœur de la stratégie présentée l’an dernier, ni celui de son artisan, Cédric O.

Ils semblent aussi avoir oublié qu’Emmanuel Macron lui-même disait, lors de la présentation de France 2030 : « Aurons-nous un cloud totalement souverain à 5 ans ? Je crois que ce n’est pas vrai de se le dire, parce qu’on a pris beaucoup de retard ». Mais le gouvernement aujourd’hui estime qu’il est possible de créer rapidement des solutions souveraines françaises.

Chose impensable il y a un an : Thierry Breton, Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot ont été chaleureusement applaudis par l’écosystème français du cloud réuni à Strasbourg.

« Cela arrive avec trois ans de retard mais c’est un véritable réajustement stratégique qui est extrêmement positif », estime le député (Modem), Philippe Latombe, tout en relativisant : « il manque toujours des engagements sur la commande publique, qui est un levier essentiel pour développer des champions français du cloud ». Et de conclure, un peu rapidement : « la stratégie Cloud de confiance est discrètement enterrée ».

De leur côté, les entrepreneurs du cloud sont ravis sur la forme et attendent de voir venir sur le fond. « Jean-Noël Barrot a pris le temps de nous recevoir, de nous écouter et de comprendre que la stratégie de 2021 allait droit dans le mur. Juste ça, ça change et c’est énorme. Rectifier le tir demande du courage politique, le gouvernement doit assumer de bifurquer mais il ne peut pas se renier, ce n’est pas une position facile, il vaut mieux avancer et oublier les divergences du passé », ajoute Alain Garnier, le président de l’entreprise Jamespot (logiciels collaboratifs).

Si tout indique que désormais le gouvernement va aider à construire des offres vraiment souveraines plutôt que de pousser le marché dans les bras des Gafam, reste désormais à voir comment Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot gèreront l’inévitable riposte de Bleu, de S3ns, et des Gafam, qui, sans être publiquement désavoués, ont tout de même reçu une sacrée claque à Strasbourg.

La rhétorique , moyen de domination ou d’émancipation ?

 La rhétorique , moyen de domination ou d’émancipation ?

Le médiatique professeur de rhétorique explique, dans un entretien au « Monde », que cet art de convaincre est certes un instrument de domination, mais également un précieux levier d’émancipation qui permet de « donner du poids à toutes les paroles ».

 

Un article intéressant mais en définitive  le décryptage de la rhétorique dépend des capacités d’analyse du récepteur. Aucun discours n’est rhétoriquement neutre et-ou  objectif y compris la contribution ci-dessous.NDLR

 

Clément Viktorovitch enseigne la rhétorique à Sciences Po et a publié Le Pouvoir rhétorique (Seuil, 480 pages, 22 euros). Ses chroniques pour « Quotidien » et Franceinfo, qui décryptent avec pédagogie le discours politique, rencontrent une large audience, notamment auprès du jeune public. Il assure que, si la rhétorique était largement enseignée et partagée, les argumentations déloyales et la langue de bois seraient davantage déjouées et « notre débat public deviendrait bien plus démocratique ».

Quelle analyse rhétorique peut-on faire de cette année électorale ?

Cette élection présidentielle aura été le théâtre d’une confrontation narrative. Trois récits, en particulier, se sont affrontés : ceux d’Eric Zemmour, de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron. Chacun de ces orateurs avait une histoire singulière à raconter. Eric Zemmour, par exemple, qui a marqué de son empreinte le début de la campagne, a déployé le récit d’une France mythifiée, ancrée dans la nostalgie d’un âge d’or romancé, assombrie par une menace mortelle : le terrible et imminent « grand remplacement ». La guerre en Ukraine est ensuite venue remettre au centre des débats la politique étrangère et le pouvoir d’achat, et l’obsession d’Eric Zemmour pour la question migratoire s’est retournée contre lui, contrairement à ce qui s’est passé pour Marine Le Pen. Le récit développé par cette dernière était beaucoup moins net. En revanche, elle a été portée par son ethos, c’est-à-dire l’image qu’elle est parvenue à forger d’elle-même. Ses vidéos dansantes sur TikTok, ses photos souriantes sur Instagram, la mise en avant de ses chats… Pendant qu’Eric Zemmour laissait se cristalliser une image brutale et cassante, Marine Le Pen est parvenue à incarner une candidate « cool », notamment auprès des plus jeunes.

 

Qu’en est-il de la rhétorique d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon ?

Jean-Luc Mélenchon est lui aussi parvenu à proposer un récit mobilisateur : celui d’une alternative sociale et écologique, un autre avenir possible et désirable. Or, les récits sont centraux en politique. Ce sont eux qui nous permettent de donner de la cohérence à des données éparses et des événements discontinus. Les récits mettent le monde en sens. Parvenir à imposer une nouvelle narration, c’est un préalable pour changer l’ordre des choses. Il s’agit d’ailleurs, précisément, de la différence avec Emmanuel Macron. Lui peut se laisser porter par le récit dominant, dans lequel nous baignons depuis la conversion de la gauche à l’économie de marché en 1983, et qui peut se résumer en une phrase : « Il n’existe aucune alternative démocratique au libéralisme. » Cela explique d’ailleurs pourquoi Emmanuel Macron est entré en campagne si tard, avec des discours si creux : il n’avait, au fond, à convaincre de rien. Il lui suffisait d’incarner une figure rassurante : celle du président compétent et expérimenté. Mais son vide rhétorique masque un plein idéologique. S’il n’a pas besoin de produire un récit, c’est parce qu’il est d’ores et déjà l’un des personnages centraux de l’histoire que nous nous racontons depuis des années.

Société- La domination des économistes sur le monde de l’expertise

Société- La domination des économistes sur le monde de l’expertise

 

Deux chercheurs ont étudié les carrières et travaux des économistes français entre 1935 et 1945. Ils observent que les prémices de la domination de l’économie sur les sciences humaines et sur l’expertise proposée à l’Etat sont déjà présents sous Vichy, rapporte dans sa chronique Antoine Reverchon.

Un article intéressant qui montre la domination progressive des économistes sur le monde de l’expertise. Une domination peut-être provisoire pourrait être remplacée par celle des sociologues ou des écologues demain; pas forcément avec bénéfice. En effet, la complexité caractérise désormais nos sociétés qui doivent articuler les compétences des différentes disciplines pour comprendre les révolutions systémiques en cours. NDLR

 

Chronique.

 

Si les économistes allemands et italiens se sont beaucoup intéressés au rôle de leurs prédécesseurs pendant les « années noires », leurs collègues français sont restés pudiquement à l’écart du sujet. Les faits et les politiques économiques, sous le régime du maréchal Pétain, ont été étudiés, mais pas les économistes eux-mêmes : leurs écrits, leurs recherches, leur carrière…

D’où l’intérêt des travaux de deux jeunes chercheurs, Nicolas Brisset et Raphaël Fèvre (Groupe de recherche en droit, économie, gestion, Gredeg, université de Côte-d’Azur), publiés en 2021 dans History of Political Economy (no 53-4, Duke University Press), la Revue d’histoire de la pensée économique (no 11, Classiques Garnier) et Politix (no 133, De Boeck Supérieur) et présentés le 7 avril au cercle d’épistémologie économique de l’université Paris-I.

Dans le récit des économistes français, au-delà des « pères fondateurs » du XIXe siècle, leur discipline ne prend réellement son essor académique et intellectuel qu’à partir des années 1950, sous l’égide des prestigieux noms de Gérard Debreu et Maurice Allais (respectivement Prix Nobel 1983 et 1988), Edmond Malinvaud (Collège de France, Insee) et François Perroux (chaire Analyse des faits économiques et sociaux au Collège de France de 1955 à 1974). Les deux chercheurs observent pourtant que le « programme intellectuel » d’institutionnalisation de l’économie comme science humaine dominante et comme source d’expertise, pour la conduite des politiques publiques, connaît déjà ses prémices sous Vichy.

 

Avant-guerre, les économistes débattent des moyens de s’affranchir des facultés de droit, dont leur enseignement n’est alors qu’une branche. Cela passe par la création d’instituts et de cercles de réflexion, souvent financés par le privé (Fondation Rockefeller). Aussi, lorsque Vichy crée, en novembre 1941, la Fondation pour l’étude des problèmes humains, dirigée par Alexis Carrel, Prix Nobel de médecine en 1912 et théoricien de l’eugénisme, nombre d’économistes voient là l’occasion de jouer un rôle dans ce projet de fusionner, en une seule « science de l’homme », psychologie, sociologie, biologie, démographie, économie, etc.

En son sein, le Centre d’échange de théorie économique (CETE) organise des séminaires, traduit les auteurs étrangers – essentiellement anglo-saxons, dont Keynes, Hayek, Hicks, Kaldor –, et publie les tout premiers manuels d’économie pour les étudiants. Y participent de jeunes économistes (Maurice Allais, Pierre Uri, Robert Marjolin), des professeurs installés (Jean Marchal, Henri Guitton), voire déjà célèbres (François Divisia, Gaëtan Pirou, Charles Rist). Ces noms seront pour la plupart plutôt associés, après guerre, à la mise en place des politiques de planification menées par Jean Monnet. Le directeur du CETE est Henri Denis, devenu après guerre un militant communiste célébré comme introducteur du marxisme à la Sorbonne…

La domination des économistes sur le monde de l’expertise

La domination des économistes sur le monde de l’expertise

 

Deux chercheurs ont étudié les carrières et travaux des économistes français entre 1935 et 1945. Ils observent que les prémices de la domination de l’économie sur les sciences humaines et sur l’expertise proposée à l’Etat sont déjà présents sous Vichy, rapporte dans sa chronique Antoine Reverchon.

Un article intéressant qui montre la domination progressive des économistes sur le monde de l’expertise. Une domination peut-être provisoire pourrait être remplacée par celle des sociologues ou des écologues demain; pas forcément avec bénéfice. En effet, la complexité caractérise désormais nos sociétés qui doivent articuler les compétences des différentes disciplines pour comprendre les révolutions systémiques en cours. NDLR

 

Chronique.

 

Si les économistes allemands et italiens se sont beaucoup intéressés au rôle de leurs prédécesseurs pendant les « années noires », leurs collègues français sont restés pudiquement à l’écart du sujet. Les faits et les politiques économiques, sous le régime du maréchal Pétain, ont été étudiés, mais pas les économistes eux-mêmes : leurs écrits, leurs recherches, leur carrière…

D’où l’intérêt des travaux de deux jeunes chercheurs, Nicolas Brisset et Raphaël Fèvre (Groupe de recherche en droit, économie, gestion, Gredeg, université de Côte-d’Azur), publiés en 2021 dans History of Political Economy (no 53-4, Duke University Press), la Revue d’histoire de la pensée économique (no 11, Classiques Garnier) et Politix (no 133, De Boeck Supérieur) et présentés le 7 avril au cercle d’épistémologie économique de l’université Paris-I.

Dans le récit des économistes français, au-delà des « pères fondateurs » du XIXe siècle, leur discipline ne prend réellement son essor académique et intellectuel qu’à partir des années 1950, sous l’égide des prestigieux noms de Gérard Debreu et Maurice Allais (respectivement Prix Nobel 1983 et 1988), Edmond Malinvaud (Collège de France, Insee) et François Perroux (chaire Analyse des faits économiques et sociaux au Collège de France de 1955 à 1974). Les deux chercheurs observent pourtant que le « programme intellectuel » d’institutionnalisation de l’économie comme science humaine dominante et comme source d’expertise, pour la conduite des politiques publiques, connaît déjà ses prémices sous Vichy.

 

Avant-guerre, les économistes débattent des moyens de s’affranchir des facultés de droit, dont leur enseignement n’est alors qu’une branche. Cela passe par la création d’instituts et de cercles de réflexion, souvent financés par le privé (Fondation Rockefeller). Aussi, lorsque Vichy crée, en novembre 1941, la Fondation pour l’étude des problèmes humains, dirigée par Alexis Carrel, Prix Nobel de médecine en 1912 et théoricien de l’eugénisme, nombre d’économistes voient là l’occasion de jouer un rôle dans ce projet de fusionner, en une seule « science de l’homme », psychologie, sociologie, biologie, démographie, économie, etc.

En son sein, le Centre d’échange de théorie économique (CETE) organise des séminaires, traduit les auteurs étrangers – essentiellement anglo-saxons, dont Keynes, Hayek, Hicks, Kaldor –, et publie les tout premiers manuels d’économie pour les étudiants. Y participent de jeunes économistes (Maurice Allais, Pierre Uri, Robert Marjolin), des professeurs installés (Jean Marchal, Henri Guitton), voire déjà célèbres (François Divisia, Gaëtan Pirou, Charles Rist). Ces noms seront pour la plupart plutôt associés, après guerre, à la mise en place des politiques de planification menées par Jean Monnet. Le directeur du CETE est Henri Denis, devenu après guerre un militant communiste célébré comme introducteur du marxisme à la Sorbonne…

Algérie : l’oubli de la domination militaire ottomane pendant trois siècles

Algérie : l’oubli de la  domination militaire ottomane

L’un des frères Barberousse, après avoir chassé les Espagnols d’Alger, prit la décision de se déclarer vassal du sultan ottoman en 1520, avec l’accord des oulémas et des notables algérois, précise l’historien Alain Blondy, qui répond à une précédente tribune au « Monde » de l’historien M’hamed Oualdi.

 

Tribune.

 

Il est à craindre que l’historien M’hamed Oualdi soit victime, sans doute sans s’en rendre compte, du discours pseudo-historique que l’Algérie officielle rabâche depuis 1962 à ses étudiants comme à son opinion publique (« Emmanuel Macron se trompe lorsqu’il assimile à une colonisation l’ancienne tutelle ottomane sur l’Algérie », Le Monde du 29 octobre).

Si l’on peut être d’accord avec lui qu’il ne convient pas d’assimiler la République laïque de Turquie, voulue et créée par Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938), à l’Empire ottoman, vaste ensemble multiethnique soumis à un grand seigneur issu de la tribu turque des Osmanlis, on ne peut que s’étonner qu’un historien puisse prétendre que les Ottomans sont accourus à l’appel des élites algéroises. C’est aller vite en besogne.

 

Après l’expansion éclair en Syrie puis en Egypte où le sultan du Caire se démit du califat au profit de celui de Constantinople (1517), des marins, principalement grecs convertis à l’islam, se lancèrent dans une seconde expansion, cette fois par mer. Quatre frères, d’une famille originaire de Mytilène, qui passèrent à la postérité sous le nom des frères Barberousse, s’installèrent d’abord à Jijel (1514), puis chassèrent les Espagnols d’Alger (1516).

L’aîné qui s’y était proclamé sultan ayant péri dans un combat avec les troupes de Charles Quint (1518), son frère Kheireddine fut proclamé généralissime (beylerbey) par ses troupes. Il trouva face à lui l’opposition d’une partie des tribus de l’intérieur. Il comprit alors que la menace de l’impérialisme mercantiliste espagnol serait toujours suspendue sur un Maghreb émietté politiquement en tribus, en sultanats expirants ou mort-nés, en confédérations d’oligarchies marchandes se soupçonnant mutuellement.

Il jugea donc que seule une autorité suffisamment constituée pouvait conjurer le péril castillan et la coalition plus ou moins centrifuge des villes et des groupes qui s’étaient soumis temporairement à son frère. Avec l’accord des oulémas et des notables algérois, il prit alors la décision de se déclarer vassal du sultan. Ce fut ainsi qu’Alger devint un eyalet (province) ottoman en 1520.

Pendant trois cent dix ans, le pouvoir appartint à une caste militaire ottomane, celle des janissaires, qui détint autant le pouvoir politique que l’essentiel du pouvoir économique, créant ainsi une tradition très enracinée à Alger. Cette domination aristocratique ne se voulut jamais acculturante, puisque à aucun moment l’élite ottomane n’envisagea de se mêler aux autochtones, Berbères arabisés des campagnes ou Maures des villes issus de multiples croisements ethniques depuis le tréfonds de l’Antiquité.

Algérie : ne pas oublier la domination militaire ottomane

 

L’un des frères Barberousse, après avoir chassé les Espagnols d’Alger, prit la décision de se déclarer vassal du sultan ottoman en 1520, avec l’accord des oulémas et des notables algérois, précise l’historien Alain Blondy, qui répond à une précédente tribune au « Monde » de l’historien M’hamed Oualdi.

 

Tribune.

 

Il est à craindre que l’historien M’hamed Oualdi soit victime, sans doute sans s’en rendre compte, du discours pseudo-historique que l’Algérie officielle rabâche depuis 1962 à ses étudiants comme à son opinion publique (« Emmanuel Macron se trompe lorsqu’il assimile à une colonisation l’ancienne tutelle ottomane sur l’Algérie », Le Monde du 29 octobre).

Si l’on peut être d’accord avec lui qu’il ne convient pas d’assimiler la République laïque de Turquie, voulue et créée par Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938), à l’Empire ottoman, vaste ensemble multiethnique soumis à un grand seigneur issu de la tribu turque des Osmanlis, on ne peut que s’étonner qu’un historien puisse prétendre que les Ottomans sont accourus à l’appel des élites algéroises. C’est aller vite en besogne.

 

Après l’expansion éclair en Syrie puis en Egypte où le sultan du Caire se démit du califat au profit de celui de Constantinople (1517), des marins, principalement grecs convertis à l’islam, se lancèrent dans une seconde expansion, cette fois par mer. Quatre frères, d’une famille originaire de Mytilène, qui passèrent à la postérité sous le nom des frères Barberousse, s’installèrent d’abord à Jijel (1514), puis chassèrent les Espagnols d’Alger (1516).

L’aîné qui s’y était proclamé sultan ayant péri dans un combat avec les troupes de Charles Quint (1518), son frère Kheireddine fut proclamé généralissime (beylerbey) par ses troupes. Il trouva face à lui l’opposition d’une partie des tribus de l’intérieur. Il comprit alors que la menace de l’impérialisme mercantiliste espagnol serait toujours suspendue sur un Maghreb émietté politiquement en tribus, en sultanats expirants ou mort-nés, en confédérations d’oligarchies marchandes se soupçonnant mutuellement.

Il jugea donc que seule une autorité suffisamment constituée pouvait conjurer le péril castillan et la coalition plus ou moins centrifuge des villes et des groupes qui s’étaient soumis temporairement à son frère. Avec l’accord des oulémas et des notables algérois, il prit alors la décision de se déclarer vassal du sultan. Ce fut ainsi qu’Alger devint un eyalet (province) ottoman en 1520.

Pendant trois cent dix ans, le pouvoir appartint à une caste militaire ottomane, celle des janissaires, qui détint autant le pouvoir politique que l’essentiel du pouvoir économique, créant ainsi une tradition très enracinée à Alger. Cette domination aristocratique ne se voulut jamais acculturante, puisque à aucun moment l’élite ottomane n’envisagea de se mêler aux autochtones, Berbères arabisés des campagnes ou Maures des villes issus de multiples croisements ethniques depuis le tréfonds de l’Antiquité.

Finances- Risque de domination des Bigtechs sur les services financiers

Finances- Risque de  domination des Bigtechs sur les services financiers 

Charles Cuvelliez, Ecole Polytechnique de Bruxelles, Université de Bruxelles, et Jean-Jacques Quisquater, Ecole Polytechnique de Louvain, Université de Louvain et MIT, s’inquiètent  du risque de domination des bigtechssur les services financiers. ( dans l’Opinion , extrait)

 

Tribune

 

C’est à une convergence des régulations qu’appelle la Banque des règlements internationaux (BRI), la banque centrale des banques centrales, dans un texte publié le 2 août 2021, et signé par ses dirigeants. Il faut cadrer d’urgence les bigtechs et leur future position (inéluctable) dans les services financiers. C’est déjà le cas en Chine où Alibaba (via Alipay) et Tencent occupent plus de 90 % des parts de marché dans les paiements mobiles. On voit déjà des bigtechs actifs dans les prêts aux particuliers et aux petites entreprises sans compter les assurances et la gestion de fortune.

Ce que craint la BRI, c’est une (re)fragmentation des moyens de paiement et des services financiers au final : chaque bigtech y va de sa proposition en la matière, si possible au sein de son écosystème et de sa plateforme. Le point d’orgue est atteint avec Diem, l’ex-Libra et autres stablecoins qui n’auraient cours que chez Facebook et ses filiales, si cela se trouve. Est-ce vraiment ce qu’on veut lorsqu’on sait qu’il a fallu des dizaines d’années pour établir les paiements (relativement) faciles sans frontières ? Trop de concentration et trop de dominance de la part des bigtechs, prévient la BRI, ce sont les commissions demandées aux marchands lors des paiements qui vont de nouveau augmenter. Et de prévenir que des commissions jusqu’à 4 % ont déjà été identifiées.

Les autorités de protection des données, les autorités de concurrence et les banques centrales doivent agir de concert ! Aucun ne résoudra seul la quadrature du cercle des bigtechs qui jouent sur les trois tableaux : dominance sur les data, sur des marchés de plus en plus vastes, dont, de plus en plus, les services financiers.

Car le principal problème des bigtechs, ce sont leurs positions de quasi-monopole dans leurs marchés dont l’étendue s’accroit à force d’utiliser la puissance des données collectées pour s’établir dans des marchés adjacents. Ces derniers concernent de plus en plus les services financiers et les paiements. Or, les banques centrales ne sont ni compétentes en protection des données ni en droit de la concurrence.

Régulation basée sur l’activité

La régulation des institutions financières est trop basée sur l’activité de ces dernières, sur l’adéquation de leurs dirigeants et la protection des consommateurs. On considère une société qui veut s’établir dans les paiements comme un simple transmetteur d’argent entre deux parties et, finalement, on ne regarde que cette capacité à l’être. C’est regarder par le petit bout de la lorgnette dont les bigtechs s’amusent. Il y a des avancées, dit la BRI, à commencer par le Digital Market Act (DMA), fait pour réguler les teneurs de marché non pas au sens financier du terme mais au sens universel du terme, à savoir ceux qui tiennent un marché sous toutes ses dimensions. Il en résultera, quand le DMA sera appliqué, des obligations d’inter-opérabilité, de non-discrimination à l’accès, de traitement égal des vendeurs sur la plateforme et de portabilité des données, quel que soit l’activité.

La mise au pas en Chine des bras financiers des grandes plateformes locales participe (Alipay), d’une manière différente, de la même essence : la Chine a décidé de protéger les petites gens. Aux Etats-Unis, une législation spécifique anti-bigtechs est aussi en préparation depuis les rapports du congrès sur les agissements anti-concurrentiels des bigtechs de la côte Ouest.

Comme trop de données sont aux mains des bigtechs alors que les banques peuvent à peine utiliser les données de leurs clients, c’est la protection de la vie privée qui est en jeu. Mais que peut faire une banque centrale, pas compétente, en la matière? La directive PSD2 met même les banques européennes dans une situation délicate de concilier RGPD ou ouverture des données clients à des concurrents, explique la BRI. Grâce aux RGPD, les bigtechs, eux, ne doivent pas partager leurs données avec les banques. La BRI a raison d’évoquer une asymétrie entre banques et bigtechs pour l’accès aux données. Pour la BRI, les CDBC et les systèmes d’identification digitales ainsi que les API sont des briques qui donneront les moyens aux utilisateurs finaux de mieux contrôler les données car tout le monde pourra les utiliser.

Dernière anomalie à adresser, la résilience opérationnelle des services financiers qui ne s’applique aujourd’hui qu’aux institutions financières classiques, banques et assurance. Il est temps de l’étendre aux services financiers des institutions non-financières.

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