La directive européenne de vigilance sociale et européenne
La directive européenne sur le devoir de vigilance visant à réguler les pratiques des multinationales sur le plan environnemental et social sera un facteur de préférence économique et de croissance durable, affirme, dans une tribune au « Monde », l’expert en responsabilité sociale d’entreprise, Yann Queinnec.
Tribune.
Le devoir de vigilance qui s’impose depuis 2017 aux grandes entreprises françaises se propage à toute l’Europe et c’est une bonne nouvelle pour les entreprises responsables de toutes tailles ! La Norvège et l’Allemagne viennent d’adopter des lois spécifiques, les Pays-Bas et la Belgique sont en cours de travaux législatifs et une directive européenne se prépare, dont la France fera une priorité de son mandat à la tête du Conseil de l’Union européenne.
Cette harmonisation européenne est urgente pour éviter des disparités nationales. Les différentiels de seuils et de périmètre d’application ainsi que de sanctions sont en effet facteurs de risques. En imposant aux sociétés de plus de 5 000 salariés d’élaborer et de mettre en place un plan de vigilance pour prévenir, gérer les risques sociaux, de santé, de sécurité et environnementaux graves liés à leurs activités et rendre compte publiquement des résultats, la France a fait œuvre de pionnier.
Ce devoir de vigilance a modifié les pratiques en profondeur. Les exigences descendent jusqu’au niveau des fournisseurs dont les contrats exigent aussi de leur part l’exercice de vigilance à l’égard de leurs propres fournisseurs… Bien sûr, rien n’est parfait et beaucoup reste à faire. Les procédures en cours en France le montrent. ONG, syndicats, associations de consommateurs se sont emparés des voies de recours offertes.
Mises en demeure, assignations devant les tribunaux, le tout accompagné bien entendu de campagnes sur les réseaux sociaux, ont fleuri. Les six sociétés actuellement visées en France en application de cette loi pionnière sont en quelque sorte les cobayes judiciaires de cette mutation juridique. Cette quête de jurisprudence des ONG a toutefois le mérite de montrer que les risques de responsabilité juridique sont sérieux.
Ces actions illustrent combien ce devoir de vigilance est exigeant et son extension prochaine à l’ensemble des sociétés de 250 salariés des 27 Etats membres de l’UE est une bonne nouvelle, en particulier pour les entreprises françaises, à deux titres. Les trajectoires prises depuis quatre ans par les entreprises françaises et leurs fournisseurs leur donnent de l’avance.
D’autant plus que, depuis la loi Pacte de 2019, toute société française doit être « gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Cet article 1833-2 du code civil appelle ni plus ni moins à l’exercice du devoir de vigilance pour toute décision de gestion… On peut raisonnablement penser que l’extension européenne du devoir de vigilance va amplifier le phénomène, particulièrement dans un contexte ou les salariés, les clients et les investisseurs sont de plus en plus attentifs à ces enjeux.