Archive pour le Tag 'd’influence'

International : la perte d’influence de l’Occident

International : la perte d’influence de l’Occident

Philippe Droz-Vincent, professeur de relations internationales : « La perte d’influence de l’Occident est une réalité prégnante .  Les modalités de l’ordonnancement global du monde sont remises en question », analyse le spécialiste du Moyen-Orient dans un entretien au « Monde ». Avant de sommer l’Europe de se ressaisir, car le désenchantement est global et ronge les sphères politique, économique, sociale et culturelle.


Professeur de relations internationales à Sciences-Po Grenoble, Philippe Droz-Vincent a travaillé sur l’autoritarisme au Moyen-Orient et ses recompositions. Il a notamment publié Military Politics of the Contemporary Arab World (Cambridge University Press, 2020) et Fighting for a Monopoly on Governance. How the Asad State « Won » the Syrian War and to What Extent (The Middle East Journal, volume 75, numéro 1, printemps 2021).

La complexité de notre monde est beaucoup plus forte que durant la guerre froide et sa mythique « stabilité » – donc sa lisibilité – bipolaire. Plus forte aussi que dans les années 1990, dont l’histoire était censée être «  finie  », même si d’aucuns diagnostiquaient la montée structurante d’un « clash de civilisations ». On assiste désormais à la déstructuration même de l’ordre international. Et la mondialisation économique, qui semblait dominante et irrésistible, se fragmente.

Ce qui est nouveau, c’est la crise profonde et la remise en question des modalités d’ordonnancement international, qui prend la forme d’institutions ou de pratiques internationales développées selon un « ordre international libéral » après 1945 et triomphantes après la fin de la guerre froide. Si cet ordre persiste, des clés de régulation qui existaient avec la relance du Conseil de sécurité, des opérations de maintien de la paix, le multilatéralisme, l’OMC, l’avancée de normes (la « grande » guerre devenue obsolescente, la justice pénale internationale), chacune avec ses limites, se sont grippées néanmoins dans les années 2010. Et la guerre en Ukraine signe un coup d’arrêt encore plus violent avec un acte délibéré de violation – par agression – de la Charte.

 Réseaux d’influence – Des Médicis à Nicolas Sarkozy…..  et Macron ?<

 Réseaux d’influence – Des Médicis à Nicolas Sarkozy….. ( et Macron ?)

OPINION. Les réseaux d’influence sont clefs en politique: des techniques nées à la Renaissance et amplement maîtrisées par nos contemporains. Par Luca Cortinovis, Université de Lille.

 

Un papier intéressant à lire mais qui fait sans doute une comparaison excessive entre l’influence des Médicis et de Sarkozy. Par contre,  on aurait pu aussi parler de l’influence des réseaux financiers vis-à-vis de Macron et réciproquement NDLR

 

Le 1er mars 2021, le tribunal correctionnel de Paris condamnait Nicolas Sarkozy à une peine de prison de trois ans, dont un an ferme, pour corruption et trafic d’influence dans le cadre de l’affaire Bismuth (dite aussi « des écoutes »). Si l’ancien président de la République a immédiatement interjeté appel de la décision, ce verdict a tout de même engendré un véritable tremblement de terre pour les supporters de celui qui fut le parangon de la droite jusqu’à ses échecs à la présidentielle de 2012, puis lors de la primaire de la droite et du centre en 2016.

Cette condamnation a entraîné une litanie de réactions de la part de la classe politique, entre déclarations de soutien à droite – agrémentés d’attaques contre « l’acharnement d’un pouvoir judiciaire aux ordres » – et tweets satisfaits – voire moqueurs – à gauche.

Mais elle a également soulevé de nombreuses questions sur le devenir politique de l’ex-leader des Républicains. En effet, le politologue Jérôme Jaffré, invité le 2 mars sur le plateau du Figaro Live, s’interrogeait sur « la capacité » de Nicolas Sarkozy à influer sur l’avenir politique du pays. Lui qui s’imaginait encore jusqu’à peu comme le véritable « maître du jeu de la présidentielle de 2022 », ne devait-il pas perdre tout son pouvoir d’influence ?

Il est vrai que depuis presque dix ans, l’ancien président, malgré son absence de mandats et ses défaites électorales successives, est parvenu à conserver un pouvoir considérable sur sa famille politique. La recherche de son soutien semble être devenu un sésame inestimable pour qui veut briguer le titre de champion de la droite. Pour ceux qui furent ses compagnons de route, Nicolas Sarkozy a au fur et à mesure du temps endossé le costume de parrain - analogie que n’aurait pas renié feu Charles Pasqua, une de ses figures tutélaires.

Loin de l’image du ministre – puis du président – tape-à-l’œil qui lui collait tant à la peau lors des années 2000, Nicolas Sarkozy a peu à peu mué pour se fondre dans une autre forme d’action politique.

Si sa fonction passée et ses différentes affaires l’ont évidemment obligées à ne pas disparaître totalement de la scène médiatique, c’est finalement dans les coulisses qu’il a œuvré principalement pour peser sur la chose publique et préparer un hypothétique retour. Les relations forgées lors de sa première carrière politique – avant la fin de la présidence – lui ont permis de brasser un large panel d’hommes et de femmes (ministres, parlementaires, élus locaux, capitaines d’industrie etc.) qui lui assurent par leur amitié ou leur loyauté – l’aspect mentoral des politiques en France n’est pas à négliger – une capacité d’influence substantielle.

Certains ont pu comparer la stratégie sarkozyste post-2012 au clientélisme politique ou encore à la réseaucratie. Ces concepts ont une connotation négative aujourd’hui puisqu’on les a assimilés à la corruption, au recours à des moyens illicites – ou peu honorables – pour s’arroger du pouvoir. Historiquement pourtant, la construction et l’usage d’un réseau important a souvent permis à des hommes, parfois dans l’ombre, de gouverner de manière effective, sans se retrouver dans l’illégalité.

L’ascension des Médicis à Florence au XVe siècle en est un exemple intéressant et peut amener à une comparaison avec les méthodes d’influence d’hommes politiques contemporains comme Nicolas Sarkozy.

Entre le XIVe et le XVIIe siècle, le pouvoir en Italie est réparti entre différentes puissances. Cités-états, républiques, duchés et royaumes cohabitent dans une zone géographique assez restreinte. Cette période, la Renaissance, recèle en son sein une grande part des forces qui vont façonner nos sociétés modernes.

L’approche de la politique et de l’histoire change. On se détache peu à peu des carcans médiévaux pour entrer dans une nouvelle ère, où l’ambition et la quête de gloire deviennent – à nouveau – des fins en soi. Le mouvement humaniste, par son approche novatrice des savoirs et des actions des Anciens – les hommes de l’Antiquité -, va amorcer ce phénomène.

L’historien Jacob Burckhardt a écrit en ce sens que « c’est l’alliance intime entre l’Antiquité et le génie italien » qui a permis la régénération du monde occidental.

La République de Florence est l’un des foyers les plus importants de l’humanisme. Une grande part des érudits de la Renaissance – comme Coluccio SalutatiLeonardo Bruni ou Machiavel - vont s’y faire connaître.

C’est également dans cette ville qu’émerge l’idée selon laquelle les intellectuels doivent prendre une part active dans les affaires publiques, en s’impliquant politiquement pour permettre aux citoyens de jouir de leurs lumières. On souhaite combattre la tyrannie (les principautés du Nord, en particulier Milan, sont visées) et préserver la république coûte que coûte ; c’est ce que Hans Baron a appelé « l’humanisme civique ». Au début du XVe siècle, Florence est donc tributaire d’une tradition politique complexe où démocratie, oligarchie, corporationnisme et factionnisme se sont mélangés pour aboutir à un régime évoluant au gré des fluctuations du temps. C’est dans ce contexte particulier que se distingue de plus en plus la famille des Médicis.

Le premier membre d’importance de cette famille est Jean de Médicis (1360-1429). Travaillant au côté de son oncle Vieri, il prend la tête des affaires de sa famille en 1393, avant de fonder sa propre banque à Florence en 1397. La fameuse Banque des Médicis devient progressivement l’une des plus puissantes banques d’Italie et d’Europe. En bons Florentins, les Médicis prennent, comme de coutume, part à la chose publique. Marqués par le souvenir de leurs ancêtres – lors de la révolte des Ciompi de 1378, Salvestro de Médicis, un des leaders du Popolo (en somme, ceux qui ne sont pas nobles), a oeuvré en vain à établir un régime populaire par la force, jetant le déshonneur sur son nom – et sous l’impulsion de Jean, la famille va prudemment placer ses pions pour gagner de plus en plus de pouvoir.

À cette époque, Florence est gouvernée de manière quasi oligarchique : une élite sociale, composée des anciennes lignées nobles et des familles ayant fait fortune, se partage hégémoniquement les charges publiques. Celles-ci sont fort nombreuses et chacune à un mode d’acquisition particulier (tirage au sort, vote, cooptation). Les rapports de pouvoir se font essentiellement via les relations nouées entre familles. Des partis informels se créent au gré des aspirations et des avantages promis. Le clan qui saura se constituer le plus grand « réseau d’amis » aura le plus de chance d’influer sur la République. Cette manière d’agir, loin de la flamboyance des révoltes ou des entreprises audacieuses, constitue un des particularismes de la politique florentine. L’influence devient le levier principal permettant l’accomplissement de son ambition. Et à ce jeu, les Médicis n’auront – presque – pas d’équivalent. Cosme de Médicis (1389-1464), le fils de Jean, poussera la méthode à son plus haut degré.

Suivant la voie tracée par son père, Cosme s’est évertué à consolider l’assise de sa famille auprès de la population de Florence, élargissant par ses libéralités son « cercle d’amis ». Intelligent, tempéré, prévenant auprès de tous ceux qui viennent requérir son aide, celui qui va devenir « le Père de la Patrie » use de la fortune de sa famille pour asseoir méthodiquement son emprise sur les institutions. Il devient par exemple l’un des plus grands mécènes d’art de son temps, faisant venir à Florence les plus prodigieux artistes ; il fait des dons à de nombreuses institutions (couvents, prieurés, académies) ou financent les études d’enfants de « ses amis » ; il organise défilés et spectacles pour ravir le peuple. En somme, il se sert de sa richesse pour gagner la reconnaissance du plus grand nombre.

Il sait pertinemment que le meilleur moyen d’échouer politiquement à Florence est d’exposer son ambition. Il se cache en conséquence derrière ses alliés, pesant de son poids pour que les organes de pouvoir soient toujours composés d’une majorité de ses partisans, choisissant tel prieur ou tel gonfalonier – qui détiennent le pouvoir exécutif de la ville.

En 1433, une cabale orchestrée par des grandes familles nobles – réticentes à voir les Médicis devenir si puissants – va presque abattre Cosme. Il parvient in extremis à être condamné à l’exil. Néanmoins, dès l’année suivante, grâce à ses soutiens politiques et à sa manne financière, le chef des Médicis revient à Florence sous les hourras d’une foule qu’il a su conquérir. Toujours officiellement simple citoyen, il ne cessera jusqu’à sa mort, en 1464, d’être le dirigeant effectif de la puissante république de Toscane. Son influence est telle que le futur pape Pie II – alors archevêque de Sienne – déclare que Cosme « [« a »] toutes les attributions d’un roi, sans en avoir le nom ».

Les deux situations sont évidemment distantes, temporellement et dans l’effectivité de la chose. Les Médicis – Cosme à fortiori, mais ses descendants Pierre et Laurent également – ont usé de leur influence comme un moyen concret de prendre le pouvoir puis de le conserver. Nicolas Sarkozy s’efforce quant à lui de ne pas disparaître complètement de la scène politique.

L’ancien président a placé ses pions pour garder prise sur un jeu politique qu’il a longtemps dominé.

Il suffit de voir les membres du gouvernement d’Emmanuel Macron pour s’en rendre compte. Le ministère de l’Intérieur, service ô combien symbolique, n’est-il pas occupé par Gérald Darmanin, celui que Nicolas Sarkozy considère comme un « fils spirituel » ? Celui-là même qui lui a apporté tout son soutien malgré sa condamnation en première instance ? Pour qui s’intéresse un peu à l’histoire de la Renaissance, l’accusation de népotisme qui toucha l’ancien Président en 2009, avec la proposition de nomination de son fils à la tête de l’EPAD, a de quoi faire sourire. N’était-ce pas là le moyen privilégié des Grands pour s’assurer une gouvernance paisible ?

Dans tous les cas, Médicis et Sarkozy ont eu recours à ces méthodes pour ne pas être mis au ban des jeux de pouvoir. Une agglomération de talents a pu de cette manière se constituer autour d’eux, se révélant des liens solides pour ne jamais dépendre uniquement de leur seule fortune. L’influence semble sous cet angle demeurer une des clés de la vie politique, aussi importante que peut-être – surtout aujourd’hui – la captation des projecteurs. Les époques comme les régimes changent ; les hommes et leurs méthodes un peu moins.

______

Par Luca Cortinovis, Doctorant, Université de Lille.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Politique Démocratiser les flux d’influence

Politique Démocratiser les flux  d’influence

 

La maîtrise des flux de communication et d’influence par un petit nombre d’entreprises qui favorisent  le buzz contribue à maintenir un modèle injuste et insoutenable, souligne dans une tribune au « Monde » un collectif de onze universitaires et responsables associatifs, qui propose  un renouveau du débat public.

 

La maîtrise de l’information constitue un enjeu fondamental pour formater l’opinion. L’ambiguïté sur cette question provient  notamment que les grands médias ont désormais un modèle économique qui repose essentiellement sur la publicité qui diffuse une culture de consumérisme totalement contraire le plus souvent aux préoccupations environnementales  .NDLR

 

 

 

La campagne présidentielle vient de le démontrer une nouvelle fois, notre démocratie est en souffrance. Notre incapacité à débattre sérieusement pour agir face aux défis qui s’imposent à nous, à commencer par celui de la crise climatique, est le symptôme d’un appauvrissement systémique du débat public. Paradoxalement, cette situation résulte en grande partie du rôle central pris dans notre société par l’industrie de la communication et de l’influence.

Le président réélu a indiqué vouloir mettre l’écologie au centre de son second mandat et adopter une nouvelle méthode pour lutter contre la fatigue démocratique. Nous croyons que les futurs élus de la nation doivent prendre leurs responsabilités pour montrer qu’une telle double transformation est possible.

Ils défendront à n’en pas douter la démocratie représentative, fortement attaquée sous la dernière législature. Dès lors, qu’ils défendent aussi la démocratie au-delà du cénacle parlementaire et des institutions, en soutenant, de manière transpartisane, une politique de régulation des activités de communication en faveur de la société civile.

Qu’il s’agisse de vendre aux personnes un « bonheur » par la consommation, ou bien de tromper les citoyens sur les pratiques sociales et environnementales réelles des grandes entreprises, le secteur de la communication dans toutes ses composantes – publicité, marketing promotionnel, communication « RSE » (responsabilité sociétale des entreprises) et relations publiques – n’a jamais déployé des activités d’influence aussi intenses sur nos sociétés et nos vies, encore renforcées par le basculement dans l’ère numérique.

En organisant l’obsolescence marketing de produits que beaucoup jettent et rachètent toujours plus rapidement, la communication commerciale maintient une économie de surconsommation de masse qui rend possible le modèle de surproduction et ses dérives. Elle contribue activement au dérèglement accéléré du climat et à l’épuisement des ressources naturelles. Indirectement, elle déstabilise aussi notre démocratie.

Les dépenses publicitaires colossales des marques leur permettent de diffuser leurs discours, mais aussi de contrôler une grande partie du financement des médias publicitaires et des industries culturelles.

Dans ce contexte, les frontières entre information, communication et divertissement se brouillent, et le clash et le buzz prennent le pas sur l’analyse et l’investigation. Sur Internet, une poignée d’entreprises géantes développent des stratégies de captation de l’attention pour augmenter leurs revenus tirés de la publicité ciblée et de la surveillance de masse.

Société- Démocratiser les flux d’influence

Société- Démocratiser les flux  d’influence

 

La maîtrise des flux de communication et d’influence par un petit nombre d’entreprises qui favorisent  le buzz contribue à maintenir un modèle injuste et insoutenable, souligne dans une tribune au « Monde » un collectif de onze universitaires et responsables associatifs, qui propose  un renouveau du débat public.

 

La maîtrise de l’information constitue un enjeu fondamental pour formater l’opinion. L’ambiguïté sur cette question provient  notamment que les grands médias ont désormais un modèle économique qui repose essentiellement sur la publicité qui diffuse une culture de consumérisme totalement contraire le plus souvent aux préoccupations environnementales  .NDLR

 

 

 

La campagne présidentielle vient de le démontrer une nouvelle fois, notre démocratie est en souffrance. Notre incapacité à débattre sérieusement pour agir face aux défis qui s’imposent à nous, à commencer par celui de la crise climatique, est le symptôme d’un appauvrissement systémique du débat public. Paradoxalement, cette situation résulte en grande partie du rôle central pris dans notre société par l’industrie de la communication et de l’influence.

Le président réélu a indiqué vouloir mettre l’écologie au centre de son second mandat et adopter une nouvelle méthode pour lutter contre la fatigue démocratique. Nous croyons que les futurs élus de la nation doivent prendre leurs responsabilités pour montrer qu’une telle double transformation est possible.

Ils défendront à n’en pas douter la démocratie représentative, fortement attaquée sous la dernière législature. Dès lors, qu’ils défendent aussi la démocratie au-delà du cénacle parlementaire et des institutions, en soutenant, de manière transpartisane, une politique de régulation des activités de communication en faveur de la société civile.

Qu’il s’agisse de vendre aux personnes un « bonheur » par la consommation, ou bien de tromper les citoyens sur les pratiques sociales et environnementales réelles des grandes entreprises, le secteur de la communication dans toutes ses composantes – publicité, marketing promotionnel, communication « RSE » (responsabilité sociétale des entreprises) et relations publiques – n’a jamais déployé des activités d’influence aussi intenses sur nos sociétés et nos vies, encore renforcées par le basculement dans l’ère numérique.

En organisant l’obsolescence marketing de produits que beaucoup jettent et rachètent toujours plus rapidement, la communication commerciale maintient une économie de surconsommation de masse qui rend possible le modèle de surproduction et ses dérives. Elle contribue activement au dérèglement accéléré du climat et à l’épuisement des ressources naturelles. Indirectement, elle déstabilise aussi notre démocratie.

Les dépenses publicitaires colossales des marques leur permettent de diffuser leurs discours, mais aussi de contrôler une grande partie du financement des médias publicitaires et des industries culturelles.

Dans ce contexte, les frontières entre information, communication et divertissement se brouillent, et le clash et le buzz prennent le pas sur l’analyse et l’investigation. Sur Internet, une poignée d’entreprises géantes développent des stratégies de captation de l’attention pour augmenter leurs revenus tirés de la publicité ciblée et de la surveillance de masse.

Démocratiser les flux d’information et d’influence

Démocratiser les flux d’information et d’influence

 

La maîtrise des flux de communication et d’influence par un petit nombre d’entreprises qui favorisent  le buzz contribue à maintenir un modèle injuste et insoutenable, souligne dans une tribune au « Monde » un collectif de onze universitaires et responsables associatifs, qui propose  un renouveau du débat public.

 

La maîtrise de l’information constitue un enjeu fondamental pour formater l’opinion. L’ambiguïté sur cette question provient  notamment que les grands médias ont désormais un modèle économique qui repose essentiellement sur la publicité qui diffuse une culture de consumérisme totalement contraire le plus souvent aux préoccupations environnementales  .NDLR

 

 

 

La campagne présidentielle vient de le démontrer une nouvelle fois, notre démocratie est en souffrance. Notre incapacité à débattre sérieusement pour agir face aux défis qui s’imposent à nous, à commencer par celui de la crise climatique, est le symptôme d’un appauvrissement systémique du débat public. Paradoxalement, cette situation résulte en grande partie du rôle central pris dans notre société par l’industrie de la communication et de l’influence.

Le président réélu a indiqué vouloir mettre l’écologie au centre de son second mandat et adopter une nouvelle méthode pour lutter contre la fatigue démocratique. Nous croyons que les futurs élus de la nation doivent prendre leurs responsabilités pour montrer qu’une telle double transformation est possible.

Ils défendront à n’en pas douter la démocratie représentative, fortement attaquée sous la dernière législature. Dès lors, qu’ils défendent aussi la démocratie au-delà du cénacle parlementaire et des institutions, en soutenant, de manière transpartisane, une politique de régulation des activités de communication en faveur de la société civile.

Qu’il s’agisse de vendre aux personnes un « bonheur » par la consommation, ou bien de tromper les citoyens sur les pratiques sociales et environnementales réelles des grandes entreprises, le secteur de la communication dans toutes ses composantes – publicité, marketing promotionnel, communication « RSE » (responsabilité sociétale des entreprises) et relations publiques – n’a jamais déployé des activités d’influence aussi intenses sur nos sociétés et nos vies, encore renforcées par le basculement dans l’ère numérique.

En organisant l’obsolescence marketing de produits que beaucoup jettent et rachètent toujours plus rapidement, la communication commerciale maintient une économie de surconsommation de masse qui rend possible le modèle de surproduction et ses dérives. Elle contribue activement au dérèglement accéléré du climat et à l’épuisement des ressources naturelles. Indirectement, elle déstabilise aussi notre démocratie.

Les dépenses publicitaires colossales des marques leur permettent de diffuser leurs discours, mais aussi de contrôler une grande partie du financement des médias publicitaires et des industries culturelles.

Dans ce contexte, les frontières entre information, communication et divertissement se brouillent, et le clash et le buzz prennent le pas sur l’analyse et l’investigation. Sur Internet, une poignée d’entreprises géantes développent des stratégies de captation de l’attention pour augmenter leurs revenus tirés de la publicité ciblée et de la surveillance de masse.

 

L’évolution des guerres d’influence des Etats

L’évolution des guerres d’influence 

Dans un ouvrage accessible et truffé d’exemples, le spécialiste des relations internationales Frédéric Charillon analyse la façon dont les pays séduisent, attirent et rémunèrent des cibles qu’ils souhaitent influencer. (Analyse du livre de Frédéric Charillon par le » Monde »

 

 

 

Plus le monde se complexifie, plus les conflits sont illisibles. A partir de cette équation, Frédéric Charillon, spécialiste des relations internationales, s’empare de la thématique de la guerre pour alerter sur la nuance entre « soft power » et « influence ». Si la première expression signifie « la capacité d’influencer les autres afin d’obtenir d’eux les résultats souhaités, par l’attraction et la persuasion, plutôt que par la coercition », il en va autrement de la seconde.

 

L’influence, pour Frédéric Charillon, « consiste pour un acteur A à faire faire par un acteur B ce qu’il n’aurait pas fait autrement, et ce sans recourir à la contrainte ». Or, au fil du temps, le concept s’est épaissi : l’influence suppose, désormais, un processus de fabrication et surtout de rémunération, contrairement au soft power. Elle ne s’oppose pas à la puissance. Et n’a rien à voir avec la propagande ni avec le lobby. Mais elle peut être aussi menaçante en dernier recours, corruptible à tout instant et cohabite avec les guerres hybrides. Selon cette lecture, la crise ukrainienne serait le théâtre d’une opposition entre un soft power américain et une guerre d’influence russe.

Légitimer le concept d’influence à l’aune du pivot de la géopolitique mondiale vers l’Indo-Pacifique, telle est l’ambition de Frédéric Charillon, qui décrypte les nouveaux usages des Etats en termes de séduction, d’attraction et surtout de rémunération des cibles à influencer. Mission accomplie et démonstration convaincante quand on referme ce livre accessible, truffé d’exemples et de références. Selon lui, parler aujourd’hui de « guerres d’influence » s’impose, car le passage du transatlantique vers l’Indo-Pacifique induit un changement d’échelle dans le débat géopolitique. Il consacre, en effet, l’avènement des stratégies indirectes propres à l’Asie, au moment où l’Occident sort laborieusement de deux décennies de stratégies directes et frontales.

 

Ainsi, les relations internationales seraient, au XXIe siècle, soumises à trois modèles d’influence : le modèle occidental, démocratique et libéral, en plein doute cependant sur ses capacités à séduire. Le modèle impérial et autoritaire (Russie, Turquie, Chine), dont les diplomaties de nuisance ne visent qu’à sauver des régimes tout en déstabilisant leur proie. Enfin, le modèle confessionnel fondé sur les croyances (Etats de la péninsule arabe), handicapé par une réputation sulfureuse.

Cette rencontre des modèles déboucherait, selon l’universitaire, sur trois types de stratégies : le retour aux sphères d’influence défendu par les régimes autoritaires adeptes d’un monde multipolaire ; l’émergence de « joint-ventures » entre Etats, où la logique du partenariat l’emporterait sur celle des alliances ; enfin, les rivalités entre les Etats et les géants du Net (Gafam), avatar des tensions entre le monde réel et le monde virtuel. Autrement dit, une nouvelle forme de batailles des valeurs dans un monde toujours aussi fidèle aux logiques de domination et de prédation.




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol