Hausse d’impôt: : Boris Johnson se renie
Tribune par Chloé Goudenhooft, ancien conseiller spécial du Premier ministre Boris Johnson ( L’Opinion, extrait)
Le Premier ministre britannique doit annoncer une réforme attendue de la protection sociale qui pourrait se traduire par une hausse des impôts, une mesure qui serait en contradiction avec son programme de campagne.
Pour la première fois de son mandat, Boris Johnson fait face à une crise strictement britannico-britannique. Au cœur des enjeux : la nécessaire réforme de la protection sociale, soit la prise en charge des personnes âgées. En mai, le programme de nouvelle session parlementaire du Premier ministre britannique avait été critiqué pour rester trop vague sur le sujet. Cette fois, ce sont ses propositions qui révulsent. A ce jour, toute personne ayant des économies de plus de 23 250 livres doit payer partie ou totalité des coûts de santé liés à des problèmes de vieillesse, seuls les individus les plus pauvres étant pris en charge.
Les détails du projet devaient être annoncés ce mardi ou mercredi, mais selon les fuites de la presse, cette réforme devrait être financée par une hausse des cotisations sociales d’au moins 1 %, un chiffre qui devait encore être discuté par le cabinet de Boris Johnson. Or, le manifeste de campagne tory de 2019 indiquait de façon explicite que les Conservateurs n’augmenteraient pas « les taux de l’impôt sur le revenu, de la TVA ou de l’assurance sociale ».
Face à un tel revirement, un vent de révolte souffle sur la sphère politique britannique. « Briser [cette] promesse fiscale est une mauvaise politique pour faire de la mauvaise politique, une bonne nouvelle pour Starmer [le leader de l’opposition] et une bonne nouvelle pour ceux qui veulent que Boris Johnson disparaisse », a commenté sur son blog l’ancien conseiller du Premier ministre et revanchard Dominic Cummings. Le 10 Downing street s’est tiré une balle dans les deux pieds au tout premier jour de la rentrée. »
Dans une tribune publiée dans le Sunday Telegraph, le député tory Marcus Fysh se plaint quant à lui de ne plus reconnaître son parti. « Je suis alarmé par la direction que semble prendre le gouvernement, déplore-t-il. Je ne pense pas qu’il soit conservateur d’adopter une approche socialiste en matière de protection sociale et de son financement alors qu’il existe des alternatives basées sur l’assurance et assez contributives, et que la réforme opérationnelle n’a pas été définie. » Les députés de la base du parti ne sont pas les seuls à s’étonner du contenu de cette fuite.
Philip Hammond, l’ancien ministre des Finances de Theresa May, John Major, l’ancien Premier ministre, et d’autres Tories se sont aussi opposés à cette proposition. « Une augmentation des cotisations sociales impose aux jeunes personnes qui travaillent, et dont certains n’hériteront jamais de propriétés, de soutenir des personnes âgées qui ont cumulé des richesses tout au long de leur vie, a expliqué le premier au micro de TimesRadio. Si le gouvernement va bien dans cette direction, je pense que cela va causer au Parti conservateur des dommages conséquents. »
Toujours selon Philip Hammond, cette mesure n’est pas mauvaise seulement politiquement ; elle l’est aussi d’un point de vue économique. « Etendre encore plus l’intervention de l’Etat, dans le but de protéger des biens privés en demandant à des gens pauvres de subventionner des gens riches, ce n’est pas quelque chose de correct à faire. » La même raison est évoquée par le Parti travailliste pour s’opposer à cette idée.
James Heappey estime que les Britanniques sauront se montrer compréhensifs face aux circonstances actuelles. Un sondage Yougov le 12 juillet semble lui donner raison. 34 % de la population estime que le gouvernement devrait augmenter l’impôt sur le revenu de façon modérée dans le but de soutenir la protection sociale et la rendre plus abordable. Moins de 10 % des sondés seulement estimaient qu’il ne fallait aucune hausse fiscale et que les familles devaient prendre leur responsabilité. Si le sondage conforte le gouvernement sur le fond (l’alourdissement des prélèvements), il ne vise pas le même impôt. Mais c’est plutôt une bonne nouvelle : il lui reste donc une marge de manœuvre pour négocier la remise en cause du programme de 2019.