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Les différentes couleurs de l’euroscepticisme

Les différentes couleurs de l’euroscepticisme

 

Alors que la date des élections européennes approche (les 8 et 9 juin 2024), une possible percée des mouvements eurosceptiques pourrait se profiler en France, sans pour autant menacer l’équilibre des forces au Parlement européen. Cette progression dans les sondages se fait dans un climat médiatique réduisant régulièrement le champ du débat aux invectives, où l’on présente les eurosceptiques comme des mouvances menaçantes, le plus souvent en les amalgamant, ou pire, en faisant parfois des parallèles forts douteux avec les années trente, l’euroscepticisme y est mélangé aux termes « populistes », « dictature fasciste » ou « dictature du prolétariat ». Il semble pourtant nécessaire de sortir ce mot du champ lexical de l’extrémismedu complotisme, de l’antisémitisme, et autres « stagimat-ismes » pour mieux comprendre ce phénomène. Les eurosceptiques ne sont, ni plus ni moins, que l’ensemble des personnes tenant un discours critique à l’égard du projet européen : ces critiques peuvent avoir des thèmes (économie, immigration, démocratie, souveraineté) ou des intensités variables (autre-Europe, moins d’Europe, « Frexit »).

 

par 

Doctorant en science politique, Université de Liège dans The Conversation 

Le cheminement du terme « eurosceptique » (eurosceptic) débute le 8 mars 1979 dans un article du East Grinstead Observer, un journal local du Sussex en Angleterre, d’où le mot se diffusera jusqu’à Londres, repris le 11 novembre 1985 dans un article du Times.

En France, le mot s’installe dans le débat public dans les années 1990 à la faveur de la campagne référendaire sur le Traité de Maastricht, ce dernier devant renforcer l’intégration institutionnelle, politique et économique des pays membres (avec l’adoption de l’euro par exemple).

Le terme « eurosceptique » permet alors de compacter derrière une seule appellation, des profils aussi divers que Jean-Marie Le Pen (FN), Philippe Séguin (RPR), Jean-Pierre Chevènement (PS) ou Georges Marchais (PCF).

Le procédé est repris au moment du référendum de 2005, notamment lors d’une interview de Laurent Fabius (PS) par la journaliste Béatrice Schönberg qui le rapproche de Jean-Marie Le Pen (FN).

À la suite de la victoire du « non », puis de la ratification du Traité de Lisbonne en 2008, des sécessions au sein des « partis de gouvernement » se produisent.

Autour de ces personnalités, de nouvelles formations apparaissent comme Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan, ou le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Et si certains eurosceptiques décident de rester au sein des structures traditionnelles comme Arnaud Montebourg et Henri Emmanuelli au Parti socialiste, ou Jacques Myard et Charles Pasqua à l’UMP, leurs tendances ne parviendront plus à s’imposer au sein de leur famille politique.

Dès lors, dans les médias, le mot « eurosceptique » commence un long et lent glissement sémantique vers l’extrémisme et le complotisme, soit un phénomène bien différent de celui observé dans d’autres pays, comme au Royaume-Uni, en Hongrie ou en Italie.

Au Royaume-Uni, les eurosceptiques se distinguent de la trajectoire française par la conquête – et non la scission avec un grand parti de gouvernement (le Parti conservateur)-, le soutien de grands titres de presse, comme The Sun ou The Times (proche du Parti conservateur) et l’élargissement de la « fenêtre d’acceptabilité d’opinion », la fameuse fenêtre d’Overton qui serait l’allégorie du champ de l’acceptable en politique, avec la création du UK Independence Party (UKIP) – faisant progressivement du Brexit une alternative crédible aux yeux de la majorité des votants.

Si l’euroscepticisme dominant au Royaume-Uni est euroclaste (« qui brise » l’Europe) à travers sa démarche de rupture (Brexit), celui en Europe centrale est europhobe, il joue sur la peur que génère la construction européenne. Les euroclastes veulent sortir de l’UE, les europhobes veulent y rester pour continuer à effrayer et gagner des voix.

Le cas de Viktor Orban parlant d’une « menace extérieure » est exemplaire de ce que l’historien Paul Gradvohl qualifie de « fièvre obsidionale », soit l’idée d’une nation assiégée.

L’europhobie devient un élément de langage légitimant le maintien au pouvoir du leader – il ne s’agit donc plus de quitter l’UE mais d’en influencer la ligne par l’intérieur – un modèle dans lequel s’inscrit la Première ministre italienne, Giorgia Meloni.

De ces exemples européens, qu’en retenir pour le cas français ? Doit-on rapprocher l’euroscepticisme de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, de celui de Viktor Orban et de Giorgia Meloni, ou bien de celui de Nigel Farage et de Boris Johnson ?

Aucun des deux. Marine Le Pen ne défend pas le « Frexit » (du moins depuis 2017 et le départ de Florian Philippot du Front national), et elle ne cherche pas à se maintenir au pouvoir, puisqu’elle n’y est pas.

Marine Le Pen, mais aussi Jean-Luc Mélenchon, sont dans une démarche de conquête du pouvoir, nous pouvons donc relever a minima trois types d’euroscepticismes qui se distinguent par les objectifs à atteindre : un euroscepticisme de conquête (M. Le Pen, J.-L. Mélenchon), un euroscepticisme de pouvoir (V. Orban, G. Meloni) et un euroscepticisme de rupture (N. Farage, B. Johnson).

Dans cette proposition de typologie (une parmi tant d’autres), l’euroscepticisme n’est plus subdivisé en extrême droite ou extrême gauche (avec toutes les connotations péjoratives que cela regroupe) mais subdivisé en objectifs.

L’euroscepticisme imaginaire

Nous n’avons pas évoqué un quatrième modèle, l’euroscepticisme imaginaire, celui qui s’opposerait à la paix, à la prospérité, qui souhaiterait une France petite et recroquevillée sur elle-même – cet euroscepticisme est celui que convoquent des personnalités comme Jacques Attali ou Emmanuel Macron.

C’est un produit marketing qui vise à disqualifier les opposants politiques, à dresser des épouvantails qu’il sera facile de brûler par la suite, mais qui ne correspondent en rien aux objectifs réels des eurosceptiques que nous avons présentés précédemment. Dans L’art d’avoir toujours raison (1830), le philosophe allemand Arthur Schopenhauer nomme « L’extension » ce stratagème visant à « reprendre la thèse adverse en l’élargissant hors de ses limites naturelles, en lui donnant un sens aussi général et large que possible et en l’exagérant […] car plus une thèse est générale et plus il est facile de lui porter des attaques ».

Ces méthodes de dénigrement, qui empêchent les critiques constructives de l’Union européenne, prennent parfois des formulations douteuses voir révisionnistes comme on a pu le voir dans certains articles où l’euroscepticisme est décrit comme « un concept ancré dans l’ADN de l’extrême droite allemande » ; ce qui revient à oublier le pan-européanisme nazi du XXe siècle – non, l’ADN de l’extrême droite allemande ne commence pas avec l’AfD.

De même, un article tout à fait déplacé, voir malhonnête sur les capacités cognitives des Brexiteurs qui confond corrélation et causalité : une personne de milieu modeste aura statistiquement plus de difficultés à l’école, puis à trouver un emploi correctement rémunéré, l’amenant progressivement vers une situation de précarité – or, les économistes Julia Cagé et Thomas Piketty ont bien démontré que les communes populaires ont eu tendance à voter « non » en au référendum sur le Traité européen en 2005. Il ne s’agit donc pas d’une question cognitive ou biologique, mais d’une question économique et sociale – une question de classe.

Ainsi, l’euroscepticisme imaginaire en dit plus sur les soutiens à l’Union européenne qu’il n’en dit sur les eurosceptiques. Il montre que finalement, le populisme, les dénigrements ou les méthodes d’influences sur les électeurs (par la peur de la guerre, de la pauvreté, du nazisme), ne sont nullement l’apanage d’un camp plus que d’un autre. Il nous questionne quant à la bonne santé de nos démocraties.

Crise Agriculture : des situations très différentes

Crise Agriculture : des situations très différentes

Les mouvements sociaux, dont celui des agriculteurs, expriment l’impossibilité d’une vie décente. En cause, le retrait de l’Etat face à la globalisation, estiment les économistes Robert Boyer, Thierry Pouch et Marine Raffray, dans une tribune au « Monde ».

 

Les vigoureuses et persistantes protestations des agriculteurs, en France comme dans d’autres Etats membres de l’Union européenne (UE), désignent-elles une crise sectorielle de plus, liée à un persistant et traditionnel archaïsme ? Rien ne serait plus faux, car ces manifestations témoignent, au contraire, d’une crise de la modernité qui a désarticulé les relations de complémentarité entre l’agriculture et un régime macroéconomique aujourd’hui fondé sur la concurrence internationale, conçue comme un indispensable vecteur de progrès. Après les ronds-points occupés par les « gilets jaunes », les incendies lors des récurrentes révoltes urbaines, c’est au tour des tracteurs de bloquer les autoroutes. Autant de mouvements sociaux qui entendent signifier aux gouvernements l’impossibilité d’une vie décente pour les groupes sociaux marginalisés par le retrait du rôle directeur de la puissance publique face aux processus de globalisation.

Le principe de concurrence chemine d’abord silencieusement, puis il s’impose à mesure que la déréglementation s’étend des produits et des services aux capitaux et au travail. Les institutions collectives, qui encadraient hier le régime de forte croissance, sont érodées par les réformes qui visent à individualiser les rémunérations en fonction de la performance, y compris sur des marchés de plus en plus lointains.

A ce titre, les transformations successives de la politique agricole commune (PAC) depuis 1992, année de la première réforme d’envergure des principes de régulation des marchés, suivent un chemin parallèle à celui du droit du travail : agriculteurs et salariés voient leurs revenus dépendre de plus en plus des marchés, et non plus d’accords professionnels ou de conventions collectives.

SAGA du Brexit: Johnson envoie trois lettres différentes à l’UE !

SAGA du Brexit: Johnson envoie trois lettres différentes à l’UE !

 

La confusion est telle à Londres que personne  ne sait pas si le Royaume-Uni quittera un jour l’UE. A la différence de Trump, Boris Johnson est cultivé ; pour autant ; il est aussi fou. Pour preuve, il a envoyé à l’Union économique trois lettres différentes, une lettre officielle pour demander un report, une lettre personnelle pour contester ce report, enfin une lettre demandant à l’UE de trancher entre les Brexiters et les autres. Comme Trump, Johnson s’assoit sur tous les usages démocratiques et diplomatiques. Il choisit la posture de clown pour se démarquer allant jusqu’à se décoiffer volontairement dans toute ses apparitions publiques. En même temps, il enfonce évidemment son pays dans la crise et le ridicule. Ces trois courriers différents adressés à l’union économique traduisent en fait l’enlisement du Royaume Uni et de Johnson en particulier. Pour preuve l’UE a reçu

1. une lettre non signée sur le modèle intégré à la loi Benn – adoptée début septembre pour éviter un “no deal” – qui obligeait le Premier ministre à demander à l’UE une nouvelle extension de trois mois du calendrier, à fin janvier 2020, dans l’éventualité où le Parlement n’approuvait pas un accord de retrait ou un divorce sans accord le 19 octobre au plus tard;

2. une note de “couverture” de l’ambassadeur du Royaume-Uni auprès de l’UE, Tim Barrow, expliquant que le gouvernement est tenu par la loi de demander ce report;

3. une lettre dans laquelle Johnson indique aux Européens qu’un report serait une erreur.

Des courriers qui témoignent de la confusion totale qui règne au Royaume -Uni qui doit assumer les risque d’un Brexit mais désormais ceux d’un éclatement du pays compte tenu des velléités d’indépendance de l’Ecosse, de l’Irlande du nord et même des Gallois.

Jacob Rees-Mogg, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, a déclaré samedi que le gouvernement envisageait de soumettre de nouveau l’accord de Brexit à un débat et à un vote dès lundi.

Mais le “speaker” (président) de la Chambre des communes, John Bercow, a déclaré qu’il se prononcerait lundi sur l’opportunité d’organiser ce nouveau débat. Plusieurs parlementaires lui avaient auparavant rappelé qu’il avait lui-même exhumé sous le gouvernement de Theresa May, en mars dernier, une disposition remontant à 1604 et interdisant qu’une même question soit soumise deux fois à un vote lors d’une même session parlementaire.

“J’ai été surpris par cette affaire, comme d’autres l’ont été”, a commenté Bercow après l’annonce de Rees-Mogg. “Je réfléchirai à cette question, m’imprégnant de ce que des collègues diront et en consultant d’autres, et j’informerai la Chambre lundi”, a-t-il poursuivi, ajoutant: “Le gouvernement n’est pas l’arbitre de ce qui est régulier.”

La plus haute cour de justice d’Ecosse, la Court of Session, doit se pencher lundi sur une plainte dont l’objectif est de forcer Boris Johnson à se plier à la loi Benn, sous peine d’amende voire de prison, ou de décider que la fameuse lettre au président du Conseil européen soit envoyée en son nom si le Premier ministre refuse de le faire.

Dans des documents transmis dans le cadre de cette procédure, les juristes du gouvernement ont indiqué que Johnson se conformerait aux dispositions de la loi Benn. “Que le Premier ministre ou le gouvernement revienne sur ce qu’ils ont affirmé à la cour quant aux intentions du Premier ministre serait préjudiciable à l’un des principes fondamentaux de la procédure constitutionnelle et de la confiance mutuelle qui est le socle de la relation entre la justice et la couronne”, a déclaré le juge Paul Cullen.

Or, des députés de l’opposition estiment qu’en envoyant plusieurs lettres à Bruxelles, Boris Johnson a d’ores et déjà enfreint cette promesse. “Il pourrait bien se retrouver en état d’outrage au parlement, voire d’outrage à la justice parce qu’il tente à l’évidence de nuire à la première lettre (ndlr, celle par laquelle Londres demande un report du Brexit)”, a commenté sur Sky News John McDonnell, un des principaux dirigeants du Parti travailliste. Boris Johnson a déclaré samedi aux parlementaires que son gouvernement soumettrait la semaine prochaine les actes législatifs nécessaires pour quitter l’UE dans le cadre du nouvel accord le 31 octobre. Une promesse impossible à réaliser d’ici le 31 octobre !

On s’attend à ce que ce processus parlementaire débute mardi. Et le ministre des Affaires étrangères, Dominic Raab, a estimé que le gouvernement pensait disposer du nombre de voix nécessaire pour faire passer ces législations.

Mais cette démarche offrirait aussi la possibilité aux députés, y compris dans l’opposition, d’amender ces textes et d’essayer, pour le Parti travailliste par exemple, d’introduire l’obligation d’organiser un référendum de confirmation de cet accord. Une telle disposition, dont rien ne dit qu’elle réunirait une majorité, serait de nature à introduire dans le débat la possibilité d’annuler purement et simplement la procédure de divorce avec les Européens.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a annoncé samedi en fin de soirée qu’il allait entamer des consultations avec les dirigeants des Vingt-Sept.

A l’issue d’une réunion des ambassadeurs des 27 Etats membres organisée à la hâte dimanche matin, des diplomates ont indiqué que l’UE allait temporiser. “Nous souhaitons avoir plus de clarté à la fin de la semaine, en espérant que d’ici là nous verrons également comment les choses évoluent à Londres”, a dit l’un d’eux.

Tant les conservateurs de Boris Johnson, qui n’a plus de majorité aux Communes, que l’opposition travailliste disent vouloir de nouvelles élections. Mais le chef de file du Labour, Jeremy Corbyn, refuse de bouger sur ce front tant que le risque d’un Brexit sans accord ne sera pas écarté. “Des élections sont inévitables du fait de l’arithmétique actuelle du parlement, parce que nous devons briser cette impasse. La question du calendrier relève de Jeremy Corbyn (…) mais il est inévitable que tôt ou tard, la situation débouche sur des élections générales”, a dit Keir Starmer.




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