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Gabon : un coup d’Etat différent ?

Gabon : un coup d’état différent ?

Le coup d’État survenu au Niger le 26 juillet n’est pas un événement unique, tant s’en faut : il s’agit du cinquième à secouer le pays depuis son indépendance, et le septième depuis 2020 dans la région du Sahel. Le général Abdourahamane Tiani, qui était à la tête de la Garde présidentielle depuis 2011, a renversé le président Mohamed Bazoum, dont il était chargé de la protection. Il est cependant singulier : le scénario d’une guerre menée par les pays voisins de la Cédéao, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, pour ramener le président Bazoum au pouvoir n’avait pas été envisagé dans la région jusqu’à présent. Ce coup est aussi unique dans l’histoire du Niger, puisqu’il met en exergue des profondes transformations du tissu social et politique en cours dans le pays depuis les années 1990. Elles ont été accentuées par l’insurrection djihadiste et le déploiement des forces militaires internationales, dont françaises.

par Tatiana Smirnova
Chercheuse postdoctorale, CIDIS, Université de Sherbrooke, dans the Conversation

Une séquence d’évènements dramatiques, inscrits dans un contexte géopolitique tendu, a ainsi placé le Niger dans un point de bascule. La suite aura des incidences tant sur la région que sur le pays lui-même.

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Anthropologue et politologue de formation, je travaille depuis plusieurs années en tant que chercheur sur l’histoire politique contemporaine du Niger. Les observations que je me permets d’exprimer sont basées sur des entretiens avec des personnes qui vivent au quotidien la suite des évènements du 26 juillet.

Un coup comme les autres ?

Les précédents coups d’État au Niger survenaient dans des moments de crises politiques aiguës et étaient qualifiés dans la littérature de « coups correctifs ».

Le renversement constitutionnel du 26 juillet épouse ce schéma en apparence et surtout, dans le discours des militaires. Ils ont évoqué la dégradation de la situation sécuritaire comme motif pour la prise du pouvoir. Or, celle-ci s’est plutôt améliorée ces deux dernières années, et empiré depuis le coup d’État. Le 15 août, au moins dix-sept soldats des forces spéciales nigériennes ont été tués dans une embuscade attribuée aux djihadistes, très présents dans le Sahel.

La seule similarité de ce coup d’État avec les précédents est le contexte de lutte pour le partage du pouvoir. Celui du 26 juillet 2023 survient après 12 ans de gouvernance du PNDS-Tarayya, le parti nigérien pour la démocratie et le socialisme, qui s’est considérablement affaibli durant cette période.

Le général Abdourahmane Tiani fait une déclaration à la télévision d’État du Niger, deux jours après le coup d’État. Il se proclame alors chef du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie. (ORTN via AP)
Le coup d’État ne relève pas tant de frictions entre les partis d’opposition et le PNDS, mais plutôt au sein même du parti. Les divisions internes existaient depuis plusieurs années, accentuées depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Bazoum en mars 2021. Le général Tiani était considéré comme un fidèle du précédent président, Mahamadou Issoufou.

Cependant, en dépit des fractures au sein du parti au pouvoir, le coup d’État ne semble pas les fissurer davantage : le noyau du parti continue à maintenir une ligne ferme, demandant le rétablissement du président Bazoum au pouvoir et ne reconnaissant pas le Conseil National pour la Sauvegarde de la patrie (CNSP), dirigé par le général Tiani.

Le président Bazoum n’a pas présenté sa lettre de démission et se trouve toujours détenu dans le Palais présidentiel avec ses proches.

On a vu plusieurs manifestations de soutien au nouveau régime militaire dans les rues de Niamey.

Mais cette réaction des Nigériens au coup d’État traduit une confusion plutôt que l’unité absolue derrière le CNSP. On peut douter de l’authenticité du soutien de plusieurs vis-à-vis de la gouvernance militaire.

Des témoignages révèlent la distribution d’argent aux manifestants (à tout le moins dans les premiers jours suivant le coup d’État), d’autres que les autorités administratives de certaines localités ont été « contraintes » de suivre la demande des militaires et appeler à la mobilisation en leur faveur. Les craintes de répression pourraient par ailleurs expliquer le silence de certains acteurs politiques. Des fouilles et perquisitions ont été notamment opérées au domicile de certains militants de PNDS, alors que d’autres ont été interpellés par les forces de l’ordre.

Ces réactions des Nigériens donnent ainsi une idée des divisions de la société.

Le renversement de l’ordre constitutionnel au Niger a été condamné en termes extrêmement fermes par les chancelleries occidentales, notamment par crainte de contagion russe dans la région.

Plusieurs y ont perçu une ingérence étrangère, entraînant une radicalisation des positions. Le Mali et le Burkina Faso promettent d’intervenir si la CEDAO opte pour l’option militaire. Depuis leurs propres coups d’État, ces deux pays ont épousé la thèse souverainiste, anti-occidentale.

Les guerres au Sahel sont toujours asymétriques, impliquant une multitude d’acteurs armés dans un contexte insurrectionnel fluide. Avec le scénario hypothétique de rétablissement de l’ordre constitutionnel et le retour de Mohamed Bazoum au pouvoir, il y a aussi un risque d’exacerber des sentiments anti-occidentaux au Niger. En effet, le CNSP présente la décision de la CEDAO d’intervenir militairement comme émanant des pays occidentaux.

Le sentiment anti-français s’est par ailleurs accentué ces dernières années au Niger, comme en témoignent les manifestations à Téra, en novembre 2021, à la suite du passage d’un convoi de l’opération Barkhane.

Ainsi, le slogan des putschistes mobilisant les populations est « la France, dégage ». Cela a culminé le 25 août par la demande du CNSP du départ de l’ambassadeur français au Niger. Trois jours plus tard, le président français Emmanuel Macron s’est exprimé sur un ton perçu par les populations comme moralisatrice, nourrissant ainsi la rhétorique des putschistes.

Cela dit, la crainte d’expansion de l’influence russe au Niger me semble exagérée. En fait, les relations entre les deux pays ont toujours été relativement distantes. Les projets de développement russes, depuis le début des années 2000, n’ont pas abouti aux résultats escomptés (par exemple le barrage Kandjadji et le Gazprombank).

En 2017, deux accords ont été signés sur la coopération militaire et militaro-technique. Cependant, en dehors de ces accords et des bourses de formation, la Russie ne montrait pas d’intérêt spécifique pour le Niger.

Le Kremlin a cependant besoin d’alliés en Afrique pour alimenter son image de puissance capable de construire un « nouvel ordre mondial ». Il y a aussi des enjeux réputationnels. À la vue de manifestants brandissant son drapeau, la Russie pourrait être poussée à agir, ou à prendre une position plus ferme au Sahel.

Des manifestants en faveur de la junte au pouvoir au Niger… et de la Russie, à Niamey, le 6 août 2023. (AP Photo/Sam Mednick)
La Russie pourrait tirer du coup d’État nigérien des gains géopolitiques ponctuels, avec le minimum d’efforts et d’investissements. Cependant, contrairement aux attentes de certains leadeurs du CNSP, la Russie ne sera pas en mesure d’offrir l’aide militaire nécessaire pour lutter contre les groupes armés présents sur le territoire, dont les djihadistes.

Le groupe Wagner est présent au Sahel, notamment au Mali, depuis au moins la fin 2021. Leur chef Evguéni Prigojine aurait financé certains leadeurs du mouvement « nouveau panafricanisme ».

Les organisations panafricanistes nigériennes ont contribué au changement subtil de la société civile, malgré une influence somme toute restreinte.

La mort des dirigeants de Wagner, dont le chef Prigojine, dans l’écrasement de leur avion le 24 août, n’indique pas la fin des opérations de ce groupe militaire privé, déjà bien ancré en République centrafricaine et au Mali. Selon plusieurs observateurs, le groupe poursuivra probablement ses activités, mais sous un contrôle plus serré du Kremlin.

Le coup d’État du 26 juillet constitue un point de bascule singulier dans l’histoire politique du Niger et de la région. Ce qu’on sait, c’est qu’une intervention militaire du Cédéao serait catastrophique pour le pays, déjà engagé dans la lutte contre plusieurs groupes djihadistes.

Par ailleurs, il faudra voir dans quelle mesure les mobilisations en faveur du coup d’État seront durables. La manifestation du 26 août, qui visait à célébrer le premier mois du coup d’État, n’a pas eu la même ampleur que celle du 6 août : la stade Seyni Kountché a été rempli seulement à moitié.

Les putschistes connaissent par ailleurs des rivalités internes qui pourraient les fragiliser. On ignore dans quelle mesure ils sauront tenir durant la période de transition annoncée de trois ans. Le niveau fluctuant de mobilisation populaire, ainsi que les tensions internes, pourraient faire partie des leviers pour des négociations, toujours en cours.

Cependant, les prises de position très fermes de la France et de certains pays d’Afrique de l’Ouest ne font que renforcer la rhétorique souverainiste des putschistes et leur désir de rester au pouvoir, peu importe le prix à payer.

« Après le coronavirus: un monde différent » ?

« Après le coronavirus: un monde différent » ?

Ian Goldin et Robert Muggah, professeurs respectivement à l’université d’Oxford (Royaume-Uni) et l’université pontificale catholique de Rio de Janeiro (Brésil), analysent les limites de la coopération internationale que la pandémie a mis en lumière. Et tirent les conséquences de ce qu’il faut changer après la crise.( Tribune dans l’Opinion)

 

« 176 pays de la planète sont désormais touchés par le Covid-19. Il apparaît clairement que la pandémie représente la plus grande menace que l’humanité ait eu à affronter depuis la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, la confiance dans la coopération internationale et les institutions multilatérales avait atteint un point historiquement bas ; c’est à nouveau le cas aujourd’hui. Si l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale avait pris de nombreuses personnes par surprise, ce ne fut pas le cas pour l’apparition du coronavirus en décembre 2019 : la crise sanitaire était annoncée.

Depuis des décennies, les spécialistes des maladies infectieuses alertent l’opinion publique et les dirigeants sur l’accélération du rythme des épidémies. La dengue, Ebola, le SRAS, H1N1 et Zika ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Depuis 1980, plus de 12.000 foyers ont été documentés. Des dizaines de millions de personnes dans le monde – tout particulièrement parmi les populations les plus démunies – ont été infectées et bon nombre d’entre elles sont décédées. En 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a détecté pour la toute première fois des foyers de six de ses huit  »maladies prioritaires ».

 

Nous ne pourrons pas dire que nous n’avions pas été prévenus.

Même si notre attention est aujourd’hui prioritairement consacrée aux innombrables situations d’urgence générées par le Covid-19, nous devons réfléchir sérieusement aux raisons pour lesquelles la communauté internationale n’était pas préparée à une épidémie si inévitable. Ce n’est pourtant pas la première fois, loin de là, que nous sommes confrontés à une catastrophe mondiale.

La Seconde Guerre mondiale s’explique en bonne partie par l’incapacité dramatique des dirigeants à tirer les leçons de la guerre de 1914-1918. La création des Nations unies et des institutions de Bretton Woods à la fin des années 1940 et au début des années 1950 a donné quelques raisons d’être optimiste, mais celles-ci ont été éclipsées par la guerre froide. En outre, les révolutions Reagan et Thatcher des années 1980 ont réduit la capacité des gouvernements à lutter contre les inégalités par la fiscalité et la redistribution, ainsi que leur capacité à fournir aux populations des services de santé et des services essentiels.

 

La capacité des institutions internationales à réguler la mondialisation a été sapée précisément au moment où elle aurait été le plus utile. Les années 1980, 1990 et 2000 ont vu une augmentation rapide des mouvements transfrontaliers des biens commerciaux, des moyens financiers et des individus. L’accélération des flux de biens, de services et de compétences est l’une des principales raisons de la réduction de la pauvreté mondiale la plus rapide de toute l’histoire. Depuis la fin des années 1990, plus de 2 milliards de personnes sont sorties de la grande pauvreté.

L’amélioration de l’accès à l’emploi, à l’alimentation, à l’assainissement et à la santé publique (notamment grâce à la disponibilité des vaccins) a ajouté plus d’une décennie d’espérance de vie moyenne à la population mondiale.

Mais les institutions internationales n’ont pas su gérer les risques générés par la mondialisation. Les prérogatives des Nations unies n’ont pas été élargies, loin de là. Le monde est gouverné par des nations divisées qui préfèrent faire cavalier seul, privant les institutions censées garantir notre avenir des ressources et de l’autorité nécessaires pour mener leurs missions à bien. Ce sont les bailleurs de l’OMS, et non son personnel, qui ont lamentablement échoué à faire en sorte qu’elle puisse exercer son mandat vital de protection de la santé mondiale.

Plus le monde est connecté, plus il devient interdépendant. C’est le revers de la médaille,  »le Butterfly defect » de la mondialisation qui, s’il n’est pas corrigé, signifie inévitablement que nous allons être confrontés à des risques systémiques croissants et de plus en plus dangereux.

La crise financière de 2008 a été l’une des illustrations les plus frappantes de ce phénomène. L’effondrement économique a résulté de la négligence dont les autorités publiques et les experts ont fait preuve dans la gestion de la complexité croissante du système financier mondial. Il n’est pas surprenant que l’insouciance de l’élite politique et économique mondiale ait coûté cher à ses représentants dans les urnes. Faisant campagne explicitement sur l’hostilité envers la mondialisation et les experts, les populistes ont pris d’assaut le pouvoir dans de nombreux pays.

 

 

Enhardis par l’indignation du grand public, ils ont remis au goût du jour une tradition ancienne consistant à blâmer les étrangers et à tourner le dos au monde extérieur. Le président des États-Unis, en particulier, a rejeté la pensée scientifique et diffusé des fausses nouvelles, et s’est détourné des alliés traditionnels de Washington et des institutions internationales.

Le nombre de personnes infectées augmentant rapidement, la plupart des responsables politiques reconnaissent désormais le terrible coût humain et économique du Covid-19. Le pire scénario envisagé par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control) est qu’environ 160 à 210 millions d’Américains seront infectés d’ici à décembre 2020. Jusqu’à 21 millions de personnes devront être hospitalisées et entre 200.000 et 1,7 million de personnes pourraient mourir d’ici un an. Les chercheurs de l’Université de Harvard estiment que 20 à 60% de la population mondiale pourrait être infectée, et qu’entre 14 et 42 millions de personnes pourraient perdre la vie.

Le niveau de la mortalité dépendra de la rapidité avec laquelle les sociétés sauront réduire les nouvelles infections, isoler les malades et mobiliser les services de santé, et de la durée pendant laquelle les rechutes pourront être évitées et contenues. Sans vaccin, le Covid-19 restera une force perturbatrice majeure pendant des années.

La pandémie sera particulièrement préjudiciable aux communautés les plus pauvres et les plus vulnérables dans de nombreux pays, ce qui met en évidence les risques associés à l’accroissement des inégalités.

Aux États-Unis, plus de 60% de la population adulte souffre d’au moins une maladie chronique. Environ un Américain sur huit vit en dessous du seuil de pauvreté – plus des trois quarts d’entre eux ont du mal à boucler leurs fins de mois et plus de 44 millions de personnes aux États-Unis n’ont aucune couverture santé.

La situation est encore plus dramatique en Amérique latine, en Afrique et en Asie du Sud, où les systèmes de santé sont considérablement plus faibles et les gouvernements moins aptes à répondre aux défis posés par l’épidémie. Ces risques latents sont aggravés par l’incapacité de dirigeants tels que Jair Bolsonaro au Brésil ou Narendra Modi en Inde à prendre la question suffisamment au sérieux.

 

Les retombées économiques du Covid-19 seront considérables partout. La gravité de l’impact dépendra de la durée de la pandémie et de la réponse nationale et internationale qu’apporteront les gouvernements. Mais même dans le meilleur des cas, cette crise économique dépassera de loin celle de 2008 par son ampleur et son impact, entraînant des pertes qui pourraient dépasser 9 000 milliards de dollars, soit bien plus de 10% du PIB mondial.

Dans les communautés pauvres où de nombreux individus vivent à plusieurs dans une pièce prévue pour une seule personne et doivent travailler pour mettre de la nourriture sur la table, l’appel à la distanciation sociale sera très difficile, voire impossible à respecter. Dans le monde entier, alors que de plus en plus de personnes verront leurs revenus baisser, on assistera à une augmentation rapide du nombre de sans-abri et de personnes souffrant de la faim.

Aux États-Unis, un nombre record de 3,3 millions de personnes ont déjà demandé des allocations chômage ; en Europe, le chômage atteint également des niveaux record. Mais alors que dans les pays riches, un certain filet de sécurité existe encore, même s’il est trop souvent en lambeaux, les pays pauvres, eux, n’ont tout simplement pas la capacité de garantir que personne ne meure de faim.

Les chaînes d’approvisionnement sont rompues du fait de la fermeture des usines et du confinement des travailleurs ; et les consommateurs sont empêchés de voyager, de faire des achats autres qu’alimentaires ou de s’engager dans des activités sociales. Il n’y a donc pas de possibilité de relance budgétaire. Et la marge de manœuvre en matière de politique monétaire est quasiment inexistante car les taux d’intérêt sont déjà proches de zéro. Les gouvernements devraient donc s’efforcer de fournir un revenu de base à tous ceux qui en ont besoin, afin que personne ne meure de faim à cause de la crise. Alors que ce concept de revenu de base semblait utopique il y a seulement un mois, sa mise en place doit maintenant se retrouver en tête des priorités de chaque gouvernement.

L’ampleur et la férocité de la pandémie exigent des propositions audacieuses. Certains gouvernements européens ont annoncé des trains de mesures visant à éviter que leurs économies ne soient paralysées. Au Royaume-Uni, le gouvernement a accepté de couvrir 80% des salaires et des revenus des travailleurs indépendants, jusqu’à 2.500 livres (2.915 dollars) par mois, et de fournir une bouée de sauvetage aux entreprises. Aux États-Unis, une aide colossale de 2.000 milliards de dollars a été décidée, et ce n’est probablement qu’un début. Une réunion des dirigeants du G20 a également débouché sur la promesse d’un déblocage de 5.000 milliards de dollars, mais les modalités restent encore à préciser.

La pandémie marque un tournant dans les affaires nationales et mondiales. Elle met en évidence notre interdépendance et montre que lorsque des risques se présentent, nous nous tournons vers les États, et non vers le secteur privé, pour nous sauver.

 

La réaction économique et médicale sans précédent mise en œuvre dans les pays riches n’est tout simplement pas à la portée de nombreux pays en développement. Il en résulte que les conséquences seront beaucoup plus graves et durables dans les pays pauvres. Les progrès en matière de développement et de démocratie dans de nombreuses sociétés africaines, latino-américaines et asiatiques seront remis en cause. Cette pandémie mondiale aggravera considérablement non seulement les risques climatiques et autres, mais aussi les inégalités au sein des pays et entre eux.

Un plan Marshall global, avec des injections massives de fonds, est nécessaire de toute urgence pour soutenir les gouvernements et les sociétés.

Contrairement à ce qu’ont avancé certains commentateurs, la pandémie de Covid-19 ne sonne pas le glas de la mondialisation. Si les voyages et le commerce sont gelés pendant la pandémie, il y aura une contraction ou une démondialisation. Mais à plus long terme, la croissance continue des revenus en Asie, qui abrite les deux tiers de la population mondiale, signifiera probablement que les voyages, le commerce et les flux financiers reprendront leur trajectoire ascendante.

Il reste que, en termes de flux physiques, 2019 restera probablement dans l’histoire comme une période de fragmentation maximale de la chaîne d’approvisionnement. La pandémie accélérera le redéploiement de la production, renforçant une tendance à rapprocher la production des marchés qui était déjà en cours. Le développement de la robotique, de l’intelligence artificielle et de l’impression en 3D, ainsi que les attentes des clients qui souhaitent une livraison rapide de produits de plus en plus personnalisés, des politiciens désireux de ramener la production chez eux et des entreprises cherchant à minimiser le prix des machines, suppriment les avantages comparatifs des pays à faible revenu.

Ce n’est pas seulement la fabrication qui est automatisée, mais aussi les services tels que les centres d’appel et les processus administratifs qui peuvent maintenant être réalisés à moindre coût par des ordinateurs dans le sous-sol d’un siège social plutôt que par des personnes situées dans des endroits éloignés. Cela pose de profondes questions sur l’avenir du travail partout dans le monde. Il s’agit d’un défi particulier pour les pays à faible revenu qui comptent une population jeune à la recherche d’emplois. Rien qu’en Afrique 100 millions de nouveaux travailleurs devraient entrer sur le marché du travail au cours des dix prochaines années. Leurs perspectives n’étaient pas claires avant même que la pandémie ne frappe. Aujourd’hui, elles sont encore plus précaires.

À une époque où la foi en la démocratie se trouve à son plus bas niveau depuis des décennies, la détérioration des conditions économiques aura des implications profondes sur la stabilité politique et sociale. Il existe déjà un énorme fossé de confiance entre les dirigeants et les citoyens. Certains dirigeants politiques envoient des signaux contradictoires aux citoyens ; ce qui réduit encore la confiance de ceux-ci envers les autorités et « les experts ».

Ce manque de confiance peut rendre la réponse à la crise beaucoup plus difficile au niveau national, et a déjà commencé à affecter négativement la réponse mondiale à la pandémie.

Même si elles ont lancé des appels urgents à la coopération multilatérale, les Nations unies demeurent hors jeu, ayant été mises à l’écart par les grandes puissances au cours de ces dernières années. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international, qui ont promis d’injecter des milliards, voire des billions de dollars, dans l’effort international, devront intensifier leurs activités pour avoir un impact significatif.

Les villes, les entreprises et les organisations philanthropiques viennent combler le vide laissé par le manque de leadership international des États-Unis. La réaction de la Chine à la pandémie lui a permis de passer, aux yeux de l’opinion publique mondiale, du rôle de responsable de la catastrophe à celui de héros, notamment parce qu’elle a su développer son soft power en envoyant des médecins et des équipements aux pays touchés. Des chercheurs singapouriens, sud-coréens, chinois, taïwanais, italiens, français et espagnols publient et partagent activement leur expérience, notamment en accélérant les recherches sur ce qui fonctionne.

Certaines des actions les plus enthousiasmantes n’ont pas été lé fait des États. Par exemple, des réseaux de villes tels que la Conférence américaine des maires et la Ligue nationale des villes échangent rapidement des bonnes pratiques sur la manière d’empêcher la propagation des maladies infectieuses, ce qui devrait améliorer les réponses locales. La Fondation Bill et Melinda Gates a contribué à hauteur de 100 millions de dollars au développement des capacités sanitaires locales en Afrique et en Asie du Sud. Des groupes comme le Wellcome TrustSkoll, les Open Society Foundations, la Fondation des Nations unies et Google.org se sont également engagées dans le combat global contre la pandémie.

Il va sans dire que les problèmes complexes liés à la mondialisation ne seront pas résolus par des appels au nationalisme et à la fermeture des frontières. La propagation du Covid-19 doit s’accompagner d’un effort international coordonné pour trouver des vaccins, fabriquer et distribuer des fournitures médicales et, une fois la crise passée, faire en sorte que nous ne soyons plus jamais confrontés à ce qui pourrait être une maladie encore plus mortelle.

Le temps n’est pas aux récriminations, mais à de l’action. Les gouvernements nationaux et les administrations municipales, les entreprises et les citoyens ordinaires du monde entier doivent faire tout leur possible pour aplatir immédiatement la courbe de l’épidémie, en suivant l’exemple de Singapour, de la Corée du Sud, de Hongkong, de Hangzhou et de Taïwan.

Aujourd’hui plus que jamais, une réponse globale s’impose. Le G7 et les principales économies du G20 semblent à la dérive sous leur direction actuelle. Bien qu’ils aient promis d’accorder une attention particulière aux pays les plus pauvres et aux réfugiés, leur récente réunion virtuelle a été trop tardive et n’a pas débouché sur des résultats notables. Mais cela ne doit pas empêcher les autres acteurs de tout faire pour atténuer l’impact de Covid-19. En partenariat avec les pays du G20, une coalition créative de pays volontaires devrait prendre des mesures urgentes pour rétablir la confiance non seulement dans les marchés mais aussi dans les institutions mondiales.

L’Union européenne, la Chine et d’autres nations devront monter en puissance et diriger un effort mondial, en entraînant les États-Unis dans une réponse mondiale qui comprendra l’accélération des essais de vaccins et la garantie d’une distribution gratuite une fois qu’un vaccin et des antiviraux auront été trouvés. Les gouvernements du monde entier devront également prendre des mesures draconiennes pour investir massivement dans la santé, l’assainissement et la mise en place d’un revenu de base.

Nous finirons par surmonter cette crise. Mais trop de gens seront morts, l’économie aura été gravement touchée et la menace de pandémie subsistera. La priorité doit donc être non seulement la reprise, mais aussi la mise en place d’un mécanisme multilatéral solide visant à garantir qu’une pandémie similaire, voire pire, ne se reproduise jamais.

Aucun mur, aussi haut qu’il soit, ne suffira à empêcher la prochaine pandémie, ni d’ailleurs aucune des autres grandes menaces qui pèsent sur notre avenir. Mais ce que ces hauts murs empêcheront, c’est la circulation des technologies, des personnes, des finances et surtout des idées et de la volonté de coopération collective dont nous avons besoin pour faire face aux pandémies, au changement climatique, à la résistance aux antibiotiques, au terrorisme et aux autres menaces mondiales.

Le monde avant et après le coronavirus ne peut pas être le même. Nous devons éviter les erreurs commises au cours du 20e siècle et au début du 21e siècle en entreprenant des réformes fondamentales pour faire en sorte que nous ne soyons plus jamais confrontés à la menace de pandémies.

Si nous pouvons travailler ensemble au sein de nos pays respectifs, pour donner la priorité aux besoins de tous nos citoyens, et au niveau international pour surmonter les clivages qui ont contribué à l’intensification des menaces de pandémie, alors un nouvel ordre mondial pourrait être forgé à partir du terrible feu de cette pandémie. En apprenant à coopérer, nous aurions non seulement appris à arrêter la prochaine pandémie, mais aussi à faire face au changement climatique et à d’autres menaces fondamentales.

Le moment est venu de commencer à construire les ponts nécessaires, dans nos pays et partout dans le monde.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

La version originale de cet article a été publiée en anglais.

 

Optimisation fiscale ou fraude fiscale, c’est différent !

Optimisation fiscale  ou  fraude  fiscale c’est différent !

Grand débat sémantique autour de l’évitement  fiscale s’agit-il d’une fraude ou d’une optimisation. Dans un cas,  ce serait condamnable mais pas dans l’autre. Le résultat c’est que légal ou pas, l’optimisation aboutit au fait que des entreprise ne payent pratiquement pas grand-chose comme fiscalité sur les bénfices tandis que les PME qui n’ont pas de superstructure juridique et fiscale en payent 35%. Juridiquement l’optimalisation  fiscale  serait normal, légale et non condamnable y compris sur le plan moral à l’inverse de la fraude. La frontière est tellement mince qu’elle autorise à mettre les deux concepts dans le même sac.   L’Avocate au Barreau de Paris, spécialiste du droit pénal et du droit de la presse, Delphine Meillet  défend pourtant  la thèse que l’évasion fiscale et l’optimisation  sont deux concepts très différents. Pourtant l’objectif est bien le même : optimiser pour payer moins d’impôts. Dans un cas, on s’affranchit des règles mais dans l’autre on «  sollicite le droit » pour le contourner. La réalité,  c’est que la plupart des grandes entreprise ne payent que quelques % (autour de 3% en moyenne) sur les bénéfices quand des entreprises moins importantes en payent plus de 35%. Certaines multinationales comme Nike ne payent même rien du tout ni aux Etats-Unis ni aux Pays –bas (Pays européen qui constitue aussi un véritable paradis fiscal comme encore le Luxembourg).  On a évidemment du mal à adhérer à la distinction sémantique de l’avocate : « Hier les Panama Papers. Aujourd’hui les Paradise Papers. Le nom est quasiment le même, le dossier est porté par les mêmes journalistes, le traitement par la presse est à l’identique… L’un et l’autre, portés par le même consortium international de journalistes d’investigation, n’ont pourtant rien à voir. D’un côté un système massif de fraude fiscale ; de l’autre, des opérations fiscales déclarées et légales. D’un côté, des chefs d’Etat et des chefs d’entreprise impliqués dans des opérations d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent et de l’autre des entreprises à la réussite exceptionnelle, la reine d’Angleterre, Shakira… et Bernard Arnault en tête de proue. Il ne faut pas être un expert de la fiscalité internationale pour comprendre qu’il y a un gouffre entre ces deux “scandales”, que rien ne relie. » L’avocate défend évidemment ses client, c’est son métier. Reste que l’optimisation priverait la France d’environ 20 milliards d’après des économistes de l’université des Nations-Unis. (La fraude totale pouvant se chiffrer à 50 ou 60 milliards).

Optimisation fiscale et évasion fiscale c’est différent ! (Delphine Meillet, avocate)

Optimisation fiscale et évasion fiscale c’est différent ! (Delphine Meillet, avocate)

L’Avocate au Barreau de Paris, spécialiste du droit pénal et du droit de la presse, Delphine Meillet  défend la thèse que l’évasion fiscale et l’optimisation  sont deux concepts très différents. Pourtant l’objectif est bien le même : optimiser pour payer moins d’impôts. Dans un cas, on s’affranchit des règles mais dans l’autre on «  sollicite le droit » pour le contourner. La réalité c’est que la plupart des grandes entreprise ne payent que quelques % sur les bénéfices quand des entreprises moins importantes en payent plus de 30%. Certaines multinationales comme Nike ne payent même rien du tout ni aux Etats-Unis ni aux Pays –bas (Pays européen qui constitue aussi un véritable paradis fiscal comme encore le Luxembourg).  On a évidemment du mal à adhérer à la distinction sémantique de l’avocate : « Hier les Panama Papers. Aujourd’hui les Paradise Papers. Le nom est quasiment le même, le dossier est porté par les mêmes journalistes, le traitement par la presse est à l’identique… L’un et l’autre, portés par le même consortium international de journalistes d’investigation, n’ont pourtant rien à voir. D’un côté un système massif de fraude fiscale ; de l’autre, des opérations fiscales déclarées et légales. D’un côté, des chefs d’Etat et des chefs d’entreprise impliqués dans des opérations d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent et de l’autre des entreprises à la réussite exceptionnelle, la reine d’Angleterre, Shakira… et Bernard Arnault en tête de proue. Il ne faut pas être un expert de la fiscalité internationale pour comprendre qu’il y a un gouffre entre ces deux “scandales”, que rien ne relie. »




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