Santé: Les progrès des diagnostics précoces et de la médecine de précision
Un papier de la Tribune évoque les progrès des diagnostics précoces et de la médecine de précision .
Les marqueurs biologiques, cellulaires et génétiques, la recherche médicale s’oriente vers une pratique de précision. Ces signatures biologiques permettent de diagnostiquer plus tôt, d’adapter les traitements plus finement et de mieux comprendre comment fonctionnent les maladies.
Entre la fiabilité des tests Covid et l’identification du type de variants, la crise sanitaire a montré que la médecine identifie de mieux en mieux la signature biologique d’une maladie. Au-delà de la nomenclature du XXe siècle où presque toutes les affections respiratoires étaient une angine ou une grippe, elle a aujourd’hui les moyens de vérifier de quoi souffre exactement un patient. En comprenant mieux le langage biologique des maladies, elle sait repérer ses signatures et comprendre la façon dont elles affectent nos organismes. Par exemple, en février dernier, la startup Ziwig (Lyon) a présenté le premier test salivaire pour détecter l’endométriose, une maladie mal connue qui touche près de 10% des femmes.
Biologiques, génétiques ou cellulaires, le terme « marqueur » est entré dans le vocabulaire médical. Ces signatures sont comme des indices qui permettent de diagnostiquer au plus près la pathologie qui affecte le patient. Elles aident aussi les chercheurs à comprendre comment la maladie fonctionne et menace l’organisme pour trouver les bons moyens de la soigner. Chaque année, les chercheurs et les biotechs découvrent de nouveaux marqueurs qui mènent soignants et pharmas vers une médecine de précision.
En oncologie, cette multiplication des marqueurs modifie peu à peu la façon de soigner. On ne traite plus seulement le cancer en fonction de l’organe touché, mais suivant les mutations que présente la tumeur initiale. « En suivant les marqueurs au plus près, on va de plus en plus loin dans la compréhension des cancers et de la façon dont elles se développent, affirme le Pr Steven Le Gouill, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie à Paris. Certains marqueurs donnent une idée de l’agressivité de la maladie et d’autres donnent des informations sur la manière dont elle répondra au traitement. Combiner différents marqueurs donne une approche complète et précise qui permet de développer des algorithmes médicaux. »
Prévoir la réaction de la maladie au traitement, c’est déjà le cas dans les cancers du sein, du colon et du mélanome. Bientôt, ce sera aussi possible pour un des cancers les plus mortels : celui du pancréas. Fin 2019, le diagnostic GemciTest® de la biotech Acobiom a reçu le marquage CE. Ce test prédit la réponse de la tumeur à la Gemcitabine (chimiothérapie) en fonction de la spécificité de son cancer du pancréas et Acobiom lancera bientôt les démarches en vue de son remboursement. . « Le traitement des données issues d’expériences de biologie et de séquençage par bio-informatique et bio-statistique permet d’identifier de nouveaux marqueurs et de prédire le pronostic vital ou la réussite d’un traitement, confirme Philippe Outrebon, responsable financier chez Acobiom. En 1999, nous avons commencé avec quelques dizaines de milliers de données à traiter en bio informatique, mais avec le séquençage haut-débit, nous en analysons des dizaines de millions aujourd’hui. »
« Le traitement des données issues d’expériences de biologie et de séquençage par informatique permet le développement de statistiques pour prédire le pronostic vital ou la réussite d’un traitement, confirme Philippe Outrebon, responsable financier chez Acobiom. En 1999, nous avons commencé avec quelques dizaines de milliers de données en bio informatique, mais avec la multiplication des marqueurs, nous en analysions des dizaines de millions aujourd’hui. »
Au-delà des chimiothérapies, les traitements par immunothérapie fonctionnent aussi plus ou moins bien suivant les patients et les mutations cancéreuses. Lors de la dernière grande rencontre internationale de l’oncologie ASCO à Chicago, le Dr Arthur Daban de l’Hôpital européen Georges-Pompidou a montré que la présence d’auto-anticorps dans le sang des patients est associée à davantage d’effets secondaires quand ils entrent en immunothérapie. Pour les labos pharma, ces pronostics de réussite ou d’effets secondaires à leurs traitements est une aubaine. Mieux prescrits, ces traitements pourraient améliorer leur efficacité avec une meilleure maîtrise des risques d’effets secondaires.
Autour de l’oncologie, d’autres innovations permettent aussi d’améliorer l’état des patients soumis aux chimiothérapies. Pour notre pionnière de la médecine microbiome MaaT Pharma, les années Covid ont été celles du lancement de la production industrielle de leur premier traitement : le MaaT013. Ce traitement vise à restaurer le microbiome – la flore intestinale – des patients atteints de complications suite à une greffe de cellule souche dans le traitement de certains cancers du sang comme les leucémies. Sans être encore autorisé, MaaT013 est utilisé dans différents pays dans le cadre de la médecine compassionnelle.
« Dans la mesure où le microbiome est partenaire du système immunitaire qu’il entraîne, son altération fait baisser les défenses immunitaires des patients, explique Hervé Affagard, CEO et co-fondateur de la biotech. Comme d’autres signatures biologiques, le microbiome est un marqueur propre à chaque patient, son analyse pourra sans doute bientôt permettre de prédire le risque de complications pour les patients soumis aux traitements par chimiothérapie ou immunothérapie. »
Dans un autre registre et avec un organe complexe à étudier, on attend beaucoup de la recherche de biomarqueurs permettant de diagnostiquer des maladies du cerveau. En 2020, des chercheurs de l’Université de Lausanne (Suisse) ont identifié deux biomarqueurs de la schizophrénie. Présents dans le sang, ces indices biologiques ont permis de différencier deux types de schizophrénie qui permettra peut-être de développer des traitements spécifiques et mieux adaptés. En 2019, une forme de démence aux symptômes proches de la maladie d’Alzheimer a été découverte aux États-Unis. Appelée Late, elle implique l’accumulation d’une forme anormale de la protéine TDP-43 dans les neurones. Dans ce cas, une définition plus précise de la maladie pourra améliorer la conception de traitements adaptés.
Enfin, pendant les années Covid, l’imagerie médicale assistée par ordinateur a aussi fait beaucoup de progrès. Contrairement à d’autres projets biotech, elle n’a pas souffert de la difficulté à recruter des patients confinés et inquiets alors que les hôpitaux étaient saturés. Avec l’imagerie, les marqueurs visuels et leur traitement informatique permettent d’affiner le diagnostic, mais surtout d’automatiser des tâches simples et répétitives. Afin de concentrer l’expertise médicale sur des dossiers complexes. En 2020, le logiciel d’aide au diagnostic Breast-SlimView de la start-up française Hera-Mi (Nantes) a commencé à assister la lecture des mammographies dans le cadre du dépistage des cancers du sein. Une aide au diagnostic qui écarte plus rapidement les cas non problématiques pour concentrer le radiologue sur les clichés suspects.
Dans le même état d’esprit, AZmed a été récompensée d’un trophée lors de l’exposition Santexpo 2021. Là encore, son logiciel Rayvolve est capable de détecter tous types de fractures sur une radiographie standard. Rapide et fiable, ce diagnostic informatique permet aux médecins de passer moins de temps sur ces études rébarbatives. Cette fois, c’est l’automatisation des techmed qui permet à l’expertise médicale de consacrer plus de temps aux cas complexes, toujours pour pratiquer une médecine de précision. Selon les études de Research and Market, le marché mondial des logiciels d’imagerie médicale en termes de revenus devrait croître à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de plus de 7% au cours de la période 2020-2026.